L’Unesco en Haïti. L’impossible bibliothèque-musée du peuple dans la vallée du Marbial

Le 22 octobre 1948, l’anthropologue Alfred Métraux (1902-1963) termine en ces termes une lettre qu’il adresse au président de l’Unesco, Julian Huxley (1887-1975) : « J’aimerais vous dire que ma participation à ce projet de l’Unesco a été l’une des expériences les plus intéressantes de ma carrière et je vous remercie, l’Unesco et vous, de m’avoir offert l’opportunité unique de montrer la valeur pratique de l’anthropologie. » Métraux fait référence ici au projet pilote d’éducation de base mené par l’Unesco à Marbial en Haïti entre 1948 et 1953 et qu’il a dirigé durant ses deux premières années. En suivant les traces de ce projet, on se trouve devant un vaste réseau d’échanges intellectuels et artistiques transatlantiques dans lequel l’anthropologue franco-suisse occupe une place centrale. En prenant l’expérience de Métraux comme point de départ pour suivre ce réseau, je présenterai dans cet article un volet spécifique de la présence de l’Unesco en Haïti et par là même démontrerai en quoi cette institution a participé à l’émergence du nouvel imaginaire inspiré par ce pays des Caraïbes. Il s’agit du projet de construction d’une maison du peuple (qui abriterait une bibliothèque, un musée et un centre d’art paysan) à Marbial, qui, en dépit de son échec, illustre bien les dilemmes de la transposition des modèles institutionnels euro-américains à des pays étiquetés, surtout à cette époque mais encore aujourd’hui, comme « sous-développés » et « tropicaux », placés à mi-chemin entre le « primitif », objet de l’anthropologie classique, et ladite modernité. (...)

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