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International Encyclopaedia
of the Histories of Anthropology

Logique sociale et composition architecturale : Jean Cuisenier et le corpus de l’architecture rurale française

Gérard Collomb

IIAC-LAIOS, France

2020
To cite this article

Collomb, Gérard, 2020. « Logique sociale et composition architecturale : Jean Cuisenier et le corpus de l’architecture rurale française », in BEROSE International Encyclopaedia of the Histories of Anthropology, Paris.

URL BEROSE: article2088.html

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Published as part of the topical dossier on Jean Cuisinier directed by Nicolas Adell (Université Jean-Jaurès, Toulouse) and Martine Segalen (Université Paris-Nanterre).

Résumé : Entre 1942 et 1946, une quarantaine d’enquêteurs du Musée des arts et traditions populaires rédigent plus de 1 600 monographies d’architecture rurale dans les différentes régions de France. Vingt-cinq ans plus tard, ces monographies constitueront le matériau à partir duquel Jean Cuisenier engagera le vaste programme de recherche qui conduira à la publication des vingt-trois volumes du Corpus de l’architecture rurale française.

Lorsque Jean Cuisenier prend la direction du Musée national des arts et traditions populaires (ATP), en 1968, il découvre un fonds d’archives inexploitées, les quelque 1 600 monographies d’architecture rurale qui avaient été produites entre 1942 et 1946 dans le cadre de ce que l’on a appelé le « Chantier 1425 ». En 1969, il lance un vaste programme de recherche, qui s’appuie sur ces matériaux, actualisés, avec l’ambition d’établir une typologie raisonnée et un « corpus des genres, des types et des variantes » de l’architecture rurale française, pour lequel il définit un triple objectif :

Fixer alors qu’il en est temps encore une image aussi précise que possible du système des formes architecturales employées dans la France rurale traditionnelle ; préparer, grâce à des données méthodiquement recueillies, l’étude de ces formes et l’interprétation de leurs fonctions ; fonder, sur des bases rationnelles, une politique de conservation et de mise en valeur du patrimoine architectural (Cuisenier 1977 : 9).

Les précurseurs

Avant que de présenter l’entreprise du Corpus de l’architecture rurale conduite sous la direction de Jean Cuisenier, il n’est sans doute pas inutile d’évoquer brièvement dans quelle tradition scientifique elle s’inscrit. Les études sur l’architecture rurale retiennent l’attention des érudits à la fin du XIXe siècle, lorsque le Comité des travaux historiques et scientifiques lance une grande enquête sur les « maisons-types » dans les régions françaises. Coordonnée par le statisticien et géographe Alfred de Foville, l’enquête interroge des correspondants dans les régions sur les conditions d’habitation dans la France rurale. Il conviendra, précise le document d’orientation de l’enquête, de

« […] faire connaître par son centre, et, si on le peut, par ses limites, la région où domine la maison-type dont on va parler. Dire comment les maisons du type considéré sont habituellement situées et orientées [...] Dire si, dans les communes de la région observée, les maisons tendent à se serrer les unes contre les autres ou si, au contraire, elles sont plus ou moins dispersées [...] Décrire la maison-type extérieurement et intérieurement : forme, dimensions ordinaires, distribution, matériaux employés pour les diverses parties de la construction, coût […] (Foville 1894 cité in Riviale 2016). »

Le questionnaire diffusé auprès des correspondants du Comité des travaux historiques obtient dans un premier temps une cinquantaine de réponses, qui seront publiées par Foville en 1894. Un second volume suivra en 1899, et au total l’enquête rassemblera 387 réponses, d’intérêt et de qualité inégaux toutefois (Riviale 2016).

Dans la première moitié du XXe siècle, la géographie humaine prolonge cette première approche et pose les bases d’une étude scientifique de l’habitat rural qui va inspirer les travaux à venir. Parmi ceux qui marqueront ces études, Albert Demangeon fait figure de précurseur et de fondateur dans ce nouveau champ de recherche. Il propose de premiers outils théoriques et des éléments de méthode pour une approche morphologique de l’habitat rural, en mettant en rapport les types d’habitat, les formes d’organisation des terroirs, les modes d’exploitation du sol, et la structure sociale des communautés villageoises :

« De tous les éléments qui composent ce paysage artificiel il n’en est pas de plus vivant que l’habitation du paysan, la maison des champs ; elle représente ce qu’il y a de permanent et de personnel dans l’établissement de l’homme ; il y abrite ses biens, ses récoltes, ses outils, ses bêtes, son foyer, sa famille ; l’ayant conçue pour son usage quotidien, il l’a façonnée selon ses goûts et ses besoins ; c’est un ouvrage sorti de ses mains, adapté à toute son existence, presque doué de vie à cause de cette familiarité ; une sorte de créature. Elle est l’expression, modelée par les siècles, de la vie rurale (Demangeon 1920 : 352). »

Les origines : le « chantier 1425 »

Trois ans après sa création en 1937 par Georges Henri Rivière, le Musée des arts et traditions populaires (Maget 1993 ; Segalen 2019) traverse les années de guerre et d’Occupation ; le musée doit réduire et repenser ses activités. En 1941, le Commissariat à la lutte contre le chômage de la Délégation générale à l’équipement national du gouvernement de Vichy met en place des « chantiers intellectuels et artistiques » qui avaient pour but de procurer du travail à des chercheurs, à des techniciens, à des artistes et de les soustraire au Service du travail obligatoire au profit de l’occupant. Se saisissant de cette opportunité, Rivière organise dans le cadre du musée des ATP trois « chantiers intellectuels » portant sur des secteurs de recherche prioritaires de l’institution :

  • une enquête sur les techniques artisanales est conduite à partir de 1942, prolongée jusqu’en 1946 (Chantier 1810). Elle ne sera pas exploitée de manière systématique par la suite ;
  • l’enquête sur le mobilier traditionnel (Chantier 909), menée de 1941 à 1946, produira près de 14 000 monographies de meubles régionaux. Elle donnera la matière des volumes de synthèse du Corpus du mobilier régional publié sous la direction de J. Cuisenier et de Suzanne Tardieu (voir plus loin) ;
  • enfin, l’enquête sur l’architecture rurale (Chantier 1425), conduite également de 1941 à 1946.
    Piloté par Georges Henri Rivière, le Chantier 1425 regroupe une quarantaine d’enquêteurs – architectes, photographes, dessinateurs – qui sont envoyés dans les régions (Rivière 1973). On leur demande de rédiger à leur retour des « monographies rurales de maisons folkloriques » qui devront rendre compte des diverses formes architecturales de la maison rurale, dans leur rapport avec ses fonctions d’habitation et d’outil de travail. Ils s’appuieront pour cela sur un certain nombre de documents préparatoires qu’ils devront rassembler sur le terrain : journal de route, carnet de croquis, plans et relevés d’architecture, photographies (Christophe 2000).FIG. 1
Fig. 1
Ordre de mission de Fabien Vienne dans le cadre du Centre de formation d’architectes ruraux, pour le Chantier 1425. Plaine de Caen, Calvados (1945).
© Archives MNATP/MUCEM, Fonds de l’Enquête sur l’Architecture Rurale.

Les responsables du Chantier ont rédigé des instructions, sous la forme d’un questionnaire détaillé, qui permettront de rendre comparables les monographies (Riviale 2016). FIG. 2 Selon ces instructions, il conviendra de rechercher des échantillons pertinents, en justifiant le choix de la maison décrite, qui doit représenter l’« expression la plus courante d’un genre de vie (aspect fonctions) » ou faire apparaître la « fréquence de certains caractères (aspect formes) ». L’enquête devra situer la maison dans son environnement physique, dans son territoire, et renseigner sur la morphologie des bâtiments, sur les matériaux et les techniques de construction ; elle devra reconstituer l’historique de l’exploitation et des bâtiments, et détailler les usages qu’en font ses occupants, tant pour la partie habitation que pour les bâtiments d’exploitation. Une partie du guide-questionnaire demande également de prendre en compte l’esthétique de la maison, selon le point de vue de l’enquêteur, et de relever les « opinions » des occupants. En 1988 Jean Cuisenier en rappelait les points principaux :

« L’instrument d’enquête mis au point entre 1940 et 1942 présente trois aspects.
C’est d’abord un plan de monographie qui, chapitre après chapitre, situe la maison dans son environnement et son territoire, analyse son organisation intérieure et renseigne sur la pratique et les usages qu’en font ses occupants. Ce plan d’une dizaine de pages est actuellement désuet, car il ne correspond plus à l’état des approches théoriques d’aujourd’hui ; mais il est aussi fort en avance puisqu’il a permis ce recueil fort normalisé de données que nous sommes très loin, quarante ans plus tard, de pouvoir étendre à d’autres domaines. L’instrument d’enquête comporte en second lieu des relevés. J’ai une très grande admiration pour mes prédécesseurs dont les instructions sur la manière de procéder à des relevés architecturaux pertinents sont toujours parfaitement valables. FIG. 3
C’est ainsi que chaque monographie comporte un extrait parcellaire du cadastre, un plan de situation, un plan masse, le plan de chacun des bâtiments, leur élévation, des coupes lorsque celles-ci sont utiles et bien entendu un certain nombre de relevés de détails architecturaux jugés pertinents. Dans certains cas nous avons simplement deux ou trois feuilles de relevés lorsqu’il s’agit d’un puits, d’un four ou d’un petit bâtiment, dans d’autres cas nous avons jusqu’à soixante relevés pour un grand complexe de bâtiments d’exploitation. L’une de nos monographies, celle qui a été rédigée par Soboul, n’a pas moins de 200 pages manuscrites et une centaine de relevés graphiques [1]. Enfin l’enquête comporte des photographies prises et choisies selon les instructions fournies.
Tel était l’instrument, à quoi s’ajoutait l’obligation pour l’enquêteur de tenir un journal de route dans lequel il mentionnait ses observations, les personnes qu’il avait visitées, les informateurs qu’il avait rencontrés. Certains de ces journaux de route, qui sont toujours conservés, sont des mines d’informations ethnographiques, d’autres ne sont que des repères. Ils nous permettent de saisir comment les échantillons de maisons furent sélectionnés (Cuisenier 1988 : 34). »

Fig. 2
Guide questionnaire pour la conduite des enquêtes de terrain dans le cadre du Chantier 1425.
© Archives MNATP/MUCEM, Fonds de l’Enquête sur l’Architecture Rurale.
Fig. 3
Instructions complémentaires pour la réalisation des documents graphiques.
© Archives MNATP/MUCEM, Fonds de l’Enquête sur l’Architecture Rurale.

Une quarantaine d’enquêteurs seront au travail entre 1942 et 1946, et rédigeront plus de 1 600 monographies d’architecture rurale ; sur ce nombre, 1 481 sont très développées, comprenant des relevés architecturaux détaillés, une couverture photographique et des textes. FIG. 4 à 7 Toutefois, le contexte dans lequel elle est conduite fait que cette vaste entreprise de recherche souffre d’un certain nombre de manques ou de limites : d’abord, certaines régions n’ont pas pu être étudiées (Alsace, Lorraine), d’autres n’ont pas fait l’objet d’enquêtes suffisamment approfondies, et demanderont une prolongation du travail de terrain qui sera réalisé jusqu’en mars 1948 dans le cadre d’un « centre de formation d’architectes ruraux » (Raulin 1964). Ensuite, la méthode de travail retenue n’élimine pas les biais individuels qui font que les choix d’échantillons ne sont pas homogènes, et donc peut-être parfois difficilement comparables : souvent, les enquêteurs ont privilégié ce qui était le plus aisément accessible en ces temps de déplacements difficiles, ou encore ce qui leur paraissait le plus spectaculaire ou le plus « archaïque ». FIG. 8 à 10

Fig. 4 à 7
Relevés architecturaux à Roybon (Isère), ferme de Mr. Vincent Vicat, lieu-dit La Fertonnière, par André Zigrand et Roland Gremillet (1946).
© Archives MNATP/MUCEM, Fonds de l’Enquête sur l’Architecture Rurale, n°s 17w_243_0023 à 17w_243_0026.

Vingt-cinq ans plus tard, ces « monographies rurales de maisons folkloriques », conservées dans les archives du musée des ATP, constitueront le matériau à partir duquel se développera le Corpus de l’architecture rurale française. Pour mieux saisir la nature de cette entreprise et comprendre l’engouement qu’elle suscita en son temps, il faut rappeler le contexte dans lequel elle s’engageait. Les Français se prennent alors de passion pour les cultures régionales, les « néo-ruraux » commencent à s’installer dans les campagnes, et la création par Rivière en 1972 de l’écomusée des Landes de Gascogne (Marquèze) inaugure une nouvelle forme muséale et traduit un nouveau regard sur les cultures paysannes. Dans ce contexte, ces années 1970 marquent d’une certaine manière l’apogée du musée des ATP, véritable cœur de la recherche et de la muséographie sur les mondes ruraux [2]. Au cours des mêmes années, le monde de l’édition répond à cet engouement du public en développant de nouvelles collections spécialisées ; parmi les nombreux éditeurs qui tentent alors l’aventure du « patrimoine ethnologique », les éditions Berger-Levrault décident de prendre en charge la publication de la collection d’ouvrages sur l’architecture rurale que propose Jean Cuisenier.

Fig. 8 à 10
Roybon (Isère), ferme de Mr. Vincent Vicat, lieu-dit La Fertonnière. Clichés André Zigrand (1946).
© Archives MNATP/MUCEM, Fonds de l’Enquête sur l’Architecture Rurale, collection ph.1946.73.

Le projet de Jean Cuisenier

« En 1967, lorsque j’ai été amené à prendre la direction du musée national des arts et traditions populaires pour l’installer dans son nouveau siège et à faire l’inventaire de ses richesses, j’ai été absolument émerveillé par la qualité du document de base, par la rigueur d’ensemble avec laquelle il avait été pensé et appliqué. Je me suis demandé comment en tirer parti, comment mettre ce travail en valeur et comment réinsérer tous ces résultats dans la problématique scientifique et culturelle de notre époque.
J’ai rencontré évidemment le problème suivant : cette masse de 1 660 monographies est-elle la somme des choix subjectifs des enquêteurs ou bien nous fournit-elle une image représentative du patrimoine rural bâti français ? Après quelques vérifications auxquelles j’ai procédé avec mes collègues, je n’ai pas tardé à m’apercevoir que les situations étaient très différentes d’une région à une autre, que l’on pouvait avoir dans certaines régions une représentation de bonne qualité, et dans d’autres une représentation imparfaite. Enfin, comme je l’ai dit, certaines régions n’avaient pas été enquêtées du tout.
Il était donc impossible d’exploiter ces documents selon les normes de l’anthropologie sociale actuelle. […] Il fallait non seulement faire des enquêtes nouvelles mais il fallait refaire toutes les enquêtes antérieures pour que le spécimen ancien de l’échantillon et le spécimen nouveau soient dans la même tranche chronologique. La décision fut donc prise de repartir sur le terrain, actualiser les monographies et compléter par des monographies nouvelles les lacunes manifestes (Cuisenier 1988 : 31). »

Au début des années 1970, le musée des ATP s’est installé dans le nouveau bâtiment édifié au bois de Boulogne et Jean Cuisenier a pris ses fonctions de conservateur du musée et de directeur du Centre d’ethnologie française, dans les tourments de l’après-1968 ; il entend ouvrir une autre étape dans l’histoire de l’institution en développant de nouvelles orientations de recherche (Segalen 2005). Le projet qu’il conçoit pour le Corpus de l’architecture rurale doit être compris en regard de l’intérêt qu’il manifeste pour la formalisation de la recherche en sciences sociales et pour le traitement automatisé des données que semble alors permettre l’informatique naissante [3] : il s’agit de constituer des corpus à partir des collections conservées par le musée et de concevoir de vastes synthèses, à l’image de ce qu’entreprennent par exemple à la même époque les chercheurs qui réalisent les Atlas linguistiques et ethnographiques du CNRS (Séguy 1973).

Un directoire scientifique prestigieux est constitué, qui place le projet du Corpus sous les auspices de l’anthropologie (Isac Chiva), de l’histoire (Emmanuel Le Roy Ladurie, H. Neveux), des monuments historiques (Michel Parent), de l’archéologie médiévale (Jean-Marie Pesez) et de la dialectologie (Gaston Tuaillon), et en 1973, dans un numéro d’Ethnologie française [4] consacré à l’architecture rurale, J. Cuisenier esquisse le programme des futurs chantiers à ouvrir :

« Les moyens de lancer l’entreprise sont réunis, après les efforts que l’on devine ; les essais sont tentés ; déjà, les premières publications vont paraître. Nous prévoyons trente-quatre fascicules par région, selon un découpage que l’équipe du Centre d’ethnologie française, conduite par Henri Raulin, achève de mettre au point. Mais un corpus n’est pas seulement un rassemblement de données. Tant d’efforts entrepris pour faire des relevés, multiplier les entretiens avec des informateurs, recueillir des terminologies, dessiner des cartes, prendre des séries de photographies, seraient vains et sans effets, s’ils n’étaient orientés vers des fins relativement précises : identifier des systèmes de formes et repérer leurs variations ; évaluer l’adéquation ou l’inadéquation entre des formes architecturales, des ressources minérales, végétales, animales et des types d’organisation sociale ; apprécier la fonction de communication des formes architecturales par rapport à d’autres systèmes d’expression, comme l’expression orale, l’expression gestuelle ou l’expression plastique (Cuisenier 1973 : 7). »

Au fil des ans l’entreprise prendra une forme un peu différente, il y aura en particulier moins de volumes, mais les bases sont posées. Conduite dans le cadre du Centre d’ethnologie française, l’étude qui va s’engager sur le terrain se donne un triple objectif : compléter les monographies produites dans le cadre du Chantier 1425, évaluer pour chacune des monographies les changements intervenus, adapter les enquêtes aux nouvelles interrogations de l’histoire rurale et de l’ethnologie

Jean Cuisenier charge Henri Raulin, ethnologue africaniste qui avait rejoint le Centre d’ethnologie française, de piloter le projet et notamment de coordonner l’ensemble des enquêtes sur le terrain qui seront conduites au cours des deux décennies suivantes. Exposant le programme de travail qui s’engage, Raulin insiste à nouveau sur la question de la représentativité des monographies du Chantier 1425, et il en donne un exemple : dans le département du Jura, le chantier 1425 n’avait produit que neuf monographies, mais il s’avère que cette région est pourtant très bien représentée dans toute sa diversité typologique et techno-économique, alors que les quarante et une monographies réalisées dans les Pyrénées-Orientales ne prennent en compte qu’une toute petite partie de la région (Raulin 1973). Il était donc indispensable que les chercheurs qui prendraient en charge les différents volumes du Corpus conduisent de nouvelles enquêtes sur le terrain, avec pour objectif de compléter l’enquête ethnographique relative à chacune des monographies, notamment pour mieux comprendre l’insertion des habitats dans leur espace écologique et économique et leur place dans une histoire, et pour combler les vides de l’enquête initiale en couvrant toute la France [5].

Un projet scientifique

L’entreprise, telle que Jean Cuisenier l’a imaginée, repose sur un projet scientifique dont il a théorisé les bases conceptuelles et défini la méthode :

« Le corpus de l’architecture paysanne et de l’habitat rural n’est ni le rassemblement exhaustif de données architecturales relatives à la totalité des maisons rurales qu’on aurait obtenu par inventaire, ni un échantillon tiré au hasard, selon les règles du calcul des probabilités, à partir d’un recensement des maisons rurales, ni un choix de données issues d’une construction théorique qui combinerait, a priori, un certain nombre de traits censés caractériser dans leur diversité les maisons rurales françaises. C’est un corpus des genres et des types définis d’une manière anthropologique. Par genres, on entend des classes de maisons reconnues comme similaires par les usagers et distinguées d’autres maisons reconnues comme différentes par les mêmes usagers. […] Par types, on entend des classes de maisons reconnues comme similaires et distinguées d’autres maisons reconnues comme différentes par l’anthropologue. Les usagers, en effet, sont multiples, leurs points de vue sont plus ou moins contradictoires, leur consensus est plus ou moins large. Une critique des genres est donc toujours nécessaire pour parvenir à identifier des types. Les types admettent des sous-types, et les sous-types d’autres sous-types, selon des schémas classificatoires très inégalement complexes d’après le contenu du champ de variation (Cuisenier 1977 : 11) [6]. »

Au-delà de cette distinction classique entre les points de vue emic (les genres) et etic (les types), les propositions de Jean Cuisenier s’attachent à définir les termes d’une analyse structurale empruntant à la linguistique, que Claude Lévi-Strauss avait appliquée à la parenté et aux mythes. La production du bâti, explique-t-il, relève d’une même opération que la production linguistique : elle s’organise, comme la langue, selon un double axe paradigmatique et syntagmatique. En effet, précise-t-il, les divers éléments qui composent la structure de l’édifice bâti

« […] sont analogues à des stocks de mots. Le bâtisseur s’y réfère, comme le locuteur se réfère à un paradigme : il puise dans le stock des parties constitutives possibles, tel qu’il est constitué dans son expérience, comme le locuteur se réfère à un dictionnaire de mots possibles et en choisit un parmi d’autres. Le lien qui unit les parties constitutives possibles entre elles est donc à traiter comme ce que les linguistes appellent un axe paradigmatique. Par arrangement, on entend une mobilisation de parties constitutives pour la réalisation d’une œuvre empirique : telle maison précise. Un arrangement est donc à traiter comme une mise en œuvre syntaxique (ibid.). »

Et dans son introduction aux différents volumes du Corpus, Jean Cuisenier s’attache à décliner les questionnements qui pourront se dégager de cette vaste combinatoire à l’échelle des quelque 2 000 spécimens de maison rurale que traitera le corpus, et à esquisser les perspectives théoriques qu’elle ouvre, qu’il développera plus tard dans son livre La maison rustique (1991). Répondant implicitement à certaines des critiques qui étaient adressées au Corpus, à ses finalités comme à la méthode qu’il mettait en œuvre, il assignait toutefois à l’entreprise des limites réalistes en précisant en 1988 :

« Il est bien entendu qu’un échantillon raisonné est un échantillon critiquable mais c’est le moins mauvais qu’à une certaine époque, dans certaines conditions du travail scientifique, on puisse proposer. Les conclusions que l’on va tirer de l’exploitation du corpus sont des conclusions qui valent seulement pour l’échantillon, et l’on ne peut étendre ces conclusions à la « population parente », en termes statistiques, c’est-à-dire à la réalité, qu’avec un certain nombre de précautions. La limite des interprétations nous est donc connue, les choix sont assumés (Cuisenier 1988). »

Un projet éditorial

La question de la publication des données rassemblées dans les monographies de maisons rurales s’était posée dès l’achèvement du chantier : en 1946, Georges Henri Rivière (1973) évoquait un premier projet rassemblant la totalité des monographies, mais celui-ci n’eut pas de suite, la masse des documents était telle qu’il n’était pas envisageable de les publier intégralement. Et à l’inverse, il était évident que la publication de ces matériaux réduits à quelques feuillets n’aurait eu guère d’intérêt.

En 1977, lorsque paraît le premier volume de la collection (consacré au Dauphiné) dont il est l’auteur, Henri Raulin détaille les choix qui ont été faits pour la publication des différents volumes du Corpus :

« [Il] comprend quinze volumes, grand format 21 X 29,5 de 400 à 600 pages. Chaque volume est divisé en deux ou trois fascicules qui reprennent les divisions historiques et culturelles du territoire. Ils comprennent chacun outre l’introduction de caractère historique et ethnologique sur l’habitat avec cartes et illustrations, de nombreuses monographies réduites et normalisées comportant plans, coupes, élévations, photographies et descriptif architectural. Un certain nombre de photographies de sous-types et de variantes peu représentées y figurent également.
Afin que chacun de ces volumes d’un caractère véritablement monumental, constitue un travail sans prétention d’exhaustivité mais de valeur scientifique, chaque fascicule est soumis, avant publication, pour critique et correction, à des personnalités compétentes : universitaires, archivistes, conservateurs de musées, et, bien entendu, à des architectes qualifiés. Pour répondre aux besoins de consultation, la publication sera de présentation très soignée et de confection robuste. Le découpage régional, outre son intérêt évident pour situer les types dans leur contexte historique et ethnologique, facilitera les recherches et aidera à son placement dans le public (Raulin 1977). »

Au bout du compte, la publication s’organisera selon un découpage un petit peu différent de ce qu’annonçait Raulin, 23 volumes au total, dont la couverture régionale se rapproche autant que possible du découpage retenu pour les Atlas linguistiques et ethnographiques de la France par régions publiés par le CNRS (Séguy 1973).

Comme cela avait été le cas lorsqu’il avait créé la revue Ethnologie française en 1971, Jean Cuisenier avait porté une attention toute particulière à la qualité formelle des volumes du Corpus. Il avait confié la responsabilité d’établir la charte graphique de la collection et d’en suivre la réalisation pour chaque volume à Jacques Pasquet, qui avait été aux côtés de Rivière le graphiste et le muséographe talentueux des galeries du nouveau musée des ATP. La discrétion et la grande modestie de Jacques Pasquet ont fait oublier parfois la part considérable qu’il a prise aux côtés de Jean Cuisenier dans la publication du Corpus. FIG. 11 et 12

Fig. 11 et 12
Monographie de la maison Marthian, à Soustons (Landes).
Extrait de P. Bidart et G. Collomb, Pays aquitains. Bordelais, Pays basque, Gascogne, Béarn, Bigorre, Paris, Berger-Levrault, 1984.

Le Corpus de l’architecture rurale française

Vingt-trois volumes furent publiés entre 1977 et 2001, dans des conditions qui se sont révélées dans les dernières années de plus en plus difficiles et incertaines. On l’a rappelé plus haut, ces programmes de recherche et de publication du musée des ATP avaient connu leur apogée au cours des années 1980, mais progressivement les centres d’intérêt de l’ethnologie de la France se sont déplacés, alors même que l’institution entrait dans une crise marquée par un changement de direction et par une politique quelque peu erratique du ministère de la Culture à son égard (Segalen 2005, 2019). Par ailleurs le monde de l’édition connaissait les prémisses d’une crise économique qui allait être durable, et le lecteur se détournait des thématiques patrimoniales et rurales.

L’éditeur Berger-Levrault, qui avait publié 17 volumes en dix ans, rencontrait de grosses difficultés et décidait en 1986 d’abandonner la collection [7]. FIG. 13 L’histoire aurait pu s’arrêter là si Jean Cuisenier n’avait su mobiliser une grande énergie pour ouvrir d’autres voies qui ont permis de rebondir, pour quelques années encore : les éditions de la Manufacture (Lyon) reprirent la collection mais ne publièrent qu’un volume, Nord/Pas-de-Calais, dont Jean Cuisenier fut un des auteurs. Un éditeur drômois, les Éditions A. Die, se lança ensuite dans l’aventure et publia les volumes Picardie, Languedoc-Roussillon, Auvergne, et Champagne-Ardenne, rééditant également un certain nombre de volumes initialement publiés par Berger-Levrault.

Fig. 13

La collection comprend vingt-trois volumes :

  • Henri Raulin, Dauphiné, Paris, Berger-Levrault, 1977
  • Henri Raulin, Savoie, Paris, Berger-Levrault, 1977
  • Claude Royer, Franche-Comté, Paris, Berger-Levrault, Paris, 1977
  • Henri Raulin, Georges Ravis-Giordani, Corse, Paris, Berger-Levrault, Paris, 1978
  • Marie-Noëlle Denis, Marie-Claude Groshens, Alsace, Paris, Berger-Levrault, 1978
  • Claude Royer, Lyonnais, Paris, Berger-Levrault, 1979
  • Claude Rivals, Midi toulousain et pyrénéen, Paris, Berger-Levrault, 1979
  • Richard Bucaille et Laurent Lévi-Strauss, Bourgogne, Paris, Berger-Levrault, 1980
  • Claude Gérard, Lorraine, Paris, Berger-Levrault, 1981
  • Suzanne Jean, Poitou, pays charentais, Paris, Berger-Levrault, 1981
  • Christian Bromberger, Jacques Lacroix, Henri Raulin, Provence, Paris, Berger-Levrault, 1981 (réédité en 1999 par les Éditions A. Die)
  • Paul Raybaut, Michel Perréard, Comté de Nice, Paris, Berger-Levrault, 1982
  • Jean Guibal, Bourbonnais, Nivernais, Paris, Berger-Levrault, 1982
  • Christian Zarka, Berry, Paris, Berger-Levrault, 1983
  • Pierre Bidart, Gérard Collomb, Pays aquitains, Paris, Berger-Levrault, 1984
  • Max-André Brier, Pierre Brunet, Normandie, Paris, Berger-Levrault, 1984
  • Daniel Le Couedic, Jean-René Trochet, Bretagne, Paris, Berger-Levrault, 1985
  • Francine de Billy-Christian, Henri Raulin, Ile-de-France, Orléanais, Paris, Berger-Levrault, 1986
    Les éditions Berger-Levrault arrêtent la collection en 1986. La Manufacture, puis les éditions A. Die publient encore cinq volumes :
  • Jean Cuisenier, Henri Raulin, François Calame, Nord, Pas-de-Calais, Lyon, La Manufacture, 1988
  • François Calame, Robert Fossier, Picardie, Die, Éditions A. Die, 1992
  • Jean Guibal, Henri Raulin, Languedoc-Roussillon, Die, Éditions A. Die, 1994
  • Abel Poitrineau, Auvergne, Die, Éditions A. Die, 1999
  • Claude Royer, Champagne, Ardennes, Die, A. Die, 2001

Il manque aujourd’hui au Corpus de l’architecture rurale française trois volumes qui étaient prévus dans le plan de publication initial : Maine-Anjou-Touraine, Périgord-Quercy-Agenais, Haut-Languedoc-Rouergue. Trois volumes dont on peut raisonnablement penser qu’ils ne verront jamais le jour [8]

Pour Jean Cuisenier, la publication du Corpus de l’architecture rurale n’était que la première étape d’un programme plus large et plus ambitieux, dans lequel il entendait s’engager personnellement et qu’il développera quelques années plus tard dans son ouvrage La maison rustique. Logique sociale et composition architecturale paru aux Presses universitaires de France en 1991. Quelques années avant sa publication, Jean Cuisenier annonçait cette synthèse à venir dans un texte qui posait un ensemble de questions et formulait des hypothèses à travers lesquelles il conférait à cette entreprise du Corpus de l’architecture rurale française son sens et sa légitimité :

« En nous engageant dans cette voie, nous échapperons à la fascination de la donnée particulière, des données qui appartiennent à tel ou tel bâtiment singulier, à telle ou telle localité, et nous réintégrerons la réflexion sur l’architecture rurale française dans le champ plus large de la théorie anthropologique (Cuisenier 1988 : 51). »

Les archives relatives à La maison rustique sont particulièrement abondantes et riches dans le fonds conservé à la Bibliothèque nationale, elles témoignent de l’importance qu’attachait Jean Cuisenier à cette partie de son œuvre. Les feuillets autographes qui en composent le manuscrit expriment la « puissante réflexion théorique » que soulignait Claude Lévi-Strauss [9], rédigés d’une écriture alerte et brillante, poussée par une pensée qui se déploie sans hésitations, sans failles, un talent qui frappait tous ceux qui l’ont côtoyé dans le travail.

Bibliographie

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[1Avant de devenir le grand historien de la Révolution française que l’on connaît, Albert Soboul avait été recruté par Rivière pour réaliser des enquêtes dans le cadre du Chantier 1425, échappant ainsi aux risques que lui faisait courir durant l’Occupation, son engagement aux côtés du Parti communiste.

[2Jusqu’à la création en 1979 de la Mission du patrimoine ethnologique du ministère de la Culture, qui va progressivement structurer autour d’elle la recherche sur ce « patrimoine » rural et sa valorisation. Une évolution qui annonçait les difficultés qu’allait rencontrer l’institution ATP à la fin des années 1980 (Segalen 2005).

[3Une approche que Jean Cuisenier avait déjà mise en œuvre dans sa thèse de doctorat d’État (Économie et parenté, leurs affinités de structure dans le domaine turc et dans le domaine arabe, Paris-La Haye, Mouton, 1975), et qu’il a appliquée également au domaine de l’art populaire français dans la synthèse qu’il proposait en 1975. Sur cette question, on se reportera, dans cette livraison d’hommages, à Bénédicte Rolland-Villemot, « L’art populaire selon Jean Cuisenier », in Bérose - Encyclopédie internationale des histoires de l’anthropologie, Paris, 2020. https://www.berose.fr/article2056.html

[4La revue Ethnologie française, qui succédait à Arts et traditions populaires, avait été créée deux ans auparavant.

[5Les enquêtes devaient être étendues dans un second temps aux Dom-Tom dans la perspective de volumes spécifiques du Corpus, qui ne seront finalement pas publiés. Seules des pré-enquêtes seront réalisées en Guadeloupe et à la Martinique.

[6Pour une présentation plus développée des apports théoriques de Jean Cuisenier aux études d’architecture rurale, on se reportera, dans cette livraison d’hommages, à la contribution de Richard Bucaille et Jeanne Virieux « Cuisenier, continuateur de Lévi‑Strauss ? L’échange et l’alliance : splendeurs et audaces de la structuration », in Bérose - Encyclopédie internationale des histoires de l’anthropologie, Paris, 2020.

[7L’éditeur, dont l’histoire remonte aux premières décennies du XVIIIe siècle, abandonnera quelques années plus tard l’édition de livres pour devenir éditeur de logiciels…

[8Procédant d’une même démarche d’étude et de valorisation patrimoniale des matériaux rassemblés pendant l’Occupation par les chercheurs du musée des ATP, un programme de publication sur le mobilier régional avait également été impulsé par Jean Cuisenier à la fin des années 1970, à partir des enquêtes conduites dans le cadre du « Chantier 909 ». L’éditeur Berger-Levrault a assuré la publication de cinq volumes, sous la direction de Suzanne Tardieu : Normandie, Bourgogne-Bresse-Franche-Comté, Savoie-Dauphiné, Lyonnais-Forez-vallée du Rhône, et Flandres-Artois-Picardie (dont Jean Cuisenier avait confié la responsabilité à son épouse Solange). Les difficultés rencontrées par Berger-Levrault au milieu des années 1980 mirent fin à ce programme de publication.

[9Lettre de Claude Lévi-Strauss à Jean Cuisenier, en remerciement de l’envoi de La maison rustique, 24 février 1991 (Bibliothèque nationale. Fonds d’archives de Jean Cuisenier).