Jensen, Adolf Ellegard (1899-1965)
Adolf Ellegard Jensen (1899-1965), disciple majeur du légendaire Leo Frobenius (1873-1938), compte lui-même parmi les anthropologues allemands les plus influents de son temps et au-delà. Son activité intellectuelle concerne surtout les domaines du religieux, du mythe et du rite, en particulier le sacrifice du dieu ou de ses représentants végétaux, animaux et humains. Après avoir combattu pendant la Première Guerre mondiale, il fait des études universitaires en sciences naturelles et philosophie dans sa ville natale de Kiel, puis à Bonn, où il obtient son doctorat en 1922. C’est un an après qu’il rencontre Frobenius, dont les thèses de morphologie culturelle l’influencent de manière décisive, le poussant vers la reconstitution d’anciens cercles culturels (Kulturkreise) et de leurs spiritualités respectives. Devenu ethnologue et membre distingué de l’Institut für Kulturmorphologie (Institut de morphologie culturelle, devenu Frobenius Institut), il participe à plusieurs expéditions ethnographiques, en Afrique du Sud, en Éthiopie du Sud et dans les Moluques. Ce sont surtout les matériaux rapportés de ces îles indonésiennes – en articulation avec d’autres sources, dont les travaux de l’ethnologue suisse Paul Wirz (1892-1955) sur les Marind-Anim de Nouvelle-Guinée – qu’il met à profit pour le développement de concepts originaux. Le plus saillant en est celui de divinité-dema (inspiré d’êtres mythiques homonymes chez les Marind-Anim), pour faire référence à des dieux fondateurs dont le démembrement du corps permet de féconder la terre et d’en tirer les fruits, dans le cadre d’une vaste configuration agricole archaïque, qui laisse ses traces aussi dans l’Antiquité païenne et dans l’Inde védique. Ostracisé pendant le IIIe Reich, en raison de son mariage avec une femme juive et de son refus de collaborer avec le régime, il se voit forcé, en 1940, de quitter son poste à l’université de Francfort pour intégrer les rangs de la Wehrmacht comme simple soldat. C’est après la Seconde Guerre mondiale qu’il assume la direction et du Frobenius Institut et du Museum für Völkerkunde (Musée d’ethnologie) de Francfort. Entre 1947 et 1954, il est aussi à la tête du renouveau de la Deutsche Gesellschaft für Völkerkunde (Société d’ethnologie allemande) et entreprend alors de nouvelles missions sur le terrain, en particulier en Ethiopie. L’ouvrage le plus connu de Jensen est Mythos und Kult bei Naturvölkern, de 1951, traduit en français en 1954 (Mythes et cultes chez les peuples primitifs), et en anglais en 1963. Très critiqué dès les années 1960 et largement discrédité aujourd’hui pour ses bricolages ethnographiques et ses extrapolations, Jensen exerça une influence considérable sur des antiquisants qui appliquèrent notamment son concept de divinité-dema.
Mots-clés : Anthropologie culturelle | Diffusionnisme | XXe siècle | Allemagne | Éthiopie | Moluques | Comparatisme | Mythologie | Religion | Dieu qui meurt | Cercles culturels/cycles culturels | Rites agricoles | Antiquité classique et orientale | Leo Frobenius
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“The Killed God and His Killing Rituals. The Leitmotif of Adolf E. Jensen”
Bernhard Streck, 2018
When anthropology is said to create its own sources, the historian of written sources feels it to be a deficit, and the credibility of anthropological data is perceived as being correspondingly suspect among philologists. Anthropologists, on the other hand, often see the need to create fixed (…)
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“Of Phallic Stele, Heroes and Ancient Cultures. Adolf Ellegard Jensen’s Research in Southern Ethiopia”
Sophia Thubauville, 2020
Adolf Ellegard Jensen, born in northern Germany in 1899, came to social anthropology, as so many people of his time did, via detours. After serving as a soldier in World War I, he initially studied mathematics, natural sciences and philosophy. In 1923, immediately following his (…)
Sources secondaires
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