> Ethnographes et anthropologues Né à Belfort en 1935, décédé à Brest en 2020, Donatien Laurent est un spécialiste de l’anthropologie de la Bretagne, particulièrement connu pour avoir découvert, puis travaillé sur les carnets originaux de Théodore Hersart de La Villemarqué, auteur du Barzaz-Breiz (1839).
Elevé à Paris, dans une famille militante (son père est, de 1947 à 1956, le président du foyer culturel breton Ker Vreiz), Donatien Laurent est d’abord connu comme musicien : membre du badag Bleimor, il y joue du bagpipe. A la recherche, notamment, d’airs destinés à nourrir le répertoire de ces nouvelles bandes musicales, il commence un travail de collecte auprès de Bretons à Paris et lors des vacances qu’il passe au Pays.
Passionné par les langues et l’ethnologie, il se forme à l’université de la Sorbonne auprès du linguiste André Martinet, et obtient, quelques années plus tard au musée de l’Homme, le certificat d’ethnologie ayant suivi l’enseignement d’André Leroi-Gourhan. C’est ce dernier qui l’envoie à Plozévet en 1964. Seul brittophone de l’équipe du professeur Gestain, Donatien Laurent parfait sa formation en ethnographie et, soutenu par Leroi-Gourhan, Georges Henri Rivière et Jean-Michel Guilcher, il entre en 1966 comme stagiaire du CNRS. Il est affecté au département de littérature orale que dirige Marie-Louise Tenèze au Centre d’Ethnologie française du Musée national des arts et traditions populaires.
Donatien Laurent publie, dans la revue du musée, deux articles majeurs, en 1967 puis en 1971 (la revue est devenue entre-temps Ethnologie française) dans lesquels il démontre la prégnance de la tradition orale et l’importance de la mémoire dans les sociétés de culture paysanne. Le premier porte sur la gwerz (complainte) de Louis Le Ravallec. Les recherches de Donatien Laurent l’amènent à découvrir que le meurtre de ce jeune homme, resté impuni, et qui semble récent, soulevant l’émotion des chanteurs et de leur auditoire, est survenu en 1732, ce qu’il comprend en découvrant, aux Archives du Morbihan, les minutes d’un procès bâclé, évidemment ignorées des chanteurs. En se consacrant à la gwerz de Skolan dont on sait qu’elle arrive en Armorique par le biais des migrations bretonne des Ve et VIe siècles, le second article est un travail de comparaison entre la tradition celtique insulaire et armoricaine et les lien entre culture savante et culture écrite : toujours vivante en Basse-Bretagne alors qu’elle n’est plus chantée outre-manche, Donatien Laurent montre que sa version orale est plus complète que celle qu’en consigne un manuscrit gallois du XIII siècle.
Spécialiste de littérature orale bas-bretonne et des liens culturels interceltiques, Donatien Laurent travaille également sur la grande troménie de Locronan, pardon qui a lieu tous les six ans dans ce bourg du Finistère et dédié à saint Ronan. S’appuyant sur le calendrier gaulois découvert à Coligny (Ain) en 1897 dans l’Ain daté du IIe siècle, Donatien Laurent met en évidence les phénomènes de syncrétisme dans ce pardon catholique qui trouve ses racines dans des croyances celtiques, réinvestissant elles-mêmes un fondement pré-celtique.
En 1969, Donatien Laurent rejoint l’Université de Bretagne Occidentale (UBO, Brest) où Yves Le Gallo vient de fonder le CRBC, Centre de recherche bretonne et celtique, dont il prendra la direction de 1987 à 1999. C’est sous sa direction que le CRBC organise en 1988, avec l’institut culturel de Bretagne, le premier colloque d’ethnologie bretonne dont les actes seront publiés sous le titre « Du folklore à l’ethnologie en Bretagne » (éd. Beltan, 1989).
Donatien Laurent prend sa retraite en 2001. Il est l’auteur de plusieurs publications importantes et à l’initiative de nombreux travaux de recherche universitaire qui ont contribué à fonder le domaine de l’ethnologie de la Bretagne, étant à l’initiative de la création, en 1982, du département d’ethnologie à l’UBO et de son école doctorale.