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Encyclopédie internationale
des histoires de l’anthropologie

Entre érudition, archéologie et folklore. Parcours de Jules Momméja (1854-1928)

Véronique Moulinié

IIAC-LAHIC, CNRS, Paris

2008
Pour citer cet article

Moulinié, Véronique, 2008. « Entre érudition, archéologie et folklore. Parcours de Jules Momméja (1854-1928) », in Bérose - Encyclopédie internationale des histoires de l'anthropologie, Paris.

URL Bérose : article77.html

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Publié dans le cadre du thème de recherche « Réseaux, revues et sociétés savantes en France et en Europe (1870-1920) », dirigé par Claudie Voisenat (Ministère de la Culture, Héritages) et Jean-Christophe Monferran (CNRS, Héritages).

Pierre Jules Momméja naît le 13 août 1854 à Caussade, dans le Tarn-et-Garonne, au sein d’une famille de propriétaires terriens, de confession protestante. Elève au Collège de Caussade, il poursuit ses études au lycée de Montauban, où il obtient le baccalauréat. Là s’arrête pour lui l’apprentissage scolaire ; l’essentiel de sa formation provient d’autres sources, de son milieu, de ses lectures et de la fréquentation des érudits locaux, archéologues et préhistoriens. Sans être riche, sa famille semble suffisamment aisée pour lui permettre de s’adonner à sa passion de l’histoire locale, sans trop se soucier d’un emploi. Sa carrière débute très tôt. Il a dix-sept ans lorsque paraît son premier travail, dans Le Républicain du Tarn-et-Garonne, « Géologie locale. La grotte de Mayellon », qui lui ouvre les portes de l’érudition locale et lui vaut d’être nommé, l’année suivante, membre de la Société Archéologique du Tarn-et-Garonne. Il fait quelques voyages en Italie, en Grèce, en Angleterre, soutenu dans ses projets par différentes sociétés savantes qui accueillent avec bienveillance ce jeune archéologue prometteur.

Sa notoriété dépasse peu à peu le cadre de sa région. Membre de la Société Française d’Archéologie, il se voit chargé d’organiser la 68° session de son Congrès, qui a lieu à Agen et Auch, en 1901. Il devient, en 1905, membre du « Comité des sites et Monuments pittoresques », auprès du Touring Club de France, année où le Dictionnaire Géographique et Administratif de la France de Joanne lui ouvre ses colonnes. Il obtient même une certaine reconnaissance parisienne, ponctuée de quelques titres honorifiques. Correspondant de la Commission des Monuments Historiques, correspondant puis officier du Ministère de l’Instruction Publique, ses notes sont lues au cours des séances de l’Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres et de la Sorbonne.

Avec la notoriété, viennent enfin les emplois rémunérés. En 1885, il se voit confier le soin de réaliser un inventaire des dessins d’Ingres, puis en 1892, celui de réaliser une biographie du peintre. Ce qui lui vaut d’être nommé, en 1898, conservateur du musée d’Agen. Sans délaisser l’archéologie, il s’installe alors dans une carrière de critique d’art, suffisamment reconnu pour que les revues L’art et La Gazette des Beaux-Arts lui commandent plusieurs articles payés.

Si l’archéologie et la critique d’art lui valent quelque reconnaissance, il se consacre aussi au folklore, consignant chants, superstitions, légendes historiques..., dessinant coiffes et éléments architecturaux. Une activité qui l’accompagnera durant toute sa vie mais avec discrétion puisqu’il ne publiera guère d’articles de folklore.

Lorsqu’il abandonne le musée, en 1917, il se retire à Moissac, la plume à la main, s’accommodant parfaitement de cette image de vieil érudit misanthrope et affairé, toujours prêt, pourtant, à servir l’histoire locale, qu’il n’a cessé de cultiver. Il meurt en 1928.

Un folkloriste discret

S’il doit sa relative notoriété à l’archéologie et à la critique d’art, Momméja s’est aussi intéressé au folklore. Un intérêt qui puise à diverses sources. D’une part, partageant une sorte de théorie des survivances selon laquelle la tradition serait le « vivant fossile » de très anciennes coutumes, Momméja trouve d’abord là un moyen supplémentaire pour « faire parler les pierres ». Le folklore au secours de l’archéologie en somme. D’autre part, Momméja, pétri de nostalgie à l’égard de la société de son enfance, est convaincu qu’il est le dernier témoin d’un monde qui meurt, que cette fin du XIX° siècle court à sa perte, dévorée par le progrès. En dernier lieu, son travail de folkloriste s’apparente également à un travail biographique, prolongeant l’oeuvre de son père et de son grand-père qui consignait déjà les chansons populaires, mais également sorte de chronique d’une famille de propriétaires terriens en cette fin de XIX° siècle. En effet, Momméja ne sera jamais l’homme des questionnaires, des enquêtes d’envergure. C’est au contraire dans l’intimité de son foyer, au coeur de son quotidien qu’il mène l’enquête, consignant les moindres faits et dires de sa maison de Monteils, les travaux et les jours, notant soigneusement les remarques de ses métayers, relevant les réparties des membres de sa famille, les conversations de ses voisins. Ses informateurs ne sont autres que ses proches, parents et employés, son terrain se limite aux lieux qu’il fréquente au quotidien, son Caussadais natal. En somme, une sorte d’écriture de soi avec, en toile de fond, le folklore.

Il n’est pas exagéré d’affirmer que cet intérêt a accompagné Momméja tout au long de sa vie. On est alors étonné de constater que l’essentiel de son travail est resté à l’état de manuscrits, les rares publications étant réservées à la presse locale. Un silence étonnant pour un ami d’Antonin Perbosc, avec lequel il correspondra pendant plus de trente ans, pour un membre du Félibre Rouge qui appelait de ses voeux, au début des années 1890, une renaissance littéraire et artistique du Midi. Mais un silence prudent qui s’explique sans doute par la présence de Jean-François Bladé qui, pour être ami de la famille Momméja, n’était pas prêt à supporter la moindre concurrence sur son terrain de prédilection.

La première Guerre Mondiale va modifier radicalement l’attitude de Momméja à l’égard du folklore. Légitimant son patient et discret travail de collecte, le Ministère de l’Instruction Publique appelle à la « collecte de la tradition orale pendant la guerre ». Demande à laquelle Momméja répond avec le plus grand zèle, décrivant scrupuleusement le quotidien de l’arrière mais consignant également ses souvenirs, toutes ces « vieilles histoires des collines » qu’il a patiemment recueillies. Conscient désormais que ces notes de folklore sont des « sujets de haute actualité », Momméja se lance alors au lendemain de la guerre, dans un important travail de réécriture, mettant à profit les fruits de sa collecte, notes et croquis, aux fins de publications. Les Cahiers noirs, Les pierres du gué, les Chants populaires du Caussadais et plusieurs contes devaient voir le jour. Seuls deux contes paraîtront, quelques mois après sa mort.

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