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Encyclopédie internationale
des histoires de l’anthropologie

Auguste Dozon, « ambassadeur » de la littérature orale balkanique

Marie‑Barbara Le Gonidec

Ministère de la culture, UMR9022 Héritages

2023
Pour citer cet article

Le Gonidec, Marie–Barbara, 2023. « Auguste Dozon, “ ambassadeur ” de la littérature orale balkanique », in Bérose - Encyclopédie internationale des histoires de l'anthropologie, Paris.

URL Bérose : article3129.html

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Publié dans le cadre du thème de recherche « Histoire de l’ethnomusicologie », dirigé par François Gasnault (INHA, InVisu) et Marie-Barbara Le Gonidec (Ministère de la Culture, Héritages).

Résumé : Dans le contexte de la fin du XIXe siècle d’une Europe troublée par l’émergence des nationalismes dans les Balkans, paraît en France, en 1875, un recueil de Chansons populaires bulgares inédites, publiées et traduites par Auguste Dozon. Après avoir retracé le parcours quelque peu atypique de celui à qui l’on doit ce recueil, l’article explique comment cet auteur en est venu à s’intéresser à ces chants et révèle la polémique que soulève leur découverte, par des Serbes, dans le contexte des revendications territoriales qui divisent Grecs et Bulgares. En traitant de ce cas particulier, l’article alimente nos connaissances quant à l’importance donnée à la littérature orale à l’époque post-romantique et au début de l’ère des folkloristes, témoignant ainsi des enjeux politiques dont elle est l’objet dans les processus de création des identités nationales.

En 1875 paraît, chez Maisonneuve et Cie, un ouvrage intitulé Chansons populaires bulgares inédites, publiées et traduites par Auguste Dozon, traducteur des poésies serbes [1]. En cette période postromantique, la littérature orale est désormais reconnue dans le milieu lettré. De nombreux ouvrages de ce genre ont été publiés en France suivant la route tracée par le vicomte Théodore Hersart de la Villemarqué (1815-1895) qui, en 1839, faisait paraître le Barzaz Breiz, recueil de textes bretons qualifiés de « diamants » par George Sand [2]. Nous ne sommes donc pas étonnés de cette publication consacrée à des chants populaires. Ce qui surprend en revanche, c’est qu’il ne s’agit pas de chants du territoire national mais bulgares. De plus, le titre indique que l’auteur connaît aussi la littérature serbe. La deuxième surprise vient du profil de Dozon : appartenant au corps diplomatique, il est peu connu dans les milieux littéraires et n’est pas plus connu dans le monde des folkloristes. Quelle est donc alors la formation de Dozon, et comment en est-il arrivé à s’intéresser à la littérature orale balkanique ?

Répondre à cette question va nous permettre de raviver la mémoire de cette personnalité connue en Bulgarie, comme étant le premier français – ils se comptent sur les doigts d’une main – à s’intéresser à cette littérature et d’évoquer le contexte politique d’une Europe troublée par la « question macédonienne » [3], qui n’a pu se régler autrement que par la guerre. On verra ainsi combien, dans le contexte de la création des identités nationales [4], les lettrés de l’époque chargent la littérature orale d’un sens nationaliste.

Un avocat plus féru de langues que de droit

Louis Auguste Henri Dozon est né le 2 février 1822 à Châlons-sur-Marne – d’où son nom de plume, Auguste Argonne, qu’il choisira de prendre comme poète. Marié en 1869 à une Grecque de l’île de Leucade, le couple aura quatre enfants. Son père, Jean-Louis Dozon-Houreau (1790-1868) [5], est avocat. C’est cette filière que suivra Auguste, aîné de la fratrie. Auguste Dozon semble avoir été doué pour les études. À Paris, il est élève au fameux collège Sainte-Barbe que fréquenteront quelques années plus tard, entre autres, Gustave Eiffel, Jean Jaurès, Alfred Dreyfus, Charles Péguy. Il est possible que Dozon ait eu l’historien Jules Michelet (1798-1874) comme enseignant ; leurs dates de présence au collègue concordent en effet.

C’est visiblement la littérature en général, et la poésie en particulier, qui intéressent le jeune Auguste. À l’âge de 21 ans, il contribue, sous son nom de plume, à un ouvrage intitulé Vers édité chez Herman Frères (Paris, 1843) qu’il rédige avec G. Le Vavasseur et E. Pradon. Tous trois sont proches de Baudelaire qu’ils fréquentent dans le cercle d’amis du lycée Louis Le Grand à Paris [6]. Certaines sources indiquent que Baudelaire aurait contribué à ce volume sans vouloir laisser paraître son nom [7]. D’autres sources indiquent que l’ouvrage était d’abord le fait de Pradon et Le Vavasseur qui proposèrent à Baudelaire de participer et que ce dernier leur demanda « de s’adjoindre un de ses amis, M. Auguste Dozon, poète de talent » [8].

Assurément, c’est à son goût pour la poésie ainsi qu’à ses aptitudes pour les langues que l’on doit à Dozon la capacité de s’être fait l’« ambassadeur » de la littérature orale balkanique. Ceci dit, dans sa jeunesse, ce n’est pas l’aire balkanique qui le passionne.

Premières recherches philologiques sur les rapports entre sanskrit et javanais

Dans le dossier nominatif de Dozon provenant du fonds du Bureau des missions du ministère de l’Instruction publique, on apprend qu’il avait suivi l’enseignement d’Edouard Dulaurier [9] en malais et javanais aux Langues orientales [10]. Cela explique probablement pourquoi, le 7 mai 1847, il fait une demande de financement auprès du Bureau pour « rechercher dans les bibliothèques de Prusse, de Hollande et d’Angleterre les manuscrits relatifs à la langue et à la littérature malaye et javanaise » [11]. Le ministre fait répondre le 24 juin que l’état des finances publiques ne permet pas cette mission et propose de réitérer la requête l’année suivante. Dozon ne le fera que trois ans plus tard (17 février 1850), pour des raisons que les archives ne nous permettent pas de découvrir. Dans cette nouvelle demande, il explique plus clairement son projet. Il souhaitait approfondir les études sur la production littéraire dans ces idiomes en se penchant sur des sources originales absentes en France mais présentes en Hollande, en Prusse et en Angleterre. Il proposait de traduire et publier de manière critique certaines de ces sources.

On en retiendra que la publication de sources intéresse Dozon dès le début. Par ailleurs, rappelons que le choix du malais et du javanais correspondait à un engouement général en faveur du fondement hindou des cultures indo-européennes récemment mises en évidence. À la recherche de leurs racines linguistiques, les Occidentaux s’intéressaient alors de très près au sanskrit et, de là, aux Védas, textes sacrés des brahmanes. L’étude de la branche orientale de la diffusion du sanskrit, notamment à Java, était pour Dozon un sujet porteur. En plus de recopier les originaux et de les traduire, il envisageait d’en tirer profit pour étudier les rapports entre l’Inde et Java. Un programme ambitieux, on l’imagine, qu’il n’a pas pu entreprendre car sa demande semble être restée sans suite, si l’on en juge à l’absence d’archives postérieures à celle du 17 février 1850, et à l’absence de publications dans ce domaine portant son nom, hormis celle de 1846 parue dans le Journal asiatique [12].

À cette période, entre 1847 et 1850, Dozon, qui demeure à Paris, gagne sa vie comme avocat. Mais ses intérêts sont ailleurs : il est membre de la Société asiatique de Paris, et en plus des cours qu’il suit à l’École des Langues orientales, il est inscrit au Collège de France. Son réseau de connaissances lui permet de côtoyer d’éminents savants. Nous avons cité son professeur aux Langues orientales qui publie régulièrement dans le Bulletin de la Société asiatique [13], une publication qui dépend de l’Académie des inscriptions et belles-lettres [14]. Quand il sera en poste dans les Balkans (voir infra), Dozon sera nommé Membre correspondant de l’Académie, et, lors de son retour en France pour prendre sa retraite, en 1885, il assurera des cours à l’École des Langues orientales. Il était prévu qu’il devienne titulaire de la Chaire de Russe et des dialectes slaves, mais son décès survenu le 31 décembre 1890 met fin à ce projet.

Une parfaite maîtrise des langues balkaniques

Si Dozon gagne sa vie comme avocat, ce sont les langues qui l’intéressent avant tout. La lettre adressée en 1847 au Bureau des missions du ministère de l’Instruction publique nous apprend qu’à 25 ans, il parle couramment l’anglais et l’allemand, et assez bien l’italien. Il va sans dire qu’étant donné son niveau d’instruction et la structure de l’enseignement d’alors, il est aussi latiniste et helléniste. Arrivé au consulat de Belgrade en 1854 – sa carrière sera abordée au point suivant –, il devient vite l’interprète-traducteur du serbe, langue pour laquelle il aurait été l’un des premiers spécialistes en France si la grammaire qu’il avait entreprise avait été publiée. [15] Cela prouve que non seulement il parlait le serbe mais aussi qu’il s’y intéressait d’un point de vue philologique.

Faute d’avoir publié dans cet idiome, c’est pour l’albanais qu’il est reconnu comme expert, en France comme en Albanie. [16] Il aurait appris cette langue à Thessalonique à la suite de sa rencontre avec Johann Georg von Hahn [17] diplomate et philologue comme lui dont il poursuivra les travaux. Cela vaudra à Dozon d’obtenir en 1879 le prix Constantin Volney décerné annuellement par l’Institut de France, après une proposition de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, afin de récompenser un travail de philologie comparée.

Dozon parlait aussi couramment le grec moderne, grâce notamment à son mariage. Son aptitude pour les langues et l’intérêt scientifique qu’il leur porte est manifeste. Rien ne l’obligeait à apprendre toutes les langues balkaniques : serbe (puis, de là, le bulgare qui ne présentera aucune difficulté pour lui), grec, albanais et aussi turc, idiome pour lequel d’autres courriers dans ce même fonds d’archives nous apprennent qu’il possède les rudiments. Dozon est donc avant tout un « génie » des langues et c’est probablement cela qui va lui permettre de rentrer dans la carrière diplomatique. Rappelons d’ailleurs que l’École des Langues Orientales qu’il fréquente a été créée en 1669 pour former aux langues des diplomates.

Dozon diplomate

Est-ce parce que la mission en Hollande, Prusse et Angleterre n’est pas accordée que Dozon décide de se présenter au concours d’entrée aux fonctions diplomatiques ? Avoir un poste à l’étranger lui donnerait l’avantage d’être « en immersion » et d’allier ainsi sa vie professionnelle à sa passion pour la philologie.

La consultation de son dossier, conservé celui-là aux Archives diplomatiques, nous permet de savoir qu’il se présente au concours en 1847. D’après une des pièces du fonds, il apparaît qu’il ne remplit pas une des conditions d’inscription au concours : il faut être âgé de 25 ans révolu au premier janvier de l’année dudit concours. Né le 22 février, Dozon n’a que 24 ans. Son père, ancien député, va écrire au ministre qu’il a connu à la Chambre. Dans sa lettre du 30 octobre 1847, Dozon père demande que son « fils aîné puisse être admis à passer l’examen du 28 novembre de la même année pour devenir élève consul à l’école polytechnique ». Les correspondances ne sont pas assez nombreuses pour comprendre quelle a été la réponse du ministre et ce qui a empêché Dozon de passer le concours l’année suivante. Peut-être n’y en avait-il pas tous les ans et il aurait été trop âgé pour la session suivante ? Peut-être l’a-t-il passé et a-t-il échoué ? Que fait-il pendant ce temps-là ? Exerce-t-il son métier d’avocat tout en continuant l’étude des langues ? C’est ce qu’il semble comme on va le voir.

Le 21 février 1854, soit presque cinq ans après, une note de service tombe sur le bureau du ministre des Affaires étrangères. Elle l’informe que « Louis Auguste Henri Dozon sollicite l’emploi de drogman [18] auxiliaire attaché au consulat de Belgrade ». Il est précisé qu’il a été le correcteur pendant trois ans des compositions de français pour l’admission à l’école militaire de Saint Cyr, la plus prestigieuse école militaire du pays, aujourd’hui encore. C’est donc une référence. On sait qu’il parle et écrit l’anglais et l’allemand et avec moins de facilité, l’italien. Il est aussi écrit qu’il a fait « quelques progrès dans la connaissance de l’arabe et du turc ». Il a pris, est-il ajouté dans cette note, comme « objet d’études les idiomes slaves et particulièrement le serbe. Il espère pouvoir se rendre utile dans le poste qu’il sollicite ». Il est aussi rappelé, à toutes fins utiles, que son père fut le collègue du ministre en tant que membre de l’ancienne Chambre des députés.

Le ministre accepte l’offre, puisque le 8 mars 1854, le Consul général à Belgrade est informé que « Monsieur Auguste Dozon est autorisé à prendre part aux travaux du Consulat de Belgrade ». Puis, par décret du 24 octobre 1855, par l’initiative auprès de l’Empereur, du Comte Walewoski, ministre des Affaires étrangères à Paris, Dozon devient Chancelier au Consulat de France de Belgrade. Le voilà donc entré dans la fonction diplomatique.

Belgrade, Mostar, Plovdiv, Thessalonique… une carrière passée dans les Balkans

En fin de carrière, il est considéré comme un « excellent agent [qui] parle plusieurs des langues de la Turquie d’Europe ». Les pièces du fonds des Archives diplomatiques nous permettent de retracer son parcours mais aussi d’apprendre diverses choses sur ses aptitudes. Ainsi en décembre 1855, Dozon étant tombé malade, le Consul à Belgrade écrit au ministre (janvier 1856). On comprend à cette lettre que Dozon servait surtout de traducteur et d’interprète car il est demandé, en son absence, une personne qui connaisse le serbe ou l’allemand. « Votre excellence sait, pour ma correspondance avec la Direction Politique que cela est d’une absolue nécessité ». [19] En septembre 1858, le consul vante les qualités de Dozon, tant humaines que professionnelles, pour appuyer sa demande à « un des postes qui seront sans doute créés sur le Danube ». Mais il reste à Belgrade, le poste ne semblant pas avoir été ouvert.

En 1863, la Direction politique du ministère des Affaires étrangères le nomme Vice-Consul à l’Agence consulaire de Mostar. Dozon travaille à Belgrade depuis neuf ans déjà et il était devenu responsable de la Chancellerie au Consulat général de France où son travail était, nous disent les correspondances, très apprécié. Après Mostar où il passe deux années, Dozon est envoyé à Plovdiv (Philippopolis) par décret du 2 octobre 1865. Il vient alors de perdre sa mère et demande un congé de trois mois. Le 21 août 1875, devenu Consul de seconde classe, le revoilà affecté à Mostar. En 1880, il devient le Consul de France de Larnaca (Chypre) et l’année d’après, promu Consul première classe, il quitte Chypre pour la Grèce continentale. Sa base est alors Thessalonique. Puis le Consulat de Corfou étant vacant, il demande le poste. Les Archives conservent la lettre de soutien que rédige le Sénateur Bozérian au prétexte que Dozon est l’oncle d’un de ses très bons amis. Le Sénateur explique que la famille de son épouse vit à Corfou et que, « après toutes ces années d’isolement », il serait « heureux qu’Auguste puisse vivre près de sa belle-famille avec ses enfants ». Cela est refusé car le poste n’est pas vacant ou a été supprimé – les archives ne sont pas claires sur ce point. Dans la lettre de réponse du ministre au sénateur, un post-scriptum indique que « cela fait plus de 30 ans que je connais et que j’aime M. Dozon », signifiant qu’il aurait toutes les raisons de le satisfaire si cela était possible. Une autre lettre de soutien, celle d’Auguste Barbier de l’Académie française, est aussi envoyée au ministre. Le refus est le même, avec un post-scriptum similaire au précédent. La même année, l’un des fils de Dozon est reçu à l’École française d’Athènes avant d’être admis comme boursier au lycée de Versailles à la rentrée scolaire 1883. C’est alors que Dozon demande un congé pour accompagner son fils afin de l’installer en Île de France. Le congé est accordé. Le 3 août 1884, Dozon est promu Consul général. Il fait valoir ses droits à la retraite en janvier 1885. Après sa carrière diplomatique, il rentre en France et s’établit à Versailles. Il entre au ministère des Beaux-Arts et devient responsable des Monuments historiques. On ne trouve alors plus de trace de son activité dans les dossiers d’archives consultés. Un faire-part mortuaire nous apprend son décès survenu le 31 décembre 1890 et son inhumation au cimetière du Père Lachaise le 3 janvier 1891.

Récapitulatif de sa carrière

Carrière Postes occupés
8 mars 1854 (32 ans) : drogman Serbie-Belgrade : 1854-1863
24 octobre 1855 : chancelier Bosnie-Mostar : 1863-1865
24 janvier 1863 : vice-consul Bulgarie-Plovdiv : 1865-1869
21 août 1875 : consul 2e classe Grèce-Ioánnina : 1869-1875
21 décembre 1878 : consul 1re classe Bosnie-Mostar : 1875-1878
3 août 1884 : consul général Chypre-Larnaca : 1878-1881
Janvier 1885 : retraité Grèce-Salonique : 1881-1885

Une mission littéraire et diplomatique

Le lecteur a compris qu’il existait à l’époque en France un bureau des Missions dépendant du ministère de l’Instruction publique qui dispensait des financements, Bureau auquel Dozon avait eu recours en 1847. Qu’est-ce qui le motive, vingt ans après, à faire appel à nouveau au ministère alors qu’il est en poste en Bulgarie ?

En cette année 1867, le serbe Stefan Verković, un antiquaire basé à Serrès [20] en Macédoine, futur auteur de Veda Slovena (1884), annonce à Nil Popov, secrétaire du Comité slave de Moscou, sa découverte de chants bulgares d’une grande importance : « vous savez sans doute que tous les ethnographes européens reconnaissent d’un commun accord que la question de l’origine des anciens Thraces sera toujours impossible à résoudre ». [21] Or Verković vient de trouver des « preuves qui permettent de prouver que les Thraces étaient les ancêtres des Bulgares et des autres Slaves qui vivent dans la presqu’île du Balkan ». [22] Ces preuves, ce sont des chants et notamment ceux sur Orphée qu’il vient de mettre au jour et « qui lui paraissent contemporains des chants des Rig Veda ». [23] Voilà de quoi piquer la curiosité des intellectuels occidentaux.

Informé de l’affaire qui fit grand bruit dans la presse éditée à Belgrade, Émile Burnouf (1821-1907), Directeur de l’École française d’Athènes et spécialiste du sanskrit, prévient Albert Dumont (1842-1884), [24] un helléniste membre de l’École. Celui-ci se rend à Belgrade où Verković avait envoyé une partie de son manuscrit à Schafarick, Directeur du musée de la ville. Devant les pages qu’il a sous les yeux et qui lui sont en partie traduites et commentées par Schafarick, Dumont n’est pas loin de croire à l’authenticité des chants mais ne se jugeant pas assez compétent, il avise Burnouf sur la nécessité de confier l’analyse de ces textes à un slavisant. Burnouf contacte Dozon à Philippopolis. C’est l’homme de la situation : il vient non seulement de publier dans le Bulletin de l’École d’Athènes une longue pièce sur Orphée, mais aussi, le lecteur s’en rappelle, il a édité sept ans auparavant le Recueil de poésies serbes. Vivant en Bulgarie depuis deux années, il y a fort à parier que Dozon, connaissant parfaitement le serbe comme on l’a vu, maîtrise aussi le bulgare, et qu’il aura peu de difficultés à communiquer, avec les Bulgares du Despoto-Dag, actuels Rhodopes où Verković dit avoir découvert ces chants.

Sa mission va consister à aller « vérifier sur les lieux l’authenticité de certains chants populaires recueillis parmi les tribus bulgares et qui auraient une grande importance mythologique et historique, et recueillir, s’il est possible, de la bouche des chanteurs, d’autres poèmes du même genre et préparer le tout pour une édition critique ». Mais pour quelles raisons la découverte annoncée par Verković est-elle si importante ? Son impact n’est pas uniquement littéraire, loin de là et en tant que membre du corps diplomatique en poste dans les Balkans où Grecs et Slaves se disputent la primauté de l’arrivée, Dozon sait mieux que quiconque quels sont les enjeux de la mise au jour de chants « orphéiques ».

La littérature orale comme assise de la cause nationale

Pour le comprendre, il faut remonter à la Révolution française qui n’est pas encore centenaire et qui, en consacrant la notion de peuple, a entraîné partout en Europe une prise de conscience nationale. « La véritable naissance d’une nation, c’est le moment où une poignée d’individus déclare qu’elle existe et entreprend de le prouver » [25] et pour cela, de faire valoir son ancienneté. Dès lors, la première nécessité est de se doter d’un héritage singulier et ancestral. La littérature orale est un des éléments fondamentaux de la construction de cet héritage car en l’absence d’écrits, elle légitime l’ancienneté d’un peuple, et de là, la prééminence de son installation sur une terre, la sienne ou une zone occupée que d’autres revendiquent.

Comme on le sait, le poète écossais Mac Pherson (1736-1796) fut le premier à utiliser la littérature orale à des fins patriotiques. Son recueil publié en 1761 était d’après lui, non pas son œuvre, mais celle du barde Ossian dont la légende fait remonter l’existence au IIIe siècle et dont la poésie chantée se serait transmise par tradition orale. [26] Ces chants d’Ossian peuvent, dans le contexte qui est le nôtre, être comparés aux « Védas chez les Indiens, [aux…] Kings chez les Chinois, [au…] Zend-Avesta chez les Persans, [aux…] chants orphéiques chez les Grecs, [à…] la Bible et les psaumes chez les Hébreux », comme l’écrit Lamartine, [27] car « toute civilisation […] repose sur un livre ou plutôt les livres sacrés sont [d]es temples intellectuels ».

La littérature orale, si elle n’est pas « sacrée » au sens religieux du terme, l’est assurément sur le plan mythique et idéologique, et de là, politique. Cette citation illustre bien notre propos car le poète français mentionne, au même titre que les grands textes fondateurs comme la Bible, les chants d’Orphée : c’est précisément ceux-là que Verković aurait retrouvés chez les Bulgares des Rhodopes.

On comprend dès lors la crainte d’Émile Burnouf. L’ère est au panslavisme qui s’est renforcé depuis la libération de la Serbie constituée en principauté dès 1815. La Macédoine, qui comprend le massif des Rhodopes, est un territoire que Slaves et Grecs se disputent, espérant bien l’administrer quand il sera libéré des Ottomans, et seul le peuple autochtone pourra légitimement en demander la restitution. Burnouf lui-même qui avait rédigé un Essai sur le Vêda [28] avait conclu que la langue des Thraces n’était pas le grec. Authentifier ou démystifier ces textes de littérature orale dont la véracité consoliderait les revendications panslavistes était donc crucial.

Une mission plusieurs fois repoussée

C’est Burnouf qui demande officiellement la mission en décembre 1869 [29]. L’argument principal est le fait qu’un spécialiste étant sur place, son expertise serait moins onéreuse que celle d’un savant dépêché depuis la France. Mais la mission n’est pas accordée : une note au crayon [30] nous laisse comprendre que la demande de 3 000 francs pour 3 mois paraît trop élevée. Dozon prend sur lui d’insister (10 février 1869), mettant en avant les compétences dont il fait preuve en matière de philologie : une fois arrivé à Philippopolis, il s’est mis à « rédiger une introduction historique et comparative à l’étude des langues slaves méridionales, ie du bulgare et du slovène ». Sa lettre croise une réponse finalement favorable qui est donnée à Burnouf [31]. Mais Dozon n’effectuera pas la mission cette année-là car il a prévu de se marier.

Le 8 avril 1870, depuis Ioánnina – il a en effet changé de résidence –, il réitère sa demande et, pour éviter qu’elle ne soit refusée, précise que ses « prétentions sont fort modestes, 1500 francs me suffiraient ». Un argument qui a l’air d’être pris en compte, officieusement, car la note portée sur le courrier est : « demande très sérieuse, préparer un arrêté ». Un nouveau cas de force majeure empêche une fois encore la mission d’être accomplie : le 19 juillet 1870, la France entre en guerre contre une coalition d’États allemands dirigée par la Prusse, guerre que les Français perdront (28 janvier 1871).

Le 4 décembre 1871, les services du ministère de l’Instruction publique écrivent au ministre des Affaires étrangères pour l’informer que Monsieur Dozon a renouvelé ce jour sa demande. Ils souhaitent savoir si celui-ci peut « s’absenter trois à quatre mois de son poste ». Les services du ministère contactent à leur tour ceux de l’Ambassade de France à Constantinople. L’autorisation ayant été obtenue [32], Dozon quitte Ioánnina aux environs du 10 mai. Le 5 juillet, il informe le bureau des Missions qu’il quitte Serrès le lendemain, sa mission étant accomplie. Il promet d’envoyer son rapport dans les semaines qui viennent. Deux mois plus tard il envoie, depuis le Consulat de Ioánnina, une première partie. La deuxième suit quelque temps après. Les deux textes paraissent dans le Journal Officiel [33] avant de faire l’objet d’une nouvelle publication en 1873 dans les volumes des Archives des missions scientifiques et littéraires publiées par le ministère de l’Instruction publique.

Voyons, pour terminer, les éléments de sa mission qui nous intéressent ici.

De vrais chants mais de fausses théories

Dozon arrive le 25 mai à Serrès où il est accueilli par Verković lui-même qui s’avère être une personne aimable, et pour le moins accueillante puisqu’il l’invite à demeurer chez lui. Dozon a ainsi, jusqu’au 6 juillet, le loisir d’examiner en détail l’ensemble des collectes amassées par Verković depuis 1865 : elles représentent 85 532 vers répartis en 177 chants. Dozon s’informe aussi et surtout des modalités de leur recueil. Il se rend rapidement compte que le Serbe n’a pas effectué lui-même la collecte des textes mais les a reçus de son employé, Yovan Gologanov. Verković propose à Dozon de faire avec lui « plusieurs excursions destinées à [l]’éclairer » [34] et notamment de se rendre à Krouchovo pour rencontrer Gologanov. Verković a en effet recruté le maître d’école de ce bourg « situé sur la route qui conduit de Salonique par Demir-Hissar, Nevrokop et de là, dans la Haute-Thrace et en Bulgarie ». Grâce à l’argent de Verković, Gologanov a pu « ouvrir une petite boutique de bakhal (épicier marchand de boissons) » [35] bien plus rémunératrice que son emploi d’origine. C’est un lieu stratégique car tous les muletiers des environs y passent. En s’entretenant avec Gologanov, Dozon apprend la façon dont celui-ci s’y prenait pour recueillir puis transcrire les chants auprès de ces Bulgares de passage. Il se rend compte que Gologanov n’avait « aucun goût pour la poésie ni pour le métier de collecteur et c’est uniquement à titre de gagne-pain qu’il a exercé pendant plusieurs années l’espèce de profession que M. Verković lui avait fait embrasser ». Il en conclut (page 68 de son rapport) que l’authenticité des textes ne peut être mise en doute. [36]

Ce qui était faux en revanche, c’était les conclusions de Verković qui ne dissimulait pas sa grécophobie. Dozon ne prenait parti ni pour les Grecs – bien que cela soit la nationalité de son épouse – ni pour les Serbes ou les Bulgares – dont l’attachement pour la poésie populaire le rapprochait. Pour expliquer la mention d’Orphée dans certains chants, il pense que « les Thraces […] ont pu fournir à la religion des Grecs et au génie assimilateur de leurs poètes des idées, des mythes et des sujets de légendes » [37]. Verković ne veut pas l’admettre. Il adhère totalement aux théories de l’homme de lettres bulgare, Guéorgi Stoïkov Rakovski, [38] que Dozon expose pages 56 et 57 et selon lesquelles, les chants « orphéiques » découverts prouvent que les Slaves sont les descendants directs des Illyro-Thraces et que ceux-ci « sont venus de l’Hindoustan » [39] ; cela prouverait qu’ils ont toujours habité ces contrées depuis leur arrivée en Europe avant l’ère chrétienne et que les philosophes grecs leur ont emprunté de nombreuses idées. Non sans ironie, Dozon veut bien admettre que les peuples d’aujourd’hui soient les mêmes que dans l’antiquité, et dès lors, le Parisien d’aujourd’hui serait encore un Gaulois de Lutèce – cela est évidemment historiquement invalide. Il estime qu’« identifier le Pomak d’aujourd’hui avec les Illyro-Thraces et [s’appuyer sur] les obscures légendes sur Orphée […] dont ce Pomak a gardé si peu pour son propre usage, c’est avancer des faits non seulement sans preuves mais infirmés par une foule de preuves contraires ».

Aujourd’hui, ces arguments ne peuvent plus tenir et ils ne tenaient pas vraiment à l’époque parmi les érudits ; mais le patriotisme exacerbé de certains les a empêchés de raisonner et Dozon d’ajouter : « Ces énormités trouvent faveur auprès de quelques-uns. N’avons-nous pas entendu énoncer sérieusement qu’Aristote était Bulgare, parce qu’il est né en Macédoine ? ‘‘Quel dommage qu’il n’ait pas écrit en bulgare !’’ nous contentâmes-nous de répondre [40] ». Orphée n’est ni Slave ni Grec, il serait Thrace et né en Bulgarie actuelle. Cela ne retire rien au génie littéraire du peuple bulgare.

Un véritable « ambassadeur » de la littérature orale balkanique

Ainsi pour conclure, il nous semble que dans le contexte des revendications territoriales qui sous-tendent les rapports entre les différents peuples balkaniques et qui, préoccupant les puissances occidentales, occupent pour une large part l’activité des membres du corps consulaire en poste dans cette zone, le Consul Dozon fait preuve de singularité.

Doté d’une solide formation dans le domaine de la philologie, il possède aussi une grande sensibilité littéraire. Le but de la mission sur laquelle s’est focalisé cet article, n’est pas seulement pour son auteur, de démontrer que l’œuvre de Verković est, ou non, celle d’un faussaire. Cela « n’aurait qu’une médiocre utilité si on ne la faisait pas connaître en elle-même » écrit Dozon. [41] Il profite de l’occasion qui lui est donnée – celle de rédiger un rapport justifiant la subvention accordée par l’État français –, pour transcrire et traduire les chants en question, mais aussi, se met en tête de procéder lui-même à des collectes. Dozon rapportera 76 000 vers [42] qui font l’objet de son ouvrage publié en 1875 chez Maisonneuve et Cie. C’est en cela qu’il apparaît comme une figure atypique dans le corps consulaire qui fait plus souvent montre de curiosité que de passion pour les savoirs populaires des peuples qu’ils côtoient.

Auteur de poèmes de jeunesse signés sous le nom de plume Argonne, c’est à ceux – étrangers à sa propre culture – qu’il découvre au cours de sa carrière de diplomate que Dozon consacra une bonne partie de son temps de loisir. Cela est assez exceptionnel à une époque où chacun se penche plus, d’un point de vue souvent empreint de patriotisme, sur les chants du peuple dont il est originaire. Dozon, aujourd’hui oublié, a contribué à faire reconnaître l’importance de ce que George Sand a, parmi les premières, qualifié de littérature orale – terme inscrit dans l’usage de nos jours et largement employé ici au fil des pages, mais qui, au milieu du XIXe siècle a eu le mérite de valoriser la production populaire, lui accordant un statut véritablement artistique. Morte en 1876, elle n’a peut-être pas connu les publications de Dozon. Elles font preuve de l’honnêteté intellectuelle et même, de la modestie, de celui qui, poète lui-même, a su utiliser sa langue maternelle pour mettre en valeur celle des peuples albanais, bulgare [43] et serbe : à ce titre on peut véritablement le qualifier d’ambassadeur, lui qui s’est fait le subordonné de la littérature orale balkanique.




[1Accessible sur https://archive.org/stream/blgarskinarodni03dozogoog#page/n12/mode­/2up. Quant aux poésies serbes, il s’agit du Recueil de Poésies populaires serbes traduites sur les originaux avec une introduction et des notes, Paris 1859.

Cet article a été précédemment publié, sous ce titre, dans Christoph Mayer & Martin Henzelmann (dir.), Frankreich-Bulgarien : Innereuropäischer Kulturtransfer, Schriften zur Kulturgeschichte, Verlag Dr. Kovac, Hamburg, 2018, p. 77-91.

[2Fañch Postic : « George Sand et les « diamants› du Barzaz-Breiz », in Bérose - Encyclopédie internationale des histoires de l’anthropologie, Paris : https://www.berose.fr/article722.html ..

[3Voir la note 19.

[4Anne-Marie Thiesse : La création des identités nationales. Europe XVIIIe-XXe siècle, Paris 1999.

[5Entré dans la magistrature comme substitut sous la Restauration et devenu député en 1831, il est élu dans le Collège électoral de la Marne (Châlons). En 1832, il est élevé aux fonctions de conseiller à la cour royale de Paris. Sa carrière politique se termine à la révolution de 1848.

[6« Au début de l’année 1842, Baudelaire était de retour de son voyage à l’île Bourbon. Il retrouvait à Paris ses camarades du Lycée Louis le Grand et de la pension Bailly, se liant plus intimement avec Le Vavasseur, Pradon, Dozon et Privat d’Anglemont. » ; La Muse française 8 (1929), p. 694.

[7« En 1843, trois amis de Baudelaire, Prarond, Le Vavasseur et Argonne s’entendirent avec le futur auteur des Fleurs du Mal pour éditer, à frais communs, leurs poésies en un volume, au titre à la fois modeste et ambitieux Vers »  ; Le Figaro du 9 mars 1929.

[8P. 39 de l’ouvrage d’Eugène Créper : Charles Baudelaire, étude biographique, revue et mise à jour par Jacques Crépet, Paris 1906.

[91807-1881. Il s’intéresse d’abord à l’égyptologie. En 1838, il fut chargé par le ministère de l’Instruction publique d’une mission scientifique à Londres pour consulter et recopier les manuscrits coptes. En 1840, il y fut envoyé à nouveau pour effectuer un travail semblable sur les manuscrits malais de la Royal Asiatic Society. Il est donc probablement à l’origine de la demande formulée par Dozon auprès du Bureau des missions. Après son retour, en 1841, le ministère lui confia un cours de malais et de javanais à l’École spéciale des langues orientales (voir la note 18), le premier qui y ait existé pour ces langues.

[10Voir la note 18.

[11Sauf mention contraire, les citations entre guillemets sont tirées des archives du dossier Dozon du fonds du Bureau des missions du ministère de l’Instruction publique (Archives nationales).

[12Intitulée Étude sur le roman malay de Srî-Râma, parue en trois parties. Voir la note ci-dessous.

[13Intitulée Journal asiatique, ou recueil de mémoires, d’extraits et de notices relatifs à l’histoire, à la philosophie, aux sciences, à la littérature et aux langues des peuples orientaux, il fut lancé en 1822 pour pallier l’absence en Europe [d’]un journal spécialement consacré aux lettres orientales ou aux faits qui intéressent l’Asie, afin de permettre aux « personnes instruites et éclairées qui étudient les langues et nations de l’Orient, ou qui s’intéressent au progrès de cette branche des connaissances humaines d’être au courant de ce qui se fait dans le monde savant au sujet des langues et des nations de l’Asie ». http://www.aibl.fr/societe-asiatique/publications-196/journal-asiatique/.

[14Dépendant de l’Institut de France dont elle est une des cinq académies, elle a été créée sous le règne de Louis XIV. Sa mission se limite alors à l’Antiquité gréco-latine. À sa réforme en 1701, son domaine s’étend au Moyen Âge, et aux civilisations orientales.

[15Correspondance du 10 février 1869 (fonds Archives nationales) adressée au ministre de l’Instruction publique. Il indique avoir « composé une grammaire étendue de la langue serbe et monsieur le ministre des Affaires étrangères avait jugé utile d’accorder, en 1866, une subvention pour contribuer aux frais de l’impression laquelle n’a pu encore voir lieu, le libraire qui s’était lié par un contrat, s’étant refusé ensuite à l’exécuter ».

[16Il a fait l’objet d’un ouvrage intitulé Shqipëria e konsullit Auguste Dozon (Luan Rama 2014, 425 p.), malheureusement inaccessible pour moi, faute de lire l’albanais.

[17Cet Autrichien (1811-1869), consul à Ioánnina (1857), à Syra (1851) et Consul général à Athènes (1869) est considéré comme le fondateur de l’albanologie, ayant, le premier, démontré l’origine indo-européenne de cette langue.

[18« Terme qui, dans un sens général, désigne un interprète entre les Européens et les peuples du Proche-Orient (de l’arménien terjuman : interprète) ; mais drogman, dans un sens plus étroit, s’applique aux interprètes officiels de la Porte avec des diplomates occidentaux ; à partir de 1665, le grand drogman apparaît comme le chef des services diplomatiques ottomans. Jusqu’en 1821, le poste fut toujours entre les mains de Phanariotes (Grecs de Constantinople) et le grand drogman finissait sa carrière comme gouverneur (hospodar) d’une des principautés danubiennes (Moldavie ou Valachie). Les diplomates occidentaux trouvaient en outre nécessaire d’engager des drogmans pour faciliter les négociations avec les autorités ottomanes ; il s’agissait généralement de Grecs, d’Arméniens ou de Levantins. C’est pour se passer de leurs services coûteux et ambigus que Colbert fonda en 1669 à Constantinople l’École des jeunes de langue, qui fut bientôt établie à Paris et qui devint l’École nationale des langues [et civilisations] orientales ». Bérenger, « DROGMAN », Encyclopædia Universalis [http://www.universalis.fr/encyclopedie/drogman (consulté le 11 juin 2016).

[19« Au début du XXe siècle, les grandes puissances entretiennent tout un réseau de consulats dans les provinces balkaniques de l’Empire ottoman (Albanie, Macédoine, Épire, Thrace). C’est une pratique ancienne héritée des XVIIe-XVIIIe siècles. Leur rôle a néanmoins connu une évolution importante, car, de postes d’observation économiques qu’ils étaient au départ, ils se sont transformés au cours du XIXe siècle en observatoire de la situation balkanique. Les consuls se préoccupent alors moins des marchés locaux, de leurs protégés et du respect des capitulations, pour consacrer l’essentiel de leurs correspondances avec leur ambassadeur à Constantinople ou avec leur ministre aux évolutions politiques dans leur circonscription consulaire. » ; Bernard Lory : « Un poste consulaire en Macédoine, Bitola-Monastir, 1851-1912 », in : Cahiers balkaniques 38/39 (2011), p. 127-148, ici p. 127, cf. http://ceb.revues.org/849 ; (consulté le 10 mai 2016).

[20Rappelons que la ville reste ottomane jusqu’en 1913. Au traité de Neuilly (1919), elle est cédée aux Grecs par les Bulgares alliés des Allemands. 

[21Louis Léger : « Les chants bulgares du Rhodope », in : La revue politique et littéraire 2e série 5 (1873), p. 498-501, ici p. 498.

[22Idem.

[23Idem, p. 499.

[24Bien qu’archéologue principalement, il manifeste lui aussi un certain intérêt pour la littérature orale. Il écrira plus tard : « Les chants populaires sont jusqu’ici la seule littérature qu’ait produite les Bulgares. Un certain nombre ont été publié à Pesth, à Moscou, à Belgrade ; combien se répètent tous les jours au son de la petite flûte que les paysans appellent svirka, de la gousla à 3 cordes, [ceux] qui n’ont jamais été recueillis et mériteraient de l’être » ; « Souvenir de la Roumélie, III- Philippopolis et le réveil bulgare », in : La revue des deux mondes, octobre 1871, p. 557-558.

[25Thiesse 1999, p. 11.

[26Il apparaît de nos jours que son recueil s’appuyait sur divers éléments empruntés à la littérature orale gaélique d’Ecosse et d’Irlande et qu’il ne s’agissait pas de pures inventions.

[27Cours familier de littérature, édition à compte d’auteur, Paris 1856.

[28Édition chez Dezobry, Fd Tandou et Cie, Libraires-éditeurs, Paris 1863.

[29Courrier du 23, envoyé au bureau des Missions et adressé au ministère de l’Instruction publique.

[30Portée dans la marge du rapport daté du 21 janvier 1869 que fait, au ministre, le chef du bureau.

[31Lettre de Burnouf du 18 février 1869 qui remercie le ministre de sa décision et propose de prévenir Dozon.

[32Lettre de la Direction des Consulats du Ministère des Affaires étrangères, datée du 19 mars 1872, adressée à Monsieur le ministre de l’Instruction publique indiquant que « Monsieur l’Ambassadeur de France à Constantinople n’élève, au point de vue de l’intérêt du service aucune objection […] Cet Agent pourra entreprendre ses recherches dès le mois de mai prochain ».

[33En deux parties, la première, les 4 et 8 novembre 1872 et la deuxième, les 17 et 20 février 1873.

[341873, p. 55. Les citations proviennent de cette seconde édition de son rapport et non du Journal Officiel dont Dozon n’était pas satisfait en raison de nombreuses coquilles. On trouve le texte intégral sur Gallica (Bibliothèque nationale de France) et dans les sources primaires du dossier documentaire consacré à Auguste Dozon (voir Bérose). J’invite le lecteur intéressé à le consulter, sa lecture est des plus intéressantes.

[35Idem, p. 61.

[36M. Léger contestera pourtant cette authenticité (cf. Nouvelle études slaves, Paris 1880).

[371873, p. 56.

[381821-1867. Figure importante de la Renaissance bulgare connu pour sa grécophobie.

[39Idem, p. 57.

[40Idem, p. 56.

[411873, p. 51.

[42Tel que l’indique le courrier de Burnouf envoyé au ministre de l’Instruction publique depuis Athènes, le 18 juillet 1872 – Dozon est venu lui rendre visite en personne et lui a montré son travail de recueil.

[43Ayant moi-même été confrontée à des chants bulgares, je suis admirative de ses transcriptions et de ses traductions. Mon doctorat portait en effet sur l’analyse d’un corpus de littérature orale bulgare afin de dégager, à travers l’occurrence de la flûte kaval dans les textes des chants, la symbolique de cet instrument (Le beau berger et sa flûte de miel, thèse soutenue en décembre 1997 à l’Université de Paris X-Nanterre).