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International Encyclopaedia
of the Histories of Anthropology

Karl von den Steinen et les « explications des indigènes », de l’Amazonie aux îles Marquises

Céline Trautmann‑Waller

Université Sorbonne nouvelle / IUF

2021
To cite this article

Trautmann–Waller, Céline, 2021. « Karl von den Steinen et les “ explications des indigènes ”, de l’Amazonie aux îles Marquises », in BEROSE International Encyclopaedia of the Histories of Anthropology, Paris.

URL BEROSE: article2359.html

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Published as part of the research theme « History of German and Austrian Anthropology and Ethnologies », directed by Laurent Dedryvère (EILA, Université de Paris, site Paris-Diderot), Jean-Louis Georget (Sorbonne Nouvelle, Paris), Hélène Ivanoff (Institut Frobenius, research in cultural anthropology, Frankfurt am Main), Isabelle Kalinowski (CNRS, Laboratoire Pays germaniques UMR 8547, Ecole Normale Supérieure, Paris), Richard Kuba (Institut Frobenius, research in cultural anthropology, Frankfurt am Main) and Céline Trautmann-Waller (Université Sorbonne nouvelle-Paris 3/IUF).

D’abord psychiatre puis explorateur, Karl von den Steinen (1855-1929) faisait remonter sa vocation d’ethnologue à sa rencontre avec Adolf Bastian lors d’un tour du monde entrepris dans sa jeunesse. Il fait partie d’une génération qui contribua à la professionnalisation de la discipline en augmentant le niveau d’exigence relatif au travail sur le terrain (durée du séjour, apprentissage des langues, mesures, cartographie, dessin, photographie). Ses deux expéditions au centre du Brésil dans la région du fleuve Xingú (1884 et 1887) et les livres qui en sont issus, surtout le deuxième (paru en traduction portugaise au Brésil en 1940), sont des classiques de l’ethnologie américaniste. En établissant de nombreuses cartes, cette expédition ouvrit la région du Xingú aux Européens, et de nombreux ethnologues, notamment allemands, s’y rendirent dans les années qui suivirent (Paul Ehrenreich, Konrad Theodor Preuss, Theodor Koch-Grünberg, Max Schmidt, Fritz Krause).

Le passage le plus célèbre de ses ouvrages sur le Brésil central est sans doute celui où il rapporte et analyse la déclaration d’un Indien bororo, selon laquelle les Bororos sont des araras, c’est-à-dire de grands perroquets. Cette déclaration a donné lieu à un nombre très important de commentaires et d’interprétations, notamment dans l’anthropologie française à la suite de la discussion qu’en fit Lucien Lévy-Bruhl dans Les fonctions mentales dans les sociétés inférieures (1910). Elle a pu être décrite comme un « totem » de la discipline anthropologique (Smith 1972 : 391).

Devenu ethnologue professionnel, d’abord à l’université de Marbourg puis au Musée d’ethnologie et à l’université de Berlin, von den Steinen consacra ensuite ses recherches principalement à l’art dit primitif. Une mission d’étude en Polynésie dans les années 1897-98 lui permit d’approfondir la question de la figuration à partir de la culture matérielle et des pratiques ornementales des Marquisiens, notamment le tatouage. Ces recherches l’occupèrent jusqu’à la fin de sa vie. Les traductions anglaises (1988) et françaises (2016) de ses ouvrages sur l’art des Marquisiens (1925-1928) ont également fait connaître cette deuxième partie de ses recherches au-delà des frontières de l’Allemagne.

De l’hôpital de la Charité au pôle Sud (1878-1883)

Les présentations biographiques de Karl von den Steinen résument généralement les années précédant les expéditions en Amazonie en quelques phrases. On y apprend que, fils et petit-fils de médecins, il soutient en 1875 une thèse en psychiatrie consacrée à la Chorée, ou danse de Saint-Guy. Cette thèse fait de lui, à vingt et un ans et pour une année, le plus jeune médecin de Prusse, comme cela est parfois souligné (Virchow 1929 : 401).

Il travaille ensuite au service psychiatrique de l’hôpital de la Charité à Berlin puis demande un congé pour un voyage autour du monde, entrepris grâce à une aide financière familiale. Dans un curriculum vitae transmis en juillet 1890 avec sa demande d’habilitation à l’université de Marbourg, von den Steinen évoque son « voyage autour de la terre » qu’il utilisa « dans les états civilisés (Kultustaaten), pour étudier la prise en charge des aliénés (Irrenwesen), dans d’autres régions, et tout particulièrement dans les mers du Sud, pour faire des recherches ethnologiques » [1]. Selon différentes indications, son voyage, qui donne lieu aussi à toute une série d’autres expériences (dont l’alpinisme et le tatouage) et qui paraît marqué notamment par le souvenir de ceux d’Alexandre de Humboldt, dure de septembre 1879 à avril 1881 et le conduit aux États-Unis, à Cuba, Mexico, Hawaii, aux îles Samoa, Tonga, Fidji, en Nouvelle-Zélande, Australie, à Singapour, Java, Hongkong et au Japon. De là, il entame son voyage retour via Ceylan, l’Inde, l’Égypte et l’Italie. La seule publication directement issue de ce tour du monde est l’article « Samoageschichten », paru dans la revue littéraire Nord und Süd et rédigé dans un style intermédiaire entre celui d’une publication scientifique et celui du récit de voyage journalistique. Il ne paraît qu’en 1887, c’est-à-dire environ six ans après le retour de von den Steinen et, surtout, après la première expédition en Amazonie.

Un épisode souvent relaté de ce tour du monde est la rencontre avec Adolf Bastian à Honolulu au printemps 1880. Dans le discours qu’il tient à la mémoire de ce dernier à Berlin le 11 mars 1905, von den Steinen raconte comment il « succomba irrémédiablement au pécheur d’âmes » (dem Seelenfischer unrettbar verfallen) : « Ma vie aurait suivi un tout autre cours si je n’avais pas un jour – il y a tout juste 25 ans – lu dans le registre de l’hôtel de Honolulu le nom “Dr. Bastian – Berlin” ». – Il vous conquérait immédiatement en vous posant de hautes et rares missions et ceci avec une confiance, une assurance telles que l’on se sentait littéralement grandir » (von den Steinen 1905a : 243). C’est à la suite de cette « conversion » à l’ethnologie que von den Steinen décide de passer trois mois à Samoa et commence à collecter des artefacts pour le Museum für Völkerkunde (Musée d’ethnologie) de Berlin. La rencontre avec l’explorateur et collectionneur Wilhelm Joest, fils d’une famille de marchands de Cologne, donne lieu à de moins amples descriptions. C’est pourtant avec cet amateur d’art japonais que von den Steinen entreprend l’ascension du mont Fuji en décembre 1880.

Au retour de ce voyage von den Steinen reprend le travail à la Charité et devient membre de la Berliner Gesellschaft für Anthropologie, Ethnologie und Urgeschichte (Société berlinoise d’anthropologie, ethnologie et préhistoire). C’est sans doute grâce au soutien d’Adolf Bastian, lié d’amitié avec l’un des initiateurs de l’année polaire internationale (1882-1883), l’hydrographe de la marine impériale Georg Neumayer, que von den Steinen obtient peu après la possibilité de participer à une expédition au pôle Sud (Géorgie du Sud), où se trouve l’une des treize stations chargées durant cette année d’effectuer des observations météorologiques, magnétiques et astronomiques autour des deux pôles. Karl von den Steinen assume au sein de l’équipe de sept savants constituée par la Commission polaire allemande, les fonctions de médecin et de zoologue. Le compte rendu de ses observations zoologiques est publié en 1890 dans le deuxième des volumes consacrés à cette expédition.

Von den Steinen y décrit dans un style très vivant le déroulement du séjour sur cette terre inhabitée. Les paysages donnent lieu à des descriptions enthousiastes et poétiques comportant des comparaisons récurrentes avec les Alpes suisses. Les animaux, essentiellement des phoques et des oiseaux, sont décrits de manière très détaillée (apparence physique, localisations, habitudes en fonction des saisons, accouplements, nids, œufs, petits, nourriture).

Il avait été prévu dès le départ, selon une possibilité offerte par le contrat, que von den Steinen et Otto Clauss, le physicien de l’équipe, ne rentreraient pas en Allemagne à l’issue de cette expédition, mais enchaîneraient pour une autre expédition, en Amérique latine. Ils rejoignirent donc à Montevideo un cousin de von den Steinen, Wilhelm von den Steinen, dessinateur formé à l’Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf. De là, les trois hommes partirent vers Buenos Aires puis Rio de Janeiro, où différents contacts leur permirent d’organiser leur expédition, non pas sur le fleuve Pilcomayo comme prévu à l’origine, mais dans la région du Mato Grosso, au centre du Brésil, dans le bassin du Xingú, un affluent du fleuve Amazone, dont ils espéraient localiser la source.

Fig. 1
Héliogravure d’un portrait de Karl von den Steinen, s.d.
© Humboldt-Universität zu Berlin, Universitätsbibliothek

Les deux expéditions sur le Xingú (1884 et 1887)

Cette première expédition a, comme beaucoup d’autres à l’époque, un caractère nettement aventureux et mixte, à la fois économique et scientifique (géographie, ethnologie). L’un de ses buts était de relier la région du Mato Grosso, riche en matières premières, avec la ville de Belém do Pará haut lieu du commerce mondial, et de vérifier si le Xingú était navigable et pouvait permettre de transporter des matières premières depuis le centre du pays vers l’Atlantique. Elle fut soutenue financièrement par un comité d’aide à l’ethnologie (Ethnologisches Hilfskomitee) et par différentes instances gouvernementales brésiliennes, notamment le président de la province du Mato Grosso et le ministère de l’Empire, avec lequel le contact fut établi grâce à l’ambassadeur d’Allemagne en Argentine. Le gouvernement impérial mit à la disposition des trois explorateurs : deux serviteurs, plusieurs « hommes forts » et trente soldats armés, ainsi que des bœufs, des mules, des outils et de la nourriture (Kraus 2004 ; Petschelies 2018). Durant les six mois d’exploration du fleuve Xingú, von den Steinen bénéficia de l’aide d’Antonio, un Indien bakaïri du village de Paranatinga, qui parlait moyennement bien le portugais et lui servit de traducteur. Les Bakaïri « dociles » (zahm) l’aidèrent à aller à la rencontre des Bakaïri « sauvages » (wild), restés sans contact avec le monde occidental car leur région, premièrement était séparée du reste du Brésil par les rapides du Xingú, deuxièmement n’offrait pas de matières premières recherchées.

Au retour, les artefacts rapportés par les membres de l’expédition sont vendus pour 4 500 marks au musée d’ethnologie de Berlin (Kraus 2004 ; Petschelies 2018). Von den Steinen publie les premiers comptes rendus de l’expédition dans les organes de la Gesellschaft für Erdkunde (Société de géographie) et de la Société berlinoise d’anthropologie, d’ethnologie et de préhistoire, avant qu’en 1886 la parution du livre Durch Central-Brasilien ne lui apporte un certain succès. Cet ouvrage, abondamment illustré de gravures réalisées à partir des dessins de Wilhelm von den Steinen (une centaine dans le texte et hors texte) et de Johannes Gehrts (une douzaine hors texte), oscille entre récit d’expédition et monographie ethnographique, inclut des extraits du journal que von den Steinen tint pendant le voyage, de nombreuses descriptions de paysages, de la faune et de la flore, des conditions de vie locales. Il commence par un exposé sur l’histoire de la région du Xingú et une description du Mato Grosso, citant abondamment les sources existantes. Les chapitres suivants retracent le parcours de l’expédition jusqu’à Cuiabá capitale de la province du Mato Grosso, puis les rencontres avec les Bakaïri dociles, les Bakaïri sauvages, les Trumai et d’autres tribus. Il reproduit des légendes bakaïri, consacre un chapitre aux parentés entre langues américaines, à la langue des Caribes, aux noms de la banane, dont von den Steinen fait un marqueur historique et géographique. En annexe, figurent : a) une liste des roches rapportées, b) la littérature utilisée pour les comparaisons linguistiques, c) des vocabulaires de différentes langues indiennes, d) une synthèse du décompte des populations effectué sur place. Dans son compte rendu, Rudolf Virchow insiste sur l’importance des recherches linguistiques de von den Steinen qui lui permirent de confirmer que les Bakaïri étaient sans doute des descendants des Caribes, c’est-à-dire de populations rencontrées par Colomb à son arrivée en Amérique. Ceux-ci auraient été originaires du centre du continent puis auraient migré vers les îles (Virchow 1886). Un autre compte rendu est publié par Paul Ehrenreich qui reproche à von den Steinen de ne pas avoir utilisé la photographie et de ne pas pouvoir livrer ainsi de sources anthropologiques fiables (ici au sens de l’anthropologie physique) (Ehrenreich 1886 ; Hempel 2015 : 209).

Von den Steinen souhaitait poursuivre ses recherches ethnologiques et candidata à cet effet pour le poste de secrétaire général de la Société de géographie. Une lettre du 14 juillet 1886 à Wilhelm Reiß, président de cette dernière, montre qu’il redoute de devoir reprendre ses fonctions de psychiatre puisqu’il n’a pas les moyens de financer lui-même une nouvelle expédition pour approfondir les résultats de la première. [2] C’est finalement grâce à l’aide financière de la Fondation Alexander von Humboldt (Alexander von Humboldt Stiftung), que von den Steinen organise une deuxième expédition en 1887-1888. Il y est de nouveau accompagné de son cousin et d’un membre de l’expédition au pôle Sud, Peter Vogel, financé par la Fondation Carl Ritter (Carl Ritter-Stiftung) de la Société de géographie, destinée à soutenir les recherches dans le domaine de la géographie. Ce dernier est chargé d’établir cartes et relevés astronomiques et géologiques. A ce groupe s’ajoute cette fois-ci un ethnologue, Paul Ehrenreich.

Après avoir été retenus dans la région de Sainte-Catherine en raison d’une épidémie dans le Mato Grosso et y avoir effectué des recherches sur les sambaquis, des vestiges néolithiques comportant notamment des fragments de squelettes et des outils, et avoir étudié les émigrants allemands, les membres de l’expédition purent se mettre en route vers Cuiabá en mai. Ils y recrutent des accompagnateurs ; le corps expéditionnaire est cette fois-ci beaucoup plus réduit qu’en 1884 : il comprend entre autres Antonio, que von den Steinen a retrouvé sur place. Partis de Cuiabá le 28 juillet, ils y reviennent le 31 décembre 1887 après avoir visité onze villages, ceux des Bakaïri, Nahukuá, Mehinakú, Aweti, Yawalapiti, Kamaiurá, Trumai. Ils passent ensuite deux mois à emballer les artefacts collectés — plus de 2 000 objets iront au Musée ethnologique de Berlin (Rebok 2002 : 379) – et à mettre en ordre leurs notes. Ils font venir des Paressi à Cuiabá pour les étudier puis séjournent en mars et avril 1888 chez les Bororos vivant à San Lourenço dans une colonie militaire. Finalement, Karl von den Steinen et son cousin Wilhelm arrivent en juillet 1888 à Rio de Janeiro, où ils sont invités par l’empereur Pedro II et par la Société de géographie (Von den Steinen 1887b et 1888c ; Petschelies 2018 : 561-562).

Au retour de cette expédition von den Steinen est habilité en ethnologie à l’université de Marbourg en 1890 et obtient donc l’autorisation d’y enseigner cette matière. Il y tient le 20 octobre 1890 une conférence inaugurale sur « les débuts de la peinture et l’évolution des ornements géométriques chez les peuples « naturels » » (Über die Anfänge der Malerei und die Entwicklung geometrischer Ornamente bei Naturvölkern), puis est nommé professeur en 1891. Les premières sources rapportées du Brésil qu’il exploite, sont ses relevés ayant trait à la langue des Bakaïri. Son livre Die Bakaïri-Sprache, Wörterverzeichnis, Sätze, Sagen, Grammatik (La langue bakaïri, répertoire de mots, phrases, légendes, grammaire) paraît en 1892. Von den Steinen souligne dans l’introduction la difficulté de l’entreprise, l’aide apportée par un collègue de Marbourg, Georg Wenker, auteur d’un Deutscher Sprachatlass (Atlas des langues germaniques). L’ouvrage s’ouvre par une présentation des Bakaïri qui se distinguent en deux groupes : d’un côté les Bakairi de l’Ouest, christianisés dans les années 1820 mais « comprenant de leur nouvelle religion aussi peu que de l’analyse spectrale », considérés comme type même des « índios mansos » (Indiens dociles) ; de l’autre les Bakaïri de l’Est, « índios bravos » (Indiens sauvages). Chez les premiers, les mœurs et la vie communautaire sont selon von den Steinen en déclin rapide, tandis que les seconds, dont il visita quatre villages en 1884 et trois autres en 1887, sont décrits comme « des hommes hospitaliers, bienveillants dont la confiance était facile à gagner puisqu’ils n’avaient jamais vu un Blanc » (Von den Steinen 1892 : III-IV).

Von den Steinen entend reconstituer grâce aux comparaisons la langue d’origine (Grundsprache) des Caribes (littéralement « ceux qui sont différents »), indépendamment de la question très débattue de leur implantation géographique et de leurs migrations. Il indique s’être appuyé essentiellement sur Antonio, dont un portrait photographique ouvre le volume, et tente d’expliquer au lecteur les difficultés de cette collaboration. D’une part, Antonio ne comprend pas tout d’abord ce que signifie traduire. Il ne fait pas la différence entre cette opération et une situation de dialogue courant : il change les pronoms (traduit « tu es » par « je suis »), refuse de traduire un énoncé qu’il juge erroné (Von den Steinen 1892 : VI). D’autre part, certaines notions restent incompréhensibles pour lui selon von den Steinen, malgré les efforts déployés, ainsi de la notion d’ « amour » (Von den Steinen 1892 : IV).

En dépit de ces difficultés, l’ouvrage propose à partir des mots, phrases et récits rassemblés une étude de la langue bakaïri. Il présente un alphabet, un lexique allemand-bakairi et/ou bakairi-allemand par grands thèmes (parties du corps, famille et société, âme et langage, ethnologie, nature, animaux, plantes). Une deuxième partie est consacrée à l’étude des sonorités (Lautlehre) de la langue d’origine des Caribes ; la troisième revient à partir de celle-ci à la langue bakaïri et en étudie la grammaire (noms propres, adjectifs, pronoms, expression du lieu et du temps, modalité, interjections, verbes). Von den Steinen ne se livra à des recherches linguistiques qu’à une seule autre occasion, en éditant un dictionnaire de la langue des Shipibo (Pano) à partir du manuscrit d’un moine franciscain retrouvé en 1884 par le naturaliste autrichien Richard Payer (Von den Steinen 1904).

En 1892, von den Steinen quitte Marbourg, arguant du fait qu’il lui est impossible de mener ses recherches à bien sans disposer des collections d’un musée. Il s’installe à Berlin, où il occupe un poste au Musée d’ethnologie à partir de 1893. Le récit et le résultat de la deuxième expédition sur le fleuve Xingú, Unter den Naturvölkern Zentral-Brasiliens, paraît en 1894. Il insiste sur le fait qu’il l’a écrit pour un public large et remercie l’éditeur d’avoir maintenu le prix à un niveau raisonnable. Notons qu’une version plus spécifiquement destinée au « grand public » (Volksausgabe) sortira en 1897 et que von den Steinen deviendra même quelques années plus tard sous le nom de « Professeur Sturmfels » le héros d’un roman d’aventure, Durch Urwald und Sertao (A travers forêt vierge et Sertao, 1916), de Reinhard Roehle, (voir Ulrich von den Steinen 2010 : XXI).

Tous les commentaires soulignent combien le deuxième ouvrage de von den Steinen sur le Brésil central, fondateur pour l’exploration ethnographique de l’Amérique du Sud, est plus abouti que le premier. Si le style est toujours aussi vivant, la deuxième expédition est de nature plus « professionnelle » comme von den Steinen l’explique lui-même, parce qu’elle fut mieux préparée et parce que le terrain était déjà connu. L’ouvrage suit pendant les sept premiers chapitres le déroulement chronologique de l’expédition. Les souvenirs de la première expédition introduisent une épaisseur temporelle et une dimension comparative. La ville de Cuiabá donne lieu à une description de la situation politique locale et de l’opposition entre « libéraux » et « conservateurs », un revirement politique intervenu depuis le dernier passage de von den Steinen compliquant l’organisation de l’expédition. Après l’établissement de deux camps de base successifs, baptisés Independência I et II, vient la rencontre avec les premiers Indiens. Le cinquième chapitre décrit la semaine que von den Steinen passe seul auprès des Bakaïri, alors que ses acolytes retournent au camp de base, comme une « idylle » : le fait qu’il soit seul parmi les Indiens avait créé d’après lui une intimité très particulière et fait de ces jours parmi les plus heureux de sa vie (1894 : 56).

Les sept chapitres suivants sont organisés de manière thématique et consacrés a) à la classification des tribus (géographie, langues, anthropologie physique) ; b) aux ornements (de la peau et des cheveux) en rapport avec les modes de vie et les techniques (outils, maîtrise du feu) ; c) aux dessins et aux ornements dessinés ; d) aux masques et ornements liés aux danses ; e ) au droit, aux coutumes, à la magie, la médecine ; f) à la science et aux légendes ; g) à l’art de compter. L’ouvrage se termine par une présentation des h) Paressi et i) des Bororo ; j) la description du retour à Cuiabá et en Europe ; k) des annexes.

Une grande partie de l’ouvrage est consacrée à la description des tribus, aux différences entre celles-ci, aux compétences particulières à certaines, comme dans le cas des talents artistiques des Aweti, aux modalités de la vie en leur sein. Comme von den Steinen le note vers la fin de l’ouvrage, deux tribus les ont occupés plus que les autres : ce sont les Bakaïri et les Bororo. Von den Steinen critique la notion d’« hommes de l’âge de pierre » (Steinzeitmenschen), sans oublier que c’est bien à la recherche de tels hommes qu’ils étaient partis. Certes, les populations indigènes d’Amazonie ne travaillent pas le métal et vont mimer pour les membres de l’expédition la difficulté à abattre un arbre avec leurs haches de pierre pour les convaincre de leur offrir leurs propres outils. Mais pour von den Steinen il ne saurait être question pour autant de les assigner « au bas d’une échelle » évolutive et de considérer qu’ils sont équivalents à des hommes préhistoriques (1894, 208). Une telle vision empêche de considérer leurs rapports avec leur environnement et la manière dont ils le mettent au service de leurs progrès (1894, 205). La culture du manioc, par exemple, est décrite comme un « accomplissement » (1894, 212). Von den Steinen souligne à cette occasion « que dans la vieille Europe aussi, il existe suffisamment de villages, dans les montagnes et sur les côtes, où on mène un mode de vie plus misérable qu’au bord du Kulisehu » (1894, 209).

Comme le montre cet exemple, von den Steinen pratique de manière régulière la comparaison et la mise en perspective entre son monde et celui des Indiens. Il opère des rapprochements entre certaines fêtes indiennes et le carnaval rhénan (1894, 299), la dignité des femmes indiennes obtenue à travers leurs compétences agricoles et le combat des femmes européennes pour le droit au travail (1894, 218), sorcellerie indienne et superstitions européennes (1894, 342). Il a souvent recours à des figures indiquant une symétrie ou une inversion. Parfois, au contraire, le mode de vie des Indiens lui fait prendre conscience des particularités du sien, ainsi lorsqu’observant les pratiques calculatoires des Bakaïri, il évoque par contraste « nous, qui vivons dans les nombres » (1894, 409).

Au fil des chapitres, il étudie leur rapport au temps et à l’espace et considère notamment que leur sens de l’orientation est mal compris par les « hommes cultivés » (Kulturmenschen) lorsqu’ils l’assimilent à un « instinct ». Ce sens de l’orientation s’appuie sur une mémoire et une chronologie particulières ainsi que sur un sens impressionnant de l’observation et du détail, et doit être requalifié selon lui comme une forme de « savoir » (1894, 133).

Von den Steinen s’intéresse aussi au rapport des Indiens à la pudeur, notant qu’elle ne s’applique pas chez eux à la nudité des corps, mais à la prise de nourriture, pour laquelle on se détourne des autres mangeurs, voire on s’isole. On a beaucoup glosé sur les développements de von den Steinen concernant la nudité et la sexualité des Indiens. En réalité, ceux-ci sont dépourvus de tout sensationnalisme, von den Steinen n’oubliant jamais la perspective du médecin et insistant avant tout sur l’utilité, notamment de l’ornementation complexe de la sphère génitale : tant l’allongement du prépuce, que le fin triangle de tissu recouvrant la vulve, l’uluri, sont avant tout destinés à protéger les muqueuses, ce qui n’exclut pas des dérivations symboliques. C’est cette lecture « utilitariste » et pragmatique qu’il applique également à l’égard des pratiques artistiques, vues comme issues d’un surcroît d’énergie (1894, 174). Dans le cas des pratiques religieuses, il considère que « toujours l’utile et le nécessaire précèdent le sacré » (1894, 222). Il note cependant combien on s’habitue rapidement jusque dans l’ inconscient à la nudité, comme l’atteste un rêve où il se voit chez lui au milieu de ses connaissances, toutes nues, puis lors d’un dîner, où sa voisine lui explique que tous se promènent désormais ainsi (1894, 64).

Il fait également appel à ses expériences personnelles lorsqu’il est question de la relation des Bakaïri à la mort, envisagée par eux non comme une nécessité propre à tous les hommes, mais comme résultat d’un tort infligé par un autre être. Il se souvient alors avoir lui-même eu de la difficulté à admettre cette donnée anthropologique et s’être un temps convaincu qu’il ferait exception (1894, 348). Il note également que pour les Bakaïri la vie continue après la mort, cette dernière étant semblable au sommeil, où le corps est immobile mais où l’âme rêve.

Un autre aspect important de « la science et de la légende des Bakaïri » concerne le rapport aux animaux, sachant qu’il manque chez eux selon von den Steinen toute « séparation conceptuelle » (begriffliche Scheidewand) entre humains et animaux et entre les différentes espèces animales. Les histoires que les Bakaïris racontent au sujet des animaux, dotés par eux d’outils et de capacités culturelles, ne sont pas destinées à les divertir ; ils y croient, note von den Steinen, « comme tout chrétien convaincu aux miracles de la Bible » (1894, 351). Il ne s’agit pas selon lui d’anthropomorphisme, car les animaux sont ici autant des animaux que des humains. Les Bakaïri disent des Trumai qu’ils sont des poissons parce qu’ils dorment au fond du fleuve (1894, 352), les Bororo d’eux-mêmes qu’ils sont des perroquets : von den Steinen insiste sur le fait que ces déclarations ne sont pas de nature comparative ou métaphorique mais indiquent une véritable identité et satisfont le « besoin causal » des Indiens (1894, 353). La relation que les Indiens entretiennent avec les animaux est également longuement évoquée lorsqu’il est question de l’omniprésence de ceux-ci dans les ornementations et dans les mythes.

Le dixième chapitre sur le dessin est sans doute l’un des plus connus de l’ouvrage, notamment parce qu’il contient les dessins que les membres de l’expédition firent exécuter par les Indiens, dont les portraits de von den Steinen et d’autres membres de l’expédition. Ici aussi, von den Steinen développe son idée d’une primauté du dessin « utilitaire ». Issu du geste explicatif, le signe communicatif est pour lui plus ancien que le signe esthético-ornemental (1894, 244) : il sert à indiquer des chemins, à localiser animaux et plantes. S’intéressant aux motifs ornementaux sur les poteries, les maisons, les habits et les masques, von den Steinen consacre de longs développements au motif du mereshu, souvent réduit à un triangle, dont il montre qu’il renvoie à un poisson. La géométrisation n’est connue selon lui qu’en rapport avec des supports concrets. De la question de l’ornement géométrique, von den Steinen passe au calcul et consacre de longs développements à l’utilisation par les Bakaïri de leurs doigts et de leurs orteils pour compter, en insistant sur le fait que les limites de leurs compétences mathématiques ne sont pas dues à une incapacité mentale. Leur degré d’abstraction correspond strictement à leurs besoins (1894, 409).

Un lecteur français d’aujourd’hui peut être étonné par l’absence de certains auteurs dans cet ouvrage. Les références de von den Steinen, autres que les récits d’expédition concernant la région étudiée, sont principalement allemandes : Adolf Bastian bien sûr, Wilhelm Joest (sur le tatouage), Richard Andree (sur les parallèles ethnographiques). Une exception est constituée par Andrew Lang, dont il loue l’analyse consacrée au rhombe dans Custom and Myth (1885) parce qu’elle aurait mis fin à l’illusion que toute invention est unique et ne peut émaner que d’un endroit du globe d’où elle donne lieu ensuite à des emprunts (1894, 498).

Karl von den Steinen et les îles Marquises (1897-1898)

Comme l’indique Franz Boas dans la nécrologie de son collègue et ami, la question de l’art dit primitif était depuis ses séjours au Brésil une des préoccupations principales de von den Steinen (Boas 1929 : 7-8). Selon Boas, qui publia lui-même en 1927 son ouvrage Primitive Art (L’Art primitif) von den Steinen soutenait dans ses publications amazoniennes l’idée que tous les arts géométriques se développèrent à travers une conventionalisation de formes réalistes, naturalistes. Plus tard, il aurait abandonné ce point de vue et la valeur de ses ouvrages sur les Marquises réside selon Boas dans la tentative d’interpréter sur la base d’analyses formelles méticuleuses les nombreuses directions que les formes artistiques prennent sous l’effet de la technique et d’une réinterprétation constante. C’est cette deuxième hypothèse que von den Steinen aurait cherché à vérifier dans ses recherches sur l’art des Marquisiens.

C’est en tant qu’employé du Musée d’ethnologie de Berlin que von den Steinen retourne effectivement en Polynésie en 1897. Sur le bateau qui le conduit d’abord au Canada (Vancouver, côte nord-ouest), puis à San Francisco et, de là, aux îles Marquises, il se prépare en commençant à apprendre la langue marquisienne. Muni d’une recommandation de son gouvernement au gouverneur français de Tahiti (dont les Marquises dépendaient), de recommandations pour les missions catholiques et protestantes et du soutien de la Société commerciale de l’Océanie établie à Hambourg, il séjourne six mois sur ces dernières, parcourt toutes les vallées et tous les villages des douze îles, dont certaines sont habitées, d’autres non. Il a recours à des traducteurs, surmonte une certaine culture du secret, puisque le fait de connaître une légende était considéré comme une véritable « possession », paie ses informateurs, parfois même des sommes exorbitantes, comme il le décrit avec humour (von den Steinen 1898). Dans ses lettres à sa femme, il évoque ses relations avec les locaux, les difficultés pour rassembler des informations sur les pratiques en voie de disparition, pour les traduire, les heures passées à développer les photos dans le laboratoire qu’il a installé (Lichtenstein 2007). Comme dans le cas d’Antonio au Brésil central, les figures de ses informateurs ne restent pas anonymes et nous disposons ici aussi d’un portrait photographique de son informatrice préférée aux Marquises, Tahia-‘o-te-‘ani (Von den Steinen 2014).

Dans le compte rendu de son séjour, publié peu après son retour fin 1898, dans la revue de la Société de géographie, von den Steinen explique les raisons qui l’ont poussé à effectuer des recherches aux Marquises : connaissant déjà Hawaii, Samoa, Tonga, Fidji et la Nouvelle-Zélande, il avait souhaité découvrir également la Polynésie sud-orientale et choisi les îles Marquises notamment parce qu’Arthur Baessler avait déjà réalisé des recherches très fécondes dans la région de Tahiti, et parce qu’on estimait qu’elles avaient préservé leur culture plus que les autres îles polynésiennes. Après un bilan démographique en forme de réquisitoire, von den Steinen passe au récit du voyage lui-même et décrit ensuite l’« exploit admirable » de cette famille de peuples qui est parvenue à propager dans une portion du globe plus étendue que l’Asie, un type humain, une langue, un patrimoine culturel, une conception de la nature et un ensemble de croyances. Les interrogations que suscite cet exploit ne pourront être résolues qu’en approfondissant toutes les questions de détail. Pour cela, « le matériel marquisien disponible dans les musées n’était pas seulement peu abondant – ce qui était bien pire, il manquait les explications des indigènes ! » (Von den Steinen 1898 : 489.) Ayant approfondi ses connaissances linguistiques, recueilli nombre de récits et de variantes, il lui restait encore à essayer de pénétrer dans une pensée dont il souligne la complexité.

Au retour de son expédition aux îles Marquises, von den Steinen passe par la Nouvelle-Zélande, car il estime avoir besoin de découvrir l’art maori par contraste avec l’art marquisien, puis fait un détour au printemps 1898 par les mesas des Hopi qui suscitent à l’époque un grand intérêt en Allemagne et ailleurs. Il en rapporte vingt poupées kashina pour le Musée d’ethnologie de Berlin et une collection de photos faites à Oraibi chez les Indiens moki (Sanner 1996). Mais c’est bien à l’exploitation des sources marquisiennes que von den Steinen consacre les dernières années de sa vie. Ayant quitté ses postes à l’université et au Musée d’ethnologie, il parcourt les musées du monde entier (musées d’ethnologie, musées des baleiniers américains, des explorateurs, des missionnaires et des marins européens) à la recherche d’objets polynésiens pour compléter son panorama. L’étude sur l’art des marquisiens qui en résulte, sous la forme de trois volumes à l’iconographie très riche, ne peut paraître entre 1925 et 1928 que grâce à l’aide de Franz Boas, d’un fonds américain (Emergency Society for German and Austrian Science) et d’une organisation de secours à la science allemande (Notgemeinschaft der deutschen Wissenschaft).

Le premier volume, Tatauierung mit einer Geschichte der Inselgruppe und einer vergleichenden Einleitung über den polynesischen Brauch (Tatouage et histoire des îles et une introduction sur cette coutume), s’ouvre par une préface, où von den Steinen indique qu’une part d’auto-illusion entrait dans ce retour en Polynésie, les formes de vie des locaux étant depuis longtemps « teintées de nouvelles conceptions du bonheur, sur terre comme au ciel » (2016, I, p. 5). Il arrive donc chez les « derniers sauvages », comme il l’écrit ironiquement et avec des guillemets, « environ un demi-siècle trop tard ! » (Von den Steinen 1925, s. p.). Suit une « Bibliographie des Marquises », c’est-à-dire un rappel historique et ethnographique à partir d’écrits des années 1595 à 1842, qu’il s’agisse de ceux des premières découvertes, des navigateurs du XIXe siècle ou de la « littérature » de l’époque coloniale, incluant les missions et, selon le titre de l’une des sections, « Les derniers mais non les moindres : les matelots ! » (2016 : p. 52). Une particularité est qu’il compare ces récits avec les dires des indigènes. Il y ajoute des cartes, une chronologie des séjours des auteurs, une liste des noms portés par les îles et de leurs différentes orthographes, une esquisse historico-ethnographique établie à l’aide de la littérature rassemblée.

Pour l’étude du tatouage proprement dit, il commence par une présentation générale des usages et des significations du tatouage lui-même, se demandant notamment si l’utilisation d’un même motif indique un « club fermé » ou si elle est avant tout individualisée. Au centre de son intérêt se trouvent les motifs eux-mêmes, dont il souligne et analyse la grande variété, proposant pour finir une synthèse de leurs principales caractéristiques stylistiques. Il s’aide pour cela d’ouvrages plus anciens, comme le récit du séjour aux Marquises de Georg Heinrich Langsdorff dans Bemerkungen auf einer Reise um die Welt in den Jahren 1803 bis 1807 (Remarques faites lors d’un voyage autour du monde dans les années 1803 à 1807), publié à Francfort/Main en 1813. Si les gravures de Marquisiens tatoués d’après des dessins de Wilhelm Gottlieb von Tilesius intégrées à cet ouvrage sont restées « muettes », malgré leur précision « naturaliste » et leur qualité esthétique, elles n’en permirent pas moins à von den Steinen d’étudier l’évolution des styles et de distinguer dans le tatouage un « style moderne » d’un « style traditionnel ». Le volume se termine par un index des noms de motifs et les illustrations correspondantes.

Les deux volumes suivants, sur la « Plastique » et les « Collections » (ce dernier en grand format), constituent un tout et sont consacrés à la culture matérielle des Marquisiens. Dans sa préface aux volumes II et III, von den Steinen indique qu’il aurait aimé publier ces deux volumes avant celui consacré à l’ornementation corporelle, mais que pour des raisons indépendantes du contenu, il dut les faire précéder par ce dernier. Il donne ici une liste des collections publiques et privées, d’Amsterdam à Zurich en passant par Chicago, Leningrad et Santiago du Chili, qu’il a explorées pour établir sa synthèse.

L’ouvrage sur la plastique s’ouvre avec une introduction sur la culture matérielle, passée en revue dans ses différents domaines : vêtements, parures, habitats, activités liées à l’eau, armes et signes honorifiques, instruments de musique, sports et jeux, nœuds, sacralia, huttes mortuaires. Von den Steinen indique qu’il y étudie les objets en tant que tels, « sans considérer leur valeur ornementale » (2016, II, p. 9). Tout comme il a essayé dans le cas des motifs des tatouages de rassembler les noms, les significations, les récits associés, il s’efforce de lier objets, usages et récits pour percer la logique profonde de cette culture matérielle.

L’essentiel de l’ouvrage est toutefois consacré à la sculpture sur bois, caractérisée par deux éléments fondamentaux : a) les motifs de tissage présents en Polynésie depuis les origines, b) la figure humaine, tiki, réalisée non pas d’après les vivants mais d’après « l’observation de la statue funéraire et du crâne relique du culte des ancêtres, ou du trophée du chasseur de têtes » (2016, II, p. 5). Dans le culte des ancêtres, les tikis ont remplacé l’authentique tête de mort, puis ont suivi un long chemin depuis l’original sacré jusqu’à la forme ornementale abstraite dans une différenciation infinie. Il paraît « remarquable et intéressant » à von den Steinen « que les Marquisiens aient non seulement tatoué (sur leur corps) leurs trophées de crânes, mais qu’ils aient aussi figuré les têtes coupées sur leurs marae (lieux sacrés destinés à différents cultes et cérémonies), en de gigantesques agrandissements sculptés » (2016, II, p. 225). Les Marquisiens ne tatouaient donc pas seulement les crânes-trophées, mais disposaient aussi les sculptures monumentales de têtes coupées sur le marae, (1928(1), 219). Dans les développements sur les rapports entre culte et art, l’art des Marquisiens est analysé comme étant à l’origine un art de « chasseurs de têtes » passionnés, qu’il s’agisse de ceux des parents et amis ou d’ennemis tués au combat (2016, II, p. 110).

L’étude des tikis commence par les rares exemples de tikis en pierre puis passe aux tikis en bois et à leurs différentes figures : lézard, « bébé » (figurines aux bras levés), corps humain, visage, tortue (Etua). Dans une perspective historique, von den Steinen distingue un style principal et un style tardif et consacre également quelques pages à l’industrie touristique qui produit déjà des copies des objets marquisiens traditionnels dans certaines îles. Il imagine le désespoir de la génération qui vit disparaître les objets authentiques et leurs usages, mais il ne dénie pas une certaine qualité artistique aux nouvelles réalisations (2016, II, p. 224).

Dans un chapitre final en forme de rétrospective von den Steinen livre ses conclusions théoriques concernant l’ornement, ses origines, ses fonctions, ses formes. Elles s’inscrivent dans un débat international dont les principaux représentants sont cités ; la position de von den Steinen se démarque ici par sa grande prudence dans l’utilisation de la notion de symbole. Pour décrypter les ornements, il met en relation motifs et récits, insistant sur les changements qu’entraîne le passage de la plastique tri-dimensionnelle à l’ornementation bi-dimensionnelle. Il interroge les relations entre image, motif et écriture, entre figuration, stylisation, géométrisation et abstraction. Plutôt que l’hypothèse d’un caractère naturaliste de ces ornements (telle que proposée par exemple par Felix von Luschan, qui assimilait les décorations sur les canoës à des vagues), il retient l’idée d’une combinaison d’« abstraction » et d’« imagination » dans un « libre jeu » d’associations et d’interprétations. Cela l’amène à poser un « royaume intermédiaire » (Zwischenreich), né des convergences entre image figurative (souvent relative au corps humain) d’un côté et motif plectogène (directement issu de la relation entre technique et matériau) de l’autre, qui s’entremêlent notamment en raison des (ré)interprétations auxquelles ils donnent lieu en permanence. Il se méfie des interprétations des ethnologues tout comme de celles des locaux, les croise entre elles, puis avec les sources anciennes et enfin avec ses propres observations effectuées directement sur les objets. L’importance accordée à ceux-ci en tant que sources est considérable, comme le montre le troisième volume, composé principalement de photos et de dessins (notamment des objets de la collection personnelle de von den Steinen).

Les travaux sur l’art des Marquisiens devaient être complétés par des recherches sur leur mythologie. Seule une série d’articles inachevée put paraître de manière posthume, entre 1933 et 1934 dans la Zeitschrift für Ethnologie (Revue d’ethnologie). Von den Steinen y examine séparément chacun des vingt-deux mythes présentés. Il liste d’abord toutes les versions existantes, qu’elles aient été établies par des études occidentales ou proviennent de sources locales. Loin de se lancer dans de vastes comparaisons relativement floues, comme le faisait souvent Bastian, von den Steinen analyse des proximités, des variations et des migrations probables, essentiellement au sein de l’aire océanienne. Il relève ainsi dans une légende marquisienne la présence d’un mythe maori qu’il qualifie de « parallèle », et en déduit l’existence d’un patrimoine légendaire plus ancien. Lorsqu’il étudie des mythes concernant des tribus rivales ou ennemies, il s’intéresse aux rapports entre les versions des deux tribus, comme dans le mythe de la grande et de la petite anguille, présent à Nuku Hiva et à Fatuiva. Par ailleurs, il analyse la manière dont des événements historiques sont inscrits dans le mythe (de manière précise ou vague) et le rapport que ce dernier entretient avec des localités précises.

Grâce à la publication en 2014 d’un extrait facsimilé de quarante huit pages du carnet de terrain concernant l’île de Hiva’oa [3], nous pouvons désormais nous faire une idée de la façon dont travaillait von den Steinen. Ce carnet obéit à l’organisation suivante : sur la page de gauche se trouve la retranscription d’un récit en langue marquisienne, sur la page de droite les tentatives de traduction de ce récit et d’autres annotations (en français, allemand et anglais) [4]. Nous voyons ainsi comment von den Steinen essaie petit à petit de reconstituer le mythe de Kena, qui décrit le parcours initiatique de ce dernier sur l’île de Hiva’oa, en lien avec la pratique du tatouage à laquelle il donne sens.

Karl von den Steinen aujourd’hui

Il a été souligné récemment que dans les universités brésiliennes la tradition anthropologique et ethnologique allemande ne jouit pas actuellement d’une grande faveur (Vermeulen, Pinheiro et Schröder, 2019). Le dernier ouvrage d’envergure consacré aux explorations et recherches de von den Steinen dans la région du Xingu n’en a pas moins été publié au Brésil (Coelho, 1993).

Parmi les ethnologues allemands qui se sont rendus en Amazonie ou en Polynésie Karl von den Steinen est l’un des seuls à être connu en dehors du cercle des historiens de l’ethnologie et de l’anthropologie. Ceci est dû sans doute à la clarté et à la précision tout autant qu’à la vivacité de ses descriptions de situations, de pratiques, d’échanges linguistiques et d’artefacts, résultant en partie de la qualité des échanges qu’il sut nouer avec les personnes rencontrées. Ce qui l’animait n’était pas avant tout une nostalgie romantique – même si von den Steinen regrette le charme des traditions anciennes perdues – mais le fait que ces vestiges du passé avaient à ses yeux une valeur inestimable. Le soin qu’il prit à les décrire reposait sur la conviction que les pratiques des populations rencontrées (et leurs matérialisations) étaient porteuses de sens, même si ces dernières en avaient parfois elles-mêmes perdu la mémoire. Ce sens pouvait être reconstitué selon lui en cumulant et en croisant un nombre important de sources de nature différente (images, textes, objets), sans oublier les « explications des indigènes ».

C’est peut-être ce qui explique que von den Steinen ne soit pas resté seulement dans la mémoire des ethnologues ou des membres de sa famille (dont un certain nombre sont eux-mêmes devenus ethnologues et/ou ont écrit sur lui), mais aussi dans celle des populations qu’il étudia. En Polynésie, des photocopies de ses ouvrages circulent aujourd’hui et servent aux tatoueurs locaux pour maintenir ou se réapproprier cette tradition, aux érudits pour confronter passé et présent. Comme en témoigne l’économiste Bertram Schefold, qui profita d’un colloque au Brésil au début des années 2000 pour se rendre à Cuiabá sur les traces de son grand-père, les descendants d’Antonio y cultivent encore aujourd’hui la mémoire de Karl von den Steinen. L’un d’entre eux exprime à cette occasion son souhait que les deux familles refassent en commun l’expédition et que la sienne puisse découvrir les collections d’objets se trouvant en Allemagne et fonder un musée pour les Bakaïri. Comme l’indique Bertram Schefold, ce projet n’avait pas encore pu aboutir en 2003, date de publication de l’article.

Bibliographie

Publications de Karl von den Steinen

Ouvrages

1875. Über den Antheil der Psyche am Krankheitsbilde der Chorea, Inaugural-Dissertation der Medicinischen Fakultät zu Strassburg zur Erlangung der Doctorwürde, Strassburg, Karl J. Trübner.

1886. Durch Central-Brasilien. Expedition zur Erforschung des Schingú im Jahre 1884, Leipzig, F.A. Brockhaus.

1892. Die Bakaïri-Sprache, Wörterverzeichnis, Sätze, Sagen, Grammatik, Leipzig, Köhler.

1894. Unter den Naturvölkern Zentral-Brasiliens, Reiseschilderungen und Ergebnisse der Zweiten Schingú-Expedition 1887-1888, Berlin, Reimer.

1897. Unter den Naturvölkern Zentral-Brasiliens. Reiseschilderungen und Ergebnisse der Zweiten Schingú-Expedition 1887-1888, Zweite Auflage als Volksausgabe, Berlin, Reimer.

1904. Diccionario Sipibo. Castellano-Deutsch-Sipibo. Apuntes de Gramática. Sipibo-Castellano. Abdruck der Handschrift eines Franziskaners, mit Beiträgen zur Kenntnis der Pano-Stämme am Ucayali, herausgegeben von Karl von den Steinen, Berlin, Reimer.

1925-1928. Die Marquesaner und ihre Kunst. Studien über die Entwicklung primitiver Südseeornamentik nach eigenen Reiseergebnissen und dem Material der Museen, Berlin, Dietrich Reimer (Ernst Vohsen), 3 vol.

 Bd. 1 Tatauierung: mit einer Geschichte der Inselgruppe und einer vergleichenden Einleitung über den polynesischen Brauch, 1925.

 Bd. 2 Plastik: mit einer Einleitung über die “Materielle Kultur” und einem Anhang “Ethnographische Ergänzungen”, 1928.

 Bd. 3 Die Sammlungen, 1928.

Chapitres d’ouvrages et articles (sélection)

1885a. « Erforschung des Rio Xingú », Verhandlungen der Gesellschaft für Erdkunde zu Berlin, 12, p. 216-228.

1885b. « Die Schingu-Indianer in Brasilien, Verhandlungen der Berliner Gesellschaft für Anthropologie, Ethnologie und Urgeschichte », Zeitschrift für Ethnologie, 17, p. 94-98.

1886. « Die Schingu-Indianer und ihre Verwandten », Korrespondenzblatt der Deutschen Gesellschaft für Anthropologie, Ethnologie und Urgeschichte, Braunschweig VXII, p. 42-44.

1887a. « Samoageschichten », Nord und Süd, 41, Heft 123, p. 411-426.

1887b. « O Rio Xingú. Observações do Sr. Carlos von den Steinen sobre a exploração do Rio Xingú, em sessão de 8 de Março de 1887 », Revista da Sociedade de Geographia do Rio de Janeiro, t. III, Boletim 1, p. 95-106.

1887c. « Sambaki-Untersuchungen in der Provinz, Verhandlungen der Berliner Gesellschaft für Anthropologie, Ethnologie und Urgeschichte », Zeitschrift für Ethnologie, 19, p. 445-450.

1888a. « Über seine zweite Schingu-Expedition », Verhandlungen der Gesellschaft für Erdkunde, 15, p. 369-387.

1888b. « Ein Totenfest bei den Bororo-Indianern », Verhandlungen der Gesellschaft für Erdkunde, 15, p. 483-489.

1888c. « O rio Xingú. Conferencia feita pelo Dr. Carlos von den Steinen, socio da Sociedade de Geographia do Rio de Janeiro, em sessão de 17 de Julho de 1888, honrada com a presença de S. A. a Princeza Imperial Regente, e de seu augusto esposo S. A. o Sr. Príncipe Conde d’Eu », Revista da Sociedade de Geographia do Rio de Janeiro, t. IV, Boletim 3, p. 189-212.

1890. « Allgemeines über die zoologische Thätigkeit und Beobachtungen über das Leben der Robben und Vögel auf Süd-Georgien », in G. Neumayer (éd.), Die Internationale Polarforschung 1882–1883. Die deutschen Expeditionen und ihre Ergebnisse. Band II. Beschreibende Naturwissenschaften in einzelnen Abhandlungen, etc. Berlin, Asher, p. 194–279.

1896. « Prähistorische Zeichen und Ornamente », in Festschrift für Adolf Bastian zu seinem 70. Geburtstage 26. Juni 1896, Berlin, Reimer, p. 247-288.

1898. « Reise nach den Marquesas Inseln », Verhandlungen der Gesellschaft für Erdkunde zu Berlin, 25, p. 489-513.

1903a. « Über den XII. Internationalen Amerikanisten-Kongress in New York und die ethnologischen Museen im Osten der Vereinigten Staaten », Verhandlungen II, Zeitschrift für Ethnologie, 35, p. 80-92.

1903b. « Marquesanische Knotenschnüre », Korrespondenzblatt der Deutschen Gesellschaft für Anthropologie, Ethnologie und Urgeschichte, n° 11, p. 108-114.

1905a. « Gedächtnisrede auf Adolf Bastian », Zeitschrift für Ethnologie, 37, p. 236-249.

1905b. « Proben einer früheren Polynesischen Geheimsprache », Globus. Illustrierte Zeitschrift für Länder- und Völkerkunde, 87, p. 119-121.

1907. « Nachruf auf Arthur Baessler », Zeitschrift für Ethnologie, 39, p. 412-413.

1915. « Orpheus, der Mond und Swinegel », in Zeitschrift des Vereins für Volkskunde zu Berlin, p. 260-279.

1926/1927. « Der Stein der roten Ameisen in Nukuhiva », Erdball. Illustrierte Zeitschrift für Menschen-, Länder- und Völkerkunde, Berlin, 1, p. 17-21.

1934. « Marquesanische Mythen », Zeitschrift für Ethnologie, 65, 1933 Berlin, p. 1-44 et p. 326-373; et 66, 1933, p. 191-240.

Traductions en français

1995. « Voyage aux îles Marquises », Conférence du 3 décembre 1898, Première partie, trad. Jean Pagès, BSEO n° 268, Déc, Papeete, p. 55-62.

1996. « Voyage aux îles Marquises », Conférence du 3 décembre 1898, Deuxième partie, trad. Jean Pagès, BSEO n° 269-270 Mars-Juin, Papeete, p. 2-17.

1997-1999. Mythes marquisiens. Te Hakatu Tumu O Te Ati Enana. Les traditions des tribus marquisiennes, traduction Almut et Jean Pagès, Annotations Jean Pagès et Jean-Louis Candelot, Vol. 1, 2 et 3, Haere po, Tahiti.

2005a. Mythes marquisiens. Te Hakatu Tumu O Te Ati Enana, édition revue et augmentée de la légende de Rata à Aitutaki et en Nouvelle-Zélande, préfaces de Georges (Toti) Teikiehuupoko, de Jean-Louis Teikiheetaioa Candelot et de Henri Lavondès, traduction Almut et Jean Pagès, Haere Po, Tahiti.

2005b. Les Marquisiens et leur art : étude sur le développement de l’art ornemental primitif des mers du Sud d’après des résultats personnels d’une mission et les collections des musées, vols. 1 et 2 (traduction vol. 1, Helma Arcosanzo ; vol. 2, Almut et Jean Pagès), Musée de Tahiti et des îles, Te Fare Iamanaha.

2007. L’art du tatouage aux îles Marquises, illustrations et textes choisis et traduits par Denise & Robet Koenig, Julia Nottarp-Giroire, Mythe marquisien de Kena : Almut et Jean Pagès, Haere Po, Tahiti.

2014. Kena. La légende du tatouage marquisien. Ha’akakai ‘Enata, traductions du marquisien par Michael J. Koch, de l’allemand par Denise et Robert Koenig, Haere po no Tahiti.

2016. Les Marquisiens et leur art, édité sous la direction de Véronique Mu-Liepmann, vol. 1, 2 et 3, Musée de Tahiti et des îles.

Traductions en anglais

1988. Marquesan Myths, translated by Marta Langridge, edited by Jennifer Terrell, Target Oceania/The Journal of Pacific History, Canberra.

Traductions en portugais

1915. « Entre os Borôros », traduction du chapitre XVII de Unter den Naturvölkern Zentral-Brasiliens par Basílio de Magalhães, Revista do Instituto Historico e Geographico Brasileiro Tomo LXXVIII, Parte II, p. 391-490.

1940. Entre os aborígenes do Brasil Central, traduction de Unter den Naturvölkern Zentral-Brasiliens par Egon Schaden, avec une préface de Herbert Baldus, Separata da Revista do Arquivo, n° XXXIV a LVIII, Departamento de Cultura, São Paulo.

1942. O Brasil Central : expedição em 1884 para a exploração do rio Xingú, traduction de Durch Central-Brasilien par Catarina Baratz Cannabrava, Coleção Brasiliana, Grande Formato vol. III, Companhia Editora Nacional, São Paulo.

Publications sur Karl von den Steinen

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[1Lebenslauf, in : UniArchiv Marburg, Bestand 310 Nr. 9102, Hessisches Landesarchiv, Hessisches Staatsarchiv, Marbourg (s.p.).

[2Lettre du 14.07.1886 de Karl von den Steinen à Wilhelm Reiß, Nachlass Reiß, Staatsbibliothek Berlin ; cité par Kraus, 2004 : 57.

[3331 pages, 26 novembre 1897-6 février 1898 (von den Steinen 2014).

[4La publication d’autres carnets est prévue.