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Encyclopédie internationale
des histoires de l’anthropologie

La vie et l’œuvre du Marquis Robert de Wavrin, un des premiers anthropologues visuels

Christine Moderbacher

Max-Planck-Institut für ethnologische Forschung, Halle

Grace Winter

Cinémathèque royale de Belgique

2023
Pour citer cet article

Moderbacher, Christine & Grace Winter, 2023. « La vie et l’œuvre du Marquis Robert de Wavrin, un des premiers anthropologues visuels », in Bérose - Encyclopédie internationale des histoires de l'anthropologie, Paris.

URL Bérose : article2908.html

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Résumé : Cet article retrace la vie et l’œuvre de l’explorateur et ethnographe belge, le Marquis Robert de Wavrin de Villers au Tertre (1888-1971). Bien que des fragments de son œuvre aient été connus de certains chercheurs en Amérique du Sud, il est presque entièrement absent des études historiques et largement oublié dans le domaine anthropologique et américaniste. Cet article aborde son œuvre filmée ainsi que sa contribution à l’histoire de l’anthropologie visuelle. Si son travail ne saurait être étudié hors du contexte colonial de cette discipline et de l’héritage de l’eurocentrisme, sa contribution visuelle fournit des aperçus historiques remarquables et mérite l’attention des chercheurs.

La jeunesse de Robert de Wavrin

Né en 1888 dans une famille aristocratique, il passe son enfance à Ronsele, un village de Flandre. Il est éduqué par une gouvernante puis par sa sœur aînée. Ses études secondaires se déroulent à Namur, suivies par deux années de sciences naturelles à l’université de Gand. Nous ne savons rien sur sa vie après ses études, jusqu’en 1913, où son nom apparaît dans les journaux de l’époque. Il a alors 25 ans, et est accusé d’avoir tiré à la carabine à plomb sur deux enfants qui avaient volé des noisettes dans son domaine. Avec l’argument que les privilèges de la noblesse avaient été abolis en 1789, il est condamné à un an de prison par contumace. Il prend alors la fuite vers l’Amérique du sud. Ainsi commence une vie de voyages qui va durer plus de trente ans. (Moderbacher 2017, 2019 ; Winter 2017).

Ce court aperçu de sa vie ne semble pas offrir de justification à l’étude de sa vie et de son œuvre dans le courant des décennies qui suivent. Mais pendant ses voyages au Paraguay, au Venezuela, en Équateur, au Pérou, en Bolivie, en Colombie, et plus brièvement au Brésil et en Argentine, de Wavrin, vivant souvent et pendant de longues périodes au sein de communautés indigènes, subit une transformation personnelle, passant de voyageur curieux à ethnographe « autodidacte » et tenta de comprendre leur vie. L’œuvre qui en résulte comprend plus de 6 000 mètres de film, 2 000 photographies [1], 14 livres et de nombreuses publications, qui constitue une contribution importante à l’ethnographie du début du xxe siècle.

Décrire la vie quotidienne en Amérique du Sud

Peu après son arrivée à Buenos Aires en 1913, de Wavrin quitte la ville et commence à voyager. D’abord avec quelques compagnons locaux, ensuite avec des interprètes indigènes : « on y est si tranquille » dira-t-il dans une interview plus tard (Ciné-Miroir 1925). Ces voyages lui permettent, notamment, de s’adonner à sa passion cynégétique. Dans les notes manuscrites, gardées par son fils Hellin, il décrit les différents pays visités, et dans son premier journal « Voyage de Mendoza au Chili » [2] (1914), il note soigneusement les animaux qu’il a tués. Et, dès ses premiers voyages, il emporta un appareil photographique dont on ignore la marque.

Son origine aristocratique s’exprime dans ces premières images : il pose devant l’objectif avec les animaux tués à ses pieds. Il incarne l’aventurier européen fier de ses trophées (Moderbacher 2019a : 61, 66). Les images semblent évoquer le cliché de l’aventurier occidental qui rêve de liberté et d’indépendance dans le « monde exotique » [3]. Tant dans ses écrits que dans les commentaires de ses films, de Wavrin est limité par les structures et le langage de son époque. Mais en même temps, il prend des positions qui contredisent l’usage de ces mots. Ainsi, il décrit les indigènes comme « sauvages » (de Wavrin 1926 : 18) « très sauvages » (1926 : 18), « dégénérés physiquement » et « sales » (1953 : 221). L’utilisation de ces mots doit être replacée dans le contexte du début du xxe siècle, au moment où l’évolutionnisme, le « racisme scientifique » dominaient et justifiaient les théories sur les races « supérieures » et « inférieures » à l’aide de données collectées dans les domaines de l’anthropologie, la biologie et la psychologie (Comas 1961) [4]. C’est aussi l’époque où des indigènes furent exposés dans des « zoos humains », pratique qui ne fut interdite en Belgique qu’en 1958. Nous reviendrons en détail plus loin sur la question de savoir dans quelle mesure de Wavrin était un produit de son temps, quand nous contextualiserons son travail. Il est évident que ces mots (aussi ceux employés dans les titres de ses livres), nous choquent aujourd’hui.

Ainsi, dans son premier livre, il déclare que les peuples indigènes qu’il a rencontrés n’étaient « nullement de race inférieure » (1926 : 68) ; et dans son journal, apprenant le début de la première guerre mondiale, il écrit : « J’apprends la nouvelle de la déclaration de guerre austro-serbe, de la mobilisation des différents Européens. Tous veulent voler et se disputer. Le sang coulera tandis que je suis ici, loin de ces rumeurs, et que j’irai voir des sauvages, moins sauvages que ces civilisés » (30 juillet 1914).

Ce qui rend le travail de Robert de Wavrin intéressant est justement la coexistence paradoxale de deux registres : le cliché de « l’explorateur blanc », poussé par son désir à découvrir le monde « exotique » et « inconnu », qui désigne les indigènes comme des « sauvages », tout en s’abstenant de reproduire les stéréotypes racistes et misogynes que tant d’autres voyageurs emportaient avec eux sur le terrain. Cette contradiction est présente dans toute son œuvre : il parle des indigènes en les qualifiant de « sauvages » et de « primitifs », tout en critiquant « les civilisés », qui se croient supérieurs à ceux qu’ils « étudient ».

À première vue, il semble assez facile de connaître les mœurs des tribus dites sauvages, même un peu sédentaires. Leur vie sociale se réduit, pour le profane, à une simple union entre des êtres inférieurs. Pour le civilisé à courte vue, infatué de sa supériorité et nanti d’un orgueil qui trahit son incompréhension, tous les sauvages, même ceux qui ont une certaine civilisation, sont des êtres inférieurs qu’il méprise sans chercher à les comprendre et souvent sans les approcher. Ne vit-on pas les Conquistadores détruire des civilisations supérieures sous bien des points de vue, et notamment celles des Incas et des Aztèques qui auraient pu nous apprendre beaucoup de choses (de Wavrin 1948, 7).

La curiosité croissante de Robert de Wavrin envers les groupes indigènes d’Amérique du sud produisit une œuvre diverse, englobant films, photos, livres et articles, dont la plupart ont rarement retenu l’attention [5].Dans le cadre de cet article, nous examinons brièvement ses photographies et son œuvre écrite avant de nous concentrer sur son œuvre filmée. L’analyse de ses photographies permet de constater la même évolution que celle que nous étudierons dans ses films : après les nombreuses photos de paysages et de poses « coloniales », de Wavrin tourne son attention vers des portraits, à la suite de ses premières rencontres avec les Lengua, les Mataco et les Toba du Paraguay entre 1919 et 1923. Les 2000 photographies conservées de nombreux indigènes et de leurs villages, montrent son talent à saisir la beauté de la nature.Dans ses premiers portraits on retrouve l’exotisme de l’époque, auquel il n’échappe pas. Chez les Lengua par exemple, les poses qu’il leur fait prendre semblent refléter sa volonté de documenter « l’autre » (Moderbacher 2019 : 95). Son regard exotique sur les jeunes femmes qu’il photographie pendant ses premiers voyages est manifeste. Mais bientôt les images détaillées et intimes sur la vie quotidienne deviennent prépondérantes (Rivarola 2017 : 8).

L’œuvre écrite de Robert de Wavrin : « une collection d’observations personnelles »

De Wavrin a écrit 14 livres ainsi que de nombreux articles, parus tant dans des revues académiques que dans les media plus populaires [6]. Les articles traitaient principalement de sujets linguistiques ou archéologiques (par exemple de Wavrin 1936). Si son premier livre Au centre de l’Amérique du sud inconnue (1924) n’aborde pratiquement pas le sujet des groupes indigènes, le second, Les derniers Indiens primitifs du Bassin du Paraguay (1926) offre un aperçu détaillé des habitants de la région. Certains livres ne traitent que d’un seul pays (par exemple la Colombie, 1953) ou d’un seul groupe (les Shuar, 1941) tandis que ses deux ouvrages plus globaux abordent une grande variété de peuples indigènes d’Amérique du sud (1937, 1948). Même si certains livres consacrent une place importante à ses aventures et à la chasse, ils montrent cependant son intérêt croissant pour la vie des indigènes qu’il rencontre. De Wavrin ne cite que très rarement les travaux d’autres scientifiques (1937 : 9) [7] et n’élabore pas de théories à partir de ses observations. Mais ce qui distingue ses écrits est une « attitude respectueuse dans la « découverte de l‘autre » et une empathie souvent chargée d’affection – qui lui permirent de décrire les sociétés indigènes sud-américaines d’une façon érudite et expérimentée (Rivarola 2017)

Ses livres Le Mystère de l’Orénoque (1939a) et Les Jivaros réducteurs de têtes (1941) sont probablement les plus captivants quant à la narration et le style [8]. Contrairement à la plupart de ses contemporains, de Wavrin ne bénéficia pas de la reconnaissance de la communauté scientifique, bien qu’il ait été membre de la Société de Géographie de Paris depuis 1920, de la Société des Américanistes de Paris depuis 1923, et de la Société des Américanistes de Belgique depuis 1928. À part quelques critiques, comme celle parue dans la revue française « Études » (1937), qui estime que ses livres « manquent de structure » mais fournissent aussi un « prodigieux amas de faits d’une authenticité certaine », peu de documents existent qui mentionnent ou même évoquent la valeur ou l’impact de ses écrits, ainsi que Bour le note dans une étude récente sur ses photographies (Bour 2018 : 44).

L’historien belge Francis Bolen et Auguste Vermeylen, le co-fondateur de la Cinémathèque de Belgique dédient quelques pages à l’œuvre de Robert de Wavrin dans leur Histoire authentique du cinéma belge, et soulignent qu’en décrivant les indigènes comme loyaux et pacifiques, il allait contre l’esprit de son temps (1978 : 160-161). Pour autant que nous le sachions, son livre Les derniers Indiens primitifs du bassin du Paraguay (1926) ne reçut que peu d’attention du monde académique français. Ninon Bour mentionne cependant que de Wavrin reçut une lettre de l’ambassade de Belgique à Paris en 1937, qui qualifie son travail « d’aussi passionnant que scientifique » formant une « collaboration considérable à la science ». Sur ce même ton positif, l’ethnographe français Arnold Van Gennep décrit le livre comme « une de nos meilleures monographies » (Bour 2018 : 44).

Cet ouvrage est d’ailleurs une des rares publications de Robert de Wavrin qui reçut une attention nouvelle des dizaines d’années plus tard. En 1996, la revue française L’Ethnographie [9]) publia une réédition de l’ouvrage avec ses 106 photographies, la justifiant par l’importance nouvelle du rôle de l’anthropologie visuelle dans la discipline (Lacombe 1996 : 8).

De Wavrin aborde lui-même le sujet de la valeur ethnographique de ses écrits dans son livre Mœurs et coutumes des Indiens sauvages de l’Amérique du sud, en décrivant sa méthode de travail, ses objectifs et ses limitations :

Je me bornerai à ajouter à un assemblage d’observations personnelles, les renseignements fournis par les Indiens eux-mêmes, et quelques détails obtenus de chasseurs ou d’autres voyageurs qui avaient positivement pu observer ce qu’ils disaient. Encore je ne prends et ne retiens que ce qui me paraît le plus digne de foi. C’est sous réserve que je consigne certains dires de témoins, ne les signalant que parce que ces renseignements sont inédits et que je les tiens directement de ceux qui ont pu les observer…Ce sont ces matériaux que je donne ici ; aussi cet ouvrage, abandonné, repris, et rapidement revu, ne peut prétendre à la perfection que l’on serait en droit d’attendre de l’auteur ou de l’érudit qui traiterait pareil sujet de façon ordonnée et suivie, après avoir réuni et bien classé tous les documents (1937 : 9)

Faisant écho à ses propos, nous estimons que, même s’il n’essaya pas d’établir des analyses détaillées ou théorisées dans ses écrits, il rassembla une quantité impressionnante d’observations qui, bien qu’ancrées dans un domaine spécifique, peuvent certainement être utilisées par des chercheurs, comme nous l’aborderons plus loin. Cependant, comparés à son œuvre écrite, ses films ont un intérêt supérieur pour notre discipline, en ce qu’ils montrent une approche qui était exceptionnelle pour son époque. Ils soulignent que de Wavrin était un pionnier important d’une anthropologie qui place la vie quotidienne au centre des théories ethnographiques, en utilisant l’image et plus tard l’image animée comme outil pour capturer la vie ordinaire.

L’ethnographe à la caméra

Entre 1924 et 1937, de Wavrin réalisa quatre films importants [10] : Au centre de l’Amérique du sud inconnue (1924), Au pays du scalp (1931), Chez les Indiens sorciers (1934) et Venezuela, petite Venise (1937). Il produisit également une série de court-métrages, malheureusement tous disparus. L’étude qu’en fit Grace Winter, anthropologue, chercheuse et archiviste à la Cinematek (Cinémathèque royale de Belgique) permit la digitalisation de ses quatre films, qui sont maintenant accessibles à un public plus large [11]. En 2006, elle commença à étudier trois de ses films, ainsi que 48 bobines inventoriées comme « chutes », également conservées par l’institution depuis les années 1970. Pendant la décade qui suivit, elle étudia la vie et l’œuvre de Robert de Wavrin, et inventoria les images des 48 bobines qui permirent la reconstruction du premier film de l’auteur.

Robert de Wavrin tourne ses premières images en 1919, quand la Société de Géographie de Paris (SGP) l’encourage à emporter une caméra au cours de ses voyages : « Je suis heureux que Gaumont ait pu vous donner un appareil cinématographique, vous allez être le premier à rapporter des vues animées de ces régions si curieuses » (28 janvier 1920). Le matériel filmé qui résulte de ses voyages en Argentine du nord, en Bolivie, au Paraguay et au Brésil fut présenté à Bruxelles en 1924 sous le titre Au centre de l’Amérique du sud inconnue. Le film fut largement commenté par la presse en Belgique et en France, notamment dans La Meuse (7 octobre 1924) et dans Ciné-Journal (3 avril 1925). Malheureusement, seules 12 minutes en subsistaient à la Cinematek (Bruxelles). Il fut cependant possible de procéder à une reconstruction du film (qui a maintenant une durée de 39 minutes) grâce à un article descriptif détaillé paru dans la revue Ciné-Miroir (15 mars 1925), les photos publiées dans le livre Les derniers Indiens primitifs du bassin du Paraguay (1926) les chutes conservées par la Cinematek et d’autres extraits conservés dans les collections du Centre national du cinéma à Paris (CNC). Seule la deuxième partie est consacrée aux populations indigènes, surtout les Lengua, mais également les Chiriguanos (Nord de l’Argentine) et des pêcheurs du Rio Grande (Bolivie). Comme le fait remarquer l’anthropologue visuel Paul Henley, dans son encyclopédie en ligne « The Silent Time Machine », les images des Mataco et Toba (Paraguay), des Pareci du Rio Guapore (Brésil) sont filmées à distance. Elles ne témoignent pas encore de cette relation plus proche avec le réalisateur, telle qu’elle apparaît dans ses films ultérieurs. Cependant, on y perçoit déjà des marques d’empathie et d’intérêt qui tranchent avec les enregistrements contemporains.

Le second film de Robert de Wavrin Au pays du scalp (1931) lui valut une grande notoriété et élargit beaucoup son public. Il resta à l’affiche du Studio des Beaux-Arts (aujourd’hui Bozar) pendant huit semaines, avant d’être également projeté dans plusieurs villes du pays. Il est le résultat de 20 000 mètres de pellicule, tournés entre 1926 et 1930, au cours d’un voyage que de Wavrin décrit ainsi :

De tous mes séjours en Amérique du Sud, celui que je préfère est celui dont mon film « Au Pays du Scalp » retrace les aventures. C’est non seulement le plus intéressant, par les recherches scientifiques que j’ai pu entreprendre, mais aussi le plus séduisant. Parti de Guayaquil, j’ai d’abord été aux îles Galapagos, dans le Pacifique, à quelques centaines de kilomètres de la côte équatoriale. Revenu à la capitale de la République de l’Équateur, les hasards m’ont conduit chez les Indiens Ocaina, les Bora, les Napo, les Jivaro, les Piro. J’ai exploré les ruines de Machu Picchu, découverts il y a quelques années et j’ai terminé mon voyage aux fameuses îles de guano. J’ai mis quatre ans pour réaliser cet itinéraire et en cours de route j’ai recueilli les légendes, les traditions, observé les coutumes, j’ai pris en note beaucoup d’idiomes. (L’Ami du Peuple, 29 avril 1931).

Bien qu’une grande partie du film décrive les paysages, la flore et la faune et les villes où passèrent de Wavrin et ses compagnons, les communautés indigènes qu’il visita occupent une place plus importante que dans son film précédent. Outre chez les Shuar (que de Wavrin appelle Jivaro), il tourne également à Otavalo (Andes équatoriales), puis dans les communautés Ocaina, Bora [12], Witoto, Canelos et Piro (région amazonienne de l’Équateur et Pérou), ainsi que chez les Uro, qui vivent près du Lac Titicaca et les Quechua (Andes boliviennes). Le montage du film fut réalisé par le cinéaste Alberto Cavalcanti qui réduisit le matériel abondant à 72 minutes, tandis que la musique avait été créée par le compositeur français Maurice Jaubert. Cavalcanti utilisa d’ailleurs un extrait du film dans son documentaire Film and reality (1942), commandé par le British Film Institute. Le réalisateur y choisit 58 extraits de films (dont Man of Aran, Nanook of the North, Voyage au Congo…) dialoguant de façon intéressante avec la réalité.

Le film fut diffusé en France par la Compagnie universelle cinématographique (CUC) en 1931, notamment à l’Olympia de Paris, et fut très bien accueilli, aussi par la critique. Ainsi le critique Jean-Paul Dreyfus écrivit : « Au Pays du Scalp est un des meilleurs documentaires du moment, présentant un réel intérêt pour le public, et surtout, se montrant affranchi de toute propagande impérialiste et coloniale, ce qui, en 1931, provoque un sympathique étonnement ». (cité dans Winter 2017 : 93). Mais alors que les critiques belges le considéraient comme un « document unique » ou « extraordinaire, (Le Vingtième siècle, cité dans Bour 2018 : 46), l’Équateur demande de changer le titre du film prétendant qu’il « discrédite le pays » (Bour 2018) La mention du film dans l’article d’Émilie de Brigard (2003 [1975] : 22) est une des rares évocations de son œuvre dans les études historiques sur le cinéma ethnographique.

En 2001, dans une étude sur le cinéma belge, le théoricien Philip Mosley écrit que le titre « raccrocheur » du film a été imposé par les producteurs pour attirer un large public, mais que « le film était une étude sensible de plusieurs ethnies indiennes, dont la plupart ne chassaient pas de têtes du tout » (2001 : 58, notre traduction) Une même appréciation se retrouve dans l’analyse de Paul Henley (voir infra) qui écrit que « plutôt que les scènes de chasse ou de réduction de têtes, le matériel le plus intéressant était celui qui concernait les Bora, qui témoignaient de la relation intime que de Wavrin avait établie avec certains Indiens, ainsi que leur franchise face à la caméra dans beaucoup de scènes. [13] » De façon générale, on peut d’ailleurs dire que certaines scènes de cérémonies ou de danse gagnent en authenticité en les regardant sans leur bande son et les commentaires, qui avaient été rédigés, tout comme les titres, à l’époque où de Wavrin commença à commercialiser ses films. Comme Winter (2017 : 23) l’avait remarqué, le « goût pour l’exotisme » de ces textes, à la mode dans les années 1930, contredit parfois l’esprit des images.

Trois ans après son plus grand succès, de Wavrin réalise son troisième film Chez les Indiens sorciers (1934). Ce voyage avait été initié par le ministère de l’Éducation de Belgique, qui lui demanda de ramener de Colombie des objets pour les musées belges. Bien que le film soit sorti à Paris en 1934, il n’apparut sur les écrans belges qu’en 1939, pour des raisons inconnues. Ce documentaire avait été tourné chez différentes ethnies de Colombie, et notamment les Choco/Embera, les Guahibo, les Arhuaco et les Yukpa. Comme un article de la Revue belge du cinéma (1939b : 3-4) le révèle, une loi édictée en Belgique en 1939 sur la répression de l’ivresse obligea de Wavrin à couper trois séquences du film, montrant notamment une cérémonie largement arrosée [14]. Le film a gardé une grande portée historique, en ce qu’il dépeint la vie de plusieurs ethnies dont le futur était déjà considérablement menacé, un sujet que de Wavrin développa par la suite (1953) dans son livre Chez les Indiens de Colombie consacré à cette même expédition.

Présenté en 1937 au cinéma « Eldorado » de Bruxelles, en présence du roi Léopold III, Venezuela, petite Venise est le quatrième et dernier film de Robert de Wavrin. Dans l’espoir de découvrir la source de l’Orénoque, à l’époque encore inconnue, de Wavrin s’était engagé sur le fleuve, et avait passé beaucoup de temps avec les Yukpa (qu’il nomme erronément Motilones). Il renoua ainsi, du côté vénézuélien, avec le même peuple chez qui il avait séjourné, du côté colombien, pendant le tournage de son film précédent (1932-1933). Le titre n’a trait qu’à la dernière partie du film, tournée dans les villages lacustres du lac de Maracaibo. Malheureusement, de Wavrin n’établit pas de liens avec les habitants de ces villages et ne les nomme même pas, comme le remarque Paul Henley. Même si le film rencontra un franc succès à Bruxelles et à Paris, la presse fut plus critique, pointant la « banalité du commentaire » comme par exemple dans L’Indépendance belge (9 février 1937). Mais c’est avec la légation du Venezuela à Paris que les choses furent les plus tendues, car elle estimait que le film donnait une idée fausse de son pays en présentant non pas son industrie émergente, mais plutôt « des petits groupes de peuplades indiennes » (Winter 2017 : 34) (Bour 2018 ÷ 46).

De Wavrin n’avait cependant pas abandonné son projet de découvrir la source du grand fleuve [15]. Rentré en Belgique en 1937, il tenta, pendant deux ans, de rassembler les fonds nécessaires à l’expédition multidisciplinaire qu’il espérait organiser, et qui regrouperait des archéologues, des géographes, des botanistes, des ethnographes et des naturalistes. Le Fonds national de recherche scientifique ayant refusé d‘y participer, il adressa des demandes pressantes à de nombreux mécènes belges et à toutes les institutions américanistes du monde. La seconde guerre mondiale mit définitivement fin à ce projet.

En consultant la filmographie de Robert de Wavrin, on trouve encore quelques court-métrages, sur des sujets divers que, par ailleurs, le réalisateur avait brièvement intégrés dans ses long-métrages. Un seul film abordant un sujet différent (seuls quelques plans ont été retrouvés dans les chutes) est réellement perdu : Le chemin de fer le plus haut du monde. En réalité, en 1938, le Marquis avait déposé les négatifs de ces films dans le laboratoire de la société Cosmorama, en vue de les faire sonoriser. Lorsqu’il chercha à les récupérer, en 1947, il apprit que la firme, fuyant devant l’occupation allemande, avait amené ces films dans un entrepôt hors de Paris et qu’on avait perdu leur trace. En 1952, toutes les tentatives entreprises par le ministère de l’Éducation pour les retrouver furent arrêtées.

Dans sa préface à la traduction espagnole qu’elle fit du second livre de Robert de Wavrin, Milda Rivarola fit observer qu’il fut un des rares Européens à « dénoncer l’exploitation la cruauté ethnocidaire des entrepreneurs, des ranchers et des militaires de la région ». (2017 : 8, notre traduction) De même, les historiens paraguayens Manuel Cuenca (2009) et Hugo Gamarra (2011) ont salué l’importance de ses films et de ses écrits pour le cinéma du Paraguay.

Enfin, dans son article sur la représentation de l’Amazonie dans le cinéma américain des années 1930, Oscar Guarin-Martinez (2012) évoque le film Au pays du scalp, qu’il croyait perdu. Alors que ces différents auteurs ne pouvaient faire que de courtes références aux films de Robert de Wavrin, puisque, au moment où ils écrivaient, son œuvre n’était pas encore redécouverte ni restaurée, en 2019 par contre le journaliste Juan de Frono, dans le cadre de la toute première présentation depuis 1934, du film Chez les Indiens sorciers au Festival du film de Carthagène (Colombie) pouvait le saluer comme « un des pionniers dans la description des communautés indigènes et peut-être même le premier à tourner des images des Indiens de Colombie, comme les Guahibo et les Motilones » (Arcadia 2019 : 18) Il nota notamment que ce qui distingue de Wavrin de ses contemporains est qu’il ne se contentait pas de mettre l’accent uniquement sur « la différence de l’Autre ».

Situer le marquis de Wavrin dans l’anthropologie visuelle du début du xxe siècle

L’anthropologie et le cinéma sont liés depuis plus d’un siècle. Bien qu’on considère généralement Robert J. Flaherty comme l’ancêtre du cinéma ethnographique (avec Nanook of the North 1922) c’est au physiologiste et français Félix-Louis Regnault que l’on doit les premières images animées à caractère ethnographique [16] À l’occasion de l’Exposition ethnographique de l’Afrique occidentale à Bruxelles, en 1895, il réalise, avec l’aide d’Étienne-Jules Marey (le père de la chronophotographie) plusieurs séries de chronophotographies sur le lieu même de l’exposition, mais aussi au laboratoire de Marey. Un de ses sujets est une femme Wolof fabriquant une poterie à l’aide d’un tour. Regnault prend conscience de l’immense intérêt présenté par l’image animée pour la documentation ethnographique. C’est Alfred Cort Haddon qui utilise pour la première fois une caméra Lumière (en plus des appareils photos et des phonographes) lors d’une expédition anthropologique chez les Aborigènes du Détroit de Torres, organisée par l’université de Cambridge en 1898. La notoriété de Haddon le conduisit à recevoir la visite de nombreux collègues en partance pour le terrain. Parmi eux, l’autrichien Rudolf Pöch, qui tourne plus de 2 000 mètres de pellicule en Papouasie-Nouvelle Guinée en 1904, puis, entre 1907 et 1909 dans le Kalahari en Afrique du sud. Il s’agit cependant de courtes séquences, de quelques minutes à peine.

En 1914 Edward C. Curtis, qui étudie la transformation culturelle chez les Indiens du nord de l’Amérique, réside longtemps chez les Kwakwakwa de Colombie Britannique et constate leur lente acculturation. Il réalise avec eux un film de fiction, « afin de préserver leur passé »

Si nous examinons la situation en Amazonie, les premières images connues sont celles de l’Allemand Theodor Koch-Grünberg, qui réalisa en 1911 un film de 11 minutes chez les Indiens Taulipang, dans lequel il montre diverses activités de la vie quotidienne ainsi que des jeux pratiqués par cette ethnie [17].

Peu de temps après, accompagnant l’expédition Rondon qui plaçait des câbles téléphoniques à travers le Brésil, sous escorte militaire, le major Luis Thomas Reis réalisa plusieurs films. En marge de sa mission de propagande étatique, il filme des populations indigènes rencontrées en chemin. Il réalise notamment, en 1913, le film Sertaos de Mato-Grosso, chez les Pareci et les Nambikwara, film perdu dont il ne reste malheureusement que des traces écrites. En 1916, à l’invitation des Bororo, il va vivre trois mois parmi eux, et filme leurs rites funéraires (Rituaes e Festas Bororo), (Caiuby Novaes, Cunha et Henley 2017).

Le Portugais Silvino Santos réalise en 1914 Rio Putamayo alors qu’il est au service de Julio Arana, directeur d’une entreprise de caoutchouc. Ce dernier l’a engagé pour se défendre, par ce documentaire, d’accusations lancées contre son entreprise d’exactions envers les Indiens. Son film le plus connu, No Paiz das Amazonas, de 1922, est réalisé au service d’un autre baron du caoutchouc, J.G. Araujo.

Entre 1921 et 1923, le Marquis de Wavrin réalise son premier film, Au centre de l’Amérique du Sud inconnue. Au moment où il tourne ses films suivants, à partir de 1931, il fait partie d’un courant naissant qui s’intéresse au cinéma ethnographique. Les cinéastes ne sont plus de simples accompagnateurs d’expéditions avec des buts économiques, mais participent à de véritables missions scientifiques. Ainsi, sous la direction de Marcel Griaule, une équipe multidisciplinaire ramène environ 1 600 mètres de films au cours de la mission Dakar-Djibouti (1931 à 1933), Margaret Mead et Gregory Bateson filment à Bali et en Nouvelle-Guinée entre 1836 et 1938, Fred Matter réalise Haut Amazone en 1937, consacré à l’expédition française sous la direction de Bertrand Flornoy, et Claude Lévi-Strauss filme les Nambikwara en 1938. Le véritable essor du film ethnographique commence après la seconde guerre mondiale.

De Wavrin l’humaniste

Comme nous l’avons dit auparavant, Robert de Wavrin, contemporain de Flaherty, a été un des premiers anthropologues à utiliser une caméra 35 mm. Mais ce n’est pas seulement cette raison chronologique qui nous a amené à explorer l’œuvre du Marquis. À la différence de la plupart des explorateurs de cette époque, qui participaient à des missions profitables ou travaillaient pour des sociétés européennes intéressées par des matières premières, le Marquis utilisa sa fortune personnelle, héritée de sa famille aristocratique (propriétaire de charbonnages à Bois-du-Luc en Belgique), pour payer ses voyages. Cependant, comme le fait remarquer Mosley, « Wavrin n’était certainement pas un aristocrate impérialiste avec un regard condescendant envers les populations indigènes. Finançant son propre travail, il a utilisé son statut social privilégié pour réaliser des films qui démystifiaient les cultures ethniques » (2001 : 57). Dès 1989, Brumagne, qui a été une des toutes premières à avoir analysé ses films, écrit de même : « Ses films anti-coloniaux et anti-propagandistes sont uniques dans l’ensemble des films qui ont été réalisés dans les années 1930 » (1989 : 96)

L’œuvre du Marquis de Wavrin est marquée par la curiosité envers des peuples très différents de sa propre culture. Brumagne, écrit : « Dans tous ses écrits, c’est la curiosité qui est la base. Il est curieux de ce qui est différent, de l’Autre, et fait preuve d’une grande ouverture dans son approche » (1989 : 84). Un des informateurs Arhuaco lui avait dit un jour : « Que vous vouliez tout savoir, votre désir d’étudier la façon même dont nous construisons nos ponts, démontre encore que vous vous intéressez à nous. Vous êtes mon fils » (de Wavrin 1937 : 645).

Cela n’empêche pas que, même s’il tente une approche dénuée d’ethnocentrisme, il n’est pas à l’abri de jugements, comme par exemple à propos de l’homosexualité, qu’il qualifie d’« amitié anormale » (1948 :146). Comme il a été dit plus haut, de Wavrin utilisait, dans ses livres et commentaires de films, le vocabulaire colonialiste de son temps (utilisation des mots race, civilisation, sauvage etc.), même s’il ne leur donnait souvent pas le sens en usage alors. De même, il reste dans le sillon de l’évolutionnisme de son temps, quand il écrit : « d’autre part, l’étude des races, y compris les plus élémentaires, peut nous donner des indications sur les premiers stades de l’humanité et sur son développement graduel. » (1948 :7)

Son attitude envers la situation des indigènes face au pouvoir, a été, pour l’essentiel, de prendre le parti des indigènes contre les « civilisés ». S’il a pu, dans son livre sur le Paraguay, apprécier certains aspects de la présence de missionnaires dans le pays (écoles, magasins), il en voit en même temps l’exploitation et les exactions. « Un jour par semaine, tous les Indiens doivent travailler gratuitement pour la mission, qui ne les nourrit même pas pendant leur labeur » (1926 : 90)

De même, dans Mœurs et coutumes des Indiens sauvages de l’Amérique du sud, il écrit que « Les sauvages ne sont hostiles que s’ils ont eu à se plaindre du contact avec les civilisés, s’il y eut des escarmouches et des morts, ou si des civilisés ont volé, ont saccagé leurs biens ou abusé de quelque façon.1937, 438). À propos du film Venezuela petite Venise Mosley note « sa détermination de montrer le contraste entre les exigences de l’industrie pétrolière et les traditions de la vie tribale » (2001 : 58). Dans ses interviews et ses articles de presse, de Wavrin prend souvent la défense des indigènes, dénonçant « les autorités qui permettent ces pratiques » (Brumagne 1989 : 96). Par exemple, le 14 octobre 1933, il publia un article dans le journal belge Le Peuple intitulé « L’Odieuse tyrannie de la Congrégation des Capucins » dans lequel il condamne violemment le traitement ignoble imposé aux indigènes, évoquant les traitements cruels imposés aux jeunes Arhuaco, enlevés à leurs parents, qui s’étaient évadés de certains « orphelinats » créés par ces Capucins. Il concluait l’article en disant que « le gouvernement de Colombie semble ignorer volontairement l’activité des Capucins espagnols » et que « une race intelligente et sympathique s’éteindra prochainement aucune puissance n’intervient » (1933 : 61).

Venons-en maintenant à sa méthode de travail, pour ses écrits et ses films, et donnons-lui la parole.

Ce que je dis dans cette étude, je le sais d’expérience personnelle ; j’ai pu l’observer, le constater lors de mes séjours dans le pays. Je me base aussi sur mes conversations avec les Indiens ; mais les renseignements qu’ils me fournirent ainsi venaient naturellement. (Wavrin 1939 : 10)

Et en 1948, résumant l’ensemble de ses expériences passées, il exprime ainsi l’essence de sa démarche :

Pour comprendre la mentalité des Indiens, il faut se mettre à leur portée, abdiquer ses propres connaissances ou conceptions des choses et chercher à les voir avec les seules connaissances dont disposent ceux auprès desquels on s’informe. Pour s’instruire de leurs croyances, de leurs idées religieuses, il ne faut pas forcer les confidences des Indiens mais les amener peu à peu à s’en ouvrir, en profitant des occasions qui se présentent. Pour observer utilement les Indiens, il convient de vivre auprès d’eux et comme eux, de partager leur genre de vie, logeant dans leurs villages, voyageant, chassant et campant avec eux et au milieu d’eux. (Wavrin 1948 : 109-10).

Cette méthode rappelle évidemment ce que l’on a appelé la « doctrine Malinowski », du nom de l’anthropologue qui en est à la source. De Wavrin connaissait-il les écrits de Malinowski ? Bien qu’il ne se réfère pas à lui – mais comme nous l’avons écrit plus haut, il ne fait pas de références dans ses ouvrages – c’est fort probable. En effet, au moment où Malinowski, dans deux de ses écrits The family among the Australian aborigenes (1913) et surtout Argonauts of the Western Pacific (1922) révolutionne la doctrine anthropologique par son approche de l’observation participante, le Marquis avait déjà commencé à filmer. Durant ces années, il assistait régulièrement aux réunions des deux sociétés savantes américanistes belge et française dont il était membre. Tout prête à croire qu’il avait connaissance de cette nouvelle approche, qui contrastait avec les méthodes en usage à ce moment. Les ethnographes de l’époque avaient plutôt coutume de recueillir des informations auprès de « sages » des communautés étudiées et ne possédaient donc pas de matériel de première main. Malinowski procéda rapidement à une distinction entre la description objective des faits, dérivée de l’observation directe, et de leur interprétation, de la spéculation théorique. Il est en tout cas sûr que cette démarche correspondait à l’inclination spontanée du Marquis de Wavrin.

Après l’oubli, le partage

Pendant la seconde guerre mondiale, bloqué en Belgique, de Wavrin fait la connaissance de Marguerite Le Maire. Ils se marient en octobre 1944 et s’établissent dans la commune bruxelloise d’Uccle. Son fils, Hellin, naît en 1946. Le Marquis avait espéré émigrer en Amérique du sud, mais sa femme ne souhaitait pas quitter la Belgique. Il publie alors occasionnellement des articles, donne des conférences, parle à la radio et collabore à des études linguistiques menées par Paul Rivet, le directeur du Musée de l’homme à Paris [18]. En 1948, il participe au Congrès international des sciences anthropologiques à Bruxelles. Il apparaît pour la dernière fois en public en septembre 1961, quand le ministère de l’Éducation nationale organise une grande exposition de ses photographies à la Maison de l’Amérique latine, intitulée « Les expéditions de Robert de Wavrin » qui regroupait 77 photographies. Robert de Wavrin meurt à Uccle dix ans plus tard, à l’âge de 83 ans.

Il tombe ensuite dans l’oubli. Il est difficile, à partir de notre perspective actuelle et le rôle essentiel de l’anthropologie visuelle, de comprendre pourquoi le travail de Wavrin est resté complètement ignoré dans l’histoire du développement de celle-ci. Peut-être que, n’ayant jamais occupé de poste universitaire, et n’ayant jamais théorisé ses observations il a semblé « dépassé » aux yeux de la nouvelle génération d’ethnologues, formés dans des structures d’universités renommées, comme l’Institut d’ethnologie de l’université de Paris. Le fait que l’histoire de l’anthropologie visuelle s’est surtout intéressée à la tradition anglo-américaine, et que de trop rares études ont été consacrées aux images issues de l’anthropologie française ou même d’Europe du sud, a certainement contribué à la lente disparition de l’héritage visuel laissé par le Marquis de Wavrin. Ce n’est que depuis une dizaine d’années que les chercheurs s’intéressent au travail visuel produit hors du monde anglophone. Une des réalisations les plus remarquables dans ce domaine est le projet « The Silent Time Machine » de Paul Henley [19]. Son but est non seulement de reconsidérer l’histoire des débuts du cinéma ethnographique en présentant une nouvelle évaluation d’œuvres considérées comme « classiques », mais aussi d’identifier et de discuter des œuvres pas ou peu connues, avec une attention particulière pour des films produits en dehors du domaine anglo-américain. Récemment, les quatre films de Robert de Wavrin ont d’ailleurs été intégrés dans ce projet. Et il est évident que l’accessibilité digitale de cette œuvre permettra de nouvelles études.

C’est aussi cette digitalisation qui a permis aujourd’hui le début d’un partage de cet héritage visuel avec les principaux intéressés, les descendants des ethnies que le Marquis a filmés. Bien qu’il n’existe pas encore de projet formel de rapatriement du travail du Marquis, un début d’échange a pu voir le jour à la suite d’une coïncidence remarquable. Lors d’une des nombreuses projections du film Marquis de Wavrin, du manoir à la jungle de Winter et Plantier (2017), qui eut lieu à un festival de films ethnographiques à Vienne en 2018 (Ethnocineca), Winter fit la connaissance du réalisateur colombien Sebastián Gómez Ruíz, qui y présentait son court-métrage Wasi (2018) [20] Après qu’il eut vu le film, Gomez fit savoir à Winter que le personnage central de son propre film, Amado Villafana, était le fils de Duane, qui apparaît dans le film de Winter, dans le passage sur les Indiens Arhuaco. Duane était devenu l’ami du Marquis, qui d’ailleurs écrivit à son propos l’article contre les Capucins (voir plus haut). Grace Winter entra alors en contact avec Amado Villafana, lui envoya une version digitale des 29 photos que de Wavrin avait prises vers 1929-1930 dans des villages Arhuaco, et où apparaissait son père, ainsi que l’extrait de cinq minutes tiré du film du Marquis Chez les Indiens sorciers qui lui était consacré. Amado Villafana est lui-même cinéaste, et a participé à la création du « Collectif Zhigoneshi » plateforme pour les cinéastes indigènes de Colombie

Bastien Bosa, professeur d’anthropologie à l’université Rosario de Bogota a créé, il y a quelques années, une plateforme numérique regroupant les images existantes des Arhuacos depuis le début du xxe siècle [21]. Les images prises par de Wavrin sont venues y rejoindre celles du Suédois Gustav Bolinder et de l’Allemande Friede Scheker. L’objectif de cette plateforme est de restituer cet héritage visuel à ceux qui en sont le sujet, malgré les obstacles divers. En 2013, dans une interview à Arte (19) Amado Villafana dénonçait déjà le manque d’accessibilité à l’héritage visuel des communautés indigènes : « Les gens sont venus, ont pris des photos et ont filmé. Mais tous ces enregistrements ont des droits d’auteur. Et ainsi beaucoup de livres et de recherches sur le savoir indigène appartiennent à des auteurs qui ne sont pas indigènes » [22]

En 2019, alors qu’elle participait à un festival de cinéma indigène à Bogota, Winter offrit, au nom de Cinematek, à Daniel Ortiz et Angel Perez, chefs de la communauté Yukpa, des exemplaires du DVD Wavrin contenant notamment de longs passages relatifs à la vie de leur communauté 90 ans auparavant. Ceux-ci lui racontèrent alors que le souvenir du séjour d’un homme blanc parmi eux avait persisté à travers les générations et qu’ils le décrivaient comme « un homme grand, de descendance noble, qui était l’ami des Indiens. »

Remerciements

Nous tenons à exprimer notre gratitude envers Bastien Bosa pour ses réflexions et commentaires suite à la lecture d’une première version de l’article ; envers Annika Lems et Antje Berger pour leurs encouragements et lecture critique ; envers Paul Hockings pour son soutien éditorial. Enfin, nous tenons à remercier Eva Brumagne et Milda Rivarola qui ont été les premières à évoquer le Marquis de Wavrin et le sortir de l’oubli.

Lectures complémentaires

Bour, Ninon. 2018. “Robert de Wavrin (1888–1971) : Explorateur photographe en Amérique du Sud dans la première moitié du XXe siècle”. Paris : École du Louvre ; Master’s thesis in Art History.

Brumagne, Eva. 1989. “Markies de Wavrin (1888–1971) : Avonturier of etnograaf.” ’ Leuven/Louvain : Katholieke Universiteit.

Rivarola, Milda. 2017. Préface à la traduction espagnole du livre de Robert de Wavri, Los ultimos indigenas primitivos de la Cuenca del Paraguay“ Servilibro Asuncion.

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de Wavrin, Robert. 1931. Au pays du scalp. Belgique

de Wavrin, Robert. 1934. Chez les Indiens sorciers. Belgique

de Wavrin, Robert. 1937. Venezuela, petite Venise. Belgique

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Winter, Grace et Luc Plantier. 2017. Marquis de Wavrin, du manoir à la jungle. Belgique




[1Ces photos étaient en possession de Hellin de Wavrin, le fils du Marquis. Elles furent ensuite digitalisées avec son accord par le Musée d’Art et d’Histoire de Bruxelles.

[2Voir son journal manuscrit, conservé aux Musées royaux d’art et d’histoire de Bruxelles : https://archives.africamuseum.be/repositories/2/archival_objects/29462.

[3Une photo, vers 1915, présente une grande ressemblance avec la fameuse image de Malinowski (Wikipedia) les mains à la taille, intitulée «  Ethnographe accompagné d’un homme portant une perruque  ».

[4D’autres anthropologues, tels Boas, Benedict et Stewart, ont «  avancé des arguments pour neutraliser les effets pernicieux de la discrimination raciale  » (Comas 1961 : 393)

[5L’œuvre photographique de Robert de Wavrin a été analysée dans les textes accompagnant une sélection de ses photos : Marquis de Wavrin, un anthropologue en Amérique du sud (Moderbacher 2019), ainsi que dans une thèse de doctorat en Histoire (Bour 2018). Christine Moderbacher est anthropologue et documentariste (maîtrise en Anthropologie sociale à l’université de Vienne et master en Anthropologie visuelle à l’université de Manchester), complété par un doctorat en Anthropologie à l’université d’Aberdeen. Elle travaille actuellement comme postdoc à l‘Institut Max Planck Institut d’Anthropologie, basé à Halle en Allemagne. Son documentaire «  Lettre à Mohamed  » (2013, SIC/CVB Bruxelles) ainsi que «  Terre rouge Neige blanche  » (2018, Pinona Production, Vienne) ont été montrés à des festivals internationaux de cinéma et y ont reçu des prix.

[6Pour une bibliographie complète de l’œuvre écrite de Robert de Wavrin, voir la thèse de doctorat d’Eva Brumagne (1989).

[7À l’exception de 1958 : 185-186.

[8Ceci est probablement dû à la collaboration rédactionnelle du Marquis avec l’éditeur H. Sartini après 1938.

[9La revue l’Ethnographie est une publication anthropologique française créée en 1860 et qui a cessé de paraitre en 2015.

[10Des parties de cette section de l’article ont déjà été publiées dans Winter (2017).

[11DVD Marquis de Wavrin Cinematek 2017. Outre les quatre films du Marquis, le DVD comprend le documentaire Marquis de Wavrin, du manoir à la jungle, réalisé par Grace Winter et Luc Plantier (2017). Grace Winter a étudié l’Anthropologie à l’université libre de Bruxelles, ainsi qu’une année à la Sorbonne. Sous les auspices du CNRS elle a effectué une enquête de terrain chez les Soninke au Mali. Elle a fait partie pendant 20 ans du groupe de programmation du Festival international de Rotterdam ainsi que de celui du Festival MOOOV en Belgique, fonction qu’elle continue actuellement. En tant que chercheuse à la Cinémathèque royale de Belgique, elle a réalisé en 2017, avec Luc Plantier le documentaire de long-métrage Marquis de Wavrin, du manoir à la jungle (Image création, Bruxelles), qui a été montré à une vingtaine de festivals internationaux et a été primé plusieurs fois.

[12de Wavrin les désigna de façon incorrecte comme «  Boro  », un des nombreux groupes d’indigènes qui eurent à souffrir durement de l’industrie du caoutchouc au début du xxe siècle (Henley).

[13Bien que nous partagions l’observation faite par Paul Henley que les scènes sont visiblement réinterprétées devant la caméra, nous ne pensons pas que leur valeur en soit diminuée, tenant surtout compte du fait que cette pratique était courante à cette époque (par exemple Flaherty 1922 et Curtis 1914).

[14Les scènes censurées, retrouvées dans la copie de travail, ont été reprises en bonus dans le DVD Marquis de Wavrin.

[15La source du fleuve fut découverte en 1951 par l’expédition franco-vénézuélienne dirigée par Cruxent, qui était alors le directeur du Musée d’histoire naturelle à Caracas.

[16Des parties de cette section de l’article ont été publiées dans Winter (2017)

[17En 2015, le réalisateur colombien Ciro Guerra s’inspira de la vie de Theodor Koch pour le personnage principal de son film El embrazo de la serpiente (L’étreinte du serpent).

[18Par exemple, de Wavrin et Rivet (1951a, 1951b).