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Encyclopédie internationale
des histoires de l’anthropologie

Naissance et premières années de la mission du Patrimoine ethnologique : un témoignage. Elizabeth Fleury, entretien avec Isabelle Chave

Élizabeth Fleury

Ministère de la Culture

Isabelle Chave

Ministère de la Culture

2024
Pour citer cet article

Fleury, Élizabeth & Isabelle Chave, 2024. « Naissance et premières années de la mission du Patrimoine ethnologique : un témoignage. Elizabeth Fleury, entretien avec Isabelle Chave », in Bérose - Encyclopédie internationale des histoires de l'anthropologie, Paris.

URL Bérose : article3373.html

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Publié dans le cadre du thème de recherche « Histoire de l’anthropologie française et de l’ethnologie de la France (1900-1980) », dirigé par Christine Laurière (CNRS, Héritages).

Résumé : Élizabeth Fleury a été la première cheffe de la mission du patrimoine ethnologique, entre 1980 et 1989. A la tête de ce service, elle a accompli une œuvre qui a laissé une empreinte profonde sur cette composante alors toute nouvelle de la politique patrimoniale du ministère de la culture français. En 2018, Isabelle Chave, à l’époque adjointe au chef du département du pilotage de la recherche et de la politique scientifique, service héritier des activités de la mission, avait recueilli son témoignage.
Les propos d’Élizabeth Fleury revêtent une importance particulière pour mieux comprendre le contexte de création de la mission, jusqu’alors surtout analysé en fonction de l’état intellectuel et institutionnel de l’ethnologie à la fin des années 1970. Ils font en effet percevoir la nécessité de prendre en compte tout autant la volonté du ministère d’impulser une politique de recherche qui lui soit propre et qui ne se limite ni aux beaux-arts ni aux monuments historiques. Élizabeth Fleury livre également de précieuses informations sur les transformations de la mission après l’alternance politique de 1981, cette équipe à peine constituée parvenant à se maintenir tout en apprenant à composer avec de nouveaux acteurs. Enfin, à travers ce dialogue avec Isabelle Chave, on saisit dans toute son ampleur, sa diversité et sa cohérence, la politique scientifique, inspirée par Isac Chiva, qui est promptement mise en œuvre : programmes de recherche, actions de formation, implantation dans les services déconcentrés, organisation de réseaux scientifiques et institutionnels, publications et soutien à la création audiovisuelle. Il s’agit donc d’un apport essentiel pour l’histoire de la mission du patrimoine ethnologique.

Isabelle Chave : Dans le dossier spécial consacré en 2010 par la revue Culture et Recherche à la recherche au ministère de la Culture de 1959 à 2010, vous avez souhaité rendre un hommage particulier à Isac Chiva, directeur d’études à l’EHESS et alors directeur adjoint du laboratoire dirigé par Claude Lévi-Strauss au Collège de France [1]. Quel fut son apport particulier dans la place occupée par la mission au sein du ministère dans sa première décennie, et avant cela, dans sa création ?

Élizabeth Fleury : Fondateur du conseil et de la mission du Patrimoine ethnologique, Chiva voulait un organe positionné plus comme instrument pour la recherche que comme service administratif [2]. Il est l’inspirateur de l’action en faveur de ce patrimoine appelé par lui « patrimoine ethnologique », à la fois « petit patrimoine », comme il pouvait être désigné dans les catégories existantes, et « patrimoine immatériel », catégorie nouvelle qui appelait une action de recherche. Ce terme de « patrimoine ethnologique », approuvé par Claude Lévi-Strauss, lecteur du rapport du groupe de travail, doit être compris à l’aune de tout ce que nous avons entrepris : matériel et immatériel formaient un tout.

Isac Chiva a saisi l’opportunité qui lui a été offerte dès 1978-1979. Il était un représentant reconnu de l’ethnologie de la France au moment où celle-ci était peu pratiquée. C’est ainsi que Jack Ligot, alors chef de la mission de la Recherche au ministère, l’a sollicité pour donner forme au souhait d’établir l’ethnologie de la France au ministère de la Culture. Chiva a accepté. Il y voyait l’occasion, après le travail de l’équipe de Minot [3] au sein du Laboratoire d’anthropologie sociale (LAS), de développer la discipline et d’enrichir la relation Recherche/Culture, représentée par le musée national des Arts et Traditions populaires (MNATP) et par son laboratoire, le Centre d’ethnologie française (CEF). Chiva avait une vision large de la culture, qui s’incarnait tout à fait dans la notion de patrimoine et dans le patrimoine in situ, que la direction ministérielle éponyme avait en charge. C’est sans doute pourquoi il a rencontré le désir du politique à ce moment-là. Il avait en tête les trésors nationaux vivants du Japon, qui sacralisent la transmission des savoirs comme moyen de protection. Sa pensée était bien sûr plus large. Il veillait à la définition des thèmes de recherche proposés dans le cadre des appels d’offres du conseil, proposant des thèmes nouveaux ou des thèmes, qui, s’ils étaient développés dans l’ethnologie des pays lointains, ne l’étaient guère en France, comme la parenté, les savoirs sur l’environnement, les rituels contemporains. Il était présent aux stages de formation initiés par la mission. Il fut un précurseur au ministère, en instaurant l’idée de patrimoine vivant. Celle-ci a petit à petit réussi à gagner les esprits. Ce nouveau champ du patrimoine allait offrir de belles perspectives aux étudiants et chercheurs.

Selon certains témoignages, tels les entretiens accordés en 2005 par Christian Bromberger [4] pour la collection « L’ethnologie en héritage », conçue et dirigée par Alain Morel [5], puis l’intervention d’Isac Chiva lui-même, dialoguant en 2005 avec Christian Jacquelin au Bistrot des ethnologues de Montpellier [6], cette opération en faveur du patrimoine ethnologique semble avoir rencontré le projet de toute une vie.

Isabelle Chave : Pouvez-vous nous rappeler quel était le contexte institutionnel, alors que le septennat de Valéry Giscard d’Estaing s’acheminait vers son terme ?

Élizabeth Fleury : Le rattachement, en 1978, de la direction de l’Architecture au tout nouveau ministère de l’Environnement et du Cadre de vie, confié à Michel d’Ornano, avait été vécue comme un traumatisme au ministère de la Culture. Dans ce contexte, Jean-Philippe Lecat, ministre de la Culture et de la communication du 5 avril 1978 au 4 mars 1981, créa, dès sa prise de fonctions, une nouvelle direction du Patrimoine (DP), qui regroupait les Monuments historiques, en partage avec le ministère de l’Environnement, lequel restait compétent pour les abords (c’est-à-dire les constructions situées dans un rayon de 500 m autour du monument protégé), et des services jusque-là autonomes : Archéologie (service des Fouilles et Antiquités) et Inventaire général. Le patrimoine photographique et l’ethnologie complétèrent le dispositif. En 1979, J.-Ph. Lecat créait encore une mission du Développement culturel.

Selon moi, à cette époque le ministère a su accompagner les foisonnantes actions de terrain en faveur du patrimoine, qui préparaient la désignation de 1980 comme « Année du patrimoine [7] ».

Je rejoins ici le témoignage d’Augustin Girard, fondateur et chef du service des Études et de la recherche du ministère, qui disait en 2005 : « On a vu la culture apparaître, dès les années 1975, dans les programmes électoraux locaux, à une époque où le souci de démocratiser la culture dans les collectivités locales était l’idéologie principale » et où cela favorisait « avant la Décentralisation, des politiques croisées entre État et collectivités territoriales [8] ».

Les usagers du patrimoine étaient confondus avec son public. L’heure n’était pas à la rentabilité. La période était ouverte aux initiatives et tournée vers l’avenir. La mission y avait toute sa place. Le patrimoine n’était pas pensé comme une entité figée à sauver des emprises du temps. On faisait provision en quelque sorte d’éléments constitutifs de nos identités, afin d’en favoriser une transmission dynamique et, le cas échéant, de les mobiliser dans des contextes de profonds changements sociaux et écologiques (savoirs techniques artisanaux ou industriels, savoirs naturalistes interrogeant les rapports entre l’homme et son milieu naturel, etc.). Les premiers numéros de la revue Terrain rendent bien compte de ce qui nous animait alors.

Parallèlement, le monde de la recherche en sciences humaines et sociales se transformait. Des missions de la Recherche avaient été créées dans de nombreux ministères, à la suite de la publication du Livre blanc pour la recherche, établi dans le cadre des travaux du VIIe Plan. Elles bénéficiaient d’une réelle autonomie, notamment financière, puisqu’elles négociaient leurs enveloppes budgétaires directement auprès de la Délégation générale à la recherche scientifique et technique (DGRST) et du ministère des Finances.

La mission Recherche du ministère de la Culture, à laquelle j’ai appartenu de 1976 à 1980, était animée par Jack Ligot, ancien conseiller pour les sciences sociales et humaines à la DGRST. Elle contribuait depuis 1976, d’une manière notoire, au budget de la Culture, à la suite de la redéfinition des contours de « l’enveloppe Recherche » du ministère, intervenue l’année précédente. Les actions qu’elle proposait au ministre, comme pour le patrimoine ethnologique en 1978, quand Bertrand Eveno dirigeait son cabinet, apportaient des crédits supplémentaires. Les programmes scientifiques patrimoniaux étaient par ailleurs sanctuarisés par des lois-programmes pluriannuelles, toutes directions patrimoniales confondues. Enfin la mission Recherche avait la capacité de favoriser la création d’emplois : elle a ainsi lancé un plan d’intégration des personnels scientifiques et de leurs collaborateurs (agents administratifs ou techniques des services concernés), tous contractuels, dans le corps des ingénieurs, techniciens et personnels administratifs (ITA), qu’elle importa au ministère. Les membres de la mission du Patrimoine ethnologique seraient dès lors protégés, s’il en était besoin, par ce dispositif statutaire.

Isabelle Chave : Venons-en à l’installation du groupe de travail « Patrimoine ethnologique ». Le 28 décembre 1978, au titre du protocole d’accord avec le ministère des Universités, Jean-Philippe Lecat confie à Redjem Benzaïd, inspecteur général des Finances, la présidence d’un groupe de travail de vingt-quatre membres, qui est chargé « d’étudier le contenu d’une politique nationale du patrimoine ethnologique dans les domaines de la recherche et de la formation, de l’action culturelle, de la conservation et de la diffusion [9]. » Vous souvenez-vous plus particulièrement de vos échanges avec quelques-uns de ses membres ?

Élizabeth Fleury : Je citerai les noms des membres du groupe avec lesquels j’ai eu des contacts plus approfondis, comme André Desvallées, conservateur chargé à la Direction des musées de France (DMF) des musées d’ethnographie, à un moment où les musées dits « de société » n’étaient pas encore nés et où les écomusées, en cours de création après le succès de l’écomusée du Creusot, n’interrogeaient pas véritablement la DMF, fief des historiens de l’art. André Desvallées luttait, au sein de sa direction, pour faire une place aux ethnologues. Il avait travaillé avec Georges Henri Rivière et était dépositaire du message de modernité muséographique de Georges Henri. Il aurait voulu que ce « patrimoine ethno » prenne place au sein de la DMF. Il attendait beaucoup du groupe de travail, puis de la mission.

Je citerai aussi Pierre Dumayet et Pierre Lamaison. Ce dernier est devenu l’un des deux ethnologues chargés de mission à la mission du Patrimoine ethnologique, puis l’adjoint de Françoise Héritier au Laboratoire d’anthropologie sociale (LAS), au Collège de France, lorsque celle-ci succéda à Claude Lévi-Strauss. Lui-même y ayant ainsi succédé à Isac Chiva.

Les deux Pierre étaient liés et prêts, l’un comme homme de l’audiovisuel et l’autre comme ethnologue, à mettre leurs compétences au service du patrimoine ethnologique, ensemble de pratiques et de savoirs devant donner lieu à des enregistrements audiovisuels et des archives orales. Alain Morel reprendra cet objectif à son compte.

Sur ces points, le groupe de travail a effectivement beaucoup insisté, dans la continuité de ce que recommandait Georges Henri Rivière, lui-même ultérieurement très présent au conseil du Patrimoine ethnologique, où il gardait beaucoup d’autorité. Le MNATP était bien représenté dans le groupe puis au conseil ; toutefois, il n’était pas moteur. Nous n’avons pas eu de rapports établis avec cette institution, qui apparaissait comme une forteresse.

J’ai aussi en mémoire Francis Denel, alors directeur régional des Affaires culturelles de Franche-Comté. Il a recruté plus tard l’un des premiers ethnologues régionaux, avec Jacques Vallerant et François Portet à Lyon : Christian Jacquelin, amené à jouer un grand rôle à l’échelle régionale.

Je me souviens également d’André Pacher, le président-fondateur de l’Union pour la culture populaire en Poitou, Charentes et Vendée (UPCP). Il avait à ses côtés Michel Valière, lui aussi éminent représentant du mouvement associatif. Nous étions en 1979 et comme Valière l’a lui-même relevé, l’action en faveur du patrimoine ethnologique arrivait dans le contexte d’une « décennie de régionalisme militant [10]. » Oui, ces années 1970 furent notre socle. L’idéologie en cours rendait actives les notions de « recherche-action », de restitution des données de la recherche. Nous avions le sentiment de devoir répondre à une attente, à une « demande sociale ». Notre génération, parvenue à l’âge adulte en 1968 ou juste après, était attentive aux attentes des territoires. C’est avec Michel Valière en premier lieu, si ma mémoire est bonne, que nous allions construire des stages de formation en s’appuyant sur des structures existantes dans les régions.

Une forte personnalité m’a impressionnée : Michèle Puybasset, alors secrétaire générale du Fonds d’intervention culturelle [11] (FIC). Cette structure, créée en 1971, joua un rôle important pour l’action culturelle sur l’ensemble du territoire et en particulier en milieu rural [12]. Le FIC réunissait des financements interministériels sur des projets innovants. Nous avons bien travaillé avec le FIC, disparu trop vite, malheureusement pour nous, le souci du patrimoine ethnologique trouvant sa place au sein de projets culturels d’envergure partout en France.

Enfin, je citerai les noms de Michel Berthod, sous-directeur de l’Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France [13] , et de Nicole de Reyniès, qui appartenait à ce service où elle était chargée de la recherche sur les objets mobiliers [14]. Il était question que l’Inventaire, service de la nouvelle DP, abrite l’exécutif du conseil du Patrimoine ethnologique – ce qui allait devenir la mission –, selon un document intitulé Contribution de la direction du Patrimoine à la sauvegarde du patrimoine mobilier ethnologique, remis par Christian Pattyn, directeur du Patrimoine, au groupe de travail. Toutefois au sein de celui-ci, Isac Chiva, qui en était le principal animateur, ne souhaitait pas réduire l’opération à une action d’inventaire. Dans les faits, la politique de recherche mise en œuvre s’est détachée des entreprises d’inventaire pour retenir des recherches « problématisées ».

Isabelle Chave : L’ancrage territorial d’un certain nombre de membres de ce groupe de travail était-il important pour les enjeux de développement de l’ethnologie de la France au sein du ministère de la Culture ?

Élizabeth Fleury : Oui. Daniel Fabre était présent en tant que maître-assistant à l’université Paul-Sabatier de Toulouse. Chiva l’avait convié au groupe de travail parce que, d’une part, il symbolisait une nouvelle génération prometteuse, et d’autre part, il représentait l’Université hors de Paris [15]. C’est à cet endroit que son ancrage territorial était significatif. Un autre universitaire était présent : Georges Ravis Giordani (université de Provence). Chiva avait la volonté de renforcer les enseignements de l’ethnologie de la France. C’était primordial dans son projet concernant la discipline. Le groupe de travail devait avoir un effet d’entraînement sur les universités et le CNRS. Le conseil et la mission allaient, du reste, travailler dans ce sens, attirant toujours plus de chercheurs et d’universitaires sur des programmes novateurs.

C’est dans cet esprit qu’Isac Chiva avait recommandé la réalisation d’un Répertoire des forces disponibles de recherche et d’enseignement en France. Quelques années auparavant, la Maison des sciences de l’homme (MSH) avait élaboré ce type d’instrument pour les sciences sociales. Christine Langlois, future responsable de la revue Terrain et des éditions de la mission, fut recrutée pour y travailler.

Les membres directement concernés par les questions d’identité régionale étaient les conservateurs de musées Jean-Pierre Laurent (Musée dauphinois) et Erwan Le Bris du Rest (musée de Quimper), ainsi que les représentants des parcs naturels, comme Jean-Pierre Gestin pour l’Armorique et l’écomusée des monts d’Arrée-Ouessant, avec lesquels la mission du Patrimoine ethnologique et plus particulièrement en son sein Denis Chevallier ont été amenés, à beaucoup travailler.

Isabelle Chave : Quelle fut la composition du premier conseil du Patrimoine ethnologique et comment s’articulaient à leurs débuts le conseil et la mission ?

Élizabeth Fleury : Le premier conseil du Patrimoine ethnologique, instauré par le décret du 14 avril 1980, contresigné par le ministre de la Culture et de la Communication et par le ministre des Universités, fut présidé par le Ministre. Il comprenait six membres de droit et dix-huit membres nommés, que diverses instances étaient chargées de désigner. Les membres de droit étaient, au ministère chargé de la Culture, le directeur du Patrimoine, le directeur des musées de France et le directeur général des archives de France, ainsi que le chef de la mission de la recherche au ministère des Universités, le président du CNRS et le délégué général à la Recherche scientifique et technique [16]. Le secrétariat du Conseil était assuré par le chef de la mission du Patrimoine ethnologique, placé auprès du directeur du Patrimoine, ce qui lui conférait une assise solide.

La création de la mission ancrait en effet l’ethnologie de la France, aux côtés de l’archéologie, dans la politique culturelle et de recherche du ministère, et dans le politique, en lui octroyant visibilité et moyens d’intervention : rappelons que le rapport Soustelle, remis en 1975 à Jacques Chirac, faisait des propositions pour le développement de la recherche française en archéologie et en anthropologie [17]. La mission était fondée dans ce contexte. Du reste, la formule d’« ethnologie d’urgence », qui figure dans le rapport Benzaïd [18], en écho à celle d’« archéologie de sauvetage », lui assignait clairement une fonction d’alerte auprès des pouvoirs publics.

Exécutif du Conseil, tel que l’envisageaient les universitaires, et organe léger, la mission du Patrimoine ethnologique était un service créé par la volonté du ministre, Jean-Philippe Lecat, personnellement sensible aux thèmes abordés par la mission, comme le confirment les entretiens qu’il a accordés en 2009 au Comité d’histoire du ministère de la Culture [19]. La mission était en contact avec Jean-Benoît Frèche, son conseiller pour le patrimoine. Elle pouvait développer une action d’envergure avec l’appui du conseil du Patrimoine ethnologique, qui définissait les thèmes de recherche et les grandes orientations de son action.

Isabelle Chave : Sur le plan des travaux de recherche, la mission instaure au ministère de la Culture un mode de fonctionnement importé des procédures du monde de la recherche, aujourd’hui familier et généralisé, celui de la « recherche sur projet », soutenue dans le cadre d’appels d’offres. On pense notamment au programme sur les savoirs naturalistes populaires, auquel Daniel Fabre allait contribuer avec le Muséum national d’histoire naturelle, à la grande époque des ethnosciences et de l’anthropologie symbolique, représentée notamment par l’université de Toulouse où il était alors en poste. Pourriez-vous évoquer les grands thèmes sur lesquels la mission a ainsi pu, dans ces années 1980, mobiliser et aider à se constituer et à se rapprocher, par ces convergences d’intérêt thématique, des équipes scientifiques et culturelles ? Quelle fut son implication dans la recherche ?

Élizabeth Fleury : Je l’ai déjà mentionné, c’est l’existence de la mission Recherche du ministère qui a permis la création de la mission et du conseil du Patrimoine ethnologique. La mission bénéficia en 1980 de 3 millions de francs de budget annuel pour développer des actions de recherche, si ma mémoire est bonne, soit une somme équivalente à celle octroyée pour l’action culturelle. Ces crédits « recherche » ont permis à la mission de lancer des appels d’offres dès 1981 et jusqu’en 2001, sur une grande variété de thèmes [20].

Les objectifs de la politique de recherche de la mission étaient « de défricher des champs nouveaux comme les savoirs naturalistes populaires ou le patrimoine industriel puis, dans les années 1990, ceux des producteurs de l’histoire locale ou du lien social dans les périphéries urbaines, de renouveler l’approche de questions comme celle des rituels dans la France contemporaine ou des pratiques et politiques culturelles de l’identité, enfin, de dégager de nouveaux points de vue permettant de donner une autre lecture de faits culturels, tels la dynamique des paysages ou encore la persistance des frontières culturelles » [21].

Isabelle Chave : Alors que s’installe la mission du Patrimoine ethnologique et qu’au terme d’une première année d’exercice, vous préparez votre premier rapport d’activités « Patrimoine ethnologique-Bilan et perspectives », qui sera rendu le 10 novembre 1981, surviennent l’alternance gouvernementale et, consécutivement, la mission confiée, le 31 juillet 1981, par le nouveau ministre de la Culture, à Max Querrien, ancien directeur de l’Architecture et président de la Caisse nationale des monuments historiques (CNMH), pour proposer une « politique d’ensemble du patrimoine ». Cette mission débouche sur la publication en septembre 1982 d’un rapport où il est rappelé que « le rattachement de l’ethnologie au ministère de la Culture a eu pour origine non seulement la dimension patrimoniale d’une revendication sociale tendant à la prise en charge de leur propre culture par les groupes ethniques, mais aussi la circonstance que le CNRS n’était pas lui-même demandeur [22] ». En quoi le nouveau contexte politique, en 1981, influença-t-il le fonctionnement de la mission et ses choix stratégiques ?

Élizabeth Fleury : En effet, tout change en 1981 [23]. « Le temps nous a manqué », témoigne Jean-Philippe Lecat [24]. Il est clair que nous abordions une ère nouvelle. Des échelles de valeur se renversaient ; l’art contemporain allait bientôt occuper beaucoup de place dans le dialogue avec les collectivités locales, à l’instar de la création des Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) et des centres d’art. La période était militante. La contribution déjà mentionnée de Pierre Moulinier pour le Comité d’histoire donne les clés de compréhension de ces premières années Lang : parmi les orientations de la nouvelle direction du Développement culturel (DDC), qui avait une fonction très politique d’entraînement des autres directions, plusieurs axes d’intervention, cités au conseil du Patrimoine ethnologique en 1984, nous concernaient : la ville, les quartiers défavorisés, les relations entre Français et immigrés, les cultures régionales ; est venue s’y ajouter « la culture scientifique, technique et industrielle ». Une sous-direction des Interventions culturelles fut créée pour conduire des politiques interministérielles sur ces thématiques. Une division des cultures régionales et communautaires a vu le jour en son sein, de même qu’une mission de la Culture scientifique et technique, à laquelle on devait ensuite ajouter le terme « industrielle », sous la direction de Bernard Jeannot, un ancien du FIC, et ce à la suite des réflexions conduites dans le cadre du IXe Plan.

Cette mission disposa de crédits importants. « Au-delà des connaissances techniques, la culture scientifique et technique conduit à prendre conscience des relations de l’homme à son milieu (…) » [25], écrivait Dominique Wallon, le directeur du Développement culturel. Cette mission encouragea l’instauration d’un réseau de centres régionaux de culture scientifique, technique et industrielle (CRCSTI), dont l’action recoupait celle de la mission du Patrimoine ethnologique. Pôles de développement, étroitement liés à l’identité de la région, ils s’appuyaient sur un patrimoine important : industriel [26], avec le musée de la Mine à Lewarde, le musée du Textile à Fourmies et celui de Roubaix, en région Nord-Pas-de-Calais ; maritime à Saint-Nazaire et Brest ; rural, avec le COMPA [27] de Chartres, le musée des Ruralies près de Niort, l’écomusée de Cuzals en Quercy, ou encore le musée de la conserverie Alexis Le Gall en Bretagne.

Parallèlement, en 1983, la sous-direction de l’Inventaire se dotait d’une cellule du Patrimoine industriel, sous la direction de Claudine Cartier. Dotée d’1,8 millions de francs, elle avait pour but de subventionner des études réalisées par des associations et des organismes spécialisés, et de conduire directement une recherche méthodologique pour l’établissement de procédures d’enquête et d’étude du domaine industriel. Nous nous côtoyions, mais je ne me rappelle pas d’un travail en commun, bien que la même direction nous abritât.

Des mesures en faveur des langues et cultures régionales furent proposées en 1982, à l’occasion de la remise au ministre d’un rapport d’Henri Giordan sur ce thème. Il s’agissait de prendre en compte la demande de militants, qui n’était pas de notre ressort et appelait une réponse politique. Nous étions, avec l’émergence de ces divers services soutenus par le nouveau pouvoir, pris malgré nous dans un esprit de concurrence plus que de possible collaboration. Et le FIC, qui avait eu une action interministérielle importante en faveur du milieu rural, céda la place.

Toutefois, Max Querrien s’est dit dans son rapport convaincu par notre action : « il y a un souci qui domine tout le reste : faire passer dans notre patrimoine le souffle de la vie ; en finir avec une vision trop répandue dans laquelle le patrimoine ne serait qu’un ensemble de choses inertes... » [28]. Je reconnaissais la mission dans cette affirmation. Il plaidait pour « l’unité du patrimoine », pour une conception du patrimoine « familier à la population tout entière » ; il évoquait le « peuple comme acteur ». Pour le patrimoine ethnologique, selon lui, il « incombe au ministère de la Culture d’encourager une véritable recherche scientifique [29] ».

Dans un entretien qu’il a accordé à Octave Debary à propos des écomusées, Max Querrien dit encore ceci : « il y avait dans mon esprit l’idée de déhiérarchiser le patrimoine : l’idée de passer d’un patrimoine élitiste à un patrimoine plus populaire. Le patrimoine par excellence était celui des monuments historiques, j’ai donc tenté de démocratiser tout cela ... » [30]. Et O. Debary de souligner que « le rapport Querrien fait du Creusot (écomusée) un modèle patrimonial et encourage une politique culturelle au sein de “laquelle le patrimoine ne se divise pas”. C’est l’espoir d’une déhiérarchisation des “patrimoines” (l’historique et l’ethnologique) et la prétention de leur réserver un traitement égal : les premières pages du rapport remis par Querrien présentent une photographie de la tour Saint-Jacques à Paris suivie de celle des usines du Creusot [31] ».

Max Querrien avait compris notre démarche : nous allions pouvoir poursuivre notre entreprise. Comme évoqué, les axes de travail de la mission s’étaient élargis à l’urbain, à l’entreprise. La recherche prenait toute sa place. Côté action culturelle, nous allions développer les centres de culture régionale (CCR), dont nous avions défendu l’idée auprès de M. Querrien : nos ressources avaient doublé, tout comme le budget du Ministère, et nous avions des crédits d’investissement. Ces centres, partis des groupements que nous commencions à finaliser, comme le GARAE en Languedoc, où Daniel Fabre a joué le rôle que l’on sait, le Conservatoire de Salagon en Provence, les Ruralies en Poitou, la Maison du Rhône en Rhône-Alpes, etc., allaient être des lieux-ressources pour le patrimoine ethnologique.

Isabelle Chave : Pour la mission, l’année 1983 est une année particulière : elle voit la création de la revue Terrain et des collections « Ethnologie de la France » et « Cahiers d’ethnologie de la France ». Dans le tout premier de ces « Cahiers », intitulé Les savoirs naturalistes populaires, on trouve du reste une contribution de Daniel Fabre [32]. Avec ces deux créations, le ministère de la Culture affirme de façon neuve son implication dans la diffusion des travaux de la recherche en ethnologie de la France. Pouvez-vous qualifier la politique éditoriale de la Mission dans ses premières années ?

Élizabeth Fleury : Dès l’origine, selon le vœu du Conseil, la mission voulait être en capacité de restituer les données de la recherche à ses partenaires. Après la création de la revue Terrain, la collection « Ethnologie de la France », qu’allaient co-éditer la Maison des sciences de l’homme et le ministère, est née pour publier les travaux issus des appels d’offres, grâce au comité scientifique dont s’était entourée Christine Langlois. En réalité, publier, valoriser les données de la recherche, c’était faire vivre et conserver mieux que sous n’importe quelle autre forme le patrimoine ethnologique. Terrain a évolué et pris une importance particulière dans le monde de l’ethnologie, diffusant alors également les résultats de recherches qui n’avaient pas été financées par la Mission.

Isabelle Chave : Jack Lang opte pour le maintien du Conseil du patrimoine ethnologique mais il en renouvelle profondément la composition et en redéfinit tant les missions que les priorités. Pourriez-vous évaluer rétrospectivement cet infléchissement ?

Élizabeth Fleury : Le second conseil du Patrimoine ethnologique, réformé par le décret du 15 juin 1984, contresigné par les ministres de la Culture, de l’Éducation nationale et de l’Industrie et de la Recherche, n’était plus présidé par le ministre mais par une personnalité choisie par lui parmi ses membres. Son choix se porta sur Isac Chiva, tandis que le directeur du Patrimoine, Jean-Pierre Weiss, était nommé vice-président. C’était une diminutio capitis : Jack Lang avait d’autres priorités. D’autres changements étaient introduits dans la composition du conseil. Étaient ajoutés aux membres de droit le directeur du Développement culturel (Dominique Wallon, représenté par Jean-François Marguerin, chef de la division des Interventions culturelles), et le chef de la mission de la Recherche du ministère (Catherine Damesin). Daniel Fabre, maître-assistant à l’université de Toulouse-III et directeur adjoint du Centre d’anthropologie des sociétés rurales (EHESS/CNRS), siégeait désormais comme représentant du directeur de la Recherche au ministère de l’Éducation nationale [33]. Parmi les personnalités nommées figuraient notamment deux directeurs d’étude à l’EHESS, Gérard Althabe et Marc Augé [34], lequel fut élu en 1985 président de l’École avant de succéder en 1990 à Chiva à la présidence du conseil du Patrimoine ethnologique. Un fort contingent d’anthropologues était présent, généralement chercheurs au CNRS comme Claudine Fabre (Centre d’anthropologie des sociétés rurales), Marie-Claude Pingaud (LAS), Martine Segalen [35] (CEF) et Bernard Lortat-Jacob (Laboratoire d’ethnomusicologie du musée de l’Homme), par ailleurs chargé de mission auprès du directeur la Musique et de la danse au ministère de la Culture [36]. Innovation de taille, le conseil accueillait deux conseillers pour l’ethnologie affectés dans des directions régionales des affaires culturelles, Christian Jacquelin (Franche-Comté) et Jacques Vallerant (Rhône-Alpes) [37].

Ce fut un tournant. Les anthropologues « du lointain » se joignaient à la mission du Patrimoine ethnologique. Nous étions, un peu naïvement, fiers de les avoir ralliés à notre cause, car la césure était encore profonde entre les anthropologues de « l’exotique » et les ethnologues du domaine français, alors qu’il s’agissait plutôt d’un repositionnement de chercheurs qui perdaient peu à peu leurs terrains dans les nouveaux États issus de la décolonisation. Le domaine français commençait à attirer les jeunes chercheurs et la mission accueillait aussi des spécialistes de l’ethnologie du contemporain et de l’urbain.

Toutefois, dans le deuxième comme dans le premier conseil, des linguistes, des historiens et des sociologues siégeaient avec les ethnologues. Isac Chiva tenait à cette représentation interdisciplinaire. Donatien Laurent, spécialiste de la langue bretonne, et Jean-Claude Bouvier, spécialiste du provençal, l’un et l’autre, fins connaisseurs des littératures orales et autres « ethnotextes », ont été très présents. Philippe Joutard a beaucoup compté pour la mission, des chercheurs dans le domaine des sciences naturelles aussi, tels les représentants des parcs naturels, ou François Sigaut, maître-assistant à l’EHESS et secrétaire de l’Association française des musées d’agriculture, ou encore Jacques Barrau, professeur au Muséum national d’histoire naturelle.

Le 6 décembre 1984, Jack Lang vint installer le nouveau conseil du Patrimoine ethnologique. Le communiqué de presse, établi à cette occasion, mettait l’accent sur l’association des représentants de la communauté scientifique et des partenaires de l’action culturelle, « afin de concilier recherche et diffusion ». « À l’écoute des associations, le Conseil a (...) ouvert des problématiques nouvelles jusqu’alors peu étudiées : critères d’appartenance à une entité spatiale et culturelle, comme le pays, l’entreprise ou le quartier. Citons à titre d’exemple les productions symboliques du personnel des entreprises (objets, tracts, manifestes), etc. ». Le communiqué saluait encore la création de la collection « Ethnologie de la France » ainsi que la parution du n° 3 de Terrain [38]. Il notait que, sur 455 projets de recherche reçus entre 1981 et 1984, 149 avaient été aidés et que « 200 manifestations culturelles s’appuyant sur des recherches ethnologiques [avaient] été subventionnées (films, stages de formation, expositions, rencontres...) ».

Plus tôt au cours de cette année 1984, l’historien Jean-Pierre Rioux avait été nommé président du conseil de la recherche du ministère de la Culture. L’ethnologie de la France faisait toujours partie des axes prioritaires au sein de l’enveloppe Recherche. Selon le bilan La Recherche au ministère de la Culture 1982/1983, le personnel de recherche ITA Culture comptait alors, tous services et établissements confondus, plus de 3 000 personnes [39] et pouvait mobiliser une dotation de 50 millions de francs d’autorisations de programme en provenance du ministère de la Recherche.

Au total, le nouveau contexte politique nous a poussés en avant, propulsés au cœur du débat culturel. Nous avons investi des domaines nouveaux et avons renforcé notre politique de recherche.

Christian Pattyn, en charge de la direction jusqu’en 1983, nous a beaucoup aidés, notamment en nous laissant toute liberté d’échanger avec Max Querrien, avec Florence Colin-Goguel, conseillère Patrimoine au cabinet du ministre, et avec nos divers interlocuteurs de cette période. Nouveau directeur du Patrimoine (1983-1985), Jean-Pierre Weiss, ingénieur de formation et porteur d’une autre vision, accompagna le renouvellement du conseil en 1984 et soutint la mission. Le moment était aussi à la déconcentration des procédures relatives à la protection des monuments historiques et à la création des commissions régionales de protection du patrimoine historique, archéologique et ethnologique (COREPHAE). J’ai quelque peu lutté pour que ce « e » (d’ethnologique) existe, en plein accord avec Isac Chiva, très attaché aux questions relatives à la protection du patrimoine bâti, dans toutes ses dimensions.

Isabelle Chave : Quels furent les effectifs de la mission à ses débuts, et son implantation ?

Élizabeth Fleury : Logés d’abord rue de Valois, « chez Paulette », dans l’ancien appartement du gardien ou de la gardienne des lieux, nous étions trois au départ, avec le statut d’ITA Culture : avec moi, Pierre Lamaison, qui devait quitter la mission assez vite pour succéder à Isac Chiva au Laboratoire d’anthropologie sociale, et Alain Morel, qui se dirigea vers l’action pour le film ethnographique, les archives audiovisuelles, et qui se spécialisa dans les domaines de l’urbain et du contemporain. Il devait prendre par la suite, au sein de la mission, la responsabilité de la recherche. Amenés par Isac Chiva, ces deux ethnologues ont joué un rôle de conception essentiel pour l’élaboration des appels d’offres, leur rédaction et l’instruction des projets.

S’élargissant, la mission a déménagé dans les annexes du ministère, rue de la Banque puis rue de Richelieu. J’en ressentais à chaque fois un malaise car je voulais demeurer le plus proche possible de la rue de Valois. En réalité, nous avons eu de la chance de pouvoir nous « étendre » dans de bonnes conditions : nos archives devenaient importantes.

Christine Langlois entra à la mission, qui s’accrut aussi de Claude Rouot, présentée par Pierre Lamaison, laquelle prit notamment en charge les secteurs de la formation et de l’Action culturelle, et de Denis Chevallier, ethnologue, spécialiste du domaine rural : il remplaça Pierre Lamaison à son départ en 1982 et travailla avec les instances de protection du patrimoine, musées, parcs naturels, puis avec les ethnologues régionaux et les collègues des monuments historiques, avant de choisir, en 1996, le statut de conservateur du patrimoine et de rejoindre l’équipe des ATP-MUCEM.

Le noyau administratif de la mission était très actif : les noms de Nadine Guarise, mon adjointe, venue de la Direction de l’administration générale (DAG), d’Annie Jogand, précédemment en poste à la DDC, d’Antoinette de Lesmadec, d’Anne Laparre, de Catherine Carrand, de Jamila Zeraoui et de Carole Colin notamment, me sont toujours chers. La gestion des appels d’offres et les publications demandaient beaucoup de travail. Nous avions les moyens de nos ambitions et tout ce que nous avons entrepris a été le résultat d’un travail d’équipe fonctionnant en équipe-projet.

Les personnels « scientifiques » de la mission du Patrimoine ethnologique étaient tous sur un statut d’ITA, comme indiqué plus haut, qui donnait consistance à la politique de recherche du ministère.

Isabelle Chave : Quels étaient les liens de la mission du Patrimoine ethnologique avec les autres secteurs patrimoniaux de sa direction ministérielle ?

Élizabeth Fleury : Je siégeais aux réunions de direction, où Monuments historiques (Jacques Charpillon), Inventaire (Michel Berthod), Archéologie (Christophe Vallet) et donc désormais Ethnologie faisaient part de leur action. L’ombre de Mérimée planait au-dessus des discussions sur la restauration des vitraux de Chartres ou la restauration-dérestauration du chevet de Saint-Sernin à Toulouse. L’influence d’André Chastel était palpable, quand il s’agissait de l’Inventaire. À la différence de mes collègues du comité de direction, je ne représentais pas un secteur réglementé.

Nos services étaient de fait cloisonnés. L’apport des ethnologues à une politique de protection qu’Isac Chiva appelait de ses vœux n’était pas alors à l’ordre du jour. Par la suite, dans les années 1984-1985, les choses devaient évoluer. Dans ces débuts de la mission, c’était la définition d’une politique de recherche qui nous motivait.

La mission a eu, en revanche, dès l’origine, des liens forts avec les responsables de musées d’ethnographie en régions. La direction des Musées de France ? Elle était loin de nous, loin d’une vision élargie du patrimoine ; les ethnologues y étaient peu entendus et les Arts et Traditions populaires avaient, cela a été rappelé, leur musée national au bois de Boulogne.

Mais la mission était directement liée aux écomusées, au cœur de la pensée de Georges Henri Rivière et d’Hugues de Varine [40], et qui avaient vu le jour au sein des Parcs naturels régionaux. Le plus important d’entre eux, le plus innovant ou considéré comme tel, était l’écomusée du Creusot, dont le directeur, Marcel Évrard, fut un membre influent du Conseil. Le 4 mars 1981, avait été établie une « Charte des écomusées » [41], sous la forme d’une instruction ministérielle. Ces établissements offraient un terrain d’expérimentation pour le patrimoine ethnologique et ont fleuri ces années-là. La mission était attachée à l’idée qu’ils promouvaient, grâce à leurs comités d’usagers impliquant les populations, celle d’un patrimoine « issu des données de la recherche », plus riche que le patrimoine d’objets mis en scène par les musées, quelle que soit leur capacité à innover, à l’instar du musée d’ethnologie de Neuchâtel, dirigé par Jacques Hainard, qui laissait la place à l’imagination, à la créativité, et était un modèle du genre.

Les écomusées étaient un point de rencontre entre les deux directions des Musées et du Patrimoine. Mais, bientôt, vers 1982-1983, avec le recrutement d’une chargée de mission pour ce secteur, Emilia Vaillant, la DMF devint leur tutelle de référence et ces associations, des musées, y compris l’écomusée du Creusot. C’était peut-être nécessaire pour l’avenir de ces institutions, mais nous avons eu un sentiment de perte. Une page se tourna donc à ce moment-là. Emilia Vaillant porta ensuite, au début des années 1990, la notion de « musée de société », au moment où Jacques Sallois était nommé directeur des musées de France. Bénéficiant de crédits importants, il engagea une politique ambitieuse de rénovation des musées, instaurant par exemple une mission des publics, qui contribua à changer du tout au tout la vision de ces institutions. Parallèlement, le statut des conservateurs fut notoirement amélioré.

Le monde des archives, lui, était fermé. Mais, avec Marie-France Calas, responsable de la phonothèque nationale à la Bibliothèque nationale, passée en 1981 de la tutelle de l’Éducation nationale à celle de la Culture, la notion d’« archives orales » émergea dans la panoplie des thèmes patrimoniaux. Rappelons que c’est sur cette notion que la commission de la recherche du VIIe Plan avait assis ses recommandations pour l’ethnologie, fondatrices de la politique en faveur du « patrimoine ethnologique ». Marie-France Calas a participé à des commissions du Conseil.

Avec le Centre national du cinéma (CNC) et la société de production La Huit, nous avons entamé une politique d’aide aux films ethnographiques, portée comme je l’ai dit par Alain Morel. Jean Rouch était encore très actif. Marc Piault [42], président de l’Association française des anthropologues, ethnodocumentaristes et historiens de l’ethnologie visuelle, fut agrégé au conseil du patrimoine ethnologique en 1984. Des liens s’instituèrent avec le festival du Cinéma du réel. Trois cents films environ virent le jour en quelques années.

Au conseil, Claudie Marcel-Dubois et Maguy Pichonnet-Andral, chercheuses CNRS travaillant au CEF (MNATP), représentaient le domaine musical. Mais nous étions aussi en lien avec Bernard Lortat-Jacob, ethnomusicologue attaché au musée de l’Homme et chargé de mission à la direction de la Musique et de la danse. Cette direction, dans les années Lang, était certainement plus tournée vers la DDC que vers la DP. Celle-ci ne pouvait par ailleurs pas rattacher aisément les musiques traditionnelles à ses domaines de compétences. Pourtant, la mission du Patrimoine ethnologique finança un nombre non négligeable de recherches, à l’instigation d’Alain Morel, tandis que Claude Rouot, dans le cadre du soutien à l’action culturelle que nous conduisions, devenait l’interlocutrice d’associations en charge de ce type de patrimoine.

Isabelle Chave : Dès sa création la mission s’était préoccupée de donner une dimension régionale à son vaction et d’entretenir des liens avec le tissu local de l’ethnologie, aspect prégnant dans les deux rapports Benzaïd et Querrien. Comment cela s’incarnait-il ?

Élizabeth Fleury : Je dirais moins qu’elle s’est préoccupée de donner une dimension régionale à son action qu’elle n’a été portée par le dynamisme des régions à cette époque car, dans ces premières années, la mission du Patrimoine ethnologique, en centrale, n’était pas toujours la mieux armée, pour établir une « ligne de conduite » sur le terrain.

Ainsi, Christian Jacquelin, recruté dès 1978 sur un poste administratif de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Franche-Comté pour l’Association comtoise d’Arts et traditions populaires et la Chaîne des musées de l’économie et du travail comtois, a vu son poste transformé en 1981 en poste d’ethnologue régional, cofinancé par le ministère et la région. En 1982, à la suite d’un stage à l’écomusée du Creusot, il fut inscrit sur la liste d’aptitude aux fonctions de conservateur de musées classés et contrôlés. La Chaîne des musées de l’économie et du travail comtois, labellisée « Musée contrôlé », a pu bénéficier des crédits de la DMF. En 1983, le poste d’ethnologue régional, dénommé désormais conseiller sectoriel à l’ethnologie, a été conforté par une intégration dans le corps des ingénieurs d’étude (ITA) du ministère. Christian Jacquelin partit pour la région Languedoc-Roussillon en 1986. Dans ces deux postes successifs de conseillers à l’ethnologie, il a connu les avancées opérées dans le champ de la protection du patrimoine (cabane de bûcheron, taillanderie et cité ouvrière en Franche-Comté ; cabane de pêcheur et arènes de bouvine en Languedoc-Roussillon).

En 1982-1983, nous avons aussi créé des postes d’ethnologues régionaux. La position de ces agents au sein des conseils régionaux n’était pas toujours définie mais ils ont su amener de nombreux élus à enrichir leur point de vue sur le patrimoine. Dans les DRAC, renforcées par la déconcentration des crédits, les conseillers à l’ethnologie ont dû souvent, avec beaucoup de talent, élaborer leur propre doctrine. Sur le terrain se sont noués des liens fructueux avec leurs collègues des monuments historiques, le ministère s’étant vu à nouveau confier l’entière compétence dans la protection des monuments et de leurs abords (décret du 5 juin 1981). Les directeurs régionaux étaient heureux de l’opportunité de renforcer leurs équipes [43].

Dans un numéro de Terrain titré Mélanges, qui fait le point sur l’action conduite depuis 1980 au ministère en faveur de l’ethnologie, Michel Valière décrit ce qu’était pour lui la mission des ethnologues régionaux : « Ils estiment qu’il est de leur ressort (…) de s’intéresser à tout un patrimoine laissé pour compte, tout un patrimoine in situ fait des savoir-faire et de leurs modes particuliers de transmission [44] ». Il évoque aussi les productions symboliques et esthétiques dans les domaines de la musique, de la danse et des littératures orales, « tout un patrimoine dont cette fin du XXe siècle semble avide... ; [l’ethnologue] entend aussi œuvrer à la recherche et à la définition de nouveaux objets au sens scientifique, au sens culturel aussi. Quel développement donne-t-il au cinéma ethnologique, quelles actions [mène-t-il] en faveur du roman ethnographique (…) [45] ».

Issu de l’écomusée du Creusot et premier, avec Mathilde Scalbert, du même établissement, à avoir intégré le statut ITA, conseiller à l’ethnologie (à la DRAC de Bourgogne puis à celle de Rhône-Alpes après Jacques Vallerant puis Yvon Hamon), François Portet écrivait en 2010 : « L’émergence de thèmes tels que les cultures professionnelles, les mémoires ou le patrimoine immatériel comme questions scientifiquement constituées doivent beaucoup à la petite communauté des conseillers à l’ethnologie. Ces travaux ont été restitués au public par des expositions, des produits audiovisuels, et des publications, les conseillers étant particulièrement attentifs à la valorisation des recherches. » [46]. Il évoque un « travail de maillage régional de la recherche ».

Les différents numéros de Terrain, conçus pour rendre compte des travaux financés côté « recherche » et côté « action culturelle », témoignent de la richesse au jour le jour des actions de la mission, liée à celle des ethnologues régionaux. Michel Rautenberg, conseiller pour l’ethnologie à la DRAC Rhône-Alpes (1989-1999), a ainsi détaillé, parmi diverses actions, le travail conduit pour la mise en place du circuit de la soie, impliquant de nombreux acteurs locaux et finalement non réalisé, après quatre ans de travail et d’études, du fait de la crise de l’industrie régionale [47]. L’ethnologue était au cœur des enjeux. Sa compétence, alliée à celle des historiens, permettait d’envisager la protection du patrimoine – en l’occurrence industriel – sous un angle riche de sens pour les populations, les « usagers » – le terme revient toujours – de ce patrimoine.

Dans cet article, Michel Rautenberg défend l’idée d’une ethnologie « impliquée [48] ». Au sein de la mission, Denis Chevallier a développé alors, avec les ethnologues régionaux, une ethnologie « impliquée », ce qu’il avait commencé à pratiquer, à l’écoute des Parcs naturels régionaux. À propos d’une intervention dans une étude pour l’élaboration d’une zone de protection du patrimoine architectural et urbain (ZPPAU), il écrit : « Ce fut l’occasion d’insister auprès de nos collègues des monuments historiques ou des services départementaux des bâtiments de France sur l’appréhension la plus fine des usages et des valeurs affectés par des groupes aux différents éléments de patrimoine ou à des portions d’espaces (...). En révélant la valeur pour le groupe d’un arbre, d’un espace, d’un bâtiment, d’une voie de circulation, tous éléments auxquels les critères dans l’histoire de l’architecture ou de l’art n’accorderaient sans doute pas la moindre attention, l’ethnologue se trouve donc, face aux architectes et aux historiens avec qui il collabore, dans une position singulière : « inventeur » du patrimoine de la collectivité, il va favoriser une réappropriation d’objets qui deviendront patrimoine » [49]. Il évoque ensuite le risque pour l’ethnologue de figer l’objet ainsi offert à la protection...

Parallèlement, la mission a beaucoup développé ses actions de formation, animées par Claude Rouot, en s’appuyant sur des centres culturels comme Royaumont, les centres de culture régionale et les ethnologues en région. Cette dimension de formation était inscrite dans notre programme dès l’origine : « L’ethnologie est une démarche délicate dans laquelle on ne peut se lancer sans compétence, au risque de détruire ou de défigurer la matière de l’étude... » [50]. Nos stages de formation offraient surtout un lieu de rencontres et d’échanges avec les partenaires « de terrain ». Ils ont su également mobiliser beaucoup de personnalités venues d’horizons différents : Pierre Lieutaghi, Michelle Perrot, Madeleine Rebérioux, Gérard Noiriel ou encore Christian Bromberger, alors maître de conférences à l’université de Provence, plus tard appelé à la présidence du conseil du Patrimoine ethnologique [51] où il succéda à Daniel Fabre, qui l’avait lui-même présidé entre 1994 et 1996.

Isabelle Chave : La collaboration internationale, qui caractérise certains des programmes de recherche menés sous la direction de Daniel Fabre dans les années 1990 et accueillis dans la collection des « Cahiers d’ethnologie de la France [52] », était-elle une réalité dès ces années 1980, que ce soit dans les projets éditoriaux de la mission ou dans le profil des membres du Conseil avec lesquels vous étiez amenée travailler ? Quelle était alors l’ouverture de la mission sur l’étranger ?

Élizabeth Fleury : Dans les années 1980, cette préoccupation n’était pas au premier plan, bien que le rapport présenté par Redjem Benzaïd préconise de rechercher une collaboration avec des organismes internationaux (UNESCO, ICOM, FAO) [53]. Isac Chiva avait en tête depuis toujours un dépassement des frontières, une ethnologie de l’Europe : « il s’agissait d’insister sur l’ethnologie de la France et si possible de l’Europe. Je dois dire que les ethnologues français à l’époque commençaient à s’intéresser à la France, et très peu à l’Europe » [54]. De fait, en 1987, les essais réunis par Isac Chiva et Utz Jeggl sous le titre Ethnologies en miroir posent la question des différences entre l’ethnologie française et celle de langue allemande [55]. Chiva aurait aimé mettre en œuvre un programme franco-allemand, mais c’était sans doute trop tôt. Il faut attendre le colloque de Tours en 1994 [56], pour que soit levée la limitation à la France des travaux sur le patrimoine ethnologique. Enfin, alors que le MNATP se refondait sous l’autorité de Michel Colardelle, l’occasion de lancer un musée des Civilisations européennes semblait arrivée : c’est ainsi qu’Isac Chiva s’est intéressé au projet du futur MUCEM.

Isabelle Chave : Comment caractériseriez-vous la fin de votre parcours à la tête de la mission, au temps de la première « cohabitation » (1986-1988) ?

Élizabeth Fleury : Jean-Pierre Bady, ancien président de la CNMH, devient directeur du Patrimoine en 1986 et il l’est demeuré jusqu’en 1990. Sous son regard bienveillant et avec Isac Chiva présidant le conseil, la mission poursuivit sur sa lancée à l’écoute des nouvelles orientations ministérielles. La DDC fut supprimée, fusionnant avec la DAG pour former la direction de l’Administration générale et de l’environnement culturel (DAGEC). Alors qu’en 1988, une loi-programme proposait de mieux associer patrimoine, tourisme et aménagement, certains de nos groupements [57], ou centres de culture régionaux, avaient l’ambition de servir d’appui à des circuits culturels, tels les Chemins de la soie, la Route du sel ou les Arts du feu en Franche-Comté [58].

« L’opération de mémoire en cours, écrit Marc Piault en 1987, est bien alors la réalisation d’un parcours de reconnaissance de soi aujourd’hui et ne signifie pas simplement la collection stratifiée de civilisations plus ou moins disparues. Ni archéologie, ni préhistoire : il y a, pour nous, dans les opérations de groupement, la mise en service d’un gisement culturel, dont l’exploitation doit renouveler les ressources de vie actuellement disponibles [59]. »

Il poursuit : « Les lieux et les conditions de décision s’éloignent des groupes humains aux dimensions limitées qui sont entraînés, malgré eux, dans une histoire dont les motivations leur sont étrangères, mais dont les conséquences risquent de les atteindre de plus en plus dramatiquement... Des opérations de ressourcement comme celles que les groupements patrimoniaux peuvent entreprendre, contribueront sans doute à une reconnaissance des identités, donc des véritables besoins qu’un groupe social, ici et maintenant, peut satisfaire par lui-même avec des raisons, des conditions d’accès et conséquences claires pour chacun des partenaires possibles [60] ». Il porte en note : « Par-delà l’importance du projet culturel – tant sur le plan de la recherche ethnologique que sur celui des retombées économiques attendues –, le thème de la soie en Cévennes a été retenu par l’ensemble des secteurs patrimoniaux de la direction régionale des Affaires culturelles du Languedoc-Roussillon pour mener des actions communes : participation du service de l’Inventaire régional pour dresser un inventaire du bâti industriel lié à la sériculture, intérêt de la conservation régionale des Monuments historiques pour envisager en COREPHAE une protection de bâtiments représentatifs (filatures) en vue de leur réhabilitation [61]. »

Ce texte, selon moi, rend compte de l’état d’esprit de la mission, de ce que nous avons réussi à faire à un moment donné, comme un espoir d’alternative à une situation sociale et économique qui se dégradait rapidement.

La recension par Jean-Michel Leniaud, alias Eugène Ollivier, du colloque « Les Monuments historiques demain », qu’il avait organisé à la Salpêtrière en novembre 1984 pour célébrer le 150e anniversaire de la nomination de Prosper Mérimée aux fonctions d’inspecteur général des monuments historiques, reflète l’atmosphère de cette période : « Le colloque s’était tenu dans un contexte chargé. Une polémique opposait la rue de Valois à la presse sur le montant exact du budget des monuments historiques : par-delà les questions de chiffres se dessinait la perspective que la politique d’alors, exprimée par le rapport Querrien, se traduirait par une prise de la Bastille – remise en cause des corps techniques et du pouvoir régalien – et une nuit du 4 août – abolition des privilèges des monuments historiques au profit du tiers-état Patrimoine » [62]. Eugène Ollivier poursuivait : « Les valeurs qui justifient la protection ne sont plus entre les mains de l’État. À la mémoire nationale se substituent celles des groupes sociaux, des entreprises, des collectivités, des associations ; à l’action de l’État se substitue celle de la société civile (…). Voilà pourquoi, comme l’a exprimé joliment Madeleine Rebérioux (…) : ’ Les amants du patrimoine n’aspirent plus, nous a-t-il semblé, à l’identique ’ (...). Voilà pourquoi l’État n’a plus à imposer ses valeurs à des individus, mais à respecter le pluralisme et le faire respecter à des groupes [63]. ». Il conclut : « Voilà peut-être le message délivré plus ou moins consciemment par le colloque, message où, en définitive, l’esprit de l’ethnologie triomphe : l’objet patrimonial ne se maintient comme tel que pour autant que le groupe social dans les habitudes duquel s’intègre l’objet, l’accepte toujours. Tant et si bien qu’on en vient à penser que le véritable critère du patrimoine n’est ni l’art ni l’histoire, mais la conscience intime du groupe social que tel objet appartient effectivement à son patrimoine [64]. »

Début 1990, Marc Augé était nommé à la présidence du conseil du Patrimoine ethnologique. Son renom donnait de l’élan à la mission et à sa politique de recherche J’étais appelée quant à moi à d’autres fonctions.

Les institutions évoluent. Aujourd’hui, l’« E » d’Ethnologie a disparu des noms des instances de proposition d’inscription au titre des monuments historiques. Je lis, sur le site du ministère, s’agissant de la protection des objets mobiliers, que sont éligibles ceux « dont la conservation présente un intérêt public au point de vue de l’histoire, de l’art, de la science ou de la technique [65] ». Plus « de l’ethnologie » !

Isabelle Chave : Revenons, pour finir, sur l’expression même de « patrimoine ethnologique », qui dans l’intitulé de la mission, a été conservée vingt années durant, jusqu’en 2001. Vous observiez a posteriori, en 2010, dans votre contribution déjà citée au dossier de Culture et Recherche sur un demi-siècle de recherche au ministère de la Culture : « Au sein de notre direction, dont la responsabilité première était la protection des monuments historiques, nous mettions en avant les hommes et les femmes, leurs pratiques et leurs représentations qui accompagnent les productions matérielles. Le patrimoine ethnologique, ce n’était plus les « arts et traditions populaires » [66] ». Instituer le patrimoine ethnologique en 1980 au sein de la nouvelle DP, était-ce à la fois affirmer une émancipation de la discipline ethnologique vis-à-vis du musée et instaurer, dès alors, l’entrée dans le champ du patrimoine immatériel et de l’humble ?

Élizabeth Fleury : Je pense pouvoir répondre par la négative à cette question. Le patrimoine ethnologique n’excluait rien, aucune institution. Isac Chiva était un homme attaché au musée. Ainsi, l’architecture rurale, incarnée par l’écomusée d’Alsace, était l’un de ses centres d’intérêt et il aimait l’idée de favoriser la création des écomusées, variante dans ce cas du musée de plein air.

Toutes les formes de protection existantes permettaient, aux yeux de Chiva, d’accueillir le patrimoine ethnologique. Patrimoine matériel et immatériel formaient un tout, indissociable des formes multiples prises par les identités locales. Son projet était de conforter une discipline, l’ethnologie de la France, d’où son attention à renforcer les enseignements dans ce domaine. La mission a cherché par tous les moyens à échapper à la réification de ce patrimoine grâce à la recherche et je reconnais ma dette envers Daniel Fabre à ce sujet.

« Nous étions en mouvement », m’a dit Claudine Fabre-Vassas, au moment de la préparation de cet hommage rendu à Daniel, le 11 octobre 2018. Oui, nous étions en mouvement ! Nous avons vécu une époque pleine d’appétits, convaincus que nos actions pouvaient pallier l’énorme choc produit par la désindustrialisation en cours, en accompagnant l’espoir à moitié utopique, mais à moitié seulement peut-être, de pouvoir conserver des techniques, notamment dans le domaine de la gestion des espaces naturels, pour inspirer le futur [67]. Déjà, le rapport de l’homme à la nature était interrogé.

Il y avait bien une demande sociale et les ethnologues régionaux étaient aux premières loges. Le projet initial a été tenu : la mission a permis de développer la discipline « ethnologie de la France », les ethnologues ont infléchi la mentalité des responsables de la protection du patrimoine. Elle a été portée par une vague qui a correspondu à un moment.

Le patrimoine ethnologique a mobilisé beaucoup de monde, beaucoup d’énergie et de foi dans l’avenir, bien avant que ne s’applique la révision générale des politiques publiques. Toutefois, à la fin des années 1980, après la chute du mur de Berlin, la « culture-monde », pour reprendre la formule de Jean-François Sirinelli, allait rattraper notre génération : « Pour la génération du baby-boom, en tous cas, cette fin de décennie est assurément un tournant essentiel : les héritiers de l’avenir deviendront orphelins de leur incarnation du futur » [68]. On allait sous peu changer radicalement d’époque.




[1É. Fleury, 2010. «  L’émergence du patrimoine ethnologique  », Culture et Recherche, 122-123, «  La recherche au ministère de la Culture  », p. 72 : «  [Isac Chiva] croyait dans la force des institutions culturelles et nous a guidés et accompagnés entre recherche et culture, nous la «  mission ethno  », avec toute la passion et l’enthousiasme dont il était capable  ». Voir https://www.berose.fr/article2922.html

[2Je remercie spécialement Isabelle Chave, alors adjointe au chef du département du Pilotage de la recherche et de la politique scientifique (direction générale des Patrimoines), pour m’avoir aidée à rassembler mes souvenirs de la première décennie de la mission du Patrimoine ethnologique, en prévision d’une communication au colloque en hommage à Daniel Fabre, qui allait se tenir le 11 octobre 2018 à l’auditorium Jacqueline Lichtenstein (INHA). Ma gratitude va également à Jack Ligot, à mes anciens collègues de la mission (Denis Chevallier, Christian Jacquelin, Christine Langlois, Alain Morel) ainsi qu’à Geneviève Gentil et à Pierre Moulinier. Enfin à François Gasnault et à Christian Hottin qui m’ont aidée dans la dernière mise en forme de ce texte. Je suis reconnaissante à toutes et à tous d’avoir pris le temps de le relire et de l’avoir amendé quand cela leur a paru nécessaire. Je prie les personnes qui auraient été oubliées dans ces remerciements de bien vouloir m’excuser.

[3La formule désigne le quatuor de chercheuses, formé par Tinas Jolas, Marie-Claire Pingaud, Yvonne Verdier et Françoise Zonabend, connues sous le nom de «  dames de Minot  », lesquelles ont mené conjointement de 1968 à 1975 une enquête de terrain sur le village bourguignon de Minot (Côte d’Or), dans le cadre de la Recherche coopérative sur programme sur le Châtillonnais, qui associait le LAS au MNATP.

[4Réalisé par Gilles Le Mao, cet entretien filmé d’une durée de 2 h 30 est visionnable en activant le lien suivant : https://www.berose.fr/article3127.html

[5Et produite par La Huit.

[6L’entretien «  Recherche et patrimoine  », de plus de 40 minutes, a été capté le 5 avril 2010. Il peut être écouté sur https://www.ethnobistro.fr/archives-sonores/.

[7Noël Barbe, dans son article fort bien documenté «  Isac Chiva, ethnologie et politique patrimoniale  », Terrain, n° 60, mars 2013, http://journals.openedition.org/terrain/15127), parle p. 150 «  d’appareil étatique de contrôle  ». Je ne partage pas ce point de vue. Qu’il me soit permis de préciser, à ce sujet, que je n’ai aucun souvenir des propos, cités dans cet article, que j’aurais tenus à Herman Leibovics.

[8Comité d’histoire du ministère de la Culture, Le Fil de l’esprit. Augustin Girard, un parcours entre recherche et action, Paris, La Documentation française (coll. «  Travaux et Documents  », n° 29), 2011, p. 259.

[9La lettre de mission dégageait cinq axes à explorer, que l’on peut rappeler : «  1) Établir l’inventaire des moyens existants : hommes, institutions, expériences, publications et travaux individuels ou collectifs  ; 2) Définir les procédures et les moyens à mettre en œuvre pour susciter une ethnologie de sauvetage  ; 3) Proposer pour 1979 et 1980 les actions expérimentales et les moyens budgétaires appropriés  ; 4) Étudier les problèmes juridiques posés par la collecte du patrimoine ethnologique rural et urbain, sa conservation, son exploitation et sa diffusion, et étudier les aménagements éventuels aux règles qui régissent les organismes intéressés  ; 5) Préparer les propositions et textes à soumettre au comité interministériel du patrimoine, en vue de définir les structures de coordination et de soutien à prévoir au niveau central et au niveau local  ».

[10Michel Valière,2002. Ethnographie de la France. Histoire et enjeux contemporains des approches du patrimoine ethnologique. Paris, Armand Colin, (Cursus, série Sociologie), p. 157. Noël Barbe, dans l’article déjà référencé en note 7, reproduit, p. 149 l’intégralité de la phrase où figure cette formule : «  En 1980, au terme d’une décennie de régionalisme militant et qui prônait une ’anthropologie autochtone’ ou ’intérieure’, le ministère de la Culture créa une structure propre, chargée du patrimoine ethnologique  ».

[11Elle fut ultérieurement nommée directeur au secrétariat général du Gouvernement.

[12Cf. Pierre Moulinier, «  Groupe de travail sur les politiques culturelles en France de 1981 à 1988  », DTI n° 15, Comité d’histoire du ministère de la Culture, 5 octobre 2001.

[13Administrateur civil, il a terminé sa carrière comme inspecteur général des affaires culturelles.

[14Elle a été ultérieurement intégrée dans le corps des conservateurs du patrimoine.

[15Depuis 1976, Daniel Fabre était chargé d’un séminaire à l’EHESS et membre du comité de rédaction de la revue Ethnologie française. Voir le dossier qui lui est consacré dans Bérose : https://www.berose.fr/rubrique745.html.

[16La liste des membres nommés du premier conseil a été fixée par un arrêté du ministre chargé de la Culture en date du 6 juin 1980 (publié au Journal officiel du 13). Elle comprenait : Redjem Benzaïd, inspecteur général des Finances  ; Lucien Bernot, professeur titulaire de la chaire de sociographie de l’Asie du Sud-Est au Collège de France  ; Isac Chiva, directeur d’études à l’EHESS et directeur adjoint du Laboratoire d’anthropologie sociale (Collège de France)  ; Jean Cuisenier, directeur de recherche au CNRS et conservateur en chef du MNATP  ; Pierre Dumayet, producteur d’émissions télévisées  ; Marcel Évrard, directeur de l’écomusée du Creusot à Montceau-les-Mines  ; Philippe Jessu, conservateur du musée d’Histoire et d’ethnographie régionales de l’hospice Comtesse-de-Lille, secrétaire général de l’Association des conservateurs des collections publiques  ; Jacques Lacroix, chargé de recherche au CNRS (Centre d’ethnologie régionale à Marseille)  ; Emmanuel Le Roy Ladurie, professeur au Collège de France, directeur d’études à l’EHESS  ; Émile Leynaud, inspecteur général de l’Environnement  ; Yves Malécot, président du Comité d’information et de liaison pour l’archéologie, l’étude et la mise en valeur du patrimoine industriel  ; Claudie Marcel-Dubois, directeur de recherche au CNRS (Centre d’ethnologie française) et présidente de la Société d’ethnologie française  ; Jean Métral, maître-assistant à l’université de Lyon-II  ; Raymonde Moulin, directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS  ; Marie-Marguerite Pichonnet-Andral, maître de recherche au CNRS (Centre d’ethnologie française)  ; Xavier Ravier, maître de recherche au CNRS (Laboratoire d’études méridionales à Toulouse)  ; Georges Henri Rivière, conservateur en chef honoraire des musées de France, conseiller permanent auprès du Conseil international des musées (ICOM)  ; Michel Valière, président de l’Union pour la recherche, la diffusion et l’expression de la culture populaire en Poitou, Charentes et Vendée (UPCP).

[17Jacques Soustelle, Rapport sur la recherche française en archéologie et anthropologie, Paris, La Documentation française, 1975.

[18Rejdem Benzaïd (1924-2014), inspecteur général des finances, présidait le groupe de travail à l’origine du rapport intitulé L’Ethnologie de la France, besoins et projets, publié en 1979 à la Documentation française, dans la collection des rapports officiels. La citation figure p. 47, dans la deuxième section du chapitre IIL’ethnologie comme projet : Ethnologie d’urgence et actions expérimentales, où il est également question de «  sauvetage  ».

[19Françoise Mosser, 2016. Entretiens avec Jean-Philippe Lecat, ministre de la Culture et de la communication (1978-1981), Paris, Comité d’histoire du ministère de la Culture/La Documentation française, 488 p.

[20La liste complète figure dans un encadré de l’article d’Alain Morel, 2001. «  La mission du patrimoine ethnologique  », Culture et Recherche, 87, octobre-novembre, p. 4 ([https://www.berose.fr/article2917.html]).

[21Alain Morel, 2001. «  La mission du patrimoine ethnologique  », Culture et Recherche, 87, octobre-novembre, p. 4-5 ([https://www.berose.fr/article2917.html]).

[22Max Querrien, 1982. Pour une nouvelle politique du patrimoine. Paris, La Documentation française, (collection des rapports officiels), p. 54.

[23Cette alternance mais tout autant celles qui sont intervenues en 1986, 1988 et 1993 ont profondément rythmé nos activités au ministère, notamment en ce qui concerne le domaine Architecture-Patrimoine.

[24Françoise Mosser, 2016. Entretiens avec Jean-Philippe Lecat, ministre de la Culture et de la communication (1978-1981), Paris, Comité d’histoire du ministère de la Culture/La Documentation française, p. 275.

[25Dominique Wallon, 1983. «  La politique de culture scientifique, technique et industrielle du ministère de la Culture  », dans Culture technique, 9, p. 2683.

[26Patrimoine dont la richesse, la diversité et l’intérêt pour la recherche anthropologique étaient mis en évidence par le numéro 2 de Terrain (mars 1984), titré Ethnologie, techniques, industries : vers une anthropologie industrielle  ? (https://journals.openedition.org/terrain/123).

[27Acronyme de COnservatoire du Machinisme et des Pratiques Agricoles.

[28Max Querrien, 1982. Pour une nouvelle politique du patrimoine. Paris, La Documentation française, (collection des rapports officiels), p. 5 à 8 passim.

[29Max Querrien, 1982. Pour une nouvelle politique du patrimoine. Paris, La Documentation française, (collection des rapports officiels), p. 55.

[30Octave Debary, «  Le temps passé à exposer  », dans Philippe Poirrier et Loïc Valdelorge (dir.), Pour une histoire des politiques du patrimoine, Paris, Comité d’histoire du ministère de la Culture/La Documentation française (coll. «  Travaux et Documents  », 16, 2003, p. 547.

[31Octave Debary, «  Le temps passé à exposer  », dans Philippe Poirrier et Loïc Valdelorge (dir.), Pour une histoire des politiques du patrimoine, Paris, Comité d’histoire du ministère de la Culture/La Documentation française (coll. «  Travaux et Documents  », 16, 2003, p. 547.

[32«  Savoirs naturalistes populaires et projets anthropologiques  », dans Mission du Patrimoine ethnologique, Les Savoirs naturalistes populaires, actes du séminaire de Sommières, 12 et 13 décembre 1983, Paris, éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1985, p. 15-27.

[33Les autres membres de droit étaient : pour le ministère de la Culture, Jean-Loup Delmas, directeur des archives départementales de l’Aveyron, représentant le directeur général des Archives de France (Jean Favier), et Jean Cuisenier, directeur de recherche au CNRS et conservateur en chef du MNATP, représentant le directeur des Musées de France (Hubert Landais)  ; pour le ministère chargé de la Recherche : Maurice Garden, chef du département des Sciences de l’homme et de la société à la Mission scientifique et technique  ; pour le ministère de l’Éducation nationale : Philippe Joutard, professeur à l’université de Provence Aix-Marseille, conseiller scientifique à la mission scientifique de la direction de la Recherche. Pierre Bonte, conseiller scientifique, y représentait le chef du département des Sciences de l’homme et de la société au CNRS (Maurice Godelier).

[34«  Marc Augé. Entretien avec Julien Ténédos  », collection «  L’Ethnologie en héritage  », n°6, réalisateur : Gilles Le Mao, producteurs : Gilles Le Mao & Stéphane Jourdain/La Huit, 2009, https://www.berose.fr/article2676.html .

[35«  Martine Segalen. Entretien avec Alain Morel  », collection «  L’Ethnologie en héritage  », n°20, réalisateur : Gilles Le Mao, producteur : Gilles Le Mao & Stéphane Jourdain/La Huit, 2016, https://www.berose.fr/article2444.html .

[36«  Bernard Lortat-Jacob. Entretien avec Alain Morel  », collection «  L’Ethnologie en héritage  », n°23, réalisateur : Gilles Le Mao, producteurs : Gilles Le Mao & Stéphane Jourdain/La Huit, 2018, https://www.berose.fr/article3128.html .

[37Suivant l’arrêté du ministre délégué à la Culture en date du 29 octobre 1984, figuraient encore parmi les membres nommés : Jean Hurstel, directeur du centre d’action culturelle de Freyming-Merlebach  ; Pierre du Pontavice, directeur de la Fédération des parcs naturels régionaux  ; François Sigaut, secrétaire de l’Association internationale des musées d’agriculture, maître-assistant à l’EHESS  ; Jean-Yves Veillard, conservateur en chef du musée de Bretagne à Rennes  ; Marc-Henri Piault, chargé de recherche CNRS, président de l’Association française des anthropologues. Avaient par ailleurs été renouvelés Pierre Dumayet et l’universitaire Jean Métral.

[38Daté d’octobre 1984, il traitait de l’ethnologie urbaine.

[39Donc certaines allaient rejoindre, après la réforme statutaire du début des années 1990, le corps des conservateurs du patrimoine.

[40Hugues de Warine (né en 1935) a travaillé dès 1962 aux côtés de Georges Henri Rivière au Conseil international des musées (ICOM) et il lui a succédé à sa direction de 1965 à 1974. Théoricien de la muséologie, il a inventé le terme d’écomusée et a été associé à l’expérimentation du concept dans la ville du Creusot, de la création de l’établissement en 1971 à 1984.

[41Dont l’article 1er donne la définition suivante : «  L’Écomusée est une institution culturelle assurant, d’une manière permanente, sur un territoire donné, avec la participation de la population, les fonctions de recherche, conservation, présentation, mise en valeur d’un ensemble de biens naturels et culturels, représentatifs d’un milieu et des modes de vie qui s’y succèdent  ». Le document est accessible en ligne sur le site de la FEMS (https://fems.asso.fr/wp-content/uploads/2020/08/Charte-ecomusees.pdf ) et comporte un préambule, signé par Jean-Philippe Lecat, qui permet de comprendre les enjeux à l’œuvre.

[42«  Marc Henri Piault. Entretien avec Julien Ténédos  », collection «  L’Ethnologie en héritage  », n°4, réalisateur : Stéphane Jourdain, producteurs : Gilles Le Mao & Stéphane Jourdain/La Huit, 2007. https://www.berose.fr/article2679.html

[43Les conseillers pour l’ethnologie (DRAC) et les ethnologues régionaux (conseils régionaux) étaient au nombre de neuf en 1988 : François Portet (Bourgogne), Marc André (Champagne-Ardenne), Bertrand Hell (Franche-Comté), Christian Jacquelin (Languedoc-Roussillon), Patrick Desseix (Lorraine), François Calame (Picardie), Michel Valière (Poitou-Charentes), Annie-Hélène Dufour (Provence-Alpes-Côte d’Azur) et Yvon Hamon (Rhône-Alpes).

[44Michel Valière, «  Des ethnologues régionaux. Synthèse des bilans établis par les ethnologues régionaux, pour le conseil du Patrimoine ethnologique du 17 décembre 1987  », Terrain, n° 11, novembre 1988 (https://journals.openedition.org/terrain/3325), p. 141.

[45Michel Valière, «  Des ethnologues régionaux. Synthèse des bilans établis par les ethnologues régionaux, pour le conseil du Patrimoine ethnologique du 17 décembre 1987  », Terrain, n° 11, novembre 1988 (https://journals.openedition.org/terrain/3325), p. 141.

[46François Portet, «  L’ethnologie en région  », Culture et Recherche n° 122-123, 2010, p. 73 ([https://www.berose.fr/article2922.html]).

[47Michel Rautenberg, «  L’intervention ethnologique. Témoignage et éléments de réflexion sur les relations entre recherche et action culturelle dans une DRAC  », Philippe Poirrier et Loïc Vadelorge (dir.), Pour une histoire des politiques du patrimoine, Paris, Comité d’histoire du ministère de la Culture/La Documentation française (coll. «  Travaux et Documents  », 16, 2003, p. 469 à 489  ; consultable ici : https://www.berose.fr/article3118.html.

[48Michel Rautenberg, «  L’intervention ethnologique. Témoignage et éléments de réflexion sur les relations entre recherche et action culturelle dans une DRAC  », Philippe Poirrier et Loïc Vadelorge (dir.), Pour une histoire des politiques du patrimoine, Paris, Comité d’histoire du ministère de la Culture/La Documentation française (coll. «  Travaux et Documents  », 16, 2003, p. 469 à 489, notamment p. 482 et 487 à 489, dans le développement sur «  l’intervention ethnologique  ». Consultable ici : https://www.berose.fr/article3118.html

[49Denis Chevallier, Transmission culturelle, application de l’ethnologie, implication de l’ethnologue, mémoire pour l’obtention de l’habilitation à diriger des recherches soutenue à l’université d’Aix-Marseille, 1995, p. 39.

[50Redjem Benzaïd, L’Ethnologie de la France, besoins et projets, Paris, La Documentation française, 1980, p. 39.

[51Christian Bromberger fut du reste le dernier président de l’instance, supprimée de fait en 2000.

[52L’Europe entre culture et nations (cahier n°10, 1996), édition des actes d’un colloque qui s’était déroulé à Tours en décembre 1993, et La fabrique des héros (cahier n°12, 1999).

[53Redjem Benzaïd, L’Ethnologie de la France, besoins et projets, Paris, La Documentation française, 1980, p. 46.

[54Entretien d’Isac Chiva avec Christian Jacquelin au Bistrot des ethnologues (2005), dont la référence de l’enregistrement figure en n. 5. Ce propos a également été rappelé en 2013 par Noël Barbe, «  Isac Chiva, ethnologie et politique patrimoniale  », Terrain, n° 60, mars 2013 (http://journals.openedition.org/terrain/15127 (n. 1).

[55Isac Chiva et Utz Jeggle (dir.), Ethnologies en miroir. La France et les pays de langue allemande, Paris, éditions de la Maison des sciences de l’homme, collection «  Ethnologie de la France  », 7, 1987, vii-396 p. (https://books.openedition.org/editionsmsh/2332). Le volume contient de nombreuses contributions, dont pour la France celles de Christian Bromberger, Élisabeth Claverie, Daniel Fabre, Claudine Fabre-Vassas, Pierre Lamaison et Alain Morel Gérard Lenclud, et Françoise Zonabend.

[56Daniel Fabre (dir.), L’Europe entre cultures et nations, Paris, éditions de la Maison des sciences de l’homme, collextion Ethnologie de la France, 10, 1996, xi-344 p. (https://books.openeon.org/editionsmsh/3898 .

[57Cinq «  groupements pour la mise en valeur et la conservation du patrimoine ethnologique  », agréés par le conseil du Patrimoine ethnologique, existaient en 1986, en Rhône-Alpes, en Aquitaine, en Languedoc-Roussillon et en Bretagne, ainsi qu’un autre reliant plusieurs territoires pour la création d’un système d’information sur les usages populaires de la flore. Il s’agit du projet «  Nemobase  » mené par José Dos Santos, James Molina et Marc-Henri Piault, et que la mission avait financé en 1985 : cf. José Dos Santos, «  Nemobase : un système d’information sur les usages populaires de la flore  », Le Médiéviste et l’ordinateur, n°23, 1991, p. 28-33.

[58Bertrand Hell, «  Les arts du feu en Franche-Comté : savoir-faire traditionnels et réalités économiques  », Terrain, n° 10, avril 1988 (https://journals.openedition.org/terrain/2937), p. 113-123.

[59Marc-Henri Piault, «  Les Chemins de la soie : un itinéraire culturel en Cévennes  », Terrain, n° 8, avril 1987 (https://journals.openedition.org/terrain/3157), p. 83.

[60Marc-Henri Piault, «  Les Chemins de la soie : un itinéraire culturel en Cévennes  », Terrain, n° 8, avril 1987 (https://journals.openedition.org/terrain/3157), p. 83.

[61Marc-Henri Piault, «  Les Chemins de la soie : un itinéraire culturel en Cévennes  », Terrain, n° 8, avril 1987 (https://journals.openedition.org/terrain/3157), p. 83., n. 1.

[62Eugène Ollivier [Jean-Michel Leniaud], «  Les monuments historiques demain…  », Terrain, n° 9, nov. 1987, p. 124 (https://journals.openedition.org/terrain/3196).

[63Eugène Ollivier [Jean-Michel Leniaud], «  Les monuments historiques demain…  », Terrain, n° 9, nov. 1987, p. 126 (https://journals.openedition.org/terrain/3196)..

[64Eugène Ollivier [Jean-Michel Leniaud], «  Les monuments historiques demain…  », Terrain, n° 9, nov. 1987, p. 127 (https://journals.openedition.org/terrain/3196).

C’est moi qui souligne, en relevant également que J.-M. Leniaud cite Madeleine Rébérioux dont j’ai mentionné plus haut l’implication – ainsi que celle de Michelle Perrot – dans les actions de formation de la mission.

[65Conformément à l’article L622-20 du code du patrimoine.

[66É. Fleury, 2010. «  L’émergence du patrimoine ethnologique  », Culture et Recherche, 122-123, «  La recherche au ministère de la Culture  », p. 72.

[67L’idée était déjà présente dans le rapport Benzaïd : «  La crise économique et sociale des dernières années, qui s’aggravera sans doute encore, a d’autre part contribué à remettre en cause la croyance en un progrès illimité, les vertus de la civilisation technique sans frein et l’uniformisation culturelle  » (Redjem Benzaïd, ouvr. cité, p. 24].

[68Jean-François Sirinelli, Génération sans pareille. Les baby-boomers de 1945 à nos jours, Paris, Tallandier, collection «  Texto  », 2018, p. 223.