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International Encyclopaedia
of the Histories of Anthropology

Incoming correspondence from Achille Millien (1838-1927)

Edited by
Pierre Marcotte (École des Chartes, Paris)

2012
Full reference

Incoming correspondence from Achille Millien (1838-1927). Edited by Pierre Marcotte, 2012, in BEROSE - International Encyclopaedia of the Histories of Anthropology, Paris.

The editing of all the letters received by Millien relating to folklore, in addition to being long, would be insignificant, as they are mostly very formal and stereotypical letters concerning book exchanges. We have chosen here some important letters from correspondents occupying strategic positions: Paul Sébillot, Eugène Rolland, Henry Carnoy, Gabriel Vicaire, Maurice Méténier and Jean-Grégoire Pénavaire.
Spelling has been restored, with some exceptions that we point out. The cardinal numbers given in figures have been written in letters. We replaced underlining with italics, except in one case that we point out. Book titles are only given in italics when they are underlined in the documents.
The critical apparatus is divided into two parts: a numbering “a, b, c...” which refers to the remarks on the establishment of the text and a numbering “1, 2, 3...” for additional information.

Lettres de Paul Sébillot - Arch. dép. de la Nièvre, 82 J 2220

 Paul Sébillot à Achille Millien [1880]
Saint-Cast [1] par Matignon
(Côtes-du-Nord)

Monsieur,

Votre aimable lettre m’arrive à la campagne dans un pays que vous verrez souvent cité au bas de mes Contes populaires, que je vous envoie en même temps qu’un Essai de questionnaire que je viens de publier il y a un mois environ, et qui m’a déjà rendu de grands services.
Je suis très content d’entrer en relations avec ceux qui comme vous s’occupent de littérature populaire : j’espère l’hiver prochain parvenir à fonder une société de Folk-Lore analogue à celle qui existe en Angleterre, et j’espère que vous serez des nôtres. Parmi les peuples civilisés, nous avons été les derniers à recueillir la littérature populaire ; il est grand temps de sauver ce qui reste ; mais quoique bien des trésors aient été perdus, il en subsiste encore assez pour que chaque pays puisse fournir un ensemble intéressant.
Je savais par mes amis et surtout par Bouché et M. Jullien, que depuis longtemps vous vous occupiez de recueillir les chansons nivernaises, mais je croyais que vous vous borniez aux chansons. Vous avez eu absolument raison de faire porter vos investigations sur tout, et je suis heureux d’apprendre que grâce à vous, le centre de la France aura bientôt tout un ensemble de documents populaires qui seront sans doute d’un intérêt très grand.
Chez qui publiez-vous vos chansons ? Avez-vous un éditeur pour vos Contes ? Pour les chansons, je ne pourrais vous procurer un éditeur ; mais je crois pouvoir vous promettre un accueil favorable pour un volume de Contes de 300 à 350 pages (à 28 lignes) chez Maisonneuve qui – un peu grâce à moi – commence une collection de Littérature orale dans le format et avec les caractères de la Bibliothèque elzévirienne : le premier volume est de M. Maspéro, Contes Égyptiens, le deuxième, Littérature orale de la Haute-Bretagne, comprenant 46 spécimens de contes, 60 ou 80 de chansons, 400 proverbes, 200 devinettes, 100 à 150 de formulettes etc., est de moi, et paraîtra en décembre. Viendront ensuite Les Contes chrétiens de la Basse-Bretagne de Luzel, La Littérature orale du Pays Basque de J. Vinson, conçue sur le même plan que mon livre, puis d’autres volumes de Léger, Luzel, un autre de moi sur les Traditions, superstitions et légendes de la Haute-Bretagne. Vous voyez que c’est une collection sérieuse, et où l’on peut orner ses contes de Commentaires, ce que je n’ai pu faire dans le volume que je vous envoie. Cet hiver je vais publier chez Charpentier une deuxième série de Contes populaires de la Haute-Bretagne qui sera bien plus intéressante que la première, et vers le printemps un volume de Contes de marins. Ces 4 volumes formeront un ensemble de 200 à 250 contes environ, et il m’en restera encore au moins une centaine en portefeuille, puisque dès à présent j’ai recueilli 321 contes, et que les deux mois que je passerai à la campagne sont les plus fructueux pour cette récolte ; en octobre et en novembre dernier j’ai recueilli près de 80 contes, et j’espère que cette année je ne serai pas moins heureux.
Quant aux chansons, j’en ai 150 environ, en y comprenant celles qui sont actuellement sous presse et dont une douzaine seulement ont leur musique ; c’est la partie faible de mon exploration ; mais il n’y a guère qu’un an que je m’en occupe, et j’espère dans quelques années pouvoir faire un recueil intéressant.
Je recevrai avec plaisir vos pages de rimes, comme vous les appelez trop modestement. Je vous envoie aussi un questionnaire Gargantuesque, à l’aide duquel j’ai recueilli de très curieux documents que je publierai sans doute assez prochainement.
Veuillez agréer, monsieur, l’assurance de mes sentiments distingués

Sébillot


 Paul Sébillot à Achille Millien [Début février 1882] [2]
NER DE MARE L’OYE
UNION DES FOLKLORISTES

M. …
Le 1er dîner de « MARE L’OYE » aura lieu le deuxième mardi de ce mois, à 7 heures du soir, au Restaurant des quatre Saisons, rue des Halles, au coin de la rue Saint-Denis.
Nous serions heureux de vous compter au nombre des convives qui assisteront à cette réunion.
En attendant votre réponse, veuillez agréer l’assurance de nos sentiments dévoués.
Les commissaires
Loys BRUEYRE
Paul SÉBILLOT
[…]
Mon cher Confrère,
J’espère que de ce dîner – auquel vous assisterez bien au moins une fois l’an – sortira une Société pour les Études mythographiques. Il est vraiment extraordinaire que la France soit le seul pays civilisé où n’existe pas encore une société constituée, et pourtant vous savez comme moi que sous le rapport de la richesse mythologique, nous n’avons rien à envier aux autres nations.
Je n’ai pas reçu le prospectus que Leroux a dû lancer, avant l’impression de vos œuvres. J’ai bien envie de voir paraître votre récolte. J’ai demandé pour vous un exemplaire de l’Inventaire des Mégalithes, mais je n’ai pas pu encore l’obtenir, car il paraît qu’il ne reste qu’un très petit nombre d’exemplaires ; mais je rafraîchirai la mémoire à M. de Mortillet la première fois que je le verrai.
Je vais publier fin avril chez Charpentier la 2e série de mes Contes populaires Contes des Marins ; un mois après paraîtront chez Maisonneuve les 2 vol. des Traditions et Superstitions de la Haute-Bretagne.
Quant à mon Gargantua, à la rigueur, je pourrai dès maintenant le donner à l’imprimeur ; mais je profiterai pour l’améliorer et le compléter des six à 8 mois que j’ai encore devant moi. D’ici ce temps, j’espère avoir de nouvelles communications, et pouvoir fouiller les pays qui jusqu’à présent ne m’ont donné que des résultats négatifs ou incertains.
à vous

Sébillot


  Paul Sébillot à Achille Millien. 18 janvier 1887
18 Janv. 87,

Cher Monsieur,

Mille bons souhaits de bonne année, et puissé-je avoir votre livre en 87 !
Ci-joint la Circulaire du Comité central et la liste votée.
Une autre liste a été lancée par quelques individualités qui voudraient faire du folk-lore littéraire (comme la Petite Reine) et non de la science. Un groupe important, disposé d’abord à voter telle quelle la liste du Comité central, va faire une Circulaire pour dire qu’on doit rester sur le terrain scientifique. MM. de Puymaigre, Luzel, Bonnemère, Topinard et plusieurs autres membres la signent. Puis-je mettre votre nom à côté des leurs, et de ceux qui sans doute nous appuient ? Elle est conçue en termes modérés. Réponse par retour du courrier SVP.
Voici le changement.

Liste du Comité
Secrétaire Carnoy
Trésorier Certeux

Liste folklorique
L. Farges
Trésorier Ch. Leclerc-Maisonneuve

Comité central
Suppression de MM.
Blémont
Carnoy,
Certeux,
Ortoli,
de Sivry,
Vicaire.

Comité central
Remplacés par MM.
Bonnemère
Dozon
Farges
Landrin
de Puymaigre
Tiersot

Dans les membres habitant la province, vous remplacez M. de Puymaigre qui habite maintenant Paris. Au Comité de rédaction, on porte MM. Cordier, Dozon, Rosières et Tiersot au lieu de M. Carnoy, Certeux, de Sivry et Vicaire.
à v.

Sébillot


Lettres d’Eugène Rolland - Arch. dép. de la Nièvre, 82 J 2138

 Eugène Rolland à Achille Millien. [1879]
Château de Grandmont, Aunay par Auneau, Eure et Loir [3]

Monsieur,
Je sais que vous préparez depuis longtemps un recueil de littérature populaire de votre département. J’espère qu’il ne tardera pas à sortir.
Je me mets à votre disposition pour tous renseignements bibliographiques.
— Je regrette de ne pouvoir vous offrir mes Devinettes. Je n’en ai pas un seul exemplaire et l’éditeur (Vieweg, rue de Richelieu, 67) ne veut pas m’en céder.
— Je ne puis pas non plus vous offrir le premier vol. de ma Faune mais je vous fais hommage du vol. II que je vous envoie en même temps que cette lettre.
— Je vous engage vivement à ne pas attendre que votre collection soit complète pour commencer à la publier ; être complet en littérature populaire est presque impossible.
Je serai heureux de recevoir vos publications.
Agréez, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée

Eug. Rolland


  Eugène Rolland à Achille Millien [1880]
Aunay par Auneau Eure et Loir

Monsieur,
Je ne doute pas que M. Maisonneuve ne prenne une partie de votre collection pour l’éditer. Il ne faut pas compter par exemple sur des avantages matériels. Si donc votre Société nivernaise ne peut pas tout vous publier, vous pourrez vous adresser à lui.
La musique est une chose coûteuse et la musique jointe à la gravure ont fait sombrer Mélusine au bout d’un an.
Un cliché sur zinc comme celui du vol. II de la Faune coûte de 15 à 18 francs.
Si donc vous en avez beaucoup dans un volume, vous voyez à quel prix cela revient. De plus la gravure sur zinc n’est pas aussi bonne que celle sur bois. Celle-ci coûte plus cher.
Je pense que vous avez trop de musique et qu’il vous faudra faire un choix.
La partie musicale de la littérature populaire est peut-être ce qui a le moins de chance de réussir auprès du public français, tout ce qui est musicien de profession professant le plus grand mépris pour la Musique populaire.
Ceux qui ne sont pas musiciens ne recherchent que le texte, la poésie. Pour cela les amateurs sont plus nombreux et il y a des littérateurs qui comprennent la poésie populaire.
Certes il est très utile pour les recherches de comparaison d’avoir autant que possible les airs des chansons, mais plus il y a de musique, et plus le volume doit se vendre cher, et plus les amateurs reculent devant l’achat.
Pour ce qui concerne la Musique vous avez sans doute suivi les instructions d’Ampère.
L’ouvrage de Laisnel de la Salle a été publié chez Chaix, rue Bergère, 40, en 1875, quatre vol. in 8° (prix 12 francs).
— J’ai tout à fait quitté Paris et je suis toute l’année à Aunay par Auneau (Eure et Loir).
— Si dans le courant de l’année prochaine vous avez occasion d’aller à Paris, veuillez me prévenir deux jours à l’avance et me dire où vous serez descendu. Je pourrai peut-être alors vous fixer un rendez-vous et tout en déjeunant ensemble nous pourrons faire plus ample connaissance.
Vous recevrez ces jours-ci le vol. III de la Faune, récemment paru.
Agréez, Monsieur, l’expression de mes meilleurs sentiments,

Eug. Rolland


Lettres d’Henry Carnoy - Arch. dép. de la Nièvre, 82 J 777

 Henry Carnoy à Achille Millien. 8 juillet 1887
Paris 33 rue Vavin, 8 juillet 1887,

Mon cher Confrère,
Vos articles, quels qu’ils soient, seront les très bien venus. Vous êtes de l’école naturiste, la nôtre, et nous comptons sur votre collaboration.
J’aimerais avoir prochainement de vous une étude, plutôt que des contes ou des chansons. Ainsi, pourriez-vous me faire des articles, sur les contes, les chansons, la poésie populaire, la psychologie, etc. du paysan de la Nièvre ? Cela m’irait à merveille. Envoyez également de petits contes, des chansons sans musique – nous en avons de gravées pour l’année – , etc.
Quelque jour, envoyez-moi une poésie – littéraire – de votre aimable façon, mais se rattachant à une donnée populaire.
Notre but est la littérature et l’art, et la science intéressante. Vous serez bon juge pour apprécier vous-même.
Le pauvre Vicaire [4] c’est bien vrai ! Il est chez le Dr Fabret. Seulement, nous tenons à ce que le public l’ignore.
Il va beaucoup mieux, et nous espérons qu’il n’en sera rien. Confidentiellement : c’est le délire alcoolique amené par une impuissance de volonté causée elle-même par des circonstances toutes particulières.
C’est Vicaire qui s’est le premier aperçu de son état et qui s’est fait conduire dans une maison de santé.
En attendant votre envoi
Croyez-moi
Votre bien dévoué

Henry Carnoy
33 rue Vavin
Paris


 Henry Carnoy à Achille Millien. [1894]
Mon cher Confrère,

Je connais votre état de santé, mais aussi je crois savoir que vous auriez pu déjà commencer votre publication si votre entreprise n’était aussi vaste. Actuellement, les publications de folklore sont presque impossibles : les éditeurs sont un mythe plus difficile à découvrir que celui du Phoenix.
Pourquoi ne commenceriez vous pas par donner un choix de contes, de légendes, de chansons, ou autre chose dans notre Collection internationale ? Le 12e vol. va paraître [5]. Je vous en envoie un volume.
J’ai fondé cette collection pour m’éditer et éditer mes amis, lorsque j’ai vu qu’on me demandait des prix fous pour publier mes ouvrages. Je fais des tirages excessivement soignés à 300 exemplaires. J’en remets 100 à l’auteur, 50 à la presse et j’en vends une cinquantaine à 2 F.
Je partage les frais avec l’auteur auquel je demande 200 F nets pour un vol. de 108 p. et tous mes amis sont enchantés de cette combinaison.
Actuellement, je ne puis suffire aux demandes. Voyez à cela. Vous feriez un adorable recueil de contes, vous le maître naturiste par excellence. Et la dépense serait minimum.
Les conditions ci-dessus sont si avantageuses que l’on m’a demandé d’en faire autant pour le nord de la France. Je vais m’y mettre.
Quant à Blémont, je ne suis pas au mieux avec lui. Je ne m’occupe plus de la Revue du Nord.
Merci de votre envoi. Ce sera un régal pour nos lecteurs.
Bien à vous avec tous mes souhaits

Henry Carnoy


 Henry Carnoy à Achille Millien. [1894]
Mon cher Confrère,
Vous nous lâchez donc ! Qu’y a-t-il ? Que se passe-t-il ? Vous me donnez de mauvaises raisons. S’il vous manque des Nos, je vous les enverrai. Et vous en avez reçu de 1893. Au mois de mai, nous avions un joli conte de vous.
Si ce sont des embarras budgétaires, vous savez que l’on est ici très accommodant. Je vais faire les recouvrements de 1893. Vous paierez 1894 quand vous voudrez.
Et puis encore, je voulais faire une galerie de traditionnistes avec portraits et biographies. Je comptais sur vous pour inaugurer cette collection ! Allez-vous me manquer ? Vous avez certainement un portrait à la plume à me fournir et des notes bio-bibliographiques. Je les attends.
Si les artistes lâchent le manche après la cognée que restera-t-il ? Sébillot ! C’est peu !
Bien à vous,

Henry Carnoy


Lettre de Gabriel Vicaire - Arch. dép. de la Nièvre, 82 J 2395

 Gabriel Vicaire à Achille Millien. [fin 1882]<br />
Mon cher confrère,

Je rentre seulement de Paris et me hâte de vous envoyer l’article dont on vous a parlé. J’en aurai prochainement un autre dans la même revue sur le Mariage à la campagne [6]. Dès qu’il aura paru, je vous l’adresserai de même. Vous trouverez, je le crains, dans ces deux articles, peu de documents nouveaux. J’ai surtout voulu faire œuvre de vulgarisation et me suis attaché à ne citer que les pièces vraiment intéressantes, au risque de tomber dans des redites.
Quand paraissent vos chants du Nivernais ? Je serais bien aise de pouvoir en parler, même de leur consacrer une étude spéciale.
Pendant mes vacances, j’ai recueilli avec un de mes bons amis, Ch. Guillon, qui se chargera de les publier pas mal de chants populaires de la Bresse et du Bugey. Peu de choses absolument nouvelles, mais nombre de variantes curieuses de pièces déjà connues.
À cette occasion j’ai entendu parler de vous à Rapillon [7], chez mon ami Bidault avec qui vous êtes, je crois, en correspondance. Nous avons eu chez lui une séance à pouffer de rire. On avait invité à dîner le marguillier du pays qui devait nous régaler d’une foule de chansons, contes etc., et pour lui délier la langue, on avait commencé par le faire boire à tire-larigot. Malheureusement nous avons exagéré la dose, et notre homme étant ivre mort, il a été impossible d’en rien tirer.
Vous avez dû, je pense, éprouver parfois des mécomptes de ce genre.
Adieu, mon cher confrère, et croyez-moi
Bien cordialement à Vous

G Vicaire


Lettres de Maurice Méténier (dit Jean Stramoy) - Arch. dép. de la Nièvre, 82 J 1773

 Maurice Métenier à Achille Millien. 8 février 1896
Moulins-Engilbert [8], 8 février 1896

Monsieur,

Pour obtenir plus sûrement de la fermière de Montaron [9], qui m’est inconnue, ce qu’elle pourrait savoir de la « fille-biche » j’avais fait demander cette complainte à son fils, par l’un de ses amis d’ici ; et c’est ce dernier qui, il y a une semaine, a reçu et m’a apporté la réponse que je vous transmets aujourd’hui.
J’ai tardé à vous l’adresser car je désirais en même temps vous faire parvenir la notation de l’air sur lequel se chantent les vers qu’elle contient.
Dans cette intention, je suis allé retrouver les braves gens qui m’avaient donné les fragments que je vous ai déjà envoyés. Je leur ai fait chanter à nouveau ce qu’ils m’avaient dit. Et, surprise désagréable, ils m’ont chanté tous les vers de cette complainte sur le même air, en répétant deux fois chaque vers.
Il est impossible que ce qu’ils m’ont fait entendre soit la musique de cette chanson. Cela est vraiment trop monotone. Peut-être ces gens-là n’ont-ils jamais su, qu’incomplètement, l’air que je leur demandais. Monsieur Pénavaire, à n’en pas douter, a noté autre chose que ce que j’ai entendu, que je n’ai pas jugé à propos de mettre sur le papier et que j’y pourrai mettre si vous le jugez nécessaire.
Vos lettres si bienveillantes, Monsieur, et pour lesquelles je ne saurais trop vous remercier, m’ont fait retrouver la belle ardeur d’autrefois, d’il y a trois ans, avec laquelle je me livrais à la recherche et à l’étude de notre littérature orale.
Je me suis remis à interroger bons vieux et bonnes vieilles d’ici et des environs ; et chaque jour quelques documents nouveaux s’ajoutent à ceux que j’ai récoltés déjà. Je recueille tout ce qui me paraît digne d’être recueilli : chansons, contes, légendes, devinettes, dictons, etc.
Dans ce coin du vaste champ où vous avez glané, Monsieur, ne trouverai-je que des épis vides ; n’en trouverai-je pas encore quelques-uns échappés à vos recherches et lourds des bons grains qu’ils contiennent ?
C’est une question que je vous demande respectueusement la permission de vous poser, Monsieur. Votre réponse me fera continuer ou cesser mes explorations.
Déjà j’ai retrouvé, entre autres choses, deux versions du conte intitulé : Le Voyage à Toulouse, une version du Loup, du Lion et de l’Homme, une autre de l’escargot qui avait mis sept ans pour passer un pont, avec des variantes qui me semblent ingénieuses.
Et je ne sais pas si je dois aussi noter ces contes.
Votre brochure : « Petites fables et légendes nivernaises » me sera, je crois, très utile en la circonstance ; elle m’évitera de recueillir ce que j’entendrai de semblable à ce que vous avez recueilli et je la lirai aussi avec un grand plaisir. Je vous saurai donc gré, Monsieur, de vouloir bien me dire, lorsque cela vous sera possible, à quelle librairie je dois la demander. N’en ai-je point lu, il y a longtemps, quelques chapitres dans un numéro d’un journal de Nevers, le Patriote, il me semble ?
Pendant les longues et laborieuses explorations qu’a nécessitées le beau travail sur le Nivernais que vous allez publier n’avez-vous pas été, comme moi, Monsieur, frappé du grand nombre de contes gaillards, immoraux même, qu’on trouve dans nos campagnes. Il y en a tant qu’il serait possible d’écrire avec eux un second « Moyen de parvenir ». Jusque-là j’ai laissé de côté avec intention ces contes qui font aussi cependant partie de notre littérature orale… Ai-je fait sagement ? Je serais heureux de le savoir.
Je vous en prie, Monsieur, excusez-moi de vous poser ainsi des questions ; pardonnez-moi mon importunité et croyez-moi votre bien dévoué et très respectueux admirateur.

Maurice Méténier


 Maurice Métenier à Achille Millien. 4 octobre 1896.
Moulins-Engilbert, 4 octobre 1896

Cher Monsieur,

Les mêmes chansons que nous avons recueillies peuvent avoir de commun le fond, mais cela seulement pour la plupart. Quant aux airs que j’ai entendus, je persiste à croire que ce ne sont point des variantes de ceux que vous avez notés, mais je suis ici de l’avis de George Sand qui constatait que la poésie et la musique rustiques comptent autant d’arrangeurs que d’individus.
Bien que très modeste, le travail que je vous ai adressé m’a coûté beaucoup d’efforts et aussi quelque argent par suite des démarches qu’il m’a mis dans l’obligation de faire. Il m’a pris cinq années de jeunesse. C’est bien quelque chose. Je l’ai entrepris et continué avec l’espoir qu’un jour il me rapporterait tout au moins un peu d’honneur. Je vous avouerai donc que j’ai toujours le désir de le publier.
Et c’est justement parce que mes airs ne sont point vos airs, que mon texte – que je ne vous aurai point communiqué si je n’avais la plus entière confiance en votre probité littéraire, car certains l’eussent pillé sans scrupules – que mon texte, dis-je, doit assurément différer souvent de votre texte, que la publication de mon travail ne sera point rendue tout à fait inutile par celle du vôtre.
Maintenant, jugez de mon embarras ! D’un côté je voudrais bien vous être utile ; d’un autre je désirerais ne point nuire à moi-même… Je suis en vacances depuis ce matin, dimanche, et le serai jusqu’à jeudi soir, 8 courant.
Si vous le désirez, je me rendrai à Nevers mardi ou mercredi, de préférence à jeudi, jeudi cependant si ce jour vous convient.
J’attends donc de vous, cher Monsieur, une lettre qui me renseignera sur ce sujet et, s’il y a lieu, m’indiquera l’endroit et l’heure du rendez-vous.
Je suis toujours, cher Monsieur, votre très respectueux obligé.

Maurice Méténier


 Maurice Métenier à Achille Millien. 19 novembre 1896
Moulins-Engilbert, 19 novembre

Cher Monsieur,

J’ai besoin du manuscrit de mes chansons. Voudriez-vous avoir l’obligeance de me le retourner ? Je vous serai reconnaissant de ne le confier à la poste que recommandé ?
Je n’ai point repris mes recherches. Je suis découragé. Je me dis : À quoi bon, puisqu’il me sera toujours impossible, faute d’argent, de publier ce que je pourrai recueillir.
Vous sera-t-il possible de m’envoyer le numéro de la Revue du Nivernais qui contiendra la petite légende que je vous ai adressée ?
Recevez, cher Monsieur, la nouvelle assurance de mes sentiments très respectueux et très dévoués,

Maurice Méténier


 Maurice Métenier à Achille Millien. 26 juillet 1897
Moulins-Engilbert, 26 juillet 1897.

Cher Monsieur,

J’ai adressé, ces jours derniers, une nouvelle demande de poste d’instituteur de hameau à Monsieur l’inspecteur d’Académie avec quelque chance, je crois, de me voir accorder ce dont je sollicite. Voici pourquoi : À la fin de mai dernier, Monsieur l’Inspecteur d’Académie présidait à Moulins-Engilbert une conférence pédagogique. Monsieur Allard, Inspecteur primaire à Château-Chinon l’accompagnait. La conférence terminée, Monsieur Garban visita nos classes en compagnie de Monsieur l’Inspecteur primaire et de mon Directeur. Monsieur l’Inspecteur d’Académie s’étant fait montrer les cahiers de mes élèves, Monsieur l’Inspecteur primaire profita de cette occasion pour lui faire de moi un vif éloge et pria Monsieur Garban de me récompenser de mon travail en me nommant à un poste d’instituteur de hameau. Monsieur l’Inspecteur d’Académie (j’ai su cela par mon directeur) lui répondit : « Puisque ce maître est si méritant, veuillez, Monsieur l’Inspecteur primaire, aux vacances prochaines, m’en faire souvenir ».
Je viens de penser, à l’instant, qu’un mot de vous, cher Monsieur, me rappelant à la mémoire de Monsieur l’Inspecteur d’Académie et me recommandant à sa bienveillance, pourrait m’être très utile en la circonstance. Et je prends aussitôt la plume pour venir vous présenter mes respects et vous prier, si vos occupations vous en laissent le loisir et si vous m’en jugez digne, de vouloir bien, en écrivant ce mot à Monsieur Garban, me donner une nouvelle preuve de la bonté que vous avez eue déjà pour moi.
Vous me rendrez là, cher Monsieur, un véritable service pour lequel je vous adresse à l’avance mes remerciements les plus cordiaux que je vous prie d’agréer avec l’assurance de ma reconnaissance et de mon dévouement.
La raison qui me fait désirer une nomination prochaine est celle-ci :
Ma famille habite le Cher et l’Allier et je tiens beaucoup à n’en pas être aussi éloigné que j’en suis actuellement.
Les hameaux pourvus d’école, nombreux dans le Morvan, sont très rares dans l’arrondissement de Nevers ? Or, aux vacances prochaines, celui des Feuillats (commune de Decize) deviendra probablement libre.
Si je l’obtiens, je me trouverai rapproché des miens et ma joie sera grande ; mais si ce poste est donné à un autre et, qu’un peu plus tard, l’on m’envoie dans les environs d’Arleuf ou de Montsauche, parce qu’on ne pourra faire mieux, je serai tout à fait désolé…
Je vous demande infiniment pardon, cher Monsieur, de vous avoir entretenu aussi longuement d’affaires qui me sont personnelles. Je m’empresse de passer à un autre sujet de conversation.
Le « Journal du Morvan » (Émile Blin [10], imprimeur-gérant à Château-Chinon), dans son numéro du 17 juillet dernier, a publié votre belle version de « La fille du roi dans la tour », mais en la faisant précéder des lignes suivantes :
« La Revue du Nivernais publie le texte et la musique d’une vieille chanson populaire que nous croyons devoir reproduire. La version musicale a été recueillie et notée, dit M. Achille Millien, par M. Pénavaire, sur les confins du Nivernais et du Bourbonnais, à Chevagnes [11], où elle a été chantée par Mme Rabet. – Le texte a été constitué par Marguerite Mugues, femme Bongars, née à Dommartin [12] en 1817 »
Espérons donc que nous ne la verrons pas grossir – tout au moins sans indication d’origine – les pages de la brochure : Recueil de chansonnettes morvandelles, vendue par l’imprimeur du « Journal du Morvan ».
De cette superbe chanson je n’avais recueilli que quelques bribes autrefois à Livry [13]. Je ne la connaissais que par la version – très inférieure à la vôtre – qu’en avait donnée Gérard de Nerval.
J’ai trouvé ici une personne ayant su cette chanson mais ne s’en souvenant qu’imparfaitement aujourd’hui. – Elle dit : le beau garçon, au lieu de : le beau Dijon.
Le conte en prose « Le fin voleur » figure-t-il dans votre collection ? Il me paraît fort bien imaginé. Jusque-là, malheureusement, je n’ai recueilli qu’un début et une fin indignes du reste.
Je me hâte de terminer cette lettre trop longue, cher Monsieur, en vous priant d’agréer la nouvelle assurance de mes meilleurs sentiments.

Maurice Métenier


Lettres de Jean-Grégoire Pénavaire - Arch. dép. de la Nièvre, 82 J 1953

 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 24 septembre 1876
Paris 24 septembre 1876

Mon cher ami
Impossible à présent d’aller vous voir cette année. J’aurais pu trouver une quinzaine, mais du 1er au 15 septembre, ne voyant rien venir j’ai cru que vous n’étiez pas à Beaumont et j’ai flanoté dans les environs de Paris.
L’année prochaine je prendrai mes mesures pour que notre excursion ne manque pas. Ce que vous me proposez avec Hanoteau, que je connais de nom, est plein d’attraits ; et quoique je me défie beaucoup des chants anciens et populaires nous essaierons de ne pas trop nous tromper.
N’oubliez pas que la bluette que vous voulez bien écrire sur ma demande doit être dans un genre sérieux, domestique au besoin, parce que j’ai déjà pour mon recueil trop de choses aimables. Si le sujet peut fournir matière à deux voix elle n’en rendrait que mieux. Une chanson de paysan, mais brutale, m’irait encore.
En attendant votre bon envoi agréez, mon cher ami, tous mes souhaits de bonne santé.

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 24 août 1877
Paris 24 août 1877

Mon cher ami
Je voulais vous écrire depuis longtemps pour vous remercier de la bonne dédicace de votre pièce, Le Moulin, mais je vous croyais en voyage dans les pays les plus extravagants. Votre lettre me rassure. Donc merci, mon cher ami, d’avoir pensé à moi dans votre beau volume, que je viens de relire avec grand plaisir. J’espère que la publication des premières poésies ne se fera pas trop attendre.
J’ai lu, et vient d’envoyer à Melle J. Legoux [14] les vers que vous avez bien voulu faire pour sa valse. Il y a quelques passages que vous avez bien réussis, et d’autres qui sont à côté, notamment le début. Peut-être n’avez-vous pas suivi assez bêtement le monstre que nous vous avions envoyé. Je vais tâcher d’arranger, ou plutôt d’abimer cela. Ah ! les musiciens !
Je vous dirai, mon cher ami, que j’occupe depuis le 12 mai un poste de soliste fort en vedette aux concerts Musard (Champs-Élysées). Cela m’a beaucoup fatigué, mais la saison va se terminer soit le 1er septembre, soit le 15, au plus tard. Mon intention bien arrêtée est d’aller vous voir, et si nous ne sommes pas invalides tous les deux, de faire le travail dont vous m’avez parlé l’année dernière (sur les chansons du pays, avec Hanoteau). Veuillez donc me dire si vous êtes toujours disposé à me recevoir. Vous savez que les compositeurs sont des gens terribles. Vous l’aurez voulu !
En attendant quelques lignes, je vous envoie toutes mes amitiés

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 22 juillet 1880
Paris 22 juillet 1880

Mon cher ami
Mes leçons vont se terminer d’ici à une huitaine de jours, et j’en profiterai pour me sauver du côté de la Nièvre. Vous pouvez donc compter sur moi le 1er ou le 2 août. Qu’on se le saxophone !
J’espère que cette fois nous en terminerons avec les chansons et les chanteurs.
Vous aurez une nouvelle petite lettre qui vous indiquera exactement le jour de mon départ.
J’espère que la santé est bonne chez vous, et que je retrouverais Mme Millien, vive et dispose, en dépit des ans.
Cordialités

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 10 octobre 1880
Paris 10 octobre 1880

Mon cher ami
C’est avec peine que j’ai appris la mort du pauvre Hisquin [15], que j’avais quitté si plein de vie. Tout passe, tout lasse, tout casse comme a dit Alex. Dumas… ou un autre.
En même temps que votre lettre j’en recevais une de Mouton [16], pharmacien, me grondant de ne pas être allé le voir à Nevers avec vous, me remerciant de l’envoi des Papillons roses pour son fils, et m’envoyant un plat encadré faïence de Nevers, nouveau style. J’ai vu Lacombe [17] (celui qui fait des opérettes) ; il n’est pour rien dans les chants du Morvan dont nous parlait le farceur de Clamecy. C’est donc Louis Lacombe [18] qu’il aura voulu dire.
Le recueil nivernais est à la copie. J’ai déjà les deux tiers de la besogne sur ma table, et Binay m’assure qu’il aura fini le dernier tiers d’ici à 5 ou 6 jours. Vous voyez que cela n’a pas traîné. Quant à moi je vais revoir le plus vite possible toute cette copie et vous l’expédierai. Il est probable que cela coûtera entre 130 et 140 francs. Si je n’avais déjà un vieux compte assez bien nourri avec Binay je ne vous laisserais pas envoyer cette somme, mais Binay est comme un crin.
À bientôt, donc, une nouvelle lettre.
Mes amitiés et bons souvenirs à votre mère.
Compliments avec de Sourge
Cordialités

Pénavaire

J’espère que vous êtes tout à fait bien portant en ce moment. Je ne suis rentré définitivement qu’avant hier.


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 5 novembre 1880
Paris 5 novembre 1880

Mon cher ami
Je commençais vraiment à être inquiet à votre sujet lorsque votre carte postale est venue me rassurer. Vous ne me dites rien de votre santé, donc elle est bonne. La mienne est toujours un peu trop florissante ; mais il faut savoir vivre avec ses ennemis.
Vous savez, sans doute, que le jeune A-le-xis [19] est venu me voir. J’avais même pris rendez-vous avec lui vendredi dernier, à l’effet de lui offrir à déjeuner, mais il paraît qu’il est parti la veille, ainsi qu’il me le faisait craindre, car je n’en ai plus de nouvelles. J’ai bien regretté ne pas me trouver plus libre.
Au revoir, cher ami, je cours à mes affaires. Tout à vous, bien entendu, pour les diverses modifications du recueil nivernais. Binay (le copiste) a terminé et son paquet dort sur ma table. Dans quelques jours je me mettrai à la révision de toute cette copie. Ce sera dur, vu les transpositions que le copiste a dû faire. Le tout se monte à 130 Fr.
Amitiés à votre mère.
Cordialités

Pénavaire

J’ai trouvé pour le chœur la cloche :
Puisque la paix règne au bercail,
Tintin, vite à l’œuvre ! au travail !
J’ose dire que c’est tout simplement superbe.


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 21 décembre 1880
Mardi 21 décembre 1880

Mon cher ami
Si j’ai tardé quelques jours avant de vous répondre c’est que je voulais pouvoir vous renseigner définitivement. J’ai vu d’abord les trois graveurs de musique ayant le plus de réputation, c’est-à-dire MM Baudon, Guillemard, Parent. Ces messieurs ont tous trois le même prix ; prix très élevé. En comptant quatre chansons par planche, voici le total :
Achat de 150 planches d’étain à 5 Fr. 750
Gravure des dites 150 planches à 12 Fr. par planche 1800
2550
Deux mille cinq cents francs ! C’est un comble ! Il est vrai que cela serait fait superbement. J’ai vu en second lieu les graveurs ou plutôt les graveuses de moindre réputation. La seule de ces dames qui me paraît pouvoir faire notre travail serait Mme Blondel, 16 passage de l’Industrie. Elle prétend avoir tous les caractères à sa disposition et fournirait d’ailleurs un spécimen à titre d’essai. Ici les prix diminuent des deux tiers, rien que cela !
Achat des 150 planches à 3 Fr. 450 Fr
Gravure des 150 planches à 4 Fr. 600
1050
Cette dame Blondel est fort intelligente. Peut-être nous faudra-t-il la conserver. Voilà, mon cher ami, ce que j’ai pu trouver de mieux.
Quand à la copie de Binay, le paquet dort dans mon placard, et je n’ai pu jusqu’à ce jour donner un coup d’œil sur les nombreuses fautes dont cela doit être bondé ? mais je le ferai lorsque le grand moment viendra.
Mes amitiés et bons souhaits de nouvel an à votre mère. J’espère que ma lettre la trouvera en bonne santé.
Cordialités

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 9 février 1881
Paris 9 février 1881

Mon cher ami
Je vous envoie les trois chansons demandées. Quant à la question de la gravure je suis à peu près sûr que nous ne trouverons pas de meilleures conditions que celles de Mme Blondel.
Je n’ai pu jusqu’à présent revoir le travail de Binay, et ne pourrai m’y mettre qu’à partir du 12 mars. Ce sera long. Pour le travail plus sérieux de l’historique de la chanson (quelconque), ou la preuve qu’elle est tirée de tel ou tel vieil opéra-comique, il faudrait de grands loisirs. Nous essaierons cependant pour les plus sujettes à caution lorsque viendront les beaux jours.
Impossible, hélas ! d’aller vous voir avant l’août – foi d’animal !
Il y a décidemment trop de chansons dans le recueil.
Cordialités. Amitiés et bons souhaits à votre mère
Votre affectionné

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 22 mars 1881
Paris 22 mars 81

Mon cher ami
Quelques lignes en hâte. J’ai vu ce matin, après votre lettre, Mme Blondel 16 passage de l’Industrie, et nous sommes allés à la Bibliothèque du Conservatoire afin de voir le recueil Jérôme Bujeaud, qui me paraît comme disposition et grosseur de caractères le meilleur type à imiter. On n’a pas ce recueil au Conservatoire, ce qui m’a paru contrarier fort peu Weckerlin. Il faut donc que vous ayez la bonté de m’en expédier un volume, que je vous renverrai dès que Mme Blondel l’aura vu.
Le spécimen que vous m’envoyez est bien fin comme musique. Cela n’a pas assez d’œil.
Cordialités
Amitiés à votre mère

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 2 avril 1881
Paris 2 avril 81

Mon cher ami
Je vous envoie le modèle Blondel. Ladite Mme Blondel prétend que les paroles seraient mieux en lithographie. (Elle a fait le tout en gravé, sur un exemple) Vous verrez.
L’autre semaine je suis allé au dîner des Nivernais, et je leur ai joué du violon ; mais on veut quelques vieilles chansons pour le prochain dîner et je ne sais trop comment m’en tirer. Indiquez-moi celles des chansons que vous voudriez faire entendre. D’ailleurs il me faudrait les couplets complets, puisque je n’ai jamais que le premier.
Amitiés à la hâte

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 21 avril 1881
Paris 21 avril 1881
Mon cher ami
J’ai reçu Mme Blondel, et j’ai causé avec elle. Ainsi que je le supposais la longueur de la portée n’est pour rien dans le prix ; c’est tant par planche, qu’elle ait huit portées ou quatorze. Nos chansons ayant trois lignes en moyenne, on peut en mettre quatre ou cinq par planche.
Si le travail de Mme Blondel se fait de mai à septembre elle fera une petite diminution, c’est-à-dire que la planche (achat d’étain et gravure) ne coûtera que 5 francs au lieu de 7 francs comme elle l’avait dit tout d’abord.
Il faudra probablement cent soixante planches pour le recueil complet.
Ce mois-ci je ne pourrai assister au banquet du Nivernais, étant accablé de choses en retard. Mais le mois prochain, tout en revoyant le paquet du copiste Binay, je ferai un petit choix pour audition.
J’espère, d’ailleurs, que vous viendrez à Paris en mai. J’ai accepté les fonctions de juré au grand concours de Vienne (Isère) les 14 et 15 août prochains. C’est mon chemin pour descendre vers Marseille. Je ne pourrai donc passer à Beaumont qu’une douzaine de jours, mais nous tâcherons de les bien employer.
Cordialités

Pénavaire

[Au bas de la troisième page figurent deux multiplications posées et écrites au crayon à papier de la main de Millien : « 150 x 7 = 1050 » et « 150 x 6 = 900 ». On peut noter que Millien estime que cent cinquante planches de gravures suffiront à l’impression de toutes les mélodies dans son ouvrage. Le nombre de celles-ci oscille donc, pour Millien, entre six cents et sept cent cinquante. ]


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 15 mai 1881
15 mai 1881

Mon cher ami
Il paraît que je me suis mal expliqué dans ma dernière lettre ; voilà donc à nouveau les détails que vous me demandez.
Chez les graveurs de musique on ne compte pas à tant la ligne, on compte par page. D’ailleurs, d’après le nombre de lignes contenues dans la page on peut calculer ce que coûterait la ligne. De plus, que cette ligne ou portée soit longue comme ce papier ou qu’elle n’ait que cette longueur
[dessin d’une portée de 3 centimètres de long]
le prix reste le même. Tout cela veut dire que le prix se fait par page, et qu’il reste le même alors que cette page a quinze lignes ou n’en a que six, ce sont les petits bénéfices du graveur [20]. En comptant chacune de nos chansons à trois lignes (avec gros caractères de musique) on pourrait en mettre largement trois à la page. Si la musique était gravée plus finement, comme dans l’un des spécimens que vous m’envoyez – et que d’ailleurs je trouve trop fin – on en mettrait quatre à la page. Enfin, il faut prendre une moyenne de dix lignes par page.
Mme Blondel, comme je vous l’ai dit dans ma dernière lettre, ne demande plus que 5 francs par page, étain et gravure. Je connais une autre graveur, Melle Brie, 31 rue des martyrs, qui ferait le même travail à 4 francs par page, mais ce ne serait pas superbe. C’est elle, d’ailleurs, qui a gravé la partition de Ninette et Ninon ; vous pouvez juger.
Les spécimens que vous me communiquez sont excellents, surtout les gros caractères. Plus petit cela n’aura pas d’œil.
À bientôt, n’est-ce pas, le plaisir de vous serrer la main

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 19 septembre 1881
Sarcelles 19 septembre 81

Mon cher ami
Malgré tout le désir que j’en avais je n’ai pu revenir à Beaumont. La famille Ternisien [21] me voulait le plus tôt possible parce que la semaine prochaine et peut-être la suivante elle ne sera pas à la campagne ; Mme Legoux, installée depuis le 15 courant à son domaine de Beaumarchais, me rappelait tous les deux jours que j’avais promis de passer une quinzaine chez elle cette année ; j’ai du quitter Montréal jeudi dernier sans avoir vu toute la parenté. Ne m’en voulez pas ; nous tâcherons de faire par correspondance la besogne que nous nous étions promis de faire à Beaumont. D’ailleurs le plus fort est fait. Renvoyez-moi le paquet complet, afin que je puisse un peu tous les jours m’occuper de la nouvelle révision de la copie Binay, puisqu’il faut être sûr de chaque note.
Lorsque je serai définitivement installé à Paris après le séjour à Beaumarchais je vous ferai une petite liste de personnes susceptibles de souscrire à l’ouvrage. Vous enverriez le prospectus depuis Beaumont. Cela vaudra mieux que si j’en parlais moi-même. Hélas ! je ne réponds pas du succès ! L’ouvrage est cher, et je n’ai même pas osé attaquer pour mon compte une souscription à mon volume de mélodies. Enfin, nous verrons bien.
Donnez-moi de vos nouvelles. Mes meilleurs souvenirs et mes amitiés à votre mère.
Votre affectionné

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 4 janvier 1882
Paris 4 janvier 1882

Mon cher ami
J’ai passé la matinée à regarder avec Mr Guillot, mon chanteur, les diverses chansons que vous m’avez envoyées et que nous comptons faire entendre au prochain dîner nivernais. Je viens vous demander de m’envoyer encore d’autres chansons, qui je le crois, feraient un certain effet ; ce seraient, par exemple :
Ces pauvres charbonniers,
Grand dieu ! qu’ils ont de peine !
La foi de la loi, ou les rentes de mai, ou la plume et le bec de l’alouette, enfin une chanson énumérative quelconque.
Une chanson prétendue morvandelle (celle que vous voudrez, mais cela fera bien).
La chanson de Monteignier : j’ai fait une maîtresse, trois jours y a pas longtemps, Je voudrais bien la t’nir dans une chambrette.
Celle, également de Monteignier, dans laquelle se trouve :
“Là où qu’est donc ma chère amie.”
Envoyez-moi cela par retour de courrier, si possible.
Cordialités

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 29 mars 1882
Paris 29 mars 1882

Mon cher ami
Pardon de n’avoir pas répondu plus tôt à votre envoi et à votre lettre. Vous savez que la vie se passe à être trop occupé.
L’autre mois j’assistai avec le chanteur Guillot au dîner des Nivernais, mais il y a toujours au dessert de toute réunion de ce genre un tel brouhaha qu’il est difficile d’obtenir un quart d’heure d’attention. Cependant Guillot put chanter deux chansons de notre recueil, et je fis entendre un solo de violon. Le jour, d’ailleurs, étant mal choisi : la table était inondée du prospectus de Louis de Courmont [22], dont on va publier un fort volume définitif. Nous reviendrons à ce dîner, et recommencerons la petite audition. Si vous pouviez être à Paris à ce moment, c’est-à-dire dernier vendredi d’avril ou de mai, ce serait utile et agréable.
Je garde en bon ordre tout ce que vous m’avez envoyé. Nous le retrouverons.
Il y a deux ou trois mois je fis la commission Destève, mais il me fut impossible de rien terminer sans quelques renseignements. Je lui écrivis à ce sujet en le renseignant de mon mieux, je suis donc fort surpris que vous me reparliez de cette commission. Mr Destève n’aurait-il pas reçu ma lettre ?
Je vous quitte, voici l’heure de ma répétition. Il faut vous dire que depuis deux mois je suis en certaine veine pour des auditions. Demain surtout se frappe un grand coup, comme vous le verrez par le petit entrefilet ci-inclus [23].
Tous mes bons souhaits et mes meilleurs souvenirs à votre mère.
Cordialités, poignée de main

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 29 novembre 1882
Paris 29 novembre 1882

Mon cher ami
J’ai reçu en son temps les volumes Luzel. Merci pour la dame en question, qui, d’ailleurs, doit avoir terminé sa lecture. Vous me direz si vous avez besoin que je vous renvoie ces volumes.
Le copiste Caneva a terminé son travail. Je l’ai revu, mais grosso modo, car une revue sérieuse, comme celle que j’ai commencée à Beaumont, au point de vue de la gravure, demanderait un mois, d’arrache-pied. Je reverrai cela peu à peu, par volume, et lorsqu’il le faudra. Caneva m’a redemandé le paquet pour vous l’expédier. J’ai gardé les originaux, que je vais vous envoyer un de ces jours. Je suppose que l’envoi Caneva vous est parvenu. Il l’avait adressé par colis postaux à Ferrier [24] (Prémery).
Rien de bien extraordinaire à vous dire. Je fais répéter un acte : La chanson de mai au cercle des arts intimes ; j’ai sept ou huit morceaux en train chez de nouveaux éditeurs, et j’espère aller diriger mon Rêve du Croisé à Marseille.
Mes amitiés, respects, et bons souvenirs à votre mère.
Poignée de main

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 6 juillet 1886
Paris 6 juillet 1886

Mon cher ami
Comment allez-vous ? Il y a si longtemps que je n’ai eu de vos nouvelles que je suis inquiet à votre sujet ? J’espère que votre estomac est revenu à de meilleurs sentiments, et que les divers malaises que vous m’avez narrés ne vous obligeront pas à faire une saison d’eaux, plus ou moins désagréable, quelque part.
C’est parce que je ne vous ai pas vu arriver à Paris, à l’occasion du Salon, que je vous suppose malade. S’il n’en est rien, tant mieux. Rassurez-moi bien vite.
Ces jours derniers j’ai longuement parlé de vous avec Th. Salomé [25]. Nous étions ensemble d’un jury, au Conservatoire. Je le rencontre, d’ailleurs, assez fréquemment, car nous sommes voisins. Je lui ai promis de lui donner de vos nouvelles.
Les chansons sont plus que jamais à l’ordre du jour. Tout le monde y va de son petit recueil. Bourgault-Ducoudray, qui s’imagine avoir découvert la Bretagne, fait un vacarme et une réclame que les Parisiens, nés pas malins, gobent parfaitement. Ces jours-ci il m’est tombé sous les yeux un volume d’E. Rolland, édité par Maisonneuve, et contenant force chansons, paroles et musique. Je suppose que vous connaissez ce volume, que cependant je ne me rappelle pas avoir vu chez vous. C’est un in-8°.
Je travaille comme un enragé, soit pour moi, soit pour les autres. D’ailleurs, il y a toujours un coup de feu pour la fin de la saison. Que d’agitations ! L’homme s’agite et Mme de Bar le mène, comme a si bien dit Bossuet.
Là-dessus je vous serre la main et vous envoie mes amitiés en attendant de vos nouvelles.

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 23 novembre 1887
Paris 23 novembre 87

Mon cher ami
Ravi d’avoir reçu de vos nouvelles et d’apprendre que vous êtes quelque peu éclopé. Ah ça ! vous croyez donc toujours à la chanson populaire ? Quelle drôle d’idée ! Enfin, cela vous fait vous promener dans de jolis et pittoresques pays ; c’est toujours quelque chose, à part les rhumatismes. Je regrette bien ne pouvoir en faire autant, mais je suis cloué sur les bords – et quels bords ! – de la Seine. À part [26] cela je m’en tire assez bien, pour le moment. À part mes yeux, qui tournent tout à fait à l’avachissement, je suis superbe. Ça ne durera pas, et je m’y attends, mais j’en profite pour tirer mes dernières cartouches.
Beaucoup de travail pour les autres, encore plus pour moi, et cela sans espoir ou à peu près, voilà la situation, qui est la même, d’ailleurs, pour tous les compositeurs de musique. Oh ! des ailes ! des ailes ! Pardon je voulais dire des rentes.
Soignez-vous ; car, enfin, je ne veux pas la mort du pêcheur.
Le bonjour à Garcement, qui est bien veinard de pouvoir fumer sa pipe à Beaumont.
Je vous serre la main.
Amitiés

Pénavaire

J’ai envoyé un énorme paquet de musique pour violon à l’avoué Desmoulins, de Nevers, qui ne m’en a jamais accusé réception. L’a-t-il reçu ?


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 18 mars 1893
Paris 18 mars 1893

Mon cher ami
C’est avec peine que j’ai appris le fâcheux état de votre santé, et tous vos ennuis. J’espère que le mieux se continue et que votre prochaine lettre m’annoncera la guérison complète. Je fais des vœux bien sincères pour qu’il en soit ainsi. De mon côté je ne suis pas très fier, tout en débitant, à l’occasion, mes petites drôleries, dans les salons. Pour mes étrennes j’ai dû recourir encore chez quelques princes de la science, car je continuais à souffrir dans l’aine, côté droit. Après grand examen d’un susdit prince, il a fallu se décider à porter un double bandage herniaire, afin d’éviter des ennuis. C’est fort divertissant et intéressant pour les dames.
D’après votre désir j’ai copié et envoyé à Sébillot la Fiancée du prince.
Vous devez voir dans les journaux que tout est aux vieilles chansons dans la badauderie artistique parisienne. Yvette Guilbert, vieilles chansons ; Félicia Mallet [27], vieilles chansons ; Mme Amel [28], vieilles chansons. Où vont-ils les chercher, mon Dieu ! Je n’ai rien entendu de tout cela, et d’ailleurs, j’ai de la méfiance.
Il n’y a plus rien de nouveau à dire là-dessus que mon thème radoteur ordinaire : il n’y a pas de chansons populaires. C’est ce que je compte dire un jour où j’aurai le temps.
Au revoir, mon cher ami. Je vous serre cordialement la main, et vous dis bon courage.
à vous

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 24 janvier 1894
Paris 24 janvier 1894

Mon cher ami
Je viens d’envoyer à E. Rolland la version du mauvais riche. Ce qui vous a troublé pour les paroles c’est qu’il y avait deux notes pour une syllabe. Cette version est une altération (très forte altération) de la version Champfleury et Weckerlin.
Rien de nouveau qu’un superbe rhume. J’espère que vous vous tirez de l’influenza et autres malaises. Bons souhaits.
À quand mon docteur Gallisson ? (6 rue Daubigny) Il obtient vraiment de curieux résultats.
Amitiés à tous les Beaumontois de connaissance.
Je vous serre la main

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 28 mars 1895
Paris 28 mars 95

Mon cher ami
Je viens (enfin !) d’expédier à Sébillot la chanson de la Mie en mal d’enfant. Est-elle en majeur ? est-elle en mineur ? on ne sait pas. Ça ne fait rien ; on bâtira des systèmes là-dessus. Oh ! ces chansons ! Cette fois nous avons le coup de la chanson des ancêtres (pas mal !) par Mme Amel. Si elle pouvait les Amel-iorer !
J’ai de plus en plus mal aux yeux, et me demande si je vais pouvoir donner un concert, comme j’en avais le désir.
Ci-joint l’original de la Mie.
Bonne poignée de main, et surtout bons souhaits de santé.

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 26 février 1897
26 février 97

Mon cher ami
Vous ne me dites pas si ce roy Loys doit avoir un accompagnement de piano ou si vous donnez simplement la mélodie. Je vous le renvoie prêt à graver (mélodie seule). [Ce roy Loys ressemble beaucoup au chant de Pâques : O Filii. Ce doit être de la même époque.] [29] S’il fallait l’accompagnement ce serait, hélas ! assez long, car mes occupations de leçons, d’un côté, et mes mauvais yeux, de l’autre, ne me permettent plus de faire le moindre petit effort artistique. Il faut attendre les vacances.
Vous voudrez bien me répondre, au sujet du docteur Gaucher.
Bonne poignée de main

Pénavaire

Je mets les paroles à un certain endroit du roy Loys pour vous indiquer qu’il y a deux notes pour une syllabe.


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 8 avril 1898
Vendredi 8 avril 98

Mon cher ami
Je vous envoie la version de Melle Grisard.
Il n’y a aucun rapport entre les deux chansons. Celle de Montifaut est un peu mélancolique et en mineur ; celle de Melle Grisard est un peu joyeuse et en majeur. Celle de Melle Grisard ressemble comme air (ce doit être le même) à la chanson de Monteignier (je crois) : Je viens t’fair’ mes adieux ma charmante Angélique.
Quant à se prononcer pour l’une ou l’autre version c’est assez difficile. Mes préférences iraient cependant à la version de Montifaut, mais le public aimera mieux l’autre.
Je suis toujours très grippé et fatigué. J’espère me reposer un peu ces jours-ci.
Bons souhaits et cordialités, toujours à la hâte, hélas !
Je vous serre la main

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 20 juin 1899
Paris 20 juin 1899

Mon cher ami
Voici la petite tartine sur les Fendeurs recopiée ; quant à la musique je l’ai corrigée il y a quelques jours et retournée à Mr Fernique. C’était bien.
Pourquoi, puisque nous avons eu deux ou trois autres fins des Fendeurs (marquées au crayon bleu ou rouge sur les manuscrits) ne les donnez-vous pas aussi ?
Vous aviserez.
Je crois que Mme d’Andrade va vous faire la guerre pour pouvoir habiter la chambre en face de la mienne, quel que soit son état de délabrement, au lieu d’habiter le pavillon du jardin. Vous vous en tirerez comme vous pourrez.
Inutile de vous dire que le coryza est revenu depuis le beau temps. Je m’arrête à cause de mon pauvre pouce.
Bonne poignée de main

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 10 juillet 1904
Paris 10 juillet 1904

Mon cher Ami
Enfin nous allons nous remettre un peu aux chansons ! Eh bien ! j’en suis fort content, car il est incontestable, quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir sur les chansons dites populaires, que notre compilation sera la plus complète et la plus honnête de toutes celles qui ont été publiées, du moins à ma connaissance. En avant, donc, dans les chansons !
Je crois vous avoir dit que j’avais pincé un lumbago, qui m’a tenu quinze jours au logis. Naturellement, toutes les leçons au dehors, ont été manquées. Depuis dix-huit mois, par suite de toutes mes maladies, mon budget s’est trouvé grevé de trois ou quatre mille francs. Aussi, c’est complet. Inutile de vous dire que la maladie d’estomac n’a pas lâché. Il me faut maintenant : ceux de Vichy ou de Saint-Galmier, Pepsine, cachets de je ne sais quoi, lait, digestif Pinel (car j’y suis tombé, vu la réclame, et comme un bon badaud). C’est charmant !
Mme d’Andrade a été très éprouvée, ces temps derniers. La gouvernante de son frère, qui était pour lui comme une sœur de charité, avec des soins de tous les instants, est morte foudroyée il y a sept ou huit jours. Je ne sais trop comment le docteur Gantillon pourra la remplacer.
Bons souhaits, mon cher Ami. Nous sommes au moment où, en général, nous nous portons mieux. Profitons-en en avares.
Vous ai-je dit que les Favier étaient venus me voir ? Ils sont en ce moment près de Glaris. Les veinards !
À bientôt, je l’espère.
Bien des choses aimables de la part de Mme d’Andrade.
Je vous serre la main

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 16 octobre 1904
Paris dimanche 16 octobre 1904

Mon cher ami
Je suis furieux ! et chagrin. Hier au soir m’arrive la Revue du Nivernais ; je l’ouvre, et je tombe immédiatement sur une ânerie dans ma préfacette. Je sais bien que l’on m’a communiqué une épreuve, mais pouvais-je me douter que le prote se permettrait de toucher à mon texte ? J’y suis allé de confiance. Comme à l’imprimerie on n’a peut-être pas le caractère [bécarre], qui veut dire bécarre ou naturel, le prote a écrit en toutes lettres, et comme le mot bémol satisfaisait son entendement il se l’est offert. Mais il ne s’agit pas de l’entendement de ce monsieur, et du ton de Fa qu’on apprend à l’école, il s’agit du mode lydien. Comment faire maintenant pour corriger cela ? On me fait dire tout le contraire de ce qu’il faut dire.
Naturellement, tous les exemplaires sont partis et distribués ?
Décidément, l’année 1904 ne m’est pas favorable, moralement et physiquement. Tâchez d’arranger cela, vous m’obligerez. Je sais bien que l’on peut signaler la faute dans la prochaine livraison ; mais on voit la faute et on ne prend pas garde à la correction. Ce n’était pas la peine de réfléchir pendant vingt-cinq ans sur la tonalité des chants populaires pour arriver à ce beau résultat ! Enfin, voyez ce que l’on peut faire de mieux et faites-le moi savoir.
Je suis perclus de rhumatisme, et en même temps rhume de poitrine et de cerveau.
Veuillez me faire adresser quelques exemplaires de la revue.
Je vous serre cordialement la main

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 27 janvier 1905
Paris 27 janvier 1905

Mon cher ami
Les deux chansons que vous m’adressez sont la même, avec les innombrables et idiots changements provenant du caprice du chanteur. Donnez-les toutes les deux, quand même, et prenez pour la gravure de celle où j’allonge le premier vers la version que j’avais d’abord mise de côté. Elle est plus simple d’écriture.
Je me suis demandé pourquoi ma petite note sur la chanson V’là ben sept ans que la belle Lise est morte n’avait pu passer en entier ; la partie supprimée était justement celle qui aurait dû rester, car si le début de cette Lise rappelle la romance comme : Plaisir d’Amour, toute la chanson, sans tricherie, est l’air de la Chanson du Capitaine. Pas de chances ! dans mes notes.
Jusqu’à présent je me tire assez bien de l’hiver, mais je ne chante pas trop victoire. [30]


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 1er mars 1905
Paris 1er mars 1905

Mon cher ami
Puisqu’il n’y a pas moyen d’écrire des observations au bas de la musique que Vallière m’expédie, veuillez m’envoyer cette musique avant de la donner à graver, cela arrangera les choses. D’ailleurs, pour que le travail du musicien fût aussi complet que possible, il faudrait même que je pusse avoir sous les yeux le manuscrit original, parce qu’il y a en marge de la plupart des chansons des observations quelquefois utiles. Mais quel travail, pour découper chaque chanson et me l’envoyer ! Le jeu n’en vaut pas la chandelle. Même incomplet mon travail sera encore superbe, à côté des autres recueils, incomplets mais prétentieux.
Mme d’Andrade a toujours de temps en temps des crises au cœur. Moi, je viens de garder la chambre pendant trois ou quatre jours ; mais nous supportons tout cela avec philosophie, c’est-à-dire en rageant.
La séance du 19 a supérieurement marché.
Soignez-vous bien. Nous vous envoyons nos meilleurs bons souhaits. Amitiés de notre part à la famille Destève et à Mme Mouton.
J’ai écrit, voilà déjà un mois, à Mr Rêne de Lespinasse, pour lui donner ma démission de membre de la Société, car cette année j’essaye de supprimer diverses choses, mais je crois qu’il serait bon que vous en prévinssiez Vallière.
Cordialités de votre dévoué

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 17 mars 1905
Paris 17 mars 1905

Mon cher ami
Depuis trois semaines je suis malade, et j’ai dû garder la chambre une huitaine de jours. Coryza, douleurs, etc. air connu.
Je n’ai pas Jean Renaud. Je vous l’ai renvoyé le lendemain du jour où vous me l’aviez adressé comme je le fais presque toujours. Je croyais qu’il faisait partie du paquet que je vous ai envoyé à Nevers, chez Destève, il y a quinze jours. C’est la poste qui est coupable. La Violette et C’était trois camarades, c’est le même air, avec petit changement au début. Je les mets l’un en dessous de l’autre pour la gravure.
Ma petite brunette ne fait pas bien l’affaire, comme paroles, à moins de répéter, comme je l’ai fait, les deux premiers vers.
L’indisposition, dont je parle au début de ma lettre, et la crainte, m’ont fait renoncer à prendre le bâton de chef d’orchestre, chez Le Rey, où je devais diriger, dimanche, mon ouverture Torquato Tasso. C’est partie remise… aux calendes grecques.
Mme d’Andrade vient d’être de nouveau prise par les crises au cœur.
Nous vous envoyons nos bons souhaits.
Cordiale poignée de main

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 19 mars 1905
Paris 19 mars 1905

Mon cher ami
Je n’ai rien chez moi en fait d’épreuves de chansons populaires. J’ai pris l’habitude, coûte que coûte, de vous retourner immédiatement ce que vous m’adressez ou ce que Vallière m’envoie. Mais c’est toujours à vous que je renvoie. C’est la poste qui est coupable.
Bons souhaits et cordialités

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 10 juillet 1905
Paris 10 juillet 1905

Mon cher ami
Mes jambes – surtout la gauche, celle de la chute – sont toujours bien gonflées et fatiguées, et j’évite la marche, le plus possible. Je crois que nos excursions seront fort limitées, le mois prochain. Bon repos de petit vieux.
Je vous envoie les copies demandées.
Les deux Brunette n’ont aucun rapport musical ; l’une est en majeur, l’autre est en mineur ; mais en musique populaire cela n’a pas d’importance. Il est donc fort probable que les deux n’en font qu’une. Cependant, je crois qu’il faut donner les deux versions.
Quant à : C’est l’amour et la
Ou : c’était l’amour et la
Boisson, celle de Montigny est assurément la même que celle de Sauzot, mais celle de Montigny est enjolivée de notes d’agrément, qui la rendent plus pittoresque. Il faut donner les deux, en indiquant que c’est la même, avec enjolivures spéciales au chanteur.
Mme Casanova, qui est enthousiasmée de ma musique sur ses Rayons d’or, m’invite à venir la voir. Après-midi musicale, grand dîner, etc, etc. C’est bien tentant… pour n’y pas aller. Nous verrons cela.
Mes cordialités ou plutôt nos cordialités à la famille Destève et à Mme Mouton.
Bons souvenirs de Mme d’Andrade.
Mes meilleurs souhaits, cher ami.
À vous

Pénavaire


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 4 février 1906
Dimanche 4 février 1906

Mon cher ami
Je vous renvoie les petites feuilles musicales et la version que vous demandez pour la chanson : Chantons pour passer le temps. Que de peines vous vous êtes donné, nous nous sommes donnés et que d’argent dépensé pour toutes ces idioties !
Je vais diriger (enfin !) mon ouverture Torquato Tasso, au théâtre Marigny. Je vous dirai à la fin de ma lettre si cela a réussi.
J’ai été malade de cholérine, toute la semaine, mais je vais mieux depuis hier. Mme d’Andrade est toujours malade. D’ailleurs, l’absence ou les ennuis de bonnes la fatiguent beaucoup.
Bon courage.
Amitiés

Pénavaire

Je reviens du concert. Grand succès, plus qu’un succès pour Torquato Tasso.


 Jean-Grégoire Pénavaire à Achille Millien. 19 avril 1906
Paris 19 avril 1906

Mon cher ami
Je viens de recevoir une livraison de l’imprimerie Vallière. Il est impossible de comprendre quelque chose à la chanson, idiote, d’ailleurs, Morte par amour page 320. Je ne sais ce que l’on a imaginé à l’imprimerie. Veuillez m’envoyer l’original (original !!!).
Ici, la situation est toujours la même. Mme d’Andrade a ses crises, moi je continue à traîner les jambes, avec impossibilité de monter les escaliers, et avec ça, Monsieur, les rhumes : cerveau, poitrine ; les rhumatismes, l’herpès, etc. Donc tout va bien.
J’espère qu’il en est un peu de même chez vous.
Nous vous envoyons nos meilleurs vœux.
Cordiale poignée de main

Pénavaire




[1Aujourd’hui Saint-Cast-le-Guildo, commune des Côtes-d’Armor (arr. de Dinan, can. de Matignon).

[2La première partie de la lettre est une invitation préimprimée.

[3Aujourd’hui Aunay-sous-Auneau (Eure-et-Loir, arr. de Chartres, canton d’Auneau).

[4Gabriel Vicaire (1848-1900), poète français. Lui-même recueille assez peu de chansons populaires. Le folklore tient cependant parmi ses intérêts et ses sources poétiques, lui qui est considéré comme l’un des chantres de la Bresse et du Bugey

[5Le volume en question est un volume double : Henry Carnoy et Jean Nicolaïdes, Folklore de Constantinople, Paris, Lechevalier, 1894 (Collection internationale de la Tradition, 12-13).

[6Cette étude commence à paraître le 13 janvier 1883 : Gabriel Vicaire, « La poésie des paysans : le mariage à la campagne (1) », Revue politique et littéraire, 1883, 3e série, t. III, p. 51-56. Il semble en conséquence raisonnable de dater la présente lettre de la fin de l’année 1882, ou éventuellement du début de 1883. Cette étude vient après un article intitulé « L’amour à la campagne » paru dans la même revue en novembre 1882. Les deux textes sont repris dans : Gabriel Vicaire, Études sur la poésie populaire, Paris, H. Leclerc, 1902.

[7Lieu-dit non identifié.

[8Moulins-Engilbert, commune de la Nièvre (arr. de Château-Chinon, chef-lieu de cant.).

[9Montaron, commune de la Nièvre (arr. de Château-Chinon, can. de Moulins-Englibert).

[10Émile Blin est l’auteur d’ouvrages de chansons, issus d’une collecte en Morvan, mais qui relève plus de l’œuvre chansonnière que folkloriste. Le Journal du Morvan est le concurrent royaliste de l’Écho du Morvan.

[11Chevagnes, commune de l’Allier (Arr. de Moulins, chef-lieu de cant.).

[12Dommartin, commune de la Nièvre (Arr. et cant. de Château-Chinon).

[13Livry, commune de la Nièvre (Arr. de Nevers, cant. de Saint-Pierre-le-Moûtier).

[14Élève de Pénavaire.

[15Informateur de Millien, né à Dompierre-sur-Nièvre en 1831, habitant à Beaumont-la-Ferrière.

[16Probablement Alexis Mouton, ami de Millien, dont le fils Lucien sera son exécuteur testamentaire.

[17Personnage non-identifié.

[18Louis Lacombe (1818-1884), pianiste et compositeur français. Nous n’avons pas retrouvé de chants du Morvan dans l’œuvre de ce dernier.

[19Personnage non-identifié.

[20Cette dernière remarque est faite sous forme de renvoi.

[21Cette famille ne fait pas partie des relations de Millien.

[22Louis de Courmont (1828-1900), poète et dramaturge français, originaire de la Nièvre.

[23La pièce-jointe n’a pas été conservée avec la lettre, il nous est donc impossible de préciser ce dont il s’agit.

[24Henri Ferrier (1839-1920), peintre et ami de Millien.

[25Théodore Salomé (1834-1896), organiste et compositeur français. On lui doit quelques œuvres inspirées de chansons et musiques populaires.

[26Les deux « À part » que Pénavaire souligne sont suivi d’un appel de note. Ce dernier renvoie en bas de page à la phrase « Jamais dans la Fileuse ! ». Il s’agit d’une allusion à une chanson sur laquelle Millien et Pénavaire travaillent ensemble à l’époque.

[27Félicia Mallet (ca 1863-1928), chanteuse française.

[28Nous n’avons pu trouver de renseignements sur cette chanteuse.

[29Le passage entre crochets est écrit en marge de la première page de la lettre, dans le sens de la hauteur.

[30La deuxième moitié de cette lettre, par ailleurs déchirée dans le sens de la longueur, manque.