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Encyclopédie internationale
des histoires de l’anthropologie

Correspondance de René-François Le Men à Théodore Hersart de la Villemarqué (1873-1880)

Éditées par Fañch Postic

2015
Référence complète

Correspondance de René-François Le Men à Théodore Hersart de la Villemarqué 1873-1880, éditées par Fañch Postic, 2015, in Bérose, encyclopédie internationale des histoires de l’anthropologie, Paris.

Lettre 1

Quimper le 19 juin 1873

Monsieur,
Veuillez, je vous prie, ne pas attribuer à d’autres qu’au déplorable état de ma santé, le retard que j’ai mis à répondre à votre aimable lettre. J’ai su par M. de Blois [1] que vous assistiez à la dernière réunion de la Société archéologique [2], où il m’a été impossible de me rendre. Je le regrette d’autant plus que j’aurais vivement désiré d’avoir avec vous un entretien, et de vous donner sur les choses et les gens, quelques détails qui vous auraient expliqué la cause véritable de certains faits que vous connaissez.
J’ai complètement rompu avec Luzel, et je lui ai formellement déclaré, que je ne voulais plus avoir de rapports avec lui, à l’avenir. Cet homme m’a trompé pendant longtemps, mais j’ai fini par découvrir un peu tard, malheureusement, que la franchise et la loyauté, ne sont pas ses qualités dominantes.
Depuis long-temps je n’ai plus de relations avec d’Arbois [3]. Aussi ai-je été surpris de recevoir dernièrement de lui, une brochure sur le Tribut de Nominoe [4] [souligné], qu’il suppose, je pense, être un chef-d’œuvre de critique littéraire, car il paraît qu’il l’a répandue un peu partout. J’ai lu ce travail, et je vous déclare que dans mon opinion, c’est tout autre chose. Il n’y a pas dans ce travail un argument qui ne soit absolument faux, et qui ne révèle chez son auteur une ignorance complète de la langue bretonne armoricaine, et des dialectes bretons de l’île. Il serait utile dans l’intérêt de la vérité et de la justice, de faire une réponse à ce travail. Je l’aurais faite depuis longtemps, si je n’en avais été empêché par ma position de collègue de M. d’Arbois. J’ai dû, à mon grand regret, me borner à dire ce que j’en pense dans une longue lettre à M. Gaidoz.
Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de mes sentiments dévoués.
R. F. Le Men

[Archives La Villemarqué, pièce 4.18]


Lettre 2

Quimper le 3 août 1876

Mon cher Président,
Audran [5] a du vous parler de la lettre que je lui ai écrite lundi et ou je lui fais connaître les agissements de M. du Chatellier [6].
La découverte du poste gallo-romain de Tronoen a été faite par les fermiers. M. du Chatellier averti à temps, en a profité. Je parle du fils du Chatellier.
Nous avons été informé de la découverte par le Capitaine de gendarmerie Quentin de Kercadio [7], qui s’intéresse beaucoup aux études archéologiques, et qui en avait reçu avis par le maréchal des logis de Pont l’abbé.
Vous savez que nous avons été sur les lieux et que nous sommes arrivés à point nommé pour recueillir un assez grand [nombre] d’objets.
Sur les entrefaites est arrivé M. du Chatellier père [8], qui a été furieux que nous ayons troublé son fils dans les fouilles de Tronoen.
D’après une lettre que le maréchal des logis de Pont l’abbé vient d’écrire à son capitaine, il paraît que M. du Chatelier a voulu l’intimider en lui reprochant de nous avoir accompagné sur le terrain des fouilles. Il prétend que nous nous sommes bien aventurés en entravant ses entreprises.
Il n’est pas possible que nous, Société archéologique, nous supportions plus longtemps l’impudence de M. du Chatellier.
Je désire donc pour que les choses soient bien établies, qu’il y ait une réunion de la Société le plus tôt possible, et je l’espère dans un des premiers jours de la semaine prochaine.
Je vous prie Monsieur le Président de vouloir bien m’écrire à ce sujet, afin que je puisse convoquer la Société.
Votre tout dévoué secrétaire.
R. F. Le Men

[Archives La Villemarqué, pièce 30.47]


Lettre 3

Quimper le 30 octobre 1876

Monsieur le Président,
M. Malen [9] m’a remis hier le procès-verbal de la séance de samedi. Ce procès-verbal dans lequel quelques lignes seulement sont consacrées à l’affaire Duchatellier, n’a pas paru assez développé à M. de Montifault [10] et à quelques autres membres qui assistaient à la réunion. Je l’ai donc remis hier soir à M. de Montifault qui a rédigé, en collaboration avec quelques autres sociétaires, le procès-verbal dont je vous envoie ci-joint une copie.
Je vous prie de vouloir bien faire en marge les corrections et additions que vous croirez nécessaires, et de me l’adresser, sans le moindre retard, car il faut que ce procès-verbal soit imprimé et distribué de suite. Or je ne puis disposer que de quelques jours pour surveiller cette impression, puisqu’aussitôt que je serai rétabli, il me faudra partir pour Morlaix et pour Quimperlé.
Ayez, je vous prie, l’obligeance de mettre sur une feuille séparée, une note détaillée, sur les fragments de vitraux et l’ardoise que vous avez donnés au Musée [11].
Veuillez aussi me dire de quelle chapelle M. de Brémond [12] a parlé à la séance. M. Malen qui est très-sourd n’a compris que bien imparfaitement ce qui s’y est dit.
Veuillez me croire, Monsieur le Président, votre bien dévoué,
R. F. Le Men
secrétaire de la Société archéologique.

P.S.- Audran ferait bien de préparer de suite sa notice sur Rédéné, en l’abrégeant, car telle qu’elle est elle m’a paru beaucoup trop longue [13].

[Archives La Villemarqué, pièce 30.46]


Lettre 4

Quimper le 28 novembre 1876

Monsieur le Président,
À la séance du 19 août, un vote relatif à certains agissements de M. Duchatellier, a été ajourné sur votre demande. Il est de mon devoir de vous informer que si j’avais été présent à la réunion, j’aurais insisté pour que le vote eût lieu immédiatement. Les procédés « odieux » auxquels M. Duchatellier a recours pour satisfaire ses fantaisies trop personnelles, n’exigent pas un long examen pour être jugés.
Si l’état de ma santé m’avait permis d’assister à la réunion d’aujourd’hui, dans laquelle aura lieu, je l’espère, le vote ajourné à la dernière séance, j’aurais sans la moindre hésitation voté pour que M. Duchatellier soit rayé de la liste des membres de la Société archéologique du Finistère.
J’ajouterai, Monsieur le Président, que si, contrairement à toutes probabilités, la majorité des votants se trouvait du côté de M. Duchatellier, je n’attendrais pas une heure pour vous adresser ma démission de membre de la Société.
Je crois devoir, Monsieur le Président, joindre à ces observations, l’extrait suivant d’une lettre que mon collègue M. de Montifault, vient de m’adresser :
« II m’est absolument impossible d’aller demain à la séance malgré l’importance qu’elle a. J’écris un mot par le même exprès à Monsieur le Président [14]. Voyez le règlement, et s’il est possible de voter par procuration, votez pour moi pour l’expulsion de M. Duchatellier [souligné] ».
Je vous prie, Monsieur le Président de vouloir bien donner communication de ma lettre à la séance de ce jour.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de mes sentiments les plus respectueux.
R.F. Le Men
secrétaire de la Société.

[Archives La Villemarqué, pièce 30.62]


Lettre 5

Quimper le 6 juillet 1877

Cher Monsieur,
J’attends pour commencer le procès verbal de la séance du 30 juin la note que vous m’avez promise au sujet de vos observations sur l’article de M. Le Doze [15]. Je vais expédier très prochainement aux membres de la société un bulletin contenant deux feuilles.
Voici les demandes qu’il y a lieu d’adresser cette année au préfet, pour le Musée archéologique, en vue de la prochaine réunion du Conseil général.
1° La subvention ordinaire de 500 francs accordée par le Conseil général à la Société archéologique.
2° Une allocation de 438 francs, pour une vitrine plate longue de 4 mètres large d’un mètre 5 centimètres et haute d’un mètre 20 centimètres. Cette somme de 438 francs se répartit ainsi :
Menuiserie et teinte à l’huile 190 francs
Peinture 28f.50c
Vitrerie 152.50
Serrures 40.
Charnières 27.
somme égale 438.00
Cette vitrine serait très utile pour placer dans le corps du haut des collections d’objets divers, et dans le corps du bas des objets de grandes dimensions, qu’on ne peut mettre dans les vitrines déjà faites, et qu’il faut renfermer dans des armoires où le public ne les voit pas.
3° La société archéologique a fait l’acquisition de beaux panneaux sculptés de la Renaissance, qui lui ont coûté fort cher. Une somme de 140 francs serait nécessaire pour construire une sorte d’armoire ou de buffet, dont ces panneaux formeraient les portes, qui seraient au nombre de neuf.
Je vous prie, cher Monsieur de vouloir bien adresser ces diverses demandes au préfet, sans le moindre retard, et si c’est possible le jour que vous recevrez cette lettre, car je crois qu’il doit arrêter son budget le 10 de ce mois.
Vous m’avez dit que vous aviez l’intention de donner au Musée d’anciens panneaux sculptés [16]. Ce serait le moment de les envoyer, car ils pourraient entrer dans la composition du meuble que j’ai projeté, et qui sera fait prochainement, soit que le conseil accorde l’allocation demandée soit qu’il la refuse. Le plus simple serait de les mettre avec du foin dans une vieille caisse et de me les adresser par le chemin de fer petite vitesse.
N’oubliez pas je vous prie la note Le Doze. Je compte bien vous voir ici jeudi prochain, et vous prie de me croire votre tout dévoué
R.F. Le Men

P.S. Audran ne peut manquer de vous accompagner ici jeudi.

[Archives La Villemarqué, pièce 16.6]


Lettre 6

Quimper le 17 janvier 1878

Monsieur le Président,
Voici bientôt quatre mois que nous n’avons eu de réunion [17]. Il est à désirer que nous en ayons une soit le 26 janvier, soit le 2 février. J’ai écrit il y a quelques jours à Audran, pour le prier de vous demander votre avis à ce sujet ; il ne m’a pas encore répondu.
Comme nous sommes déjà bien en retard, ayez je vous prie, l’obligeance de m’informer par le retour du courrier [souligné], si les dates indiquées ci-dessus vous conviennent pour une réunion et de me dire ce que vous avez à mettre à l’ordre du jour. Pour moi, je lirai à la séance, un assez long article sur Tronoen et ses antiquités [18] [souligné].
Si vous pouvez me répondre dès la réception de cette lettre, peut-être serai-je assez tôt pour faire imprimer la couverture du bulletin samedi ou dimanche et convoquer la Société pour le 26 janvier. Dans le cas contraire il faudrait remettre la réunion au 2 février.
J’ai été très souffrant cet hiver. J’allais mieux depuis une quinzaine de jours mais aujourd’hui j’ai été pris d’une assez vive douleur à la jambe droite.
Si vous voyez Monsieur de la Villemarqué de Nizon [19], ayez je vous prie, l’obligeance de lui dire que la Monographie de la cathédrale de Quimper [20] a paru. Il avait je crois le désir de l’acheter.
J’espère qu’aucun obstacle ne vous empêchera d’assister à notre prochaine réunion dans laquelle on aura, je pense, à statuer sur la nouvelle demande de M. Duchatellier.
Dans cet espoir, je vous prie de me croire Monsieur et cher Président, votre bien dévoué serviteur.
R. F. Le Men

[Archives La Villemarqué, pièce 16.7]


Lettre 7

Quimper le 23 janvier 1878

Monsieur et cher Président,
Je vous ai écrit jeudi dernier pour vous prier de me dire, par le retour du courrier, si cela était en votre pouvoir, la date qu’il fallait assigner à notre prochaine réunion. Votre réponse ne m’étant parvenue que dans la soirée de dimanche, il était alors trop tard pour convoquer les sociétaires pour samedi, 26 de ce mois. Mais on pourrait faire cette convocation pour le samedi 2 février, jour de la Chandeleur.
Ayez donc, je vous prie, l’obligeance de me faire savoir demain jeudi, ou vendredi au plus tard, si vous ne voyez pas d’empêchement à fixer la séance de la Société ce jour-là. M. de Brémond m’écrit que si la réunion a lieu à cette date, il pourra très probablement y assister.
Je vous aurais écrit plus tôt à ce sujet, mais cela m’a été impossible parce que, à peine remis d’une attaque qui m’a duré un mois, j’ai été repris vendredi de douleurs accompagnées de fièvre violente. Je crains bien qu’il me faille encore quelques jours pour me débarrasser de ces hôtes incommodes.
Au milieu de ces misères, j’ai éprouvé une consolation qui les rend moins désagréables. Le Ministre de l’Instruction publique vient en effet, de m’informer que par arrêté du 31 décembre, il avait souscrit à 50 exemplaires de la Monographie de la cathédrale de Quimper. Je vous dirai de plus, mais sans vouloir établir aucune corrélation entre les deux nouvelles, que, d’après l’avis de quelques-uns de mes amis, j’ai envoyé, quelques jours avant la fin de l’année dernière, mon travail à l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, pour le concours des Antiquités nationales. Mais ici je ne me fais aucune illusion ; j’ai trop peu d’appui à l’Académie, pour pouvoir compter sur un succès.
Vous devez bien vous apercevoir que cette écriture n’est pas la mienne ; j’ai les deux bras pris, et tout ce que je peux faire est de signer, en vous priant de me croire votre dévoué serviteur.
R. F. Le Men

[Archives La Villemarqué, pièce 16.8]


Lettre 8

Quimper le 6 février 1878

Monsieur et cher Président,
J’ai mis hier à la poste à votre adresse un paquet contenant douze exemplaires de chacun de vos deux articles [21]. Vous recevrez en même temps que cette lettre les épreuves de votre dernière communication qui ne pourra être mise en page que lorsque mon article sur Tronoen sera composé.
Je vous adresse aussi avec prière de les compléter, s’il y a lieu, les notes prises à la dernière séance par M. Le Maigre [22], et qu’il m’a fait remettre hier au moment de partir pour Saint Pol. Je n’y trouve aucune mention des observations faites par MM. Pavot [23] et Faty [24] sur la musique des Arabes et des Grecs.
La dernière phrase qui me concerne me paraît beaucoup trop crue. Je crains que préjuger ainsi la décision de l’Institut me serait plus nuisible qu’avantageux.
Veuillez je vous prie me renvoyer tout cela le plus tôt possible, avec la musique de votre ballade [25], si vous l’avez. Je la ferai publier si j’en trouve les moyens chez notre lithographe M. Jacob qui est fort mal outillé.
Il me semble que si l’on publie la musique il serait bon de mentionner le refrain dans le premier couplet de la ballade.
Je m’attendais à voir Audran à son retour de Pontcroix, mais il paraît qu’il ne s’est pas arrêté ici car je ne l’ai pas vu.
Gomme la santé ne me revient que très lentement je ne sais quand il me sera possible de réunir le bureau pour l’affaire Duchatellier. Je regrette que vous n’ayez pas réglé cette affaire à la dernière séance où vous étiez trois membres du bureau.
Il nous faudra au mois de mars une dernière réunion que vous viendrez, je l’espère, présider avant de partir pour Paris.
En attendant le plaisir de vous voir, je vous prie de me croire, Monsieur et cher président votre bien dévoué
R. F. Le Men

[Archives La Villemarqué, pièce 16.9]


Lettre 9

Quimper le 20 avril 1878

Monsieur et cher Président
Je vous remercie mille fois de l’empressement que vous avez mis à vous occuper de mon affaire, mais votre lettre que je reçois à l’instant me surprend et me rend fort perplexe.
J’ai reçu il y a environ 15 jours du Ministère de l’Instruction publique, un rapport de M. de Rozière [26] lu à l’Académie des Inscriptions dans sa séance du 18 janvier 1878, sur les concours [barré] ouvrages envoyés au Concours des Antiquités nationales de l’année 1877. Les conclusions de ce rapport ont été adoptées par l’Académie et trois médailles et autant de mentions honorables ont été accordées à divers ouvrages. Comme mon travail sur la cathédrale de Quimper n’y est seulement pas mentionné, j’avais pensé qu’il avait été mis au rebut, et je considérais l’affaire comme terminée en ce qui me concerne. Ce résultat ne me surprenait pas trop, parce que le rapporteur avait eu soin de dire au début de son rapport qu’on avait à peu près laissé de côté les ouvrages ayant particulièrement un intérêt local.
Aujourd’hui vous m’écrivez que vous avez parlé de mon livre à M. de Longpérier [27], qui faisait partie de la Commission dont M. de Rozière a été rapporteur dans la séance de l’Académie du 18 janvier dernier. A ce titre M. de Longpérier aurait pu vous renseigner sur les résultats du Concours en question. Mais d’après votre lettre il ne vous en aurait rien dit, et vous me laissez entendre qu’aucun jugement n’aurait encore été porté sur ma cathédrale.
Après avoir cru tout terminé, me voici donc plongé dans une incertitude dont je vous prie de vouloir bien me tirer le plus tôt possible, et même si vous le pouvez, par le retour du courrier, car je n’aime pas nourrir des fantômes. J’espère qu’il ne vous sera pas trop difficile de savoir si mon ouvrage a été compris dans le concours jugé le 18 janvier dernier ou s’il a été compris dans une autre catégorie d’ouvrages sur lesquels on n’a pas encore statué.
Tout cela est bien bizarre et il paraît que l’on n’est guère mieux renseigné sur la chose à Paris qu’à Quimper, car j’avais écrit il y a deux mois à M. de Barthélémy [28] pour lui demander la liste des membres composant la commission chargée de juger le concours auquel mon ouvrage devait prendre part, et le 22 février dernier [souligné], il m’a adressé une liste que je vous ai communiquée dans les premiers jours du mois de mars et dont M. de Rozière ne faisait pas partie.
J’espère que le Ministre de l’Instruction publique donnera encore cette année une subvention à notre société. Vous vous rappelez sans doute que nous avons eu 300 francs l’année dernière. S’il accorde davantage cette année, on ne lui sera que plus reconnaissant.
Je voudrais vous entretenir d’autres choses entre autres de l’Inventaire des richesses d’art de la France, pour laquelle le Préfet va nommer une commission (j’ai été à la préfecture pour cette affaire) [29] mais le temps me presse et je serai plus à l’aise pour vous parler de tout cela quand vous aurez fait luire quelque clarté dans mon esprit au sujet du concours en question.
Quand vous recevrez cette lettre vous aurez sans doute vu Audran qui était ici lundi. Ayez je vous prie l’obligeance de lui dire que Madame Durest-Le Bris, la femme de son ami l’avocat, est morte hier d’une péritonite après 48 heures de grandes souffrances. On l’enterre en ce moment.
Madame Henri de Chamaillard, la femme de l’ancien député, est aussi très gravement malade d’une fluxion de poitrine. Elle a été extrémisée aujourd’hui.
Recevez, cher Monsieur, toutes mes excuses pour l’ennui que je vous donne et veuillez me croire votre bien dévoué
R. F. Le Men

[Archives La Villemarqué, pièce 16.10]


Lettre 10

Quimper le 6 mai 1878

Cher Monsieur,
Je vous remercie bien sincèrement de votre lettre et des renseignements qu’elle contient, bien qu’ils ne soient pas de nature à me causer une joie bien vive. Je n’ai réellement pas lieu de me féliciter du sacrifice de temps et d’argent que j’ai fait pour la publication d’un livre qui ne m’a jusqu’ici causé que des déboires. J’étais depuis longtemps sollicité de le publier et c’est sans doute par l’effet d’un pressentiment secret que je me suis pendant plusieurs années montré rebelle à ces sollicitations. Je ne me suis rendu que lorsque l’on m’a donné l’assurance que ma bourse ne souffrirait pas de cette publication. Vous savez comment l’on a tenu les engagements que l’on avait pris envers moi à cet égard. J’ai du payer plus de deux mille francs pour l’impression, et ma situation de fortune ne me permettait pas de faire ce tort matériel à mes enfants. Je n’ai jamais de ma vie songé à thésauriser et maintenant que je regarde en arrière je vois bien combien j’aurais été sage en le faisant. J’aurais il est vrai rencontré probablement des obstacles intimes qui auraient rendu fort difficile l’exécution de ce projet, mais ce n’est plus le moment de revenir sur le passé, et je dois me borner à regretter l’imprudence que j’ai commise en publiant mon livre.
J’avais espéré obtenir une compensation aux injustices que j’ai éprouvées, en soumettant mon livre aux suffrages de l’Académie, et voici que le concours de cette année se présente dans des conditions exceptionnellement brillantes. Je sais bien que mon pauvre volume ne saurait lutter contre les gros ouvrages dont vous me parlez, mais tout petit qu’il est il représente une grande somme de temps et de travail, et je l’ai fait avec toute la conscience possible. Dans d’autres concours plus prosaïques, à côté de gros oiseaux, on en voit figurer des petits et si ces derniers présentent sous leurs minces volumes des qualités aussi appréciables que celles qu’étalent leurs gros concurrents le jury n’hésite pas à partager équitablement les primes entre les deux catégories.
Il me semble que l’on pourrait aussi me tenir quelque compte des services que j’ai déjà rendus à la science géographique. Vous n’ignorez pas dans quel état de confusion était la géographie gallo-romaine de l’extrême Armorique, il y a quelques années, confusion dont M. Bizeul [30], couronné cependant pour ses mémoires sur cette question n’avait pu la tirer. Je crois avoir fait la lumière sur les points inconnus ou controversés de notre géographie ancienne.
1° En découvrant l’emplacement de Vorganium, capitale des Osismi.
2° En déterminant à Carhaix l’emplacement de Vorgium de la carte de Peutinger, par la lecture que j’ai faite le premier de l’inscription de la borne de Maël-Carhaix.
3° En assimilant avec certitude, comme conséquence de ces deux découvertes, Brest et Castennec avec Gesocribate et Sulim.
On récompense souvent les géographes qui ont fait quelques découvertes hors de France. Il me semble que les auteurs de découvertes de ce genre faites en France pourraient avoir droit aux mêmes encouragements.
Si M. Desnoyere [31] désire avoir communication de la brochure que j’ai publiée sur mes découvertes géographiques, je serai très heureux de lui en adresser un exemplaire. Il m’en reste encore deux ou trois. Je n’ai pas besoin de vous dire que certains écrivains [souligné] qui aiment la besogne toute faite, se sont empressés de s’emparer des découvertes et des idées nouvelles que renferme ma brochure pour les faire entrer dans des tartines [souligné] sur notre géographie ancienne qui ont exigé de leur part bien peu de frais d’imagination.
Mais pour en revenir au concours académique, ne serait-il pas possible, puisqu’il est si brillant de partager chaque médaille entre deux ouvrages, de manière à permettre aux petits de ramasser quelques miettes ?
Mais en voilà assez sur ce sujet et c’est à peine s’il me reste assez de place pour vous prier de m’envoyer d’ici huit jours [souligné] si cela vous est possible les observations que vous avez faites à la dernière séance de notre société, après la lecture de ma communication sur la Révolte du papier timbré, relativement à 1° l’authenticité du code paysan, 2° le chant populaire sur cette révolte, 3° le prétendu passage des commentaires de César sur le mot Torreben [32] [souligné]. M. Pavot, qui est en tournée de révision depuis un mois m’a remis hier seulement une partie de son procès-verbal. Il faut pourtant que nous ayons une réunion prochainement. J’attends donc une lettre de vous dans quelques jours.
V.T. D. R. F. Le Men.

[Archives La Villemarqué, pièce 16.11]


Lettre 11

Quimper le 20 juin 1878

Monsieur et cher président,
Je vous remercie de votre bonne lettre dont j’aurais du vous accuser plus tôt réception. Mais depuis quelques semaines je ne me sens pas bien, non que l’état de ma santé ait empiré, au contraire, mais je suis triste et j’ai le moral affaissé. Dans une pareille situation d’esprit je ne puis pas travailler comme je le voudrais, et je ne comprends guère la vie sans le travail.
Quoiqu’il en soit il faut que nous ayons une réunion ce mois, et je viens vous demander si le samedi 29 de ce mois vous convient pour la convocation de la société [33]. Veuillez je vous prie me répondre un mot à ce sujet par le retour du courrier [souligné], et me dire si vous avez quelque chose à mettre à l’ordre du jour de la séance.
J’aurais bien voulu vous voir avant cette époque afin de vous parler d’un rapport qu’il est urgent d’adresser cette année au Conseil général pour obtenir une augmentation de la subvention accordée à la Société. J’espère que nous recevrons cette année du Ministère de l’Inst. publique la subvention qu’il nous a accordée l’année dernière. Mais elle tarde à venir, et cependant j’ai besoin d’argent car j’en ai dépensé pas mal cette année pour le Musée, ou vous trouverez quelques changements à votre prochaine visite.
Je n’ai aucune nouvelle d’Audran depuis le 15 avril. Je suppose que le charme de ses fonctions municipales [34] ne l’empêchera pas d’assister à la séance du 29 de ce mois.
En attendant le plaisir de vous voir je vous prie de me croire Monsieur et cher président votre tout dévoué
R. F. Le Men

[Archives La Villemarqué, pièce 16.12]


Lettre 12

Quimper le 13 7bre 1878

Mon cher Président,
Je veux bien convoquer la Société pour le samedi 28, de ce mois, car bien que depuis bientôt cinq semaines je sois très souffrant, j’espère pouvoir me remettre assez bien d’ici là pour assister à la réunion. Je n’ai pas grand chose à présenter ; ce sont des documents concernant la chouannerie et qui varieront un peu les communications [35].
Miln [36], dans ses fouilles à Carnac, a parlé de quelques superstitions qui se rattachent aux haches en pierre ; je crois qu’il en a aussi été question dans Mélusine. En tout cas c’est un sujet qui ne peut manquer d’intérêt.
Le Conseil général ne nous a accordé cette année que les subventions habituelles ; Audran avait demandé trop de choses. J’avais insisté pour qu’il vint ici pour traiter cette affaire, et il m’avait promis de venir, seulement il n’a pas tenu sa promesse ; sans cela je suis persuadé que le Conseil général nous aurait remboursé la valeur de la table et du coffre que le préfet nous a vendus.
En attendant le plaisir de vous voir bientôt, je vous prie de me croire, mon cher Président, votre tout dévoué
R. F. Le Men.

[Archives La Villemarqué, pièce 16.13]


Lettre 13

Quimper le 13 octobre 1878

Mon cher président
Ma santé ne vaut guère mieux en ce moment que lorsque vous m’avez vu il y a 15 jours. Je veux bien convoquer la Société pour le samedi 26 de ce mois [37] ; mais ce sera par lettre d’avis car je ne pense pas que le Bulletin puisse être prêt pour cette époque. Vous avez du recevoir les épreuves de votre travail [38]. J’ai dit hier à l’imprimerie de vous envoyer celles du procès-verbal. J’avais fait plusieurs modifications au style de l’original, mais vous trouverez sans doute qu’il est encore susceptible de plus d’une amélioration.
Je crains bien que la personne que vous me désignez comme futur secrétaire ne réponde pas à vos espérances. J’ai remarqué que chez lui tout s’en va en paroles. De toutes les promesses qu’il m’a faites jusqu’ici aucune ne s’est réalisée. J’ai du rédiger moi-même, le procès-verbal de l’avant dernière séance où il a fonctionné comme secrétaire [39].
Cependant on peut essayer et vous agirez comme vous l’entendrez. Nous n’avons pas d’ailleurs le choix, et nous pouvons au besoin nous rabattre sur notre trésorier, qui n’est pas brillant, mais qui serait au moins exact et ponctuel [40].
J’aborde une autre question intéressante. Celle des costumes bretons. J’en ai commandé six à Jacob [41], avec des recommandations particulières. Avant de m’adresser à lui je me suis abouché avec les tailleurs bretons du pays, et j’ai acquis la certitude qu’en traitant avec eux je serais volé comme dans un bois. Pour deux costumes ils me demandent six cents francs soit 300 francs le costume. Jacob me fait les six au prix de mille francs en y comprenant le chapeau et la ceinture que ne fourniront pas les tailleurs de campagne. Jacob m’affirme qu’il me fait ce travail sans grand bénéfice parce que la vitrine du Musée sera pour lui une réclame.
La question des costumes est donc réglée mais ce n’est pas tout. Il faut des mannequins, il faut des perruques, il faut des supports. C’est une somme de 3 à 400 francs qu’il nous faut trouver cet hiver. Ne pourriez vous pas en recueillir une bonne partie à Quimperlé et dans ses environs en vous adressant à M. Lorois [42] et à d’autres personnes qui doivent s’intéresser au costume breton. Tant qu’à ouvrir une liste de souscription, il faut que les premières souscriptions fassent acte de générosité, et que leur exemple entraîne dans une certaine mesure d’autres plus tièdes. Je n’ai pas besoin de vous recommander autrement cette affaire, je sais que quand vous voulez être actif, vous avez des ailes.
Pour moi qui n’ai plus ni pattes ni ailes je suis en train de me procurer une petite voiture à mécanique qui me permette de remplacer dans une certaine mesure ces utiles appendices.
J’espère que vous nous porterez à la réunion du 26 de bonnes nouvelles de la souscription en question, et que Audran en qualité de maire de Quimperlé ne peut manquer de s’y intéresser.
Je vous remercie de l’offre que me fait M. X. d’un compte-rendu de la Monographie de la cathédrale de Quimper. Il est tout à fait incompétent pour un semblable travail. La Borderie ou Ramé [43] auraient pu le faire. Mais je n’ai demandé de comptes rendus à personne et on m’en a fait à mon insu dans des revues très sérieuses. Je viens de recevoir encore à ce sujet une lettre très élogieuse de dom Piolin de l’abbaye de Solesme [44] que je ne connaissais jusqu’ici que de réputation. J’ai toujours eu horreur de la tartine, et j’aime mieux que l’on me laisse tranquille que de me frotter maladroitement l’échine. Peut-être aurai-je de vos nouvelles relativement à la souscription. En tout cas au revoir prochainement.
V. T. D. R. F. Le Men

[Archives La Villemarqué, pièce 16.14]


Lettre 14

Quimper le 4 novembre 1878

Mon cher président,
Audran que j’ai vu ici hier désire que nous ayons une réunion pour le 16 de ce mois [45]. Avant de rien faire je désire savoir si vous désirez que cela soit ainsi et dans le cas de l’affirmative si vous pourrez assister à la séance.
Veuillez je vous prie, mon cher président, me répondre demain ou après demain au plus tard, et me dire si je dois porter à l’ordre du jour, la suite de votre travail sur les haches en pierre.
J’ai reçu de Gaidoz trois exemplaires d’un tirage à part qu’il a fait d’un article sur les inscriptions de l’Irlande [46] (d’après Miss Stokes [47]). L’un de ces exemplaires vous est destiné, les autres sont pour la Société et pour moi. Je vous remettrai votre exemplaire quand vous viendrez ici.
Votre tout dévoué
R. F. Le Men

[Archives La Villemarqué, pièce 16.15]


Lettre 15

Quimper le 29 novembre 1878

Mon cher président
Je vous adresse sous ce pli une demande que j’adresse au Ministre au nom du bureau de la Société pour lui demander une subvention pour notre galerie des costumes bretons. J’ai la certitude que cette demande sera fortement appuyée par quelques uns de nos députés. Nous n’en sortirons jamais sans le secours de l’Etat.
Ayez je vous prie l’obligeance de signer cette demande, comme président de la faire signer par Audran, s’il est à Quimperlé et de me la renvoyer si c’est possible par le retour du courrier. Si Audran n’est pas à Quimperlé on se passera de sa signature. Nous n’avons en effet pas un instant à perdre, puisque le député qui soutient l’affaire, doit quitter Paris avant le 15. Or il faut que je fasse apostiller la demande ici par le maire et par le préfet. Elle ne pourra donc guère être à Paris avant le 5 et c’est un peu tard. J’espère donc que vous me la renverrez sans le moindre retard.
Je regrette que l’on n’ait pas nommé un secrétaire à la dernière séance. M. P. [48] quoiqu’il ne m’inspire pas grande confiance valait encore mieux que les autres que l’on a présentés.
J’ai reçu avis du Ministère que tout [souligné] mon dernier Coetanlem serait publié non dans la Revue des Sociétés Savantes, mais dans un volume de Mélanges de Documents inédits de l’Histoire de France [49]. C’est beaucoup d’honneur qu’on lui fait, mais je crois qu’il le mérite.
Peut-être pourrons-nous avoir une réunion pour le 28 décembre [50]. Vous avez du recevoir l’épreuve de votre travail.
Pourriez-vous me dire chez qui se trouve en Angleterre l’original du Cartulaire de Ste Croix de Quimperlé.
Votre tout dévoué
R. F. Le Men

[Archives La Villemarqué, pièce 16.5]


Lettre 16

Quimper le 25 décembre 1878

Mon cher président
Suivant nos conventions, je convoque la Société pour samedi 28 de ce mois à deux heures. Je mets à l’ordre du jour :
Nomination d’un secrétaire adjoint Le nom des haches de pierre Un enterrement dans la cathédrale Common sur le costume breton
Quoique ce soit le jour des Innocents j’espère que la Société se montrera sage dans le choix de son secrétaire. Il est impossible de compter sur M. P. [51]. On ne peut en obtenir que des promesses. Il n’a pas encore depuis la dernière séance rédigé la note qu’il devait remettre à M. Creachcadic. D’où il résulte que le procès-verbal n’est pas fait.
Je pense, et plusieurs de ces messieurs sont de mon avis, que le mieux serait de nommer l’employé du télégraphe qui connaît la sténographie et qui a été présenté par M. de Brémoy [52]. De cette manière on aura à peu près tout ce qui se dira aux séances. Il suffira d’élaguer.
Je ne sais si M. P. assistera à la prochaine séance. Sa mère a fait une chute il y a deux ou trois jours et s’est cassé le bras.
Quant à moi, je suis assez bien quoique je ne sorte guère. J’ai été aujourd’hui au Musée ; et à moins de complications imprévues j’assisterai à la séance.
J’ai vu notre député retour de Paris [53]. L’affaire de la subvention marche bien. On a promis de nous accorder tout ce que le budget permettrait de donner. Malgré cela il importe de ne pas négliger notre souscription, et il serait bien à désirer que vous puissiez réunir quelques adhésions d’ici samedi. Ce serait un encouragement pour les autres. Je n’ai aucune nouvelle d’Audran. Je dois croire qu’il est un peu piqué contre moi, mais j’ignore pour quel motif.
À l’occasion pourriez vous vous informer combien coûterait de réacoutrer un de ces lits clos formés presqu’entièrement de petits fuseaux de diverses couleurs comme j’en ai vu dans la commune d’Arzano, notamment chez un nommé Cadet, ancien maire qui a été assassiné [54].
II doit y avoir aussi dans une maison de la place St Michel [55], dont la porte est assez curieuse par les inscriptions (graffiti) de soldats du XVIIIe siècle, deux sortes de fauteuils formés de troncs d’arbres bruts et qui étaient placés dans la cheminée. Je les ai vus il y a environ 15 ans. Depuis j’ai prié Audran de les acheter pour le Musée. Mais il n’a rien fait et n’entend rien à ces sortes d’affaires. Je voudrais bien cependant avoir ces deux sièges pour la cheminée de campagne que je compte faire au Musée. Peut-être pourrez vous voir s’ils existent encore et si on veut les céder [56].
Encore un renseignement. Je me souviens qu’à la noce d’une nièce de l’abbé Henry à Mellac, qui a eu lieu il y a dix ans [57], il y avait de curieux costumes de femmes des environs de Lanvénégen, avec des boutons dans le dos [58]. Peut-on savoir exactement de quelle commune est ce costume et combien il coûterait ?
J’ai des nouvelles de Gaidoz dont la santé est toujours mauvaise. Je suis bien aise que vous lui ayez écrit, et j’ai la certitude que votre lettre lui a fait plaisir.
Donc à samedi. Votre dévoué
R. F. Le Men

[Archives La Villemarqué, pièce 16.16]


Lettre 17

Quimper le 29 décembre 1878

Mon cher président
J’ai rêvé toute la nuit du lit dont vous m’avez parlé hier. S’il est dans les conditions que je suppose, c’est-à-dire s’il représente bien ce type d’ornementation formée de rosaces et de très petits fuseaux de couleurs variées, particulier aux environs de Quimperlé, je suis d’avis que vous l’achetiez, sans plus tarder, au prix de 40 francs et même quelque chose de plus si on l’exige. Rien ne sera plus facile que de le démonter et de me l’expédier par le chemin de fer (petite vitesse). S’il était accompagné de son banc dans le même style, la chose n’en vaudrait que mieux.
Je pense que vous voudrez bien ne pas négliger les deux troncs d’arbres fauteuils dont je vous ai parlé et j’espère qu’ils n’ont pas servi à alimenter le feu dont ils ont été si longtemps les accessoires.
A propos du don de M. de Kerret [59] je ne sais pas si notre Société dans son état actuel a le droit d’accepter des donations. Je pense qu’il serait nécessaire qu’elle fut reconnue d’utilité publique. Mais le mieux est pour le moment de laisser aller les choses, nous traiterons cette affaire à la prochaine réunion.
Je cherche aussi pour le Musée un couteau en forme de faucille (Coutelcam) comme j’en ai vu à Clohars et comme il en existe à Trégourez. J’en ai parlé à Audran depuis longtemps, mais il est inutile de lui rien demander.
Peut-être M. Lorois consentirait-il à souscrire pour les costumes, et même à faire partie de la Société.
Je crois vous avoir dit que M. de Raismes [60] m’a autorisé il y a déjà longtemps à l’inscrire pour 30 francs. J’espère qu’Audran et l’abbé du Marchallach [61] souscriront chacun pour 50 francs.
Votre dévoué
R. F. Le Men

[Archives La Villemarqué, pièce 16.17]


Lettre 18

Quimper le 9 juin 1879

Monsieur et cher Président
J’ai reçu vos deux lettres qui me prouvent que votre séjour à Paris n’a pas été défavorable à votre bonne humeur. Je convoque la Société pour le samedi 14 de ce mois. Vous recevrez le bulletin demain ou après-demain. S’il est un peu en retard c’est la faute de l’Institut qui ne s’est pas souvenu que le fameux Moira de la carte de Kercadio, n’est autre que le non moins fameux lord Moira, marquis d’Hastings, qui prépara et dirigea l’expédition de Quiberon en 1795. D’où obligation, pour le pauvre secrétaire, de retaper la chose au moyen d’un carton.
J’ai à l’ordre du jour le rapport d’un faux chouan. Je sais qu’on a contesté l’existence de ces espions et peut-être pourrez-vous m’envoyer, avant la réunion, une note sur ce qui a été dit à ce sujet [62].
J’ai reçu votre livre, mais comme je n’aime pas les practical jokes accommodés à la sauce des Sept psaumes de la pénitence, je ne vous en ai rien dit.
L’accueil qu’il a reçu ne me surprend pas, il était de toute justice.
Vous ne me parlez pas de la fameuse chaire de langue celtique que l’on est en train de créer pour d’Arbois, ce qui est un véritable crève-cœur pour Gaidoz [63].
Rapportez moi, s’il vous plaît, mon dictionnaire cornique et tachez surtout de nous rapporter quelques nouveaux membres, nous en avons bien besoin.
Votre dévoué
R. F. Le Men

[Archives La Villemarqué, pièce 4.19]


Lettre 19

Quimper le 26 juin 1879

Mon cher Président,
Vous trouverez ci-inclus votre reçu du Dictionnaire Cornique.
Depuis notre dernière réunion, la vie n’a été pour moi qu’une succession de jours de souffrances. Je regrette que vous ne puissiez pas venir à nos réunions par le premier train, nous pourrions causer de bien des choses dont il est difficile de s’entretenir par lettres.
Je doute qu’Audran réussisse à faire un procès-verbal présentable de la dernière séance. Il est donc à désirer dans l’intérêt de la Société que vous fassiez appel à vos souvenirs et que vous rédigiez ce procès-verbal. MM. Pavot et Faty pourront ainsi que moi-même le compléter.
Notre secrétaire avait été convoqué régulièrement, mais par la faute du gardien il n’a pas reçu à temps sa convocation.
J’ai reçu hier de la préfecture la lettre ci-jointe à laquelle je vous serais obligé de répondre le plus tôt possible. C’est toujours moi jusqu’ici qui ai eu la corvée de ces sortes de rapports, il est temps qu’un autre s’en charge à son tour et vous pouvez voir que c’est à vous que la lettre est adressée. Au reste vous ne devez pas avoir contre ce Préfet, les objections que vous pouviez avoir contre son prédécesseur.
Pour justifier de l’emploi de la dernière subvention de 500 francs, vous pouvez citer les dépenses suivantes faites par la Société pendant l’année 1878-1879.
1° - Pour six costumes bretons 1 000 Frs
2° - Pour une table
et un coffre Renaissance 350 Frs
3° - Pour quatre coffres bahuts 300 Frs
Total 1650 Frs
La question de la chaire de philologie celtique a été, paraît-il, ajournée à l’année prochaine, ce qui donne à Gaidoz quelque espoir. Il m’annonce qu’il a fondé récemment une société de celtistes qui aura chaque année un banquet à Paris, dans le genre de la Pomme et de la Cigale [64]. Le premier banquet a eu lieu il y a quelques jours sous la présidence de M. Renan, mais il ne paraît pas avoir fait grand bruit.
Je pensais que Mélusine l’aurait rendu moins prompt à céder aux entraînements d’amis intéressés. Je vois qu’il n’en est rien ; mais je n’augure pas grand chose de cette nouvelle société à laquelle je désire demeurer étranger.
Aux origines de la Société archéologique et du Musée départemental breton
Notre galerie de costumes marche très-bien malgré le mauvais état de ma santé. Je trouve chaque jour de très belles choses et des choses très curieuses. Je viens de dénicher dans le haut-Léon, le costume d’un bonhomme de quatre-vingt-treize ans, costume qu’il portait à ses noces qui ont eu lieu il y a soixante et onze ans.
J’écris un peu partout dans le département. Vous devriez bien m’aider un peu dans votre région, surtout du côté de Lanvénégen où l’on m’a dit qu’il existe un joli costume de femme. MM. Lorois et de Bremond pourraient bien nous faire don d’un costume chacun. Ce serait de leur part faire œuvre de patriotisme.
Envoyez, je vous prie, le plus tôt possible votre petit rapport au préfet [65], je suis trop souffrant et trop occupé pour m’en charger. Quant au procès-verbal entendez-vous avec Audran, si vous voulez que nous ayons une réunion avant les Calendes grecques.
Votre tout dévoué.
R. F. Le Men

P.S. La cheminée du Musée est terminée ; tachez donc de m’avoir un de ces troncs d’arbres de la maison de la place St Michel. Est-on endormi dans ce pays de Quimperlé !

[Archives La Villemarqué, pièce 4.20]


Lettre de Marie Le Men

[Quimper, 22 septembre 1880]

Monsieur,
Depuis plus de quinze jours j’ai de violentes névralgies qui ne m’ont pas permis de répondre plus tôt à votre bonne lettre si pleine de sympathie.
Je suis contrariée qu’on ne vous ait point prévenu à temps, suivant ma recommandation. Nous sommes très-sensibles au regret que vous voulez bien nous en exprimer, comme aux sentiments que vous éprouviez pour mon père, car, pardonnez-moi, Monsieur, si j’ose devenir indiscrète, mon père craignait quelquefois que vous ne lui ayez pas tout-à-fait pardonné des discussions aujourd’hui dans l’oubli, mais dans lesquelles il regrettait sincèrement d’être entré, surtout d’une manière si violente.
J’aurais été heureuse si vous aviez pu connaître ses sentiments à votre égard ; il éprouvait une véritable joie lorsque vous veniez à lui avec gaîté.
Je crois qu’il est regrettable que bien des travaux dont il s’occupait soient inachevés. Il préparait la publication du Cartulaire de Landévennec, d’un Dictionnaire topographique du Finistère, du Répertoire archéologique du même département et celle des Fouillés de Léon, Cornouaille et Tréguier que devait accompagner une étude de géographie dans laquelle aurait été traitée la question des divisions civiles et ecclésiastiques de la Bretagne sur lesquelles avec du travail et de la réflexion il s’était fait une opinion justifiée par des preuves et dont il éprouvait une grande satisfaction.
Doué d’une volonté ferme pour le travail et de beaucoup de justesse dans le jugement mon père étudia toute sa vie et savait beaucoup. C’était un savant modeste dont on ne pouvait bien apprécier les qualités généreuses que dans l’intimité. Le travail était pour lui une source de consolations et de joies.
Il a eu le bonheur, Monsieur, comme vous l’avez appris, de recevoir tous les secours de la religion et d’accepter avec résignation la volonté de Dieu. C’est une grande consolation dans notre douleur [66].
Mon père est né à Quimper le 26 août 1824. Étant enfant il souffrait constamment des yeux et il était déjà grand lorsqu’il commença ses études. Il passa quelque temps chez les Frères et une année au collège de Pont-Croix où il apprit le breton, puis il suivit les cours du collège de Quimper où il fut toujours le meilleur élève de sa classe. De troisième en raison de sa grande supériorité sur ses camarades on lui permit de passer en rhétorique où il obtint douze premiers prix. Il fit à Rennes sa philosophie et passa ses examens.
Après être entré dans l’enregistrement pour obéir au désir de ses parents, il quitta au bout de six mois cette administration qui ne convenait pas à ses goûts. Il entra alors comme élève à l’école de médecine de Brest, mais sa vue étant très-fatiguée il ne put y rester qu’un an et en sortit avec d’excellents certificats. Il voulait se livrer à l’étude des langues, ses parents n’y consentirent jamais ; depuis, il exprimait souvent le regret de n’avoir pu entrer à l’école des langues orientales.
Après avoir quitté l’école de médecine il se mit à herboriser et forma un herbier. C’est dans les excursions qu’il faisait pour connaître la flore de son pays, que les monuments qu’il rencontrait à chaque pas attirèrent son attention, il se mit à les étudier, et continua cette étude pendant bien longtemps. Dans ses voyages il notait ses observation[s] sur l’archéologie, les usages et le breton du Finistère.
Il avait obtenu la classe d’anglais au collège de Quimper, il fut en même temps nommé bibliothécaire de la ville, puis archiviste. Les archives convenant à ses goûts, il abandonna immédiatement ses deux autres emplois pour se consacrer tout entier à ses nouvelles fonctions et passa en 1853 un examen à Paris parce qu’il ne sortait pas de l’école des Chartes.
Plus tard il fut chargé de fonder le Musée d’archéologie. Sans rétribution, uniquement dans le but de voir naître dans le Finistère le goût des études archéologiques, il accepta cette charge qui lui valut bien des ennuis et beaucoup de fatigues, et qui attardait les travaux dont il s’occupait.
Bien souvent il se désolait de voir que le résultat auquel il songeait était loin d’être atteint.
Il me semble que comme archiviste il sut remplir très-utilement ses fonctions en faisant servir avec intelligence au progrès de la connaissance de notre histoire locale les titres confiés à sa garde.
Veuillez me pardonner, Monsieur, d’avoir tardé dans ma réponse, j’aurais aimé à vous parler d’une affaire concernant le Musée, mais je crains déjà [barré] d’avoir été trop longue.
Je vous prie, Monsieur de vouloir bien agréer l’expression de mes sentiments respectueux et reconnaissants.
Marie le Men
Quimper le 22 septembre 1880

[Archives La Villemarqué, pièce 4.21]


Lettres d’Armand du Chatellier

Kernuz près Pont l’Abbé
16 août 1876

Monsieur le Président,
Je reçois à l’instant, datée du 14 de [ce] mois, une convocation pour la [séance] de la Société archéologique de Quimper.
Avant de répondre à cet app[el] permettez-moi de vous adresser quelques observations sur des faits que moi et mon fils nous sommes encore à nous expliquer.
Il y a plusieurs mois que des cultiva[teurs] de la ferme de Tronoen en St Jean Trolimo[n] vinrent nous prier de nous rendre sur les lieu[x] pour examiner avec eux quelques substra[ts] que le soc de leur charrue avait rencontré[s].
À première vue nous jugeâmes qu’[il] pouvait y avoir des fouilles à faire dans l’intérêt de l’archéologie.
Après quelques pourparlers il y eut un traité écrit passé entre le fermier et mon fils à la date du 10 avril dernier. D’après ce traité et, suivant finances mon fils fut auto[risé] à faire exclusivement les fouilles désirées à la condition que ses travailleurs défricheraient le sol et en extrairaient toutes les pierres pour être remises au fermier. Ce travail fort avancé a déjà fait l’objet d’un rapport au Ministre de l’instruction publique et était au moment d’être terminé quand plusieurs mem[bres] de la société que vous présidez se sont rendus à deux reprises sur les lieux en juillet dernier accompagnés du Brigadier de la Gendarmerie de Pont-l’abbé !
La présence répétée de la force armée en pareille circonstance nous a paru fort étrange et les propos qui ont été tenus en cette circonstance aux fermiers, que la pré[sence] du tricorne ne pouvait manquer d’effrayer nous ont paru encore plus étranges, s’il est possible. Je me crois autorisé à vous prier instamment de lire ma lettre à la prochaine séance de la société et de demander à MM. Le Men, de Blois et de Montifaut qu’on nous a dit être présents à cette expédition, si les propos qui suivent sont exacts ou non.
Suivant le dire des tenanciers de Tronoen ces Messieurs, après examen des fouilles opérées leur auraient recommandé de nous écarter en nous interdisant toutes recherches ultérieures, nous menaçant de poursuite et de restitution des objets trouvés comme indûment acquis par mon fils quoique n’ayant pu être extraits q[u’à] grands frais et en vertu d’un traité formel.
De Tronoen les poursuites et les perquisit[ions] de ces Messieurs, toujours assistés du Brigadier [de] la Gendarmerie, qui ne les aurait même pas quittés à table, si nos informations sont exactes, seraient continuées dans les communes de Plome[ur] et de Treffiagat.
Vous en conviendrez, monsieur le Prési[dent] voilà des procédés scientifiques que ni vous ni [moi] nous n’avions connus jusqu’à présent.
J’en appelle à votre délicate appréci[ation] des faits ordinaires de la science pour vous demander deux choses : - qu’il soit imposé par la société un blâme en règle contre cette maniè[re] d’agir de ces Messieurs envers un de leurs confrères [et] qu’à l’avenir ils veuillent bien dans l’intérêt de [la] science comme des collections départementales q[ui] vous sont confiées, s’abstenir de procédés pareils en se rappelant que mon père et moi nous sommes depuis longtemps inscrits au nombre des donateurs du Musée archéologique de Quimper et que nous en voulons beaucoup à ces Messieurs de nous avoir ainsi détournés de l’intention où nous étions de nous départir d’une partie [du] fruit de nos découvertes.
Il y a cependant peu d’années qu’un[e] expérience malheureuse et du même genre fut faite à l’occasion de poursuites intempestives dirigées contre le professeur Monsieur Grenot, un des membres de la Société. En voulant contester à ce Monsieur la légitime possession d’une belle collection qu’il avait formée de ses deniers, l’indiscrétion commise à son égard fut au moment de faire liv[rer] à l’étranger les objets rares qu’il avait recueil[lis] sur le sol de votre département. Si nous en avons eu le bonheur de retenir ces objets en France nous ne le devons qu’au patriotisme de Mr Grenot et au sacrifice d’argent qu’[un] amateur zélé s’est imposé.
Veuillez recevoir, Monsieur le président, l’expression de mes sentiments dévoués de parfaite confraternité littéraire
du Chatellier correspondant de l’Institut

P.S. Je compte que vous voudrez bien faire insérer cette lettre au procès-verbal de la séance.

[Archives La Villemarqué, pièce 30.51]


Kernuz près [Pont] l’abbé
14 8bre 1876

Monsieur le président
Je viens de recevoir le procès verbal imprimé de la séance de la Société archéologique de Quimper où il a été question de la lettre que je vous ai écrite à l’occasion des découvertes de Tronoen.
Je vois d’abord à regret par ce compte-rendu que cette lettre ayant été ni lue ni connue, il s’est trouvé dans la société des personnes qui aient demandé à exprimer un blâme à mon égard et à le formuler par un vote. Je ne veux pas qualifier ce procédé ; mais il est au moins étrange sans que j’en dise autre chose.
D’une autre part, toutefois vous avez très sagement dit qu’avant de rien décider il fallait attendre une réponse du propriétaire.
Vous aviez doublement raison puisque vous lui écriviez pour lui demander l’autorisation que nous lui demandions de notre côté pour [faire] les fouilles nécessaires dans l’intérêt de l’art [et] de l’histoire.
Aussi j’espère bien aujour[d’hui] que cette réponse vous est connue [à vous] comme à moi, que vous voudrez bien faire passer sous les yeux de vos honorables confrères la clause ci-dessous résultant d’un traité en règle rédigé par notaire entre mon fils et Madme de Martigny, propriétaire de Tronoen.
« Il a été convenu entre les parties que les objets trouvés resteraient la propriété de Mr du Chatellier et seraient estimés aux frais de Mr du Chatellier par deux experts, choisis, l’un par ce dernier, l’autre par la dite dame de Martigny. Mr du Chatellier devra payer après cette expertise la moitié de cette estimation à Mdme de Martigny. »
Gela dit, il serait bien étrange que vos collègues de la Société archéologique persistassent à venir troubler ou arrêter des fouilles, qui, avant de profiter à la science léseraient les intérêts de Mdme de Martigny qui a si hautement témoigné de son respect pour les choses historiques.
Mon fils apprenant cependant qu’un individu qui a eu des relations répétées avec Mr Le Men et le Maréchal des logis de la gendarmerie de Pont l’abbé, [s]’était rendu plusieurs fois à Quimper po[ur] y vendre des objets recueillis dans [de]s fouilles indûment faites l’a [f]ait appeler devant le juge de paix [e]t il a été constaté pas ses aveux légalement inscrits que le fruit de ses soustractions avait été déposé au musée moyennant rétribution.
C’est évidemment là un larcin fait au détriment des intérêts de Mdme de Martigny. Mon fils par suite de son traité devrait naturellement tenter de le réprimer : nous espérons qu’il ne se renouvellera pas.
Vous penserez comme moi, je l’espère [barré] j’en suis sûr, qu’il importe que ces détails soient bien connus de la Société, mais surtout de Mr Lemen qui dans le Jal le finistère du 26 août mettrait à l’ordre du jour : la découverte d’un poste gallo-romain à Tronoen par Mr R. F. Le Men [souligné].
 Tout le monde sait que dès le mois de février cette découverte était constatée par mon fils - mais je vois par les deux derniers procès-verbaux de la Société archéologique que la santé de Mr Lemen est souvent chancelante, c’est ce qui explique sans doute, la méprise à laquelle il s’est laissé aller ; je la lui pardonnerais très volontiers, si, comme je vous l’ai déjà dit, ses pro[cédés] ne nous ava[ient] pas enlevé à moi et à mon fils, [le] plaisir d’aller soumettre à vous [et] à vos collègues les objets que [nous] trouvons tous les jours et sur lesquels votre avis et celui de la société entière nous auraient été si précieux.
Mais au fond, soyez sûr que rien ne sera perdu pour la science elle même, le Ministre de l’instruction publique ayant bien voulu demander à mon fils un rapport et des dessins sur ses découvertes, chacun pourra donc plus tard juger de ce qui aura été fait et en parler très librement.
Veuillez agréer, Monsieur le Président l’assurance de mes sentiments les plus distingués
du Chatellier

[Archives La Villemarqué, pièce 30.55]


Lettre de Paul du Chatellier

Château de Kernuz Pont l’Abbé
22 7bre 1876

Monsieur,
Mieux que personne vous savez que j’ai l’autorisation de faire des fouilles au camp gallo-romain que j’ai découvert à Tronoen. Permettez-moi donc, m’adressant au Président de la Société archéologique du Finistère de vous dire que j’ai tout lieu de m’étonner de la persistance déloyale avec laquelle certains membres de cette société, que nous avons précédemment nommés, continuent à enlever de ce lieu des objets qui appartiennent à moi seul. Le procédé vous en conviendrez, Monsieur, est étrange et malhonnête.
Des objets provenant de fouilles illégalement faites à Tronoen ont été à diverses reprises vendus à la Société, de l’aveu même de Corentin Garin qui les a livrés, ainsi que cela a été consigné hier au procès-verbal de la justice de paix de Pont-l’Abbé. Ces messieurs venus encore dimanche 17 sur les lieux en ont emporté différents objets et ont de plus engagé Garin à continuer des fouilles, lui donnant rendez vous à Pont l’Abbé mardi 26 pour la remise de ce qu’il aurait découvert.
Par cette façon d’agir déloyale ils mettent cet homme sous le coup d’une poursuite pour escroquerie et se mettent eux mêmes dans le cas de recel.
Je me verrai donc obligé, à mon regret, si pareils faits continuent à se renouveler de recourir à la voie légale des tribunaux pour y mettre fin et obtenir la restitution d’objets illégalement enlevés.
Je suis certain, Monsieur, que ces agissements au nom de la Société que vous présidez répugneront à votre loyauté et je suis sûr qu’il me suffira de vous les signaler pour que vous les désapprouviez et les fassiez cesser.
A un autre point de vue du reste c’est là une guerre déloyale et sans précédent dont je ne puis comprendre le but et qui ne peut être que nuisible aux intérêts de la science.
Croyez , Monsieur, aux sentiments distingués avec lesquels j’ai l’honneur d’être votre très humble serviteur.
P. du Chatellier
Mon père vous offre son empressé souvenir.

[Archives La Villemarqué, pièce 30.45]




[1Aymar de Blois de La Calandre (1804-1874), avocat, président de la Société lors de sa renaissance en 1873.

[2Séance du 14 juin 1873.

[3Henri d’Arbois de Jubainville.

[4Encore un mot sur le « Barzaz-Breiz », lettre à M. Jean Salaun, Paris, Dumoulin, 1873.

[5Jean-François Marie Audran (1828-1884), notaire, maire de Quimperlé, est vice-président de la Société archéologique depuis 1874.

[6Paul du Chatellier (1833-1911). Voir Yves Coativy (dir.), Paul du Chatellier, collectionneur finistérien, Brest, 2006. Dans son château de Kernuz, en Pont-l’Abbé, il avait constitué un musée dont les collections ont été versées au Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye.

[7Quentin de Kercadio, capitaine de gendarmerie à Quimper, membre de la Société depuis la séance du 3 juin 1876.

[8Armand du Chatellier (1797-1884), archéologue et historien, père de Paul.

[9Paul Malen, professeur à Quimper, admis à la Société le 17 juin 1873.

[10J. de Montifault, ancien sous-préfet, membre et secrétaire de la Société archéologique depuis sa création en 1873.

[11II s’agit de fragments de vitraux de la chapelle Saint-Maudez de Nizon et d’un morceau d’ardoise trouvé au château de Québlen, près de Quimperlé, Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. II, p. 80- 81. Cf. également Catalogue du musée, 1902, p. 76, pièce A. 13 et p. 88, pièce G. 2.

[12Anatole Marie Joseph, vicomte de Brémond d’Ars, marquis de Migré (1823-1911), a été admis à la Société le 3 juin 1876. Sous-préfet de Quimperlé de 1859 à 1866, conseiller général du Finistère à partir de 1877.

[13« Notice sur la paroisse de Rédéné », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. IV, 1876, p. 158-166.

[14Montifault écrit effectivement à La Villemarqué le 27 octobre 1876. Arch. La Villemarqué, pièce 30. 61.

[15Propriétaire à Clohars-Carnoët, Le Doze a été présenté à la séance du 3 juin 1876. À la séance du 3 mars 1877, il est intervenu sur l’inscription Pededaledan, (Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. IV, 1876-1877, p. 170-172). La Vïllemarqué, absent à la séance, fera une mise au point à la séance du 30 juin 1877 (ibid., t. V, 1877-1878, p. 39-40).

[16Dans la séance du 6 octobre 1877 figure effectivement le don de « quatre panneaux sculptés du XVIe siècle », ibid., t. V, 1877-1878, p.128. L’armoire a bien été construite et on peut, par déduction, déterminer les panneaux offerts par La Villemarqué.

[17La dernière remonte au 6 octobre 1877.

[18Le Men étant absent, c’est Audran qui lira son travail à la séance du 2 février 1878, ibid., t. V, 1877-1878, p. 133-166.

[19Cyprien de La Villemarqué, le frère aîné de Théodore, a hérité du manoir familial du Plessix-Nizon, près de Pont-Aven. Il sera maire de Nizon.

[20Monographie de la cathédrale de Quimper (XIIIe-XVe siècles), Quimper, Jacob, 1877.

[21« Jean de l’Epine ou Mapar Spernen calligraphe et poète breton », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, V, 1877, p. 41-45 et « Poésie des cacoux », Id., V, 1877-78, p. 167-174.

[22Adolphe Le maigre, directeur de la compagnie Le Finistère à Quimper, est le trésorier de la Société archéologique du Finistère.

[23Sous-intendant militaire, il a été admis à la Société le 3 juin 1876.

[24Major en retraite, il a été le trésorier de la Société jusqu’en 1876.

[25Il s’agit de « Ar Gakouzez (La lépreuse), Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. V, 1877-78, p. 167-168.

[26Historien et archéologue, né en 1820, Thomas Louis Eugène de Rozière a été élu à l’Académie en 1871.

[27Archéologue, né en 1816, Henri Adrien Prévost de Longpérier, élu en 1854.

[28Anatole de Barthélémy (1821-1904), membre du Comité des travaux historiques.

[29Circulaire du ministre de l’Instruction publique du 1er mars 1878, cf. Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. V, 1877-1878, p. 203.

[30Louis Jacques Marie Bizeul (1785-1861), notaire à Blain, a obtenu en 1850 une mention honorable de l’Académie des inscriptions et belles-lettres pour « Explication d’une carte de la Bretagne Armorique à l’époque romaine » et « Des voies romaines sortant de Carhaix ».

[31Jules Pierre François Stanislas Desnoyers (1800-1887), membre du Comité des travaux historiques depuis 1834 et élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1862.

[32« La révolte du Papier timbré en Cornouaille », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. V, 1877-1878, p. 183-200. Les observations de La Villemarqué figurent à la page 201.

[33Ce sera le cas.

[34Audran a été élu maire de Quimperlé en 1878.

[35Le Men étant absent, la communication sera lue par La Villemarqué, Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. VI, 1878-1879, p. 26-33.

[36James Miln (1819-1881), archéologue écossais qui effectua d’importantes fouilles sur le site de Carnac.

[37La réunion aura finalement lieu le 16 novembre.

[38« Les haches de pierre », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. VI, 1878-1879, p. 44-50.

[39Pavot qui est secrétaire de la séance du 30 mars ?

[40M. Creach-Cadic.

[41Samuel Alexandre, qui prendra le nom de Jacob, est né à Neunkirchen, en Prusse, vers 1810, et est mort à Quimper en 1889. De son mariage avec Myrte-Léa Mayer est issu Lazare Alexandre, le père du poète Max Jacob. Au milieu des années 1860, le « marchand-tailleur » Alexandre Jacob est installé au n° 8 de la rue du Parc à Quimper. Il présente des costumes bretons à l’exposition universelle de 1867 et y est primé. Un article lui est même consacré par Ernest Dréolle, sous le titre « Les costumes bretons », dans la 25e livraison de L’exposition universelle de 1867 illustrée, p. 389-391, agrémenté de gravures de Gerlier représentant les costumes d’homme et de femme de Ploaré et de Scaër.

[42Léon Lorois (1837-1909) a été élu conseiller général du Finistère en 1877.

[43François Alfred René Ramé (1826-1886), cf. Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. XCIX, 1972, p. 607-608.

[44Léon-Paul Piolin (1817-1892). Entré à l’abbaye de Solesme en 1842, dom Piolin, archéologue et historien, contribua à la création en 1875 de la Société historique et archéologique du Maine dont il sera plus tard le président.

[45Ce sera le cas.

[46« Notice sur les inscriptions latines d’Irlande », Paris, Imprimerie nationale, 1878, et Bibliothèque de l’École des hautes études, 35, p. 121-135.

[47Christian Inscriptions in the Irish language, 2 vol. 1878, édité par Marguerite Stokes. Elle est la sœur du celtisant Whitley Stokes (1830-1909).

[48Pavot.

[49Cf. Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. VI, 1878-1879, p. 119. La question a été évoquée à la séance du Comité des travaux historiques du 4 novembre 1878, avec pour rapporteur Anatole de Barthélémy. L’étude sera publiée, après la mort de Le Men, dans le Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. VIII, 1880-1881, p. 143-174.

[50Ce sera le cas.

[51Pavot.

[52II s’agit de M. Tanguy. M. de Brémoy est directeur du Télégraphe à Quimper.

[53Il s’agit du Quimpérois Louis Hémon (1844-1914), élu en 1876.

[54Le 23 mars 1858, M. Cadet, maire d’Arzano, avait été découvert mort dans un champ près de son domicile, mais ce n’est qu’en 1860, après les révélations d’un témoin, que l’on apprit qu’il avait été assassiné.

[55Place de Quimperlé.

[56Si des fauteuils-troncs figurent bien dans les collections du musée, ils y sont entrés bien plus tard et ne sont très probablement pas ceux dont il est question ici. Quant au lit clos, rien qui corresponde à cette description.

[57II s’agit sans doute du mariage de Marie-Perrine Le Boédec, fille de Mathurin Le Boédec, alors maire de Mellac, et petite-nièce de l’abbé Henry, avec Yves-Marie Le Tallec. La Villemarqué assistait également à ce mariage qui eut lieu le 15 juillet 1867.

[58À ce mariage assistent effectivement des habitants de Lanvénégen, dont Nicolas Barthélémy Le Guern, le maire de la commune.

[59Abandon gratuit de l’allée couverte de Brennilis par René de Kerret, de Brasparts. Cf. séance du 28 décembre 1878, Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. VI, 1878-1879, p. 118.

[60Originaire de la Somme, Arnold de Raismes est sénateur depuis janvier 1876 et conseiller général du canton d’Arzano.

[61Auguste Félix du Marc’hallac’h (1808-1891). Ami de longue date de La Villemarqué avec qui il se rendit au pays de Galles en 1838, vicaire général de l’évêché de Quimper.

[62« Rapport d’un faux-chouan au général Jaulin, commandant à Carhaix », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. VII, 1879-1880, p. 13-26.

[63La chaire ne sera créée qu’en 1882, mais effectivement attribuée à d’Arbois de Jubainville.

[64II s’agit du Dîner celtique.

[65Un rapport sera effectivement adressé le 30 juin, dont on trouve la teneur dans le compte rendu de la séance du 26 juillet, Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. VII, 1879-1880, p. 31-34.

[66La Villemarqué fait mention de ce passage dans la séance du 9 octobre 1880, ibid., t. VIII, 1880-1881, p. 15.