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Encyclopédie internationale
des histoires de l’anthropologie

La vie des formes : la morphologie culturelle de Leo Frobenius

Hélène Ivanoff

Institut für Kulturanthropologische Forschung an der Goethe-Universität Frankfurt

2022
Pour citer cet article

Ivanoff, Hélène, 2022. « La vie des formes : la morphologie culturelle de Leo Frobenius », in Bérose - Encyclopédie internationale des histoires de l'anthropologie, Paris.

URL Bérose : article2689.html

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Publié dans le cadre du thème de recherche « Histoire de l’anthropologie et des ethnologies allemandes et autrichiennes », dirigé par Laurent Dedryvère (EILA, Université de Paris, site Paris-Diderot), Jean-Louis Georget (Sorbonne Nouvelle, Paris), Hélène Ivanoff (Institut Frobenius, recherches en anthropologie culturelle, Francfort-sur-le-Main), Isabelle Kalinowski (CNRS, Laboratoire Pays germaniques UMR 8547, Ecole Normale Supérieure, Paris), Richard Kuba (Institut Frobenius, recherches en anthropologie culturelle, Francfort-sur-le-Main), Carlotta Santini (CNRS, École Normale Supérieure) et Céline Trautmann-Waller (université Sorbonne Nouvelle/IUF).Dossier "Leo Frobenius" coordonné par Hélène Ivanoff et Richard Kuba

Résumé : Parfois mieux connu comme homme de terrain que comme théoricien, Leo Frobenius est l’auteur de plusieurs écrits sur la culture. La théorie des formes consistait à considérer les faits observables comme des expressions d’un être organique – la culture – et à écrire une « science » des civilisations. L’inventaire, le classement et l’analyse des formes donnaient selon lui accès à la Paideuma, ou l’ « âme de la culture ». Cette contribution revient sur les héritages intellectuels de sa pensée, qui s’inscrit dans la lignée de Johann Wolfgang von Goethe. Elle met en lumière ses parentés et ses dissemblances avec celles des anthropologues, historiens de l’art, philosophes ou sociologues de l’époque, à l’instar de Franz Boas, Marcel Mauss, Paul Rivet, Gottfried Semper, Ernst Grosse, Heinrich Wölfflin, Oswald Spengler, Aby Warburg, Erwin Panofsky ou Ernst Cassirer. Elle esquisse ses perspectives pour une histoire mondiale de l’art et une anthropologie des images et de la figuration, dont Hans Belting et Philippe Descola sont des représentants majeurs. À travers l’exemple de Leo Frobenius, il est ainsi possible de voir comment le concept de morphologie culturelle est un paradigme de l’ensemble des sciences allemandes de la culture au début du XXe siècle et d’en retrouver les traces au sein de l’anthropologie et de l’histoire de l’art aujourd’hui.

Que voyons-nous ? Comment voyons-nous ? Telles sont les questions qui ne cessent de nous obséder, nous autres enfants d’une époque située au tournant d’un siècle et d’une civilisation […] Avec une telle certitude de conscience (ou, comme on se l’imagine, avec une telle hauteur de conscience), l’humanité n’avait jamais encore regardé le monde (Frobenius 1936 : 11).
Was sehen wir ? Wie sehen wir ? Das sind die großen Fragen, die uns, die Kinder der Zeit einer Kultur- und Jahrhundertwende, immer wieder bedrängen [...] Aus solcher Bewusstseinstellung (oder -höhe, wie man meinte,) hatte die Menschheit noch nie die Welt betrachtet (Frobenius 1933 : 9).

Dans l’introduction de Kulturgeschichte Afrikas, Leo Frobenius (1873-1938) remettait en cause l’immense connaissance des faits apportée par l’observation objective, qui se situait pourtant au fondement des pratiques scientifiques européennes de l’époque. Dans le style lyrique et emphatique qui lui est propre, il critiquait la manière dont le monde était interprété, et ce jusque dans ses propres recherches sur l’Afrique. Frobenius défendait en effet ce qu’il dénommait une vision en profondeur – qui s’éloignait d’une vision en surface focalisée sur les faits observables – et s’intéressait à la signification des manifestations culturelles.

La méthode de la morphologie culturelle consistait à considérer les faits observables comme des expressions d’un être organique – la culture – et à écrire une « science » des civilisations. D’après lui, « la civilisation est une chose organique, elle est essence, langue et histoire » (Frobenius 1936 : 35) / « Kultur ist eine Organität, ist Wesen und Sprache wie Geschichte  » (Frobenius 1933 : 36). L’art, la religion, la littérature étaient autant de formes d’expression de cette totalité. Elle avait connu, au cours de son développement, trois phases successives : le stade de l’Ergriffenheit (participation émotive), ou de l’émergence de la culture, le stade de l’Ausdruck (expression), ou de la maturité, et enfin le stade de l’Anwendung (application), marqué par la prééminence des forces de la technique. Le centre spirituel qui donnait direction et but aux actions humaines était la Paideuma, l’âme de la culture. Le concept de formes culturelles imprégnait sa pensée et c’est par l’inventaire, le classement et l’analyse de ces formes qu’il était possible d’atteindre la Paideuma. Dans les faits pouvait donc se lire non la culture en tant que telle, mais « la réalité de la transformation des aspects » de cette culture.

L’ethnologue allemand est certes connu en tant que chercheur de terrain. Passionné par les questions ethnologiques et préhistoriques, il organisa 12 expéditions entre 1905 et 1935 à l’intérieur de l’Afrique. Traduite en français en 1936, son Histoire de la civilisation africaine eut en outre une influence profonde sur la pensée du jeune poète et futur président du Sénégal Léopold Sédar Senghor, à l’origine du mouvement de la Négritude dans le Paris des années 1930 [1]. Néanmoins, Frobenius était aussi théoricien, comme en attestent ses premiers écrits sur la culture dès la fin du XIXe siècle, notamment Der Ursprung der Kultur (Frobenius 1897) et Probleme der Kultur (Frobenius 1899-1901), ainsi que son engagement dans les débats disciplinaires de son temps, avec sa Kulturkreislehre ou sa théorie des cercles culturels défendue en 1905. Progressivement, Frobenius s’écarta cependant du problème de la diffusion des traits culturels pour s’intéresser à la structure de la culture et à ses métamorphoses, se rapprochant de ce que sous-entend le terme de Gestalt, par opposition à celui de Form en allemand.

À une époque où Aby Warburg travaillait à son Atlas Mnémosyne [2], répertoriant les formes de la civilisation afin d’écrire par l’image une histoire comparative de l’art et où Erwin Panofsky et Ernst Cassirer mettaient en avant le concept de forme symbolique et prônaient la méthode iconologique pour expliquer les œuvres d’art (Panofsky 1975 ; Cassirer 1995), Frobenius entreprenait l’établissement de son Atlas Africanus (Frobenius 1922-1931). Il s’agira ici de présenter la théorie des formes ou Gestalttheorie et d’analyser le contexte scientifique dans lequel émerge la morphologie culturelle, notamment les liens qui unissent l’histoire culturelle de Frobenius aux autres sciences de la culture allemandes.

La théorie des formes

Les premières théories défendues par Frobenius devant la BGAEU – la Société berlinoise d’anthropologie, d’ethnologie et de préhistoire – en 1905 sont des thèses diffusionnistes. Elles posaient le constat de l’existence de similarités culturelles entre l’Océanie et l’Afrique de l’Ouest, et postulaient par conséquent une origine commune à ces deux civilisations. Frobenius élaborait dès lors le concept de Kulturkreis (aire culturelle), qui fut repris par les ethnologues et conservateurs du musée d’ethnographie de Berlin Bernhard Ankermann et Fritz Gräbner, et ensuite par l’école de Vienne dans l’entre-deux-guerres [3]. Le problème de l’essence et du développement de la culture devint central dans son histoire de la culture, constituant le sujet principal de sa morphologie culturelle à partir des années 1920. C’est avant tout à une idée du devenir de la culture – et non plus de diffusion de la culture – que l’ethnologue s’intéressait désormais.

Il présenta la théorie des formes dans Paideuma : Umrisse einer Kulturund Seelenlehre (Frobenius 1921) et son Atlas Africanus, publié de 1921 à 1931 (Frobenius 1921-1931), en fut une application concrète. Il n’évoquait plus la « science des peuples », comme l’avait fait avant lui Adolf Bastian, le père fondateur de la Völkerpsychologie et de l’ethnologie allemande, mais une « science de la culture » ou Kulturkunde, profondément marquée par les philosophies vitalistes, considérant la culture comme un être organique autonome, une destinée imprégnant les civilisations :

Alle kulturellen Erscheinungen werden aufgefasst als Ausdrucksformen eines selbständigen Organismus. Dieser Organismus ist die Kultur.
Tous les phénomènes culturels sont interprétés comme l’expression d’un organisme indépendant. Cet organisme est la culture (Frobenius 1921 : 56)

Cette force agissante, « âme de la culture » ou Kulturseele, connaissait selon lui une naissance, un développement et une mort ; elle fut dénommée Paideuma. Son terrain privilégié d’observation était l’Afrique, dans la mesure où les civilisations africaines longtemps isolées des contacts avec l’Europe donneraient accès aux formes originelles de la culture. Pour les saisir par l’image et les analyser, il établit une série de cartes dans son Atlas Africanus à partir des objets des cultures matérielles, amassés sur le terrain et conservés dans les musées d’ethnologie fondés à partir du milieu du XIXe siècle.

Commençons par un exemple issu de l’Histoire de la civilisation africaine pour expliquer cette théorie des formes culturelles : après avoir dressé des cartes des styles africains, Leo Frobenius différenciait clairement ce qu’il appelait la petite Afrique ou l’Afrique du Nord qui, pour lui, était en relation avec l’Europe occidentale de l’Afrique du Nord-Est, tournée vers l’Asie, opposant les images rupestres des régions montagneuses occidentales à celles des vallées orientales (fig.1). Tandis que les premières étaient marquées par le style paléolithique et néolithique supérieur, et donnaient à voir des gravures d’animaux sauvages – notamment des buffles –, les secondes étaient plus récentes et représentaient des animaux domestiques – souvent des taureaux portant des disques entre leurs cornes (fig. 2).

Quelle leçon en tirait-t-il pour l’histoire de la civilisation et le devenir de la culture ? De la similarité des formes, il déduisait :

La civilisation orientale postérieure de l’Eurafrique a adopté l’idée des étoiles-animaux domestiques et lui a donné corps (Frobenius 1936 : 105).
die jüngere Ostkultur Eurafrikas die Vorstellung von den Gestirnhaustieren übernommen und sie formal dargestellt hat (Frobenius 1933 : 121).

voir texte
Fig. 1.
Carte des civilisation :
I : Civilisation du taureau sauvage, provenant de l’époque moyenne de l’âge de pierre ;
II : Civilisation des animaux domestiques des époques avancées de l’âge de pierre et des premiers temps préhistoriques
in : Leo Frobenius, Kulturgeschichte Afrikas, 1933, carte 10
Taureau à disque du temple de Meremptah, Menphis, Egypte
Fig. 2.
Taureau à disque du temple de Meremptah, Menphis, Egypte
in : Leo Frobenius, Kulturgeschichte Afrikas, 1933, fig. 30

C’est-à-dire que Frobenius distinguait une première étape de formation de l’idée, puis une deuxième étape où l’idée prenait corps dans une forme. Il était donc possible de comprendre les images les plus anciennes qui étaient uniquement symboliques et nées de l’émotion à partir des images plus récentes qui correspondaient à un symbolisme illustré : il mettait en évidence l’évolution de la représentation d’une idée à travers l’étude de ses images. À ces deux premières phases succédait une troisième où « le symbole devenu indépendant était le terme de l’évolution » (Frobenius 1936 : 108) (« Das heisst : die selbständig gewordene Symbolik steht am Ende  », Frobenius 1933 : 126). Ainsi, cette civilisation s’était transformée à mesure qu’elle avait émigré vers l’Orient et elle adoptait l’idée de domestication des animaux sauvages.

Les phases de l’historicité et de l’histoire de l’art étaient par conséquent au nombre de trois. La première était celle de l’émotion, de l’abondance païdeumatique, du jaillissement du besoin de former, mais aussi du flottement des idées, le temps de la naïveté, de l’art vériste, marqué par le sens du réel. La deuxième phase correspondait à celle de l’émotion vieillie et affaiblie qui générait la matérialisation des idées en images. Ce temps de l’ancrage et de la fixation des idées était une phase d’expression, où l’image s’identifiait au signe de l’idée, l’art devenant symbolique, marqué par le sens du fait. La dernière phase était celle des faits, où l’image se détachait de l’idée gagnant son autonomie au temps du matérialisme. D’après Frobenius :

Tandis que la première phase fournit des images sans illustrations et que la seconde précise l’interprétation par une illustration secondaire, la troisième fait de l’illustration l’élément principal, qui se détache alors et prend la place de l’image abandonnée (Frobenius 1936 : 108).
Wenn das erste Stadium Bilder ohne Illustration bringt, im zweiten die Interpretation durch nebensächlich erscheinende Illustration verdeutlich wird, so muss in einem dritten die Illustrationsbeigabe zur Hauptsache werden, sich ablösen und an Stelle des Bildes treten, das nun in Wegfall kommt (Frobenius 1933 : 125).

Pour écrire une histoire de la culture, il fallait donc en quelque sorte remonter le temps, retrouver la mythologie vécue et éprouvée par les premiers hommes dans une époque désignée comme le stade des sources, et accéder par là même aux origines de la culture et à ses premières métamorphoses car « l’homme vit d’abord la civilisation et le mythe, plus tard seulement il est capable de les exprimer » (Frobenius 1936 : 109)/ « (Der Mensch erlebt zuerst die Kultur und den Mythos, später erst vermag er dies auszusprechen », Frobenius 1933 ; 126). La morphologie culturelle devait finalement éclairer le passé grâce aux représentations du présent et présupposait que, dès l’origine, l’homme, même primitif, était culture. Frobenius soutenait ainsi :

Il s’agit maintenant, à partir des documents des deuxième et troisième stades, de regarder encore une fois en arrière vers le stade originel et de tenter de pénétrer dans le mystère du premier devenir (Frobenius 1936 : 109)
Nunmehr gilt es, von den Dokumenten des zweiten und dritten Stadiums aus noch einmal in das Quellstadium zurückzublicken und den Versuch zu machen, in das Mysterium des ersten Werdens einzudringen » (Frobenius 1933 : 127)

Héritages 

Si, au début du XXe siècle, l’ethnologue collectait des milliers d’artefacts pour les musées d’ethnologie allemands, notamment ceux de Hambourg, de Leipzig et de Berlin, c’est aux images rupestres des temps préhistoriques qu’il s’intéressa dans l’entre-deux-guerres. Elles s’inscrivaient certes dans une matérialité – la pierre des grottes et des abris sous roche des savanes et des déserts africains – mais, ce qui passionna l’ethnologue, ce fut d’en produire des reproductions visuelles, des photographies, mais aussi des aquarelles sur toiles et sur papier, copies conformes à l’original en termes de taille et de couleurs, jusqu’à la reproduction des aspérités des rochers. Elles ont depuis été numérisées grâce au soutien de la Fondation allemande pour la recherche (DFG) et constituent aujourd’hui une immense banque de données, sans doute la plus importante collection de copies d’art préhistorique au monde [4]. Ces images des temps préhistoriques, connues de tous dans leur aspect dématérialisé, ont ainsi régulièrement changé de médium jusqu’à nos jours, acquérant une totale autonomie par rapport à leurs sites d’origine sous forme digitalisée.

Pour Frobenius, les images de la préhistoire étaient révélatrices de l’état premier de culture. Ces formes originelles dans lesquelles s’incarnait la culture étaient liées à l’émotion et à l’immédiateté. Elles révélaient une idée en formation, voire en gestation, mais non encore sa représentation sous une forme fixe. Le concept allemand de Bildung, qui décrit un processus, est dès lors tout à fait approprié, puisque c’est l’image (das Bild) qui exprime l’idée pour in fine s’en détacher. En décrivant la vie des formes culturelles comme des organismes vivants, Frobenius se plaçait ainsi dans la directe lignée de Johann Wolfgang von Goethe, reprenant sa conception des formes organiques dans ses Cahiers de morphologie :

Si nous observons toutes les formes, et en particulier les formes organiques, nous constatons qu’il ne se trouve nulle part de constance, d’immobilité, d’achèvement, et qu’au contraire tout oscille dans un mouvement incessant. C’est pourquoi notre langue se sert à fort juste titre du mot formation (Bildung), tant pour désigner ce qui est produit que ce qui est en voie de l’être (Goethe [1798] 1992 : 176…).

Par forme, Goethe entendait « l’idée, le concept, ou un élément fixé pour un instant seulement dans l’expérience » (Goethe [1798] 1992 : 176). Il résolvait ainsi l’opposition entre Gestalt et Bildung, et du même coup entre structure interne et forme externe.

En outre, cette analogie entre la culture et un organisme vivant était souvent sollicitée par Frobenius pour expliciter les transformations culturelles de la Paideuma, qu’il comparait à une plante qui naît, grandit et meurt. À travers les formes et les séries qu’il établit, il réunit un grand livre d’images qui exprimaient la richesse et la variété infinie de la culture humaine, tel le botaniste constituant son herbier. Au-delà de l’approche synchronique d’une même forme culturelle (le bouclier, la lance, le taureau ou le félin…) qui correspondait plus à la théorie des aires culturelles et aux problématiques de la diffusion, Frobenius mettait en avant une approche diachronique, c’est à dire s’attachant à décrire l’historicité et le devenir des formes. Il entendait montrer que la culture ne se résumait pas à la réunion de l’ensemble de ces apparitions (art, technique…), mais qu’elle était un être en devenir et en quelque sorte la manifestation d’un « sentiment de la vie » modelé par l’environnement et généré par l’éducation reçue.

La morphologie culturelle de Frobenius se rattachait aussi, d’une part, à tout un courant anthropologique qui cherchait à analyser l’art dans les sociétés traditionnelles qualifiées de primitives d’après leur contexte culturel d’origine et, d’autre, part à des approches théoriques d’historiens d’art et de philosophes tentant de définir la notion de forme et d’art dans les sociétés dites de « haute culture » et d’étendre le champ de l’histoire de l’art aux sociétés extra-européennes. L’anthropologie de l’art naissante était en effet marquée par un certain nombre de penseurs allemands, notamment l’architecte Gottfried Semper, qui fut l’un des premiers à travailler sur l’origine de l’art et le style des peuples dits « primitifs » dès le milieu du XIXe siècle. Comparant les décors ornementaux et la structure du bâti dans différentes cultures et époques, il étudia les textiles de Nouvelle-Zélande et de Polynésie [5]. Au tournant des XIXe et XXe siècles, les recherches sur les « arts primitifs » se multiplièrent. Parmi d’autres, l’ethnologue Ernst Grosse interrogea par exemple les débuts de l’art dans les sociétés dites « primitives », en y incluant toutes les formes d’expression artistique comme la danse, souvent négligée par les études antérieures (Grosse 1894). L’anthropologue américain d’origine allemande Franz Boas étudia, quant à lui, les styles de l’ « art primitif » et leur diffusion à l’échelle locale sur la côte nord-ouest du Pacifique, en expliquant leurs transformations par l’étude des mythes et des récits issus des traditions orales, transcrits à la fin du XIXe siècle (Boas 1927).

Frobenius se différenciait toutefois de ces travaux des pionniers de l’anthropologie de l’art, dans la mesure où sa théorie des formes n’avait pas seulement pour but de montrer la diversité et la variété des formes culturelles – à l’instar de Semper – ou les conditions de leurs productions et usages – à l’image de Grosse –, ni d’étudier les phénomènes de diffusion ou d’acculturation culturelles entre les sociétés – à l’instar de Boas. L’ambition de Frobenius était de saisir les métamorphoses et l’évolution de la culture dans l’antienne goethéenne. Frobenius s’intéressait à la genèse des formes en tant qu’elles étaient l’incarnation d’une idée, réconciliant ainsi par sa conception cinétique de la culture les oppositions entre structure interne (en devenir) et formes externes multiples et variées, à l’image d’une monade leibnizienne. La morphologie culturelle lui permettait d’écrire une histoire de la culture, à l’échelle spatiale d’un continent comme l’Afrique et à l’échelle temporelle de plusieurs milliers d’années, en se référant aux périodes les plus reculées de l’histoire de l’humanité.

Critiques et perspectives

La morphologie culturelle de Frobenius suscita de nombreuses critiques de la part de ses contemporains, en premier lieu parmi les ethnologues et les sociologues. La conception d’une destinée de la culture le distinguait par exemple nettement des ethnologues partisans de l’idéologie nazie, à l’image d’Hans Mühlestein, bien que son discours ethnologique fût bien sûr empreint d’un vocabulaire racial typique de l’époque et sa pensée völkisch représentative d’une idéologie national-conservatrice [6]. Ses théories provoquèrent la désapprobation du régime qui, à sa mort en 1938, chercha à fermer l’Institut de morphologie culturelle qu’il avait fondé à Munich en 1920, puis transféré à Francfort en 1924, même si, de son vivant, il en avait obtenu ponctuellement le soutien financier et que la collection de son Institut suscitait des convoitises [7]. En effet, pour le morphologue, les sociétés étaient déterminées par le destin des civilisations et, en aucun cas, la race ne déterminait la culture : les formes de la culture s’imposaient aux sociétés et aux individus dans une sorte d’élan mystique.

C’est sans doute aussi ce qui opposait radicalement Frobenius aux ethnologues français de son temps : dans la mesure où la culture n’était pas un fait social, mais un être vivant, sa structure et son développement ne dépendaient pas des activités collectives. Marcel Mauss et Paul Rivet s’étaient intéressés aux théories de morphologie culturelle développées par Frobenius. Cependant, les ethnologues français critiquèrent l’approche par les formes (Gestalten) – qui ne tenait pas assez compte des techniques et de leur évolution – et le caractère passif des sociétés face aux faits culturels. Ils voyaient une aberration dans cette conception organiciste des cultures défendue par Frobenius dans Le destin des civilisations (1940 [1924]), la culture ne pouvant d’après eux se concevoir indépendamment des sociétés dans lesquelles elles naissaient. Le jugement de Marcel Mauss est sans équivoque :

The only serious thing this school (Morphologie der Kultur) has produced are descriptive card indexes, which appear conscientiously done and are useful ; this is the beginning of an Atlas Africanus, some parts of which are actually valuable [8].

La morphologie culturelle fut également critiquée par les sociologues de Francfort après l’acquisition par la ville des archives réunies par Frobenius et le transfert de son centre de recherches de Munich à Francfort en 1925. Tandis que le Sozialforschungsinstitut était décrit comme le siège du rationalisme, l’Institut de morphologie culturelle apparaissait dominé par l’irrationnel (Schivelbusch 1982 : 21). Il y avait bien à Francfort deux écoles de pensée dont les conceptions divergeaient dans les modes d’appréhension et d’interprétation de la culture [9]. La vision pathétique et irrationnelle de la culture caractérisant l’ « expressionnisme ethnologique [10] » de Frobenius, ici critiquée, était pourtant bien partagée par certains intellectuels de son temps, à l’instar du philosophe Oswald Spengler, des poètes symbolistes du Georg-Kreis et de certains cercles universitaires de Francfort. Frobenius partageait avec Spengler la conception des cycles de vie de la culture (naissance-vie-mort).Il lui reconnaissait par exemple le mérite d’avoir posé les bases d’une « morphologie de l’histoire mondiale » (« Morphologie der Weltgeschichte ») et dressait de nombreux parallèles avec l’œuvre du philosophe de la culture qu’il avait rencontré à Munich, et dont il avait lu les livres et repris en partie le titre de son œuvre Der Untergang des Abendlandes – Umrisse einer Morphologie der Weltgeschichte (Spengler 1918). Frobenius trouva ensuite à Francfort de nombreuses affinités avec le cercle mythologique du philologue Walter Otto, avec d’autres universitaires tel l’étruscologue et préhistorien Hans Mühlestein, ainsi qu’avec l’historien des religions Karl Kerényi [11], tous accordant la même importance aux notions d’intuition, de participation émotive et de mythologie.

Par son analyse des images préhistoriques, la théorie des formes annonçait en outre des auteurs plus contemporains qui sont venus préciser quant à eux d’autres approches tels Alfred Gell (1998) [12], Hans Belting (2004) ou Philippe Descola (2006 : 167-182), militant pour une anthropologie des images ou une anthropologie de la figuration (Descola 2005) liée à l’expérience du monde, dont les œuvres d’art ne représentent qu’un aspect et qui interroge les conditions de leurs productions et de leurs perceptions trop souvent laissées à l’écart par l’histoire de l’art et l’anthropologie de l’art, ou encore aux écrits des théoriciens de l’anthropologie visuelle, à l’instar de Mitchell (2010 : 211-247) ou, avant lui, de Mac Luhan (1968), qui considèrent l’image à partir de tous ses médiums – montrant comment le médium influe sur la perception de l’image et s’inscrit dans une culture donnée. Les similarités entre les pensées, certes éloignées, de ces anthropologues et celle de Frobenius reposent sur l’analyse des formes culturelles des sociétés, principalement extra-européennes, à partir des images plutôt que des objets, ces théories les considérant comme une extériorisation d’une entité culturelle dans sa relation au monde. Philippe Descola interprète par exemple les modes de figuration des différentes cultures comme des « ontologies morphologisées » et soutient qu’ « à chaque ontologie correspond une iconologie qui lui est propre » (Descola 2006 : 169).

Si la morphologie culturelle de Frobenius déclencha la polémique parmi les ethnologues et sociologues de son temps en raison de son irrationalisme et de ses conceptions organicistes de la culture, elle n’en ouvrait pas moins une voie vers une anthropologie des images qui avait pour ambition de divulguer les modes d’être au monde de différentes cultures et civilisations.

Parentés 

Plus qu’avec les ethnologues et sociologues de son temps, les proximités sont manifestes avec les philosophes et historiens de l’art du début du XXe siècle ayant travaillé sur la notion de formes et d’iconologie, tels Aby Warburg, Ernst Cassirer ou Erwin Panowsky, bien que leur réception de la morphologie culturelle fut elle aussi critique. Comment ne pas penser à l’Atlas Mnémosyne d’Aby Warburg en contemplant l’Atlas Africanus de Frobenius ? Outre la constitution d’importants corpus d’images et l’attention portée aux œuvres d’art, ces auteurs partageaient une même conception de la forme en tant que Gestalt qui ne se voulait pas formaliste, mais qui était liée à la perception, à l’imagination et à la conscience du spectateur et donc à son ancrage culturel. Il ne s’agissait pas en effet d’étudier La vie des formes comme le firent Gottfried Semper au XIXe siècle, puis Henri Focillon au XXe siècle, et d’en montrer l’évolution des traits pour mettre en évidence ce que ces auteurs qualifiaient de « style ». Comme l’écrivait Focillon, « le signe signifie, alors que la forme se signifie » (Focillon 2004 [1934] : 4), c’est-à-dire que le signe s’inscrivait dans une économie de la signification, dans la sémiotique et délivrait un message, tandis que la forme se suffisait à elle-même ; elle était expression mais elle ne signifiait rien et semblait pour Focillon détachée de tout contexte culturel.

Certes, Leo Frobenius utilisait le concept de style en s’inspirant en particulier des écrits d’Heinrich Wölfflin sur ce concept et de ses périodisations (Wölfflin 1997). Il éprouvait d’ailleurs une profonde admiration pour cet historien d’art, depuis qu’il avait été son élève à Bâle, et dont les cours avaient eu, d’après lui, une influence déterminante dans l’élaboration de sa morphologie culturelle :

J’étais confronté à des conceptions remarquables concernant les cultures anciennes, qui me menèrent sur la voie par laquelle la Paideuma a finalement été atteinte.
Ich hatte es just mit recht merkwürdigen Anschauungen alter Kulturen zu tun, auf welcher Bahn zuletzt das Paideuma erreicht wurde (Frobenius 1934 : 108).

Frobenius s’éloignait cependant d’une conception purement formaliste du style, car si pour lui, l’art n’était pas un langage de signes, il était cependant l’expression synthétique d’un être culturel en transformation. Les représentations rupestres transmettaient donc bien un message en adéquation avec la mythologie vécue par les peuples des temps préhistoriques, en témoignant d’un état premier de la culture.

Il donnait ainsi cette définition du style africain :

Quiconque s’approche de lui au point de le comprendre tout à fait reconnaît bientôt qu’il domine toute l’Afrique, comme l’expression même de son être. Il se manifeste dans les gestes de tous les peuples nègres autant que dans leur plastique, il parle dans leurs danses comme dans leurs masques, dans leur sens religieux comme dans leur mode d’existence, leurs formes d’État et leurs destins de peuples. Il vit dans leurs fables, leurs contes de fées, leurs légendes, leurs mythes (Frobenius 1936 : 17-18).
Wer sich ihm bis zu vollem Verständnis genähert hat, der wird bald erkennen, dass er als Ausdruck des Wesens ganz Afrika beherrscht. Er äußert sich in den Bewegungen aller Negervölker ebenso wie in ihren Plastiken, spricht aus ihren Tänzen wie aus ihren Masken, aus dem Sinn ihrer Religiosität wie aus dem Dahingleiten ihrer Lebensläufe, Staatsbildungen und Völkerschicksale. Er lebt in ihren Fabeln, Märchen, Sagen, Mythen (Frobenius 1933 : 16).

L’idée de « survivance culturelle », si chère à Warburg [13], était quant à elle également présente chez Frobenius, avec cette particularité qu’il la prenait en quelque sorte à rebours, se servant des représentations rupestres les plus récentes pour expliquer les plus anciennes, en les considérant non pas comme une « réminiscence » des temps passés, mais comme une expression plus intelligible des formes naturelles simples de l’âge de pierre qu’elles permettaient de comprendre. La perspective est pour ainsi dire inverse : là où Warburg cherchait à éclairer le présent à partir des traces encore vivantes du passé, Frobenius tentait lui de saisir le sens des représentations du passé à partir de celles du présent. Le temps des illuminations s’opposait à celui des fantômes. Comme Warburg, il s’intéressait ainsi à la mémoire des images et à leur polyrythmie, préférant les anachronismes à la chronologie linéaire de l’histoire de l’art ou de l’ethnologie évolutionniste :

Les formes ne sont que des moyens. Les formes mortes portent encore très longtemps en elles les caractéristiques de leur vie ancienne (Frobenius 1936 : 40).
Die Formen sind nur Hilfsmittel. Tote Formen tragen noch in späte Zeit hinein die Symptome einstigen Lebens in sich (Frobenius 1933 : 42).

Et c’est donc bien le style, en tant qu’expression condensée et extériorisée d’un être culturel spécifique, qu’il s’agissait pour lui de cerner à travers la variabilité et la polyrythmie des formes culturelles d’une société observée.

L’un des concepts centraux de la morphologie reposait sur la notion de changement culturel et de devenir de la culture, le temps long des métamorphoses culturelles, thème qui rapprochait aussi Frobenius des maîtres de l’iconologie allemande de l’école de Hambourg. Nourri lui aussi de l’héritage goethéen, le philosophe allemand Ernst Cassirer accordait au même moment un rôle central à la notion de transformation, pour édifier sa philosophie des formes symboliques, et affirmait que « l’art nous donne l’intuition des formes » et qu’« il est une intensification du réel » : il « nous apprend à voir » (Cassirer 1975 : 205). Pour Cassirer, l’expérience esthétique consistait ainsi à s’absorber dans l’aspect de la « dynamique de la forme ». D’après Frobenius, c’est bien par cette expérience esthétique qu’il était alors possible d’atteindre l’âme de la culture. Reprenant les concepts de Cassirer, Panofsky présentait dans son iconologie la perspective comme une forme symbolique de la civilisation occidentale des Temps modernes et prenait en compte les cadres symboliques de la perception d’une civilisation historique, en étudiant pour sa part les symboles culturels et la philosophie de l’espace propre à la Renaissance ayant conduit à l’invention de la perspective (Panofsky 1976). La méthode de Frobenius n’est pas si éloignée de celle de Panofsky, lorsque l’ethnologue considérait le style nègre comme l’expression même du sentiment de la vie et que, dans un comparatisme ethnologique affiché, il tentait d’expliquer les peintures rupestres d’après les cadres symboliques des sociétés africaines en se tournant vers les mythes et récits de la tradition orale africaine.

Leo Frobenius partageait enfin avec certains historiens d’art et philosophes de son époque une conception « tragique de la culture », dénonçant la matérialité des civilisations modernes et la fin des mythes dans les sociétés industrielles et de haute technologie. La photographie de l’Oncle Sam est ainsi célèbre dans le Rituel du Serpent (Warburg 2003) qui, opposée à celle montrant les rites pratiqués par les Pueblos de l’Arizona, rappelait les transformations culturelles à l’œuvre au tournant du siècle et la lente disparition des sociétés primitives et de leurs mythologies. D’où les propos de Warburg, qui pourraient être ceux de Frobenius :

Ainsi la civilisation de l’âge mécanique détruit-elle ce que la connaissance de la nature, née du mythe, avait péniblement construit, l’espace de contemplation (Andachtsraum) qui est devenu l’espace de pensée (Denksraum) » […] Le télégramme et le téléphone détruisent le cosmos. La pensée mythique et la pensée symbolique, en luttant pour donner une dimension spirituelle à la relation de l’homme et de son environnement, ont fait de l’espace une zone de contemplation ou de pensée, espace que la communication instantanée anéantit (Warburg 2003 : 133).

Le même pessimisme vis-à-vis des civilisations européennes et une nostalgie des temps dits « primitifs », ceux de la préhistoire et des sociétés traditionnelles extra-européennes, se retrouvaient chez les deux auteurs.

Ainsi, Frobenius inscrivait ces recherches dans le cadre des sciences de la culture (Kulturwissenschaften), mises en avant par des philosophes et historiens d’art, tels Panofsky, Warburg et Cassirer depuis le musée d’ethnologie de Hambourg. Warburg voyait d’ailleurs en Frobenius un concurrent et un danger, car il craignait qu’il n’attirât Cassirer à Francfort au printemps 1928. Il écrivait ainsi, dans le journal de l’Institut de Hambourg : « Les idées de la K. B. W.[Kulturwissenschaftliche Bibliothek Warburg] seraient représentées à Francfort (Oh, quelle caricature !) par Frobenius, ce grand entrepreneur tapageur ! » (« Die Ideen der K. B. W.[Kulturwissenschaftlichen Bibliothek Warburg] würden in Frankfurt vertreten (Oh. Zerrbild !) durch Frobenius, diesen klappernden Grossbetriebler ! », Warburg, Bing & Saxl 2001 : 263). Il n’éprouvait donc que peu de respect pour les théories de l’africaniste et considérait les recherches menées par l’Institut de morphologie culturelle de Francfort comme une caricature de sa propre approche historico-culturelle [14].

À travers l’exemple de Leo Frobenius, il est ainsi possible de voir comment le concept de morphologie culturelle émergea dans l’entre-deux-guerres, tant dans le champ de l’ethnologie – trouvant ses suites aujourd’hui en anthropologie de l’art ou en anthropologie de la figuration contemporaine – que dans le champ de l’histoire et de la philosophie de l’art. Le paradigme morphologique était bien l’une des caractéristiques des sciences allemandes de la culture.

Pour l’ethnologue, la théorie des formes permit une analyse globale des objets de la culture matérielle assemblés et des images de la préhistoire copiées dans les savanes et les déserts africains. Son ambition était certes d’expliquer la naissance de l’art et la signification des images rupestres, mais plus encore de saisir l’essence de la culture et ses transformations à une échelle très large, tant sur le plan temporel que spatial. Il montrait ainsi que la plasticité des formes africaines relevait de l’émotion et s’attachait à décrire et à interpréter le style africain. Ces corpus d’images rassemblées par Frobenius, devenus aujourd’hui une bibliothèque numérique, constituèrent à l’époque un véritable répertoire de formes et de concepts pour les artistes du XXe siècle, notamment ceux de l’avant-garde, à l’instar d’Ernst Ludwig Kirchner, Willi Baumeister, Henry Moore ou Wols [15].

Par les conceptions qu’elle défendit, les représentations et les connaissances qu’elle diffusa sur les arts extra-européens et les arts préhistoriques, la morphologie culturelle de Frobenius eut ainsi également d’importantes implications artistiques, qui s’étendirent bien au-delà du champ scientifique.

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[1Sur Frobenius, voir Georget, Ivanoff & Kuba 2016, qui réunit des contributions en allemand et en français.

[2Créé entre 1921 et 1929, le corpus d’images rassemblé par Aby Warburg fut publié en français plus tardivement. Voir Warburg (2012).

[3Voir Ankermann (1905 : 54-84) et Gräbner (1905 : 28-53).

[4Aujourd’hui, ces 8600 images rupestres – aquarelles sur papier et peintures à l’huile sur toile – réunies jusqu’aux années 1960, sont désormais accessibles en ligne : http://bildarchiv.frobenius-katalog.de/ . Les archives de l’Institut, qui prit le nom d’Institut Frobenius après la guerre, comportent au total 40 000 croquis et peintures, 60 000 photographies et environ 6000 objets, les milliers d’artefacts collectés par Leo Frobenius ayant été vendus dès le début du siècle aux musées d’ethnographie allemands, notamment à ceux de Berlin, de Hambourg et de Leipzig.

[5Voir le numéro spécial de Gradhiva consacré à l’architecte : Gottfried Semper, habiter la couleur, Gradhiva n° 25, 2017. Ces recherches conduisent à la publication de Der Stil en 1860 et 1863 (Semper 1960  ; 1963).

[6Sur la pensée völkisch de Frobenius, voir Spöttel (1995) et Streck (2014).

[7Sur ce thème, voir Geisenheimer (2016 : 43-53).

[8Cité dans Mauss (2009 : 66).

[9Sur ce contexte culturel francfortois, voir Streck (2014).

[10Streck parle d’expressionnisme ethnologique en raison des thèmes étudiés, du style pathétique, et de ce goût pour l’irrationnel (Streck 2014 : 166).

[11Frobenius fréquenta le philologue W. Otto à Francfort, il fut en contact avec l’étruscologue et préhistorien Hans Mühlestein qui joua un rôle important dans l’organisation de son exposition avec Christian Zervos et la diffusion de ses idées à Paris en 1930 et échangea avec le philologue Karl Kerényi dans le contexte des conférences de la Haus Doorn à partir de 1934. Voir Kerényi (1988 [1939] : 197-199).

[12Voir également Bloch (1999 : 119-128).

[13Sur Warburg et cette idée de survivance, voir Didi-Huberman (2002).

[14Sur la relation Warburg-Frobenius voir aussi Probst (2016 : 53-73).

[15Sur les implications artistiques de la morphologie culturelle, voir Kohl, Kuba & Ivanoff (2016).