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International Encyclopaedia
of the Histories of Anthropology

Les savoirs ethnographiques au service d’un idéal démocratique. Biographie d’Antonio Machado y Álvarez

Mercedes Gómez García‑Plata

CREC – Sorbonne Nouvelle

2015
To cite this article

Gómez García–Plata, Mercedes, 2015. « Les savoirs ethnographiques au service d’un idéal démocratique. Biographie d’Antonio Machado y Álvarez », in BEROSE International Encyclopaedia of the Histories of Anthropology, Paris.

URL BEROSE: article677.html

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Published as part of the research theme “Networks, Journals and Learned Societies in France and Europe (1870-1920)”, directed by Claudie Voisenat (Ministère de la Culture, Héritages) and Jean-Christophe Monferran (CNRS, Héritages)

Antonio Machado y Álvarez (Saint-Jacques-de-Compostelle, 1846 – Séville, 1893) est le premier Espagnol à avoir été admis comme sociétaire de la Folk-Lore Society, en 1881 et à avoir été élu membre de son conseil directeur, en 1887, mais aussi le premier Européen à avoir adopté et adapté le paradigme folkloriste et le cadre institutionnel établis par les Britanniques en créant la société fédérale de folklore, El Folk-Lore Español.

Filiation et formation intellectuelle

Né le 6 avril 1846, à Saint-Jacques-de-Compostelle où son père se trouvait temporairement en poste, A. Machado y Álvarez est le fils unique de Antonio Machado y Núñez, professeur d’histoire naturelle à l’Université de Séville, et de Cipriana Álvarez Durán. Dès l’enfance, sa mère l’initie à la culture populaire et à la littérature traditionnelle, grâce à la lecture du Romancero General, compilé et édité par son oncle, Agustín Durán, durant la première moitié du XIXe siècle. Entre 1862 et 1867, A. Machado y Álvarez étudie le droit et la philosophie à l’Université de Séville complétant son cursus par deux années d’études à l’Université centrale de Madrid. En 1869, il retourne à Séville où, cette même année, il obtient sa licence de droit et, en juin 1871, celle de philosophie. Dans la foulée, il s’inscrit au Collège d’avocats de Séville et ouvre une étude, associé à l’un de ses amis. En 1873, il accède au grade de docteur en philosophie et lettres.
La formation académique du jeune Machado a lieu, en partie, pendant les années d’effervescence intellectuelle et politique du Sexennat révolutionnaire (1868-1874), mouvement dans lequel son père tient un rôle prépondérant grâce à la création de la Société d’anthropologie de Séville, en 1871, à l’image de la Société d’anthropologie de Paris fondée par le Dr Broca, et surtout par son activité divulgatrice des nouvelles théories évolutionnistes (Charles Darwin, Ernst Haeckel et Herbert Spencer) dont il est l’un des introducteurs en Espagne. Si le jeune Machado est associé aux activités scientifiques de son père, c’est toutefois son professeur de métaphysique, Federico de Castro, qui l’encourage à entreprendre la collecte et l’étude de productions littéraires populaires (chants et contes). Ses premiers travaux sur la question sont publiés, entre 1869 et 1872, dans la revue fondée par son père, à l’Université de Séville, Revista Mensual de Filosofía, Literatura y Ciencias, à partir de matériaux qu’il a lui-même recueillis dans la province de Séville. Du point de vue théorique, ces premiers articles sont marqués par une double influence : le krausisme [1] — professé par son mentor —, qui reprend à son compte l’héritage culturel herdérien considérant les productions littéraires et langagières comme les archives d’une nation, donc emblématiques du caractère national, et le patriotisme culturel de son grand-oncle, A. Durán, qui revendiquait le fonds traditionnel pour affranchir la littérature nationale des influences néo-classiques françaises.

Les années de quête épistémologique

Entre les années 1872 et 1879, A. Machado y Álvarez cesse ses travaux folkloriques pour des raisons familiales et professionnelles, selon son propre aveu. En 1873, il épouse Ana Ruiz, puis en 1874 et en 1875, naissent respectivement ses deux fils aînés, les célèbres poètes du XXe siècle, Manuel et Antonio. À cette époque, il exerce plusieurs professions juridiques (avocat et juge municipal). En dépit des liens étroits qu’il a entretenus avec l’Université durant sa formation académique, il préfère ne pas y postuler et s’en écarter en raison du climat répressif qui y règne depuis la Restauration de la monarchie des Bourbons et la publication du décret du ministre conservateur, le marquis de Orovio, en février 1875, réduisant la liberté d’enseignement. A. Machado y Álvarez est en effet un républicain fédéraliste convaincu, qui partage avec son père une vision messianique de la science comme vecteur de progrès et facteur essentiel à la modernisation intellectuelle de l’Espagne.
Il ne reprend ses recherches et travaux sur les productions populaires qu’à l’instigation d’un groupe d’amis ayant fondé une section de littérature populaire pour la revue scientifico-littéraire, La Enciclopedia, en 1879. Cette reprise est marquée par une intense réflexion épistémologique et méthodologique qui le mène à « abjurer le credo » krausiste de sa jeunesse et à s’incliner davantage vers les thèses évolutionnistes, avec lesquelles il se familiarise en préparant une traduction de l’ouvrage emblématique de Edward Burnett Tylor, Primitive Culture — celle-ci ne sera toutefois jamais publiée. Sa rencontre et sa correspondance avec le romaniste Hugo Schuchardt s’avèrent décisives dans cette quête de fondement scientifique. Le professeur autrichien, romaniste et linguiste évolutionniste, le met en contact épistolaire, vers 1879-1880, avec tout un groupe d’intellectuels européens anthropologues et folkloristes, entre autres Giuseppe Pitré.
L’empreinte évolutionniste tant tylorienne que spencérienne qui indique l’émergence d’une nouvelle orientation scientifique dans l’œuvre machadienne est tout à fait remarquable dans l’article « Sección de literatura popular », publié dans La Enciclopedia, en avril 1879, ou le volume plus ambitieux, Colección de enigmas y adivinanzas en forma de diccionario, Sevilla, Imp. De R. Baldaraque, 1880.

De la Folk-Lore Society à la fondation de El Folk-Lore Español

L’année 1881 constitue un moment décisif dans la trajectoire folkloriste de A. Machado y Álvarez. En premier lieu, il publie Colección de cantes flamencos recogidos y anotados, Sevilla, Imp. El Porvenir, ouvrage qui n’est pas une simple anthologie de chants flamencos, puisque par son approche pratique du terrain, il constitue une ethnographie avant la lettre des Gitans flamencos de l’Andalousie méridionale, en raison des observations consignées sur les interprètes, les lieux et les conditions d’interprétation et de réception. En second lieu, après avoir lu, en 1880, dans la Revue celtique que la Folk-Lore Society de Londres avait été créée afin de recueillir et d’étudier la culture populaire, il écrit à son secrétaire, George Lawrence Gomme, pour en devenir membre et recevoir les travaux édités depuis son origine. Il s’inspire alors du modèle anglais pour fonder sa propre société de folklore en l’adaptant à la réalité territoriale et culturelle de l’Espagne. C’est ainsi qu’il rédige et publie à Séville, un petit opuscule intitulé, Bases del Folk-Lore Español, en novembre 1881, acte de fondation de El Folk-Lore Español, fédération de toutes les sociétés folkloriques qui seront établies dans les provinces historiques de l’Espagne. Les Bases del Folk-Lore Español représentent bien davantage que le règlement de fonctionnement d’une société savante. C’est une charte de principes directeurs où A. Machado y Álvarez définit l’objet, les champs disciplinaires, l’organisation territoriale, la méthodologie, l’obligation de publication et d’échange de résultats entre les différentes composantes de la société fédérale, ainsi que la finalité patriotique du contrat épistémologique qui lui est assigné : participer à la connaissance de la culture et à la (re)construction de l’histoire espagnole. Ce texte est aussi révélateur des paradoxes de la posture machadienne vis-à-vis du paradigme folkloriste britannique : ardent défenseur du néologisme anglo-saxon désignant la nouvelle science qu’il introduit en Espagne, il n’en prend pas moins ses distances quant à sa vocation de recherche exclusive de l’archaïsme. Ce mélange paradoxal de séductions et de divergences est d’autant plus perceptible dans la contribution que le folkloriste espagnol rédige pour le débat épistémologique et terminologique lancé par G. L. Gomme de la Folk-Lore Society, dans les années 1884 et 1885, intitulé « Breves indicaciones acerca del significado y alcance del término Folk-Lore » dans sa version espagnole et « The Science of Folk-Lore », dans sa traduction anglaise réalisée par Rev. Wentwoth Webster [2].
Entre 1881 et 1886, A. Machado y Álvarez mène une intense activité théorique, méthodologique, éditoriale et prosélyte sur plusieurs fronts, à la fois en Espagne et en Europe.
Après la publication des Bases del Folk-Lore Español, en novembre 1881, il met en branle la constitution des différentes sociétés régionales. Pour ce faire, il s’appuie sur un réseau d’amitiés et de connaissances très disparates d’un point de vue idéologique, mais néanmoins très homogènes quant à leur appartenance à l’élite bourgeoise intellectuelle : écrivains, érudits, professeurs d’université ou de l’institution d’éducation alternative, l’Institution libre d’enseignement (La Institución Libre de Enseñanza), plus connue sous l’acronyme ILE [3].
La première société à être fondée est El Folk-Lore Andaluz, le 28 novembre 1881. A. Machado y Álvarez, véritable cheville ouvrière à l’origine de cette institutionnalisation, est nommé secrétaire, alors que la présidence, fonction plus prestigieuse, échoit à l’historien, également spécialiste de l’œuvre de Cervantès et membre du Parti conservateur, José María Asencio y Toledo. Parmi les membres du conseil, on retrouve le patriarche des Machado ; le prêtre hébraïste, Antonio Ma García Blanco ; le comte Gonzalo Segovia y Ardizone, juriste, spécialiste de droit civil et canon, député du Parti conservateur ; Joaquín Guichot y Parody, journaliste et historien, spécialiste de l’Andalousie et chroniqueur de la ville de Séville ; le krausiste républicain, Fernando Belmonte y Clemente, qui a suivi le même cursus universitaire que A. Machado y Álvarez ; Siro García del Mazo, traducteur de H. Spencer ; l’érudit Francisco Rodríguez y Marín, auteur de la compilation monumentale Cantos populares españoles et futur directeur de la Biblioteca Nacional. La société folklorique andalouse est placée sous le patronage intellectuel des plus éminents folkloristes européens qui en sont les membres honoraires : W. J. Thoms, le comte de Beauchamp, G. L. Gomme, G. Paris, le comte de Puymaigre, P. Sébillot, G. Pitrè, Hugo Schuchardt, T. Braga, etc. On compte aussi parmi les membres de la jeune société, Alejandro Guichot y Sierra, fils de Joaquín, et bras droit du père du folklore espagnol.
El Folk-Lore Frexnense, centre régional folklorique d’Estrémadure, se constitue le 11 juin 1882, à Fregenal de la Sierra (Badajoz), à l’initiative de Luis Romero y Espinosa, fondateur du journal local, El eco de Fregenal, mais aussi ami et condisciple de A. Machado y Álvarez. La procédure de constitution de la société est la même que celle du centre andalou dont elle reprend le règlement. Ses membres honoraires sont des professeurs de la ILE (Juan Uña et J. Sama).
El Folk-Lore Castellano, comprenant les deux Castilles, troisième société régionale de la fédération, voit le jour le 28 novembre 1883, sous la présidence du poète Gaspar Núñez de Arce. Eugenio Olavarria y Huarte, proche intellectuellement de la ILE, est nommé secrétaire. Il est d’ailleurs, avec Gumersindo de Azcárate, professeur de la ILE, qui a aussi rejoint le centre régional, l’homme de confiance de A. Machado y Álvarez.
La création du centre castillan semble donner une impulsion au mouvement fédératif, puisque quelques mois plus tard, le 1er février 1884, sous la présidence de la comtesse Emilia Pardo Bazán, par ailleurs célèbre romancière, le centre régional galicien, El Folk-Lore Gallego, est constitué à La Corogne.
En novembre 1884, c’est le centre basque, El Folk-Lore Vasco-Navarro, qui est fondé par Ramiro de Echave et Vicente de Arana, éditeurs de la revue Euskal-Erria [4].
En dépit de l’intense campagne prosélyte menée par A. Machado y Álvarez auprès de personnalités locales afin de déployer le réseau folklorique sur tout le territoire péninsulaire (Aragon, Valence, Catalogne, Murcie, Asturies), insulaire (l’archipel des Canaries et des Baléares) et d’outre-mer (Puerto Rico, Cuba, archipel des Philippines) — conformément au deuxième article des statuts de l’entité fédérale —, plus aucun autre centre régional n’est créé. En Catalogne, les élites catalanistes refusent d’adhérer au réseau machadien et préfèrent cultiver et revendiquer un entre-soi folklorique — plus utile pour documenter la différence — au sein de l’Association des excursionnistes de Catalogne (Associació d’excursions catalana), qui se dote, en mai 1885, d’une section de folklore catalan (Folk-Lore Catalá).
Parallèlement à la mise en place du réseau des sociétés folkloriques régionales, A. Machado y Álvarez continue ses travaux de recherche et de collecte, ainsi qu’une intense activité éditoriale. Il fonde et dirige successivement deux revues folkloriques destinées à accueillir les travaux des membres et collaborateurs régionaux, nationaux et internationaux, soit à archiver, divulguer et échanger. La première, El Folk-Lore Andaluz, comprend douze numéros édités entre mars 1882 et février 1883 et réunis en un seul volume paru en 1883, a un format assez hétéroclite qui comprend des articles d’analyse, des résultats de collecte, des outils méthodologiques, ainsi qu’une partie d’actualité scientifique. La deuxième, El Folk-Lore Español. Biblioteca de la Tradiciones Populares Españolas, qui compte onze volumes publiés entre 1883 et 1886, a davantage vocation à constituer des archives scientifiques des matériaux collectés.
Convaincu que la collecte méthodique est ce qui fait la différence entre un collectionneur de curiosités traditionnelles et le folkloriste, autrement dit entre le folklore comme passe-temps et le folklore comme discipline, A. Machado y Álvarez façonne ou adapte tout un arsenal d’outils pour collecter, inventorier, classer, décrire et archiver cet immense corpus, constitué de productions langagières, littéraires, de coutumes, croyances et rituels, etc., autrement dit tous les faits folkloriques énumérés dans le premier alinéa des statuts (Bases). Il publie ainsi, dans les revues folkloriques ou dans la presse nationale ou régionale, des questionnaires, des catalogues de classification, des protocoles d’expéditions folkloriques, d’usage de la photographie, de la sténographie ou de la notation musicale dans le but de permettre une représentation la plus fidèle possible des pratiques et des productions populaires qui ont vocation à constituer les archives scientifiques du folklore d’Espagne.

C’est sur le modèle du premier questionnaire de Paul Sébillot, datant de 1880, que A. Machado y Álvarez rédige son outil méthodologique emblématique : un questionnaire (interrogatorio) pour constituer une carte topographique traditionnelle (mapa topográfico tradicional), idée que lui a inspirée le folkloriste sicilien, G. Pitrè. Au départ, le terrain d’enquête est limité à la province de Séville, mais le folkloriste espagnol entend bien interroger de la sorte toutes les contrées du territoire espagnol, une fois l’établissement de toutes les sociétés locales et régionales achevé. Grâce à ce questionnaire, il entend interroger la géographie traditionnelle de façon à ce que chaque parcelle du sol espagnol constitue une page animée de l’histoire nationale. Cette connaissance du territoire national ou plutôt du territoire tel que le nomment, se l’approprient et le racontent ceux qui y vivent au quotidien est, à son sens, le facteur essentiel pour (re)construire l’histoire de l’Espagne, autrement dit pour rechercher l’histoire d’une autre Espagne, plus démocratique que l’histoire officielle. Cette mise en relation étroite entre les hommes, le territoire et l’histoire permet aux individus d’être connaisseur de leur passé, juge de leur présent et arbitre de leur destin. On retrouve dans ce projet de constitution d’une carte topographique traditionnelle une caractéristique de la pensée machadienne, façonnée par ses convictions républicaines, qui envisage le folklore, la connaissance du savoir populaire, dans une dimension dynamique comme synthèse de la tradition et du progrès. Cet enjeu patriotique qui sous-tend la conception machadienne du folklore le rend porteur d’un projet collectif mobilisateur : participer à la sauvegarde et à la connaissance de la culture traditionnelle pour permettre à la nation espagnole, politiquement et idéologiquement divisée, d’accéder à la conscience de son unité dans sa diversité linguistique et régionale tout en contribuant à sa modernisation intellectuelle.
Pour le folkloriste espagnol, le folklore, outre cette recherche du bien commun à travers le patrimoine traditionnel permettant de réconcilier et d’unir les différentes composantes de la nationalité espagnole, représente aussi un lien de fraternisation entre les différentes nations qui le cultivent. Cette dimension est tout à fait perceptible à travers les échanges, surtout épistolaires, qu’il entretient avec différents folkloristes européens. Bien que la correspondance de A. Machado y Álvarez localisée, transcrite et publiée soit parcellaire, les lettres échangées avec le Portugais Teophilo Braga — polygraphe et folkloriste, futur président de la République portugaise — et le Sicilien G. Pitrè, attestent d’un vaste projet de fédération des folkloristes des pays latins dont l’Espagnol était le promoteur. Dès 1881, il propose au Sicilien d’organiser un colloque des folkloristes latins, préambule à la création d’une confédération de sociétés de folklore des pays latins ou de la « race latine », selon les termes très caractéristiques de l’époque. C’est au Portugais, qui a les mêmes affinités politiques républicaines que lui, qu’il avoue le fondement idéologique de sa pensée : la confédération des folklores des pays latins serait un contrepoids progressiste et démocratique aux ambitions hégémoniques, sous couvert d’universalité, des Britanniques et à leur idéologie qui configure exclusivement le folklore comme la science de l’archaïsme. Les lettres des correspondants de A. Machado y Álvarez ne nous sont pas parvenues de sorte que l’on ne sait ce qu’ils pensaient du projet. Néanmoins, son idée de réunir les folkloristes latins et au-delà, de toutes les nations, fait son chemin : en 1882, il écrit à Paul Sébillot afin de lui exprimer son souhait de voir organiser un congrès de folklore, lettre dont le Français fait la lecture aux convives du premier dîner de Ma Mère l’Oye, ainsi que l’indique ce dernier dans la nécrologie du folkloriste espagnol qu’il signe dans la Revue des traditions populaires, en 1893. Ce Congrès international des traditions populaires, que A. Machado y Álvarez avait appelé de ses vœux dès 1882, se tient à Paris, au Trocadéro, du 29 juillet au 2 août 1889, organisé par la Société des traditions populaires, avec un soutien ministériel et dans le cadre prestigieux de l’Exposition universelle. Le folkloriste espagnol, même s’il fait partie du comité de patronage, n’y participe pas. En effet, depuis 1887, les nombreuses difficultés tant financières que logistiques qu’il a rencontrées pour finaliser la constitution de la fédération des sociétés folkloriques régionales, ainsi que l’absence de soutien des institutions étatiques pour mener à terme un projet de musée folklorique régional à Madrid ont fini par altérer gravement sa santé et ses finances déjà précaires. A. Machado y Álvarez se met alors en retrait des multiples activités folkloriques pour ne se consacrer qu’à la traduction des œuvres de W. G. Blak, Médecine populaire, et de E. B. Tylor, Anthropologie, publiées respectivement en 1888 et 1889, ou à honorer sa charge de membre du bureau directeur de la Folk-Lore Society en 1887-1888. Malade, ruiné, avec une famille nombreuse à charge, il décide d’aller tenter sa chance outre-Atlantique où un poste d’avocat lui est proposé à Puerto Rico par le ministre de l’outre-mer, en 1892. Il en revient, agonisant, pour mourir à Séville, le 4 février 1893.

Bibliographie

P. Bidart, « L’influence du philosophe allemand F. Krause dans la formation des sciences sociales en Espagne », Revue germanique internationale, 21 | 2004. [En ligne]. Disponible sur : http://rgi.revues.org/1004. (Mis en ligne le 28 janvier 2011, consulté le 03 février 2015).

M. Gómez-García Plata, Le Folklore d’Antonio Machado y Álvarez : un cadre scientifique transnational au service d’un projet national (objet, méthode, discours et enjeux), [en préparation].

A. Guichot y Sierra, Noticia histórica del folklore, orígenes en todos los países hasta 1890, desarrollo en España hasta 1921, Sevilla, Álvarez, 1922. [En ligne]. Disponible sur : https://archive.org/details/noticiahistric00guicuoft.

A. Machado y Álvarez (Demófilo), Obras completas, edición, introducción y notas de Enrique Baltanás, "Biblioteca de Autores Sevillanos", n° 5, Diputación de Sevilla, Fundación Machado, Sevilla, 2005, 3 vol.

A. Machado y Álvarez, « Breves indicaciones acerca del significado y alcance del término Folk-Lore », Revista de España, n° 102, Madrid. 25 de enero de 1885 ; « The Science of Folk-Lore », The Folk-Lore Journal, London, pub. for the Folklore Society by E. Stock, vol. 3, 1885, p. 104-114.




[1Le krausisme est un mouvement intellectuel espagnol qui s’inspire de la philosophie du professeur de l’Université d’Heidelberg, Karl Christian Friedrich Krause (1781-1832), épigone néo-kantien dont le système postule un rationalisme harmonieux associant dans une même doctrine science, éthique et politique. Introduit en Espagne par Julian Sanz del Río, traducteur de L’idéal d’humanité pour la vie (1860), le système de Krause représente une alternative à la sclérosante philosophie thomiste ; il séduit les élites intellectuelles bourgeoises et libérales, liées à la franc-maçonnerie, qui entendent promouvoir de nouveaux philosophèmes afin de réformer culturellement une Espagne conservatrice, cf. Pierre Bidart, « L’influence du philosophe allemand F. Krause dans la formation des sciences sociales en Espagne », Revue germanique internationale, 21 | 2004. [En ligne]. Disponible sur : http://rgi.revues.org/1004. (Mis en ligne le 28 janvier 2011, consulté le 3 février 2015).

[2« Breves indicaciones acerca del significado y alcance del término Folk-Lore », Revista de España, n° 102, Madrid. 25 de enero de 1885 ; « The Science of Folk-Lore », The Folk-Lore Journal, London, pub. for the Folklore Society by E. Stock, vol. 3, 1885, p. 104-114.

[3Cette institution éducative alternative fut créée en 1876 par les professeurs destitués de leur chaire pour avoir refusé d’inféoder leur enseignement aux préceptes du dogme catholique à la suite de la publication du décret du ministre Orovio.

[4Les sociétés folkloriques régionales peuvent, à leur tour, selon les statuts de la fédération, se subdiviser en centres locaux. Toutes les sociétés créées, qu’elles soient régionales ou locales, portent l’appellation « El Folk-Lore » suivi de l’adjectif désignant la nationalité ou l’appartenance géographique, pour l’entité nationale ou les centres régionaux, ou du toponyme pour les locaux (El Folk-Lore de Burguillos), associant ainsi l’étude de la culture populaire à un territoire ou à un terroir. À l’amphibologie du terme originel, qui avait l’inconvénient de désigner à la fois l’objet et le champ disciplinaire, A. Machado y Álvarez, dans sa volonté de le défendre et de le faire accepter, lui a ajouté un troisième sens — et il est le seul à faire cela en Europe —, celui de société folklorique.

Portfolio
  • Page de garde de l'édition fac-similé (1975) de Colleción de cantes (…)
    Page de garde de l’édition fac-similé (1975) de Colleción de cantes flamencos recogidos y anotados
  • Le jeu de la corde (El juego de la cuerda, photographie prise par A. Machado (…)
    Le jeu de la corde (El juego de la cuerda, photographie prise par A. Machado y Álvarez et éditée en carte postale, 7/07/1882)
  • Nécrologie de A. Machado y Álvarez faite par P. Sébillot, Revue des (…)
    Nécrologie de A. Machado y Álvarez faite par P. Sébillot, Revue des traditions populaires, t. 8, n° 8-9 (août-septembre 1893), p. 457