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International Encyclopaedia
of the Histories of Anthropology

Le juriste-anthropologue du British Raj : Sir Henry Sumner Maine et son œuvre

Marc Goetzmann

Université de Reims

2020
To cite this article

Goetzmann, Marc, 2020. « Le juriste-anthropologue du British Raj : Sir Henry Sumner Maine et son œuvre », in BEROSE International Encyclopaedia of the Histories of Anthropology, Paris.

URL BEROSE: article2026.html

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Published as part of the research theme « History of the Relationship between Law and Anthropology », directed by Frédéric Audren (CNRS - CEE / École de droit de Sciences Po) and Laetitia Guerlain (Université de Bordeaux, IRM-CAHD et CAK).

Résumé de l’article : Sir Henry Sumner Maine (1822-1888) est un juriste britannique de l’époque victorienne, principalement connu pour sa loi d’évolution des sociétés, dite loi de passage du « statut » au « contrat », qui entend décrire le développement des sociétés qu’il appelle « indo-européennes », s’inspirant directement de la linguistique naissante à son époque. C’est dans ce cadre évolutionniste que Maine distingue trois étapes de l’histoire juridique des sociétés qui l’intéressent, fictions, équité et législation, et qu’il distingue trois étapes de l’évolution de la souveraineté (tribale, universelle, territoriale). Il peut être considéré comme l’un des précurseurs de l’anthropologie juridique, bien qu’il n’ait lui-même pas mené d’études de type ethnographique, anthropologique ou sociologique, son travail consistant essentiellement dans une synthèse de sources primaires et secondaires et prenant racine dans une étude historique des institutions du droit romain. Ses écrits ont toutefois poussé nombre de ses contemporains, travaillant comme lui pour la Couronne en Inde, à étudier les communautés indiennes de façon approfondie. Il est aussi connu pour les critiques qu’il adresse à John Austin, auteur de The Province of Jurisprudence Determined, concernant sa définition impérativiste de la souveraineté. Maine oppose le fonctionnement coutumier des « communautés de village » au droit des sociétés modernes.

1. Henry Sumner Maine (1822-1888) : juriste, administrateur, journaliste et anthropologue

Sur l’un des murs de l’abbaye de Westminster, cachée parmi d’autres plaques commémoratives dédiées aux plus grands Britanniques, et notamment victoriens, le visiteur attentif et persévérant peut apercevoir l’inscription suivante :

SIR HENRY SUMNER MAINE, K. C. S. I.
MEMBRE DU CONSEIL D’INDE, MAÎTRE À TRINITY HALL, CAMBRIDGE
IL A EXPLORÉ LA JURISPRUDENCE DES ANCIENS, ÉTABLI DE NOUVELLES LOIS POUR L’INDE ET RÉVÉLÉ À SES SUCCESSEURS LES SOURCES DE LA JUSTICE DES TEMPS JADIS [1]

Il va sans dire qu’une telle inscription témoigne de l’importance de Sumner Maine à l’époque victorienne. Ses ouvrages, et surtout Ancient Law (1861), sont sans conteste de véritables best-sellers, et cette célébrité contraste fortement avec l’oubli rapide et généralisé dont il fait l’objet. Son rôle concret dans l’administration britannique est aussi notable, Maine ayant occupé l’un des postes les plus influents sur la législation locale. Aujourd’hui, lorsqu’on se souvient de Maine, c’est pour la loi dite d’évolution des sociétés du statut au contrat, présentée au chapitre V d’Ancient Law.

Pourtant, Maine ne semblait en rien destiné à devenir un juriste renommé et une figure aussi importante des débuts de l’ère victorienne, contrairement à plusieurs grands juristes contemporains [2]. On sait peu de choses sur le début de sa vie, y compris sur son lieu exact de naissance [3]. Son nom, d’origine écossaise, est Main, avant d’être anglicisé pour devenir Maine. Il semble que, enfant, il ait été ramené d’Inde, où son père travaillait, par sa mère, et qu’elle l’ait élevé seule avant de le confier au Christ Hospital, où il se fait remarquer comme étant un enfant difficile. Il tiendrait peut-être sa fortune de son oncle, John Bird Sumner. À l’école, on remarque rapidement son talent et sa passion pour la littérature. Il obtient une bourse pour étudier au Pembroke College de Cambridge où il reçoit de nombreux prix et se distingue dans les études classiques. Il entre à Trinity Hall en 1844 et y devient professeur de droit civil en 1847, à l’âge de vingt-cinq ans.

Il arrive ensuite aux Inns of Courts de Londres [4], où l’on forme les jeunes juristes par apprentissage. Pendant ses premières années à Londres, Maine est aussi journaliste politique : il écrit pour le Morning Chronicle et ensuite pour le Saturday Review, dans lequel il publie notamment sur des questions juridiques, et en particulier sur les réformes des Inns mais aussi sur des questions plus générales. Sa réputation n’est plus à faire lorsqu’il est nommé legal member du Conseil suprême du gouverneur général des Indes en 1862, après avoir refusé une première nomination en 1861. Il occupe désormais la fonction de conseiller juridique du vice-roi et de responsable des réformes juridiques en Inde. Cette nomination suit la publication, en 1861, d’Ancient Law, qui devient un ouvrage incontournable des études juridiques en Angleterre ainsi que des examens que doivent passer les fonctionnaires de l’Empire britannique amenés à être affectés dans les colonies.

Après avoir servi sept ans au sein de l’administration du British Raj, Maine rentre en Grande-Bretagne en 1869 et devient professeur à Oxford. Il poursuit son travail de journaliste et devient naturellement membre de l’Indian Office de Londres, puis Master of Trinity Hall, à Cambridge, en 1878, où il est professeur de droit. Sa chaire est consacrée à la « science du droit comparée » (« comparative jurisprudence »). Bien qu’elle soit ensuite occupée par quelques successeurs importants, elle ne s’impose pas comme une discipline à part entière parmi les juristes. Populaire lors de ses jeunes années, Maine subit alors un décalage toujours plus important avec ses contemporains. Ses écrits sont attaqués, ses opinions politiques sont désormais jugées conservatrices par ses pairs, et ses centres d’intérêt ne sont plus en phase avec ceux de son époque. Maine souhaitait une réforme profonde de la Common law, au moyen d’une œuvre de codification qui la rapprocherait des systèmes juridiques continentaux [5]. Il est donc profondément déçu par la passion parfois nationaliste que ses compatriotes développent pour la Common law. Ces derniers ne partagent pas non plus son désir de refondation de l’enseignement du droit comme enseignement pluridisciplinaire et non seulement technique. En 1885, Popular Government, son dernier ouvrage, déclenche une vive polémique et lui vaut une réputation de conservateur libéral mais surtout d’antidémocrate [6]. Envoyé en France lorsque sa santé se détériore en 1887, Maine meurt en 1888 à Cannes où il est enterré.

2. L’évolutionnisme de Henry Sumner Maine : questions de méthode

2.1. «Nous devrions pénétrer aussi profondément que possible dans l’histoire des sociétés primitives [7]

Avant de nous intéresser à quelques-unes des idées fondamentales de Henry Sumner Maine, il nous paraît important de donner un aperçu du point de vue duquel se situe son œuvre. Pour cela, il nous semble pertinent de rappeler que Maine, comme de nombreux auteurs de la seconde moitié du XIXe siècle, est évolutionniste, mais il est tout aussi important de rappeler qu’il ne l’est que modérément. Cette réflexion méthodologique permet de mesurer la teneur anthropologique de son œuvre.

La « science du droit comparée » que Maine appelle de ses vœux est une discipline empirique et historique. En cela, Maine s’inscrit principalement contre deux adversaires dans le champ de la théorie du droit : l’utilitarisme de Jeremy Bentham et la théorie de John Austin d’une part [8], et les théories du droit naturel de l’autre [9]. S’il respecte l’œuvre de Bentham et Austin, il considère que la méthode historique doit permettre de compléter leur théorie du droit et de la souveraineté, qui essentialise selon lui les traits caractéristiques des institutions modernes et se montre ignorante de l’histoire des institutions, depuis leurs heures les plus « primitives » [10]. Les comptes rendus historiques et ethnologiques doivent donc servir au juriste de matériaux pour mener cette entreprise à bien. Son travail repose ainsi sur l’analyse de travaux préexistants [11], ainsi que sur la synthèse des données recueillies par l’administration britannique en Inde. En effet, la nécessité de gérer l’Empire en Inde produit une littérature foisonnante, notamment sur le sujet des régimes de propriété. Les officiers britanniques sont alors mobilisés pour clarifier la question de la propriété de la terre en Inde, l’impôt principal perçu par l’administration britannique étant un impôt foncier [12].

L’Inde joue alors un rôle important dans le travail de Maine, puisqu’on y trouve, notamment à partir de l’annexion du Pendjab en 1849 par les Britanniques, un exemple idéal-typique de ce que l’on appelle alors des « communautés de village ». Dans la perspective évolutionniste qui est celle de Maine, les « communautés de village » d’Inde sont un exemple contemporain du collectivisme primitif commun à l’ensemble de ce qu’il désigne comme les « sociétés indo-européennes », expression qu’il doit à la philologie, comme nous le verrons. La méthode de Maine est donc particulièrement déroutante : elle mélange des réflexions sur le droit romain, sur les communautés en Inde, sur les villages de paysans russes ou encore les tribus germaniques au temps de Jules César. Ce « collage » d’éléments pris à des époques et dans des aires géographiques diverses a pour but à la fois de prouver et d’illustrer le fait que les sociétés « indo-européennes » auraient évolué de la même façon et dans la même direction selon Maine, bien que cette évolution n’ait pas eu lieu au même rythme partout et se soit même arrêtée en de nombreux endroits. Nous expliquons le sens de cette hypothèse ci-dessous.

2.2. Une histoire naturelle des sociétés humaines ?

De prime abord, Maine semble vouloir dégager des lois de l’évolution des sociétés dites « indo-européennes » et de leurs institutions, comme l’on aurait déduit celles de l’anatomie comparée. Maine n’a pas pour but de faire l’histoire des institutions juridiques de différentes sociétés, qui prendrait la forme d’une monographie. L’histoire qu’il veut raconter est celle de l’évolution des sociétés. Or, pour Maine, une histoire véritablement scientifique doit « enseigner ce que toute autre science enseigne, une série continue, un ordre inflexible, et une loi éternelle [13] ».

Néanmoins, malgré ces formules péremptoires, Maine n’a aucunement l’intention de faire une histoire naturelle des sociétés humaines. Le modèle qui l’inspire est celui de la philologie comparée, moins exigeant que celui des sciences naturelles et physiques [14]. L’influence exacte de la philologie dans son œuvre reste toutefois discutée [15]. Cette influence se retrouve a minima dans son vocabulaire : pour Maine, il existerait un fonds d’institutions commun aux sociétés « indo-européennes », qui sont les mêmes que celle de l’indo-européen, point d’origine supposé d’une large famille de langues [16]. C’est l’étude du sanskrit, en plein développement à l’époque de Maine, qui conduit à cette hypothèse de travail. Maine est parfaitement au courant de ces travaux, dont il s’inspire [17]. Il est d’ailleurs particulièrement intéressé par les travaux de Max Müller (1823-1900), l’un des fondateurs des études indiennes et de la mythologie comparée, qui recherche, grâce à des analyses textuelles, les fondamentaux des cultures indo-européennes. William Jones (1746-1794), l’un des premiers linguistes à étudier les liens entre le grec et le sanskrit et donc à contribuer à l’étude des langues indo-européennes, constitue une autre influence directe de Maine. Leurs intérêts convergent, dans la mesure où Jones apprend le sanskrit pour pouvoir étudier les textes juridiques indiens dans leur langue d’origine. Enfin, le philologue et conteur allemand Jacob Ludwig Karl Grimm fait aussi partie des références structurantes de la pensée de Maine [18].

En suivant Raymond Cocks, on peut dire que la philologie se définit par trois éléments méthodologiques : tout d’abord, comparer entre elles des langues que l’on considère comme ayant entre elles des relations de parenté dont il s’agit d’établir l’existence effective, pour finalement reconstituer des formes originelles à partir desquelles déduire en retour des dérivations [19]. Maine procède exactement ainsi : les sociétés « indo-européennes » sont liées les unes aux autres par des relations de parenté comme on peut en trouver en philologie [20]. Il est donc logique de considérer qu’elles sont dérivées les unes des autres, et de voir dans leurs similitudes la preuve de ces dérivations [21]. C’est pourquoi il est possible de rassembler au sein d’une même famille des sociétés possédant une parenté « aryenne » commune. Des systèmes aussi divers que ceux des communautés irlandaises, russes, germaniques ou indiennes sont considérés comme apparentés aux systèmes juridiques modernes de l’Europe occidentale, ce qui permet par exemple à Maine de comparer le droit des communautés de village d’Inde au droit romain primitif. Maine généralise ce modèle en faisant l’hypothèse de dérivations, même en l’absence de données empiriques [22].

2.3. La « communauté de village », forme élémentaire des sociétés indo-européennes

Maine reconnaît néanmoins les limites de cette méthode, qui ne saurait produire des résultats aussi rigoureux que ceux de la philologie [23]. Ce qu’il emprunte surtout à cette discipline, c’est donc la pratique de la comparaison, qui doit le conduire à trouver les « formes sociales les plus élémentaires » des sociétés qu’il étudie, ce qui permettrait en retour d’éclairer le fonctionnement du droit moderne [24]. La forme élémentaire des « sociétés indo-européennes » n’est autre que la « communauté de village ».

Selon Maine, « la communauté de village prend, dans sa forme la plus simple, l’aspect d’une assemblée de copropriétaires, un ensemble d’individus apparentés possédant un domaine en commun ». Elle est toutefois « davantage qu’une confrérie d’individus liés par le sang ou qu’une association de partenaires » car elle est « une société organisée » qui assure « la gestion d’un fonds commun » de ressources sur son territoire [25]. La communauté de village est aussi une société patriarcale : la responsabilité des familles qui la composent revient aux descendants mâles. Comme les membres de la communauté sont liés par la nécessité de gérer en commun les ressources de leur territoire, leurs relations personnelles sont confondues avec leurs droits de propriété. Cela signifie qu’aucun des membres de la communauté n’est totalement libre d’exploiter les ressources à sa disposition : il ne peut le faire que selon des règles qui permettent le bon usage et le renouvellement des ressources exploitées en commun. Chacun se voit attribuer un statut au sein de la communauté et de sa propre famille, et ce statut détermine les droits d’exploitation qu’il a sur les ressources communes. Maine voit donc trois éléments fondamentaux dans cette forme élémentaire des sociétés indo-européennes : « l’interdépendance familiale », la « propriété collective » et enfin « la soumission au pouvoir patriarcal » [26].

Cette unité élémentaire est une forme d’idéal-type à partir duquel l’évolution de toutes les sociétés dites indo-européennes aurait débuté. Cette évolution consiste principalement en l’individualisation progressive des droits des individus par leur détachement du collectif. Comme nous l’avons vu, à l’origine, selon Maine, les droits des individus dépendent de leur statut au sein de la famille et de l’appartenance à une communauté de village. Or, Maine conclut de ses observations diachroniques des sociétés indo-européennes que les individus s’affranchissent progressivement de ce statut. Ce processus est principalement visible dans l’individualisation graduelle de la propriété, qui confère aux individus de plus en plus de droits aux biens qu’ils s’approprient, et en retire au groupe.

2.4. Maine, anthropologue ?

Maine s’inscrit ainsi dans les débats, centraux pour l’anthropologie naissante du XIXe siècle, touchant à la structure originelle des sociétés humaines. Si l’on résume ce débat à l’opposition entre modèles patriarcal et matriarcal, Maine peut être considéré, avec prudence, comme l’un des principaux représentants de l’idée d’une origine patriarcale des communautés humaines. En 1861, la même année où Maine publie Ancient Law, Johann Jakob Bachofen (1815-1887) publie Le Droit maternel (Das Mutterrecht), où il défend l’hypothèse « inverse » d’une origine matriarcale des structures de parenté et de pouvoir. Maine occupe à son époque une position équivalente à celle d’un Lewis Henry Morgan, qui va défendre en 1871, c’est-à-dire dix ans exactement après la publication d’Ancient Law, une thèse similaire à celle de Bachofen, dans Systems of Consanguinity and Affinity of the Human Family. Morgan rend toutefois hommage à Maine comme à un précurseur dans Ancient Society, publiée en 1877 [27]. Pour ses contemporains, Maine doit être surtout reconnu comme le premier à avoir souligné le caractère structurant des liens de parenté dans les sociétés primitives.

Toutefois, si la communauté de village est bien une institution patriarcale, elle ne marque pour Maine que l’évolution de certaines sociétés, les sociétés « indo-européennes ». Dans l’un de ses derniers ouvrages, les Dissertations on Early Law and Custom, il consacre d’ailleurs un chapitre à cette question, intitulé « Theories of primitive society ». Il ne saurait être plus clair puisqu’il y rappelle qu’il n’était pas dans son « intention de déterminer l’origine absolue des sociétés humaines [28] ». Il en profite alors pour déclarer abusive toute forme d’universalisation [29]. Il faut donc, encore une fois, relativiser la portée des propos de Maine quant à l’existence d’éléments fondamentaux communs à l’ensemble des sociétés humaines. Son œuvre est très peu « anthropologique » à cet égard. Cela explique qu’il ne perçoive pas Morgan comme un véritable contradicteur, le citant d’ailleurs ponctuellement dans ses ouvrages après Ancient Law, notamment en l’associant à John Ferguson McLennan et son livre Primitive Marriage, de 1865 [30].

Quant à la question de la nature proprement anthropologique de l’étude de Maine, cette fois-ci du point de vue du contenu, on remarquera que son corpus et ses objets d’étude restent ceux d’un juriste et, dans un premier temps au moins, d’un amateur de romanistique : c’est le droit et les textes juridiques qui intéressent particulièrement Maine, ainsi que les comptes rendus historiques concernant les communautés de village. S’il est généralement considéré comme l’un des pères de l’anthropologie juridique, il consacre toutefois l’immense majorité d’Ancient Law à analyser le droit romain. Dans cet ouvrage, son contact principal avec le présent de l’Inde vient des rapports d’officiers coloniaux. Lorsqu’il s’intéresse au passé du droit indien, pour prolonger le travail d’Ancient Law dans Village Communities, Maine consacre presque toute son analyse aux textes des juristes brahmanes. L’un de ses derniers ouvrages, Early History of Institutions, semble presque entièrement motivé par la redécouverte, grâce à une traduction, de l’ancien droit irlandais, ou Brehon Law.

On perçoit alors une évolution dans le travail de Maine, qui s’éloigne progressivement du droit romain pour s’intéresser davantage à des formes « primitives » de droit. Si l’on doit le considérer comme l’un des premiers anthropologues du droit, c’est donc peut-être davantage en regard de ses œuvres les plus tardives qu’en référence à Ancient Law. Néanmoins, bien que de nombreux traits rapprochent Maine des anthropologues dont il est plus ou moins le contemporain, il demeure toutefois un homme de son temps, c’est-à-dire d’une époque où les frontières disciplinaires sont encore mal établies. Il ne fait aucun doute que sa contribution à l’histoire de l’anthropologie juridique est marquante, mais il ne faut pas oublier que ses analyses sont principalement textuelles et ne comportent presque aucun élément ethnographique.

3. Droit et changement social dans les œuvres de Henry Sumner Maine

Les réflexions qui précèdent permettent de donner davantage de sens à l’œuvre de Maine, qui est par ailleurs aussi foisonnante que déconcertante. La diversité de sujets qu’il aborde est rendue cohérente par sa volonté de décrire l’équilibre toujours précaire entre un droit et sa société, de montrer comment « les besoins sociaux » et « l’opinion publique » évoluent en décalage avec le droit, créant un véritable « fossé ». La véritable histoire du droit que Maine pratique est en réalité l’histoire des relations dialectiques entre droit et société [31]. Le droit y apparaît à la fois comme le moteur originel du changement social et comme étant en retard par rapport à cette même évolution. Ce constat permet de faire une présentation générale des idées les plus fondamentales de l’œuvre de Maine, notamment celles qui ont intéressé les juristes.

Une des clefs de lecture essentielles de son œuvre est en effet de considérer qu’elle est articulée autour de l’idée que le droit occupe une place centrale dans l’histoire du changement social [32]. Les institutions juridiques reflètent la dynamique même de l’évolution des sociétés, autant qu’elles en sont responsables, comme les termes mêmes de la loi dite de passage du « statut » au contrat le suggère (cf. infra). Le chapitre II d’Ancient Law débute par des précisions sur la distinction, capitale chez Maine, entre les sociétés « progressives » et les sociétés « stationnaires ». Maine précise que « pour la race humaine, la condition stationnaire est la règle, et le progrès l’exception [33] ». Aussi, l’exception « progressive » est intimement liée au système juridique, car les sociétés progressives trouvent leur origine dans la création des codes juridiques. L’existence d’un code est liée pour Maine à la fin d’un « développement spontané » et au début d’un progrès mené « intentionnellement », caractéristique qui distingue sociétés « progressives » et sociétés « stationnaires » par le recul réflexif que les premières peuvent avoir sur leurs institutions [34]. La possibilité d’une évolution sociale est donc directement liée à l’existence d’un code juridique. Toutefois, le processus de codification doit répondre à certains critères, que Maine met à jour au moyen de sa méthode comparative. Aussi, comme « l’ethnologie » permet de remarquer une « ressemblance frappante » entre les « coutumes originelles » des Romains et des Hindous, qu’il considère, nous l’avons vu, comme appartenant à un même « fond originel » d’institutions, les institutions « indo-européennes » [35], Maine va chercher à expliquer les raisons principales pour lesquelles la société romaine a été davantage marquée que l’Inde par cette dynamique de progrès. L’existence d’un code ne suffisant pas, il faut que ce code soit ouvert au changement social, et qu’il propose une articulation efficace entre droit et société, pour permettre le progrès. On remarquera ici de nouveau que l’évolutionnisme de Maine reste modéré : en effet, le processus d’évolution n’est pas une loi nécessaire de l’évolution des sociétés, car elle apparaît comme le produit contingent d’une série de divers facteurs.

3.1. La codification juridique comme creuset du changement social et ses conditions

L’apparition des sociétés progressives est en fait conditionnée par un faisceau de facteurs historiques indépendants. Un fait important réside dans la façon dont les codes primitifs ont tendance à mêler les « prescriptions religieuses, civiles et simplement morales [36] ». Ce stade commun à tous les codes primitifs qu’observe Maine, les sociétés progressives l’ont dépassé, et c’est notamment le cas du droit romain avec l’introduction des Douze Tables. En revanche, ce cap n’a pas été franchi en Inde, qui n’a pas dépassé « le stade auquel une règle de droit n’est pas encore distinguée d’une règle religieuse [37] ». Ainsi, selon la combinaison de ces facteurs, le bénéfice de la codification peut être neutralisé par la crispation d’une société sur ses lois, cette crispation provenant souvent d’une trop grande influence des prescriptions religieuses sur le droit établi, mais pas seulement. D’autres facteurs interviennent, comme le type d’aristocratie à laquelle est confié le privilège de conserver et de faire appliquer le droit coutumier. S’il s’agit d’une aristocratie séculaire comme à Rome ou religieuse comme en Inde, le résultat ne sera pas le même. Au-delà de la place du religieux dans le code, il importe aussi que la codification ait eu lieu précocement, plutôt qu’à une époque tardive, et que soient codifiées les véritables coutumes des peuples concernés [38].

L’existence d’un code est donc le moteur nécessaire au lancement du mouvement des « sociétés progressives » vers le progrès. Or, ce progrès semble directement lié pour Maine à la loi de passage du statut au contrat, comme l’affirment avec force les paragraphes du chapitre V d’Ancient Law [39]. Le passage du statut au contrat semble alors unir la grande diversité des sociétés « indo-européennes » et leur histoire dans un même mouvement, mouvement qui est directement associé par Maine à l’ensemble des « sociétés progressives ». Or, ces sociétés ont en commun d’avoir connu, à un moment ou un autre de cette histoire, l’autonomisation du système juridique et l’apparition d’un droit codifié. C’est cette condition juridique originelle commune qui permet tout développement ultérieur, à savoir le passage du statut au contrat. Cependant, l’existence d’un système juridique n’est pas la cause principale ou le moteur direct du changement social. En effet, les premières lignes du chapitre II de Ancient Law précisent que l’introduction d’un code juridique met fin au développement « spontané » du droit primitif. Il existe donc une forme de développement qui précède l’existence d’un système juridique codifié [40]. Partant, le droit apparaît plutôt comme un accélérateur du changement social que comme une cause directe. Revenons toutefois davantage sur la loi de passage du statut au contrat.

3.2. La loi de passage du statut au contrat : le droit comme révélateur du changement social

Un des éléments centraux d’Ancient Law reste la loi de passage du statut au contrat, pour laquelle son auteur est particulièrement célèbre, et qui a presque éclipsé le reste de ses contributions. Cette loi d’évolution a une portée plus limitée que ce que l’on a pu penser, puisqu’elle ne concerne que les sociétés dites indo-européennes, qui partageraient selon lui un fonds d’institutions commun et donc des possibilités similaires de développement historique. Elle est la manifestation principale du processus d’individualisation des droits que nous avons mentionné plus tôt. Deuxièmement, ce développement n’a rien de nécessaire, il s’agit d’un accident permis par des circonstances exceptionnelles qui ne concerne que les « sociétés progressives ». Il faudra donc faire attention à la façon dont Maine présente cette loi, qui peut laisser penser que ce développement serait inévitable, comme s’il était inscrit dans le code génétique des sociétés concernées :

Le mouvement des sociétés progressives a été uniforme sous un certain rapport. Il se distingue tout au long de son développement par la dissolution graduelle de la dépendance envers la famille, remplacée par l’accroissement des obligations individuelles. L’Individu se substitue constamment à la Famille en tant qu’unité élémentaire reconnue par le droit civil […] Partant, comme d’une extrémité de l’histoire, d’un état de la société où toutes les relations entre les Personnes se résument aux relations entretenues dans une Famille, il semble que nous nous soyons constamment déplacés vers une phase de l’ordre social dans laquelle ces relations proviennent du consentement mutuel des Individus […]. [Par conséquent] nous pouvons dire que le mouvement des sociétés progressives a jusqu’à présent consisté à passer du Statut au Contrat
 [41].

Ces mots, qui concluent le chapitre V d’Ancient Law, s’appuient presque exclusivement sur une étude précise de l’histoire du droit romain, et notamment du droit romain de la famille, à laquelle ils sont censés donner une cohérence. Maine montre alors qu’au fur et à mesure de l’histoire des sociétés, les relations interpersonnelles sont de moins en moins définies en référence à la famille, à la « tribu » à laquelle une personne appartient et qui définit son statut, et de plus en plus fondées sur le « consentement mutuel des Individus », le contrat. L’entité juridique moderne que constitue « l’Individu » est donc une création tardive, la source des « droits » se trouvant davantage dans les sociétés plus anciennes du côté de la famille que de l’individu isolé. S’agit-il de la même idée selon laquelle « l’individu » est un produit tardif de l’évolution sociale, au-delà des considérations juridiques ? L’argument de Maine est plus subtil et restreint que cela : si les individus existent bien et ont des droits et des devoirs liés à leur personne, on remarquera toutefois qu’à l’origine, leurs droits personnels sont définis par leur statut au sein d’une unité sociale, la famille ou la famille élargie, jusqu’à la communauté de village. Aussi, leurs droits sont-ils alors entièrement liés au degré d’évolution d’une société sur le gradient qui sépare deux références abstraites, le statut et le contrat. En effet,

[…] sur quelques systèmes juridiques, l’organisation familiale des sociétés les plus primitives a laissé une marque évidente et étendue : l’autorité de toute une vie qu’exerce un Père ou un autre ancêtre sur la personne et la propriété de ses descendants, une autorité que nous appellerons par commodité de son nom romain tardif : la Patria Potestas [42].

Selon Maine, les sociétés indo-européennes, du moins tant qu’elles sont « primitives », partageraient une structure familiale d’origine qui octroierait une autorité au père ou à tout ancêtre mâle sur l’intégralité des membres de la famille, autorité qui porterait le nom latin de Patria Potestas. Or, cette structure familiale aurait eu une forte influence « sur quelques systèmes juridiques ». C’est pourquoi la Patria Potestas apparaît aux yeux de Maine comme le « nid au sein duquel l’intégralité du droit des Personnes a vu le jour », comme par exemple le droit des femmes, entièrement corrélé à leur lien avec un homme [43]. Maine évalue alors le degré d’autonomie juridique des femmes selon la progression d’une société dans son mouvement du « statut » vers le « contrat », à mesure que leurs droits se détachent de leur statut de femme ou fille d’un homme [44]. Cette histoire des institutions se développe d’un point à un autre, et forme un gradient dont les deux extrémités sont les figures typologiques du statut et du contrat. On peut donc situer toute société faisant partie des sociétés « indo-européennes » sur ce gradient, en fonction de la prégnance des institutions de la Patria potestas.

3.3. Les « agents » du changement social : le droit comme régulateur du changement social

Si Maine décrit la façon dont les sociétés concernées évoluent avec leur droit, cela ne signifie pas pour autant qu’il considère que droit et changement social ont une relation harmonieuse. Il pense au contraire que les institutions juridiques sont en décalage permanent avec leur société, et que la relation qui s’ensuit est tumultueuse et voit s’affronter des tendances contradictoires, notamment entre tendance au changement et tendance au conservatisme. Si droit et société progressent de manière parallèle, ils évoluent avant tout de manière autonome, et le changement social semble toujours devancer l’évolution des institutions juridiques et des mentalités qui leur sont associées. Ainsi, « la plus grande partie de notre constitution mentale, morale et physique est stable » et oppose une « résistance » constante au changement social et tend à en minimiser l’importance, faisant des « évolutions de la société humaine » l’exception plutôt que la règle [45].

Il faut donc, pour éviter toute crispation du corps social, que le droit régule l’absorption des changements sociaux qui s’y produisent. Trois instruments ou modes d’évolution sont successivement décrits par Maine : les fictions, l’équité et la législation. Tout d’abord, Maine aborde l’idée de « fiction » juridique :

[…] j’emploie désormais l’expression « Fiction juridique » pour désigner toute affirmation qui dissimule, ou prétend dissimuler, l’altération subie par une règle de droit, sa lettre demeurant intacte alors que son application se trouve modifiée. […]. Dans les deux cas, le fait est que la loi a été entièrement changée ; la fiction implique qu’elle demeure ce qu’elle a toujours été [46].

Maine définit les fictions comme un instrument de « dissimulation » du changement social, en distinguant une création artificielle, la fiction juridique qui dissimule le changement du « fait » qu’un changement a eu lieu dans « l’application » du droit. Elles font coïncider deux dynamiques qui seraient autrement contradictoires. Une fiction permet par conséquent au changement social de s’accomplir réellement, sans que les juristes puissent en prendre véritablement conscience et surtout sans que la société concernée ne voie ses fondements remis en cause. En effet, les fictions proposent un équilibre nécessaire aux sociétés naissantes qui n’ont pas achevé leur transition de sociétés « stationnaires » à sociétés « progressives », entre le « désir de perfectionnement » et le « dégoût du changement ». Là où ce « dégoût » est trop fort, elles permettent de dépasser un droit encore trop « rigide » pour évoluer ouvertement. Ainsi, les fictions ne sont pas le résultat d’une forme de volontarisme réformateur et explicite, à l’inverse du réformisme benthamien [47].

Le stade des fictions est suivi par celui de l’équité, où ces précautions semblent moins nécessaires. Il écrit en effet :

J’appelle « Équité » l’institution suivante par laquelle se poursuit l’adaptation du droit aux besoins sociaux, désignant par ce mot tout ensemble de règles existant à l’écart du droit civil originel, fondé sur des principes distincts et prétendant remplacer incidemment le droit civil en vertu d’une sainteté supérieure, inhérente à ces principes. Elle diffère des Fictions, qui l’ont précédé dans chaque cas, en ce que dans son cas l’interférence avec le droit est ouverte et déclarée [48].

« L’interférence » introduite par l’équité est « ouverte » et « déclarée ». L’époque de l’équité verrait l’apparition d’un « ensemble de règles existant à l’écart du droit civil originel », qui deviennent les principes régulateurs d’une évolution consciente du droit, sans pour autant tenir d’une volonté réformatrice explicite. Maine applique à l’équité un mode de fonctionnement similaire aux fictions : cacher le changement sous des apparences de stabilité. L’équité des Romains était donc incarnée par le droit naturel issu du jus gentium, qui « avait pour fonction d’être un correctif, et non d’être révolutionnaire [49] ». Ce système permettait la correction progressive du droit positif avec à l’esprit un droit idéal de nature, dans le respect de la stabilité du corps social chez les Romains.

Or, cette prudence à l’égard de l’évolution juridique ne semble plus nécessaire à l’époque de la « législation », qui caractérise les sociétés les plus modernes.

La législation, c’est-à-dire les décrets d’un pouvoir exécutif, qu’il prenne la forme d’un prince autocrate ou d’une assemblée parlementaire, est l’organe supposé de la société entière, et se trouve être le dernier des agents correcteurs du système juridique. Elle se distingue des Fictions Juridiques tout comme l’Équité s’en distingue elle-même, et elle est aussi distinguée de l’Équité en ce qu’elle tire son autorité d’un corps ou d’une personne extérieurs. Son pouvoir coercitif est indépendant des principes de l’Équité [50].

Si la légitimité de cette nouvelle institution est immanente, elle est cependant un « corps ou une personne extérieurs », incarnés par un « principe » ou par une « assemblée ». Maine ne précise pas à quoi cette institution est extérieure, mais ce ne peut être qu’au système juridique. En effet, alors que l’équité consacrait le travail d’élaboration du droit des jurisconsultes, des juristes et des juges, la législation agit sur le système juridique de l’extérieur, de manière volontaire, consciente et explicite. Ainsi, l’histoire des « agents » que sont fictions, équité et législation est consubstantielle de l’histoire générale des sociétés, tout comme l’était le passage du statut au contrat, et le droit occupe la place de révélateur privilégié du changement social. Cependant, le droit joue un rôle supplémentaire, celui de régulateur du changement social, et c’est grâce à l’évolution progressive des instruments d’harmonisation du juridique et du social que le droit peut accomplir cette fonction nécessaire au maintien de la cohésion du corps social au fur et à mesure qu’il progresse.

4. La critique de la conception austinienne de la souveraineté

Une des contributions les plus importantes de Maine à l’anthropologie juridique est peut-être sa critique de la conception impérativiste du droit, défendue par John Austin, qui s’inspirait lui-même de Jeremy Bentham et de Hobbes. Selon John Austin, la loi est un commandement, émis par un supérieur politique, le souverain, à un inférieur politique, ce dernier étant habitué à obéir au premier. Cette obéissance est garantie par la peur d’une sanction infligée par le souverain, qui possède le monopole de l’usage légitime de la force, qui lui est accordé en devenant le « Léviathan » hobbesien [51]. Plusieurs propositions découlent de cette définition de la souveraineté. Dans ce modèle, le droit se manifeste essentiellement par la loi, produit de la volonté souveraine, définie principalement par le fait qu’elle détient le monopole de la faculté de sanctionner. Aussi, l’autorité dudit souverain ne connaît pas de véritable limite : tout ce qui n’est pas un produit de la volonté souveraine ou qui ne fait pas l’objet de son acceptation tacite est rejeté dans le domaine de la « moralité positive » par Austin, y compris les dispositions constitutionnelles. Ainsi, bien qu’Austin ne vide pas complètement la coutume de sa force contraignante, elle est soit réduite à un statut similaire à celui des règles de la morale, respectée du seul fait de la pression des pairs, soit validée par la volonté souveraine, où elle n’est respectée que parce qu’on lui adjoint les sanctions caractéristiques de la loi. L’action du juge, notamment dans le cadre de la Common law, n’est ni productrice de règles, ni ne fait respecter les « coutumes » : le juge n’est qu’un délégué du souverain.

Le projet de Maine est alors simple : tandis qu’il accepte la définition de la souveraineté et du droit proposée par ce paradigme pour les États occidentaux modernes, il soutient que cette même définition ne convient pas aux sociétés les plus anciennes ou les plus éloignées et qu’il s’agit, même dans le cas de l’époque moderne, d’une généralisation abusive. Afin de défendre cette hypothèse, il confronte les notions essentielles extraites de l’œuvre d’Austin avec les données de disciplines avec lesquelles il est familier : l’histoire, l’anthropologie, la linguistique, etc. Maine considère en effet que la conception qu’Austin propose de la souveraineté et du droit, à la suite de Hobbes et Bentham, est corrélée à la centralisation progressive des États occidentaux, et à l’hégémonie grandissante de l’activité législatrice par rapport à d’autres formes de production des normes juridiques [52]. Cela l’aurait conduit, selon Maine, à ignorer les formes de régulation sociale comme le droit coutumier et les institutions de la Common law britannique, par exemple, et de considérer toute autre option que la souveraineté « moderne » comme similaire à l’anarchie. Or, cette alternative entre la souveraineté du « Léviathan » et l’anarchie ou le « désordre universel » est pour Maine constitutive de la pensée de Hobbes, et conduit à un refus de considérer les différents niveaux de sociabilité qui selon lui précèdent logiquement et chronologiquement l’État, comme ceux de la famille ou des communautés de village qui l’intéressent tout particulièrement [53].

Le droit coutumier qu’on trouve dans ces communautés intéresse Maine par la façon dont il prouve qu’ont pu exister et existent encore des formes de régulation sociale différentes de celles qu’instaurent le droit et la souveraineté « modernes ». Or, le fait que le droit coutumier ne s’appuie pas sur les mêmes types de sanction que le droit moderne est crucial pour Maine, car il n’est pas appliqué par la sanction qui constitue selon lui l’essence du pouvoir de l’État. Dans les communautés suivant les règles de la coutume, les activités législatrices et judiciaires et les sanctions qui les accompagnent sont seulement de vagues concepts et les règles qu’elles émettent et appliquent semblent, pour utiliser un vocabulaire contemporain, self-enforcing ou auto-exécutoires. Ainsi, tous les éléments qui sont essentiels au droit tel qu’il est décrit par Hobbes, Bentham et Austin apparaissent absents du droit coutumier. Inversement, l’étude du droit coutumier, principalement grâce à l’Inde et à quelques autres exemples, peut révéler selon Maine que, même dans les sociétés occidentales modernes, la régulation sociale ne saurait se résumer aux commandements du souverain et aux verdicts des juges, et à l’opposition austinienne entre moralité positive et droit positif.

Utilisant un vocabulaire tiré de l’œuvre d’Austin, Maine décrit la loi comme un commandement d’un type particulier, imposé encore une fois par un supérieur à un inférieur politique, le second ayant pour « habitude » d’obéir au premier. Par conséquent, la loi

[…] impose aux sujets une obligation ou un devoir et menace de les sanctionner [a penalty (or sanction)] dans le cas où ils désobéiraient. La capacité [power] qu’ont certains membres en particulier de la communauté d’en appeler à l’application d’une sanction à l’encontre d’une négligence ou de la violation d’un devoir [duty] est appelée un Droit [Right] [54].

De cette définition, Maine tire la conséquence suivante : il est « impossible d’appliquer ces termes […] au droit coutumier sous lequel les communautés de village de l’Inde vivent depuis des siècles [55] », et ce pour les raisons suivantes. Bien que des autorités respectées soient consultées au sujet de la coutume, on ne dit jamais qu’elles « légifèrent » ou « qu’elles rendent un verdict », puisque leur décision est considérée comme une simple déclaration de ce qu’est la coutume, simplement parce que l’on part du principe qu’elle est une pratique éprouvée par le temps. C’est la raison pour laquelle il est difficile, du moins d’un point de vue purement sémantique, de dire que les autorités coutumières ordonnent quoi que ce soit à qui que ce soit, de la façon dans le souverain austinien pourrait le faire [56].

Qui plus est, on ne peut pas considérer que les individus possèdent des droits ou des devoirs dans de telles sociétés, du moins pas tels que le droit moderne l’implique. En effet, les victimes contre lesquelles on a commis une faute ne sauraient prétendre qu’elles possèdent des droits que le souverain doit faire respecter en imposant sa volonté aux individus qui auraient les obligations correspondantes à ces droits : une faute est davantage considérée comme perturbant l’équilibre fragile de la communauté. Les décisions des autorités coutumières se concentrent donc sur l’impératif de restaurer la cohésion de cette « petite société » et l’équilibre entre les familles et les clans. L’association entre une faute et une sanction, fondée sur l’idée de responsabilité individuelle, serait alors absente de cette perspective. Une analyse de la place de la sanction dans de telles communautés s’ensuit naturellement : tandis que le souverain est supposé sanctionner les individus pour leur manque de respect du droit, un tel mécanisme semble relativement absent du droit coutumier tel que le conçoit Maine. Les cas de désobéissance sont selon lui rares, ce qui suppose des mécanismes supplémentaires pour les éviter. Lorsqu’ils ont lieu, ils sont accueillis par la « désapprobation universelle », sans autre forme apparente de sanction. Cependant, Maine considère lui-même que la dernière partie de cette description n’est pas correcte, puisque cela impliquerait que le droit coutumier indien ne serait pas distinct de ce qu’Austin appelle la « morale positive », une idée qu’il rejette immédiatement.

Pour Maine, l’unité de base des sociétés primitives est la famille, notamment élargie. Ainsi, les systèmes coutumiers ont tendance à se fonder sur la responsabilité collective davantage que sur la responsabilité individuelle. Les individus en tant que tels n’ont pas réellement de droits, du moins pas de droits égaux à ceux des autres individus : leurs droits et leurs devoirs dépendent en fait de leur statut, qui dépend lui-même de leur place au sein d’une famille. Ce que l’Inde ou encore l’ancien droit irlandais permettent à Maine d’apercevoir, c’est que les règles de la coutume et leurs sanctions sont vagues au sens où elles ne s’appliquent pas aux individus directement comme le font celles du droit, mais qu’elles s’appliquent plutôt aux relations entre les familles. Les actes individuels, et surtout les fautes qu’ils constituent, ne sont par conséquent pas systématiquement liés à des sanctions individuelles. Encore une fois, ce qui compte dans les systèmes coutumiers, c’est de veiller à la sauvegarde de l’harmonie de la communauté : les autorités coutumières vont donc mettre en application des décisions qui vont promouvoir l’équilibre entre les deux parties d’un conflit, afin d’éviter davantage de perturbation du corps social : « Lorsqu’un ensemble de jugements Brehon était promulgué par un chef irlandais devant une assemblée tribale, il est probable que l’utilité générale était l’objet recherché plutôt qu’une nouvelle sanction [57]. »

Pour mettre en lumière l’incapacité de la théorie de la souveraineté d’Austin à décrire des sociétés autres que les sociétés modernes, Maine recourt à l’exemple de Runjeet Singh, souverain du Pendjab, l’une des provinces annexées tardivement par les Britanniques, qui devrait incarner le souverain austinien par excellence. Pourtant, Runjeet Sing ne prononce pas de « commandements généraux » et ses ordres sont des commandements strictement particuliers, qui n’ont pas le statut de loi selon la définition d’Austin [58]. En effet, si l’on présente la théorie d’Austin comme suit, Runjeet Singh et le Pendjab semblent bien être un contre-exemple :

Dans l’esprit du Juriste [Austin], une loi doit ordonner une classe d’actes ou d’omissions, ou un nombre d’actes et d’omissions établis généralement ; une loi qui ordonne un seul acte n’étant pas une véritable loi, mais étant distinguée comme un commandement « occasionnel » ou « particulier ». La loi ainsi définie et limitée est l’objet de la jurisprudence telle que la conçoivent les juristes analytiques [59].

Selon la définition austinienne de la législation, sont des lois les décrets qui n’ordonnent pas seulement un acte « occasionnel » ou « particulier », mais concernent « une classe d’actes », définis « généralement » et non sur le mode de la particularité. Une loi ne saurait donc être un ordre particulier, et doit prononcer un standard de comportement qui concerne un type d’acte et peut donc potentiellement concerner un grand nombre d’individus, sur une longue période. Maine est particulièrement clair à ce sujet lorsqu’il commente l’œuvre d’Austin dans son article sur le droit international : imaginons qu’une armée prenne le contrôle total d’un pays étranger par la force. Elle aurait alors tout pouvoir d’imposer ses volontés aux habitants et de se faire obéir d’eux sans contestation. Toutefois, elle ne ferait dans un premier temps qu’émettre des ordres « dispersés », au lieu de produire des lois « générales ». Elle pourrait faire de telles lois, une fois qu’elle se constituerait en un « corps déterminé » (« definite body ») capable de le faire [60]. C’est d’ailleurs en développant cet exemple que Maine rappelle que pour qu’un individu ou un ensemble d’individus soit considéré comme « souverain », il est nécessaire que la majeure partie (« bulk ») d’une société soit habituée à lui obéir, mais non pas l’intégralité de la société (« the whole of society »), car dans ce dernier cas, « la souveraineté serait impossible » [61].

Ainsi, le pouvoir au sens d’une simple force exercée, même sur l’intégralité d’une société, ne fait pas le souverain. Inversement, la souveraineté est établie même lorsque certains individus désobéissent ponctuellement. L’essentiel est que l’immense majorité de la population soit habituée à obéir à l’autorité qu’elle reconnaît comme souveraine, autorité qui est déterminée précisément, et dont les commandements, ou lois, concernent de larges classes de comportements, et ne sont pas uniquement des ordres ponctuels. Cette obéissance « habituelle », Maine s’efforce de nouveau de la définir par un exemple : de nombreux individus obéissent aux commandements de l’Église catholique en Europe, et règlent sur ses « consignes » des « points de comportement individuel ». Il considère toutefois que cette obéissance, « comparée avec le nombre de fois où [la population] se soumet elle-même aux lois du pays où elle habite », demeure seulement « occasionnelle » et non « habituelle ». Il doit donc y avoir un caractère englobant dans l’obéissance au souverain : elle doit concerner un grand nombre d’actes quotidiens réalisés par les individus, au lieu de ne concerner que des actions spécifiques, dans des domaines spécifiques de l’agir [62]. Notons aussi que cette dimension habituelle remet au moins partiellement en cause la centralité de la sanction dans la définition de la souveraineté : si les individus obéissent quotidiennement à des règles lors de l’accomplissement de gestes quotidiens, ils le font sans qu’il n’existe de sanction et même sans que la menace de sanction ne puisse être crédible.

L’autorité de Runjeet Singh se rapproche donc plus de ces contre-exemples que de celle d’un souverain. Il n’émettrait que des ordres particuliers, ce qui signifie, si l’on en croit l’opinion de Maine à ce sujet, que ses « ordres » ne concernent probablement qu’un trop petit nombre d’actions de ses sujets pour être des lois, et que leur contenu est aussi, selon Maine, trop spécifique et ne s’adresse pas à une large catégorie d’actions. Runjeet Singh n’est donc pas le souverain au sens de producteur de la loi et du droit. La loi, elle, est plutôt produite dans les communautés de village :

À première vue, il ne pourrait y avoir de plus parfaite incarnation de la souveraineté telle que la conçoit Austin que Runjeet Singh. C’était un despote absolu […]. Il aurait pu ordonner n’importe quoi […]. Et pourtant je doute qu’il ait jamais, ne serait-ce qu’une fois, prononcé un commandement qu’Austin appellerait une loi […] Il n’a jamais légiféré. Les règles qui régulaient la vie de ses sujets étaient dérivées de leurs usages immémoriaux, et ses règles étaient administrées par les tribunaux domestiques, au sein des familles ou des communautés de village [63].

La production du droit demeure la prérogative de « tribunaux domestiques », qui appliquent le droit coutumier et ses « usages immémoriaux ». Le pouvoir que possède Runjeet Singh ne fait pas de lui un souverain. De ce point de vue, il est comme l’armée occupant un territoire étranger, capable de garantir l’obéissance, mais dont le contrôle sur le comportement des individus n’excède pas l’étendue de la force simple. Dans la mesure où c’est au sein des communautés de village que les individus reçoivent l’immense majorité des commandements concernant leur comportement quotidien, Runjeet Singh est aussi comme l’Église catholique en Europe : sa capacité à influencer ponctuellement les comportements individuels est largement concurrencée par d’autres instances normatives qui, elles, ont tous les attributs de la souveraineté. Néanmoins, on saisit bien ici que l’enjeu du propos de Maine n’est pas uniquement de dire qu’il existe d’autres formes de régulation sociale que la législation souveraine : c’est cette même souveraineté qui se trouve redéfinie par l’apport que constitue une réflexion sur d’autres modes, passés ou présents, d’organisation sociale. La seule concentration de la force et de la faculté de sanctionner ne sont pas les seuls attributs du souverain : son pouvoir se définit aussi par la portée du contrôle qu’il exerce sur la vie de ses sujets, ainsi que sur la nature « habituelle » de son pouvoir. C’est tout le fond des normes sociales, des coutumes et des institutions qui se trouve réintroduit dans ce qui fait de la législation souveraine à la fois une forme nouvelle du pouvoir et un mode de régulation sociale s’appuyant sur des formes anciennes ou modernes de régulation sociale.

5. L’influence d’Henry Sumner Maine sur ses contemporains et l’administration coloniale

Il ne fait aucun doute que les travaux de Maine ont eu un effet d’impact important sur son époque, notamment en ce qui concerne la gestion de l’Empire colonial. Karuna Mantena en fait même l’une des inspirations principales de la doctrine de l’indirect rule, doctrine selon laquelle certaines des colonies de l’Empire britannique devaient être dirigées au moins en partie par des élites locales [64]. Pour Sir Charles Lewis Tupper, administrateur colonial, « l’influence vivace et stimulante des idées de Maine » sur le gouvernement de l’Inde était indéniable. Il aurait appris aux britanniques à « accepter comme parties intégrantes du cours de la nature les différences entre les sociétés tribales et les sociétés civilisées [65] ».

La pratique de la comparaison entre sociétés éloignées aurait ainsi eu une influence déterminante sur le relativisme culturel prôné par les administrateurs coloniaux lors de la deuxième moitié du XIXe siècle, après une série de révoltes de grande envergure et l’impression laissée d’un échec des politiques volontaristes de la période précédente [66]. La « communauté de village », comme objet d’étude, aurait ici joué un rôle déterminant dans la volonté des administrateurs coloniaux de prendre en compte les coutumes locales dans leur gestion de l’Inde. Maine est ainsi à l’origine d’une attitude, suivie de faits dans la législation, qui conduira à la protection de formes de propriété considérées par les Britanniques comme archaïques, afin d’éviter l’effet socialement délétère de la propriété individuelle et du libre-échange sur les « communautés de village ». Sir Denzil Ibbetson, cadre de l’administration coloniale, dit d’ailleurs en 1885 que ces communautés sont une « source indispensable de cohésion » et forment « le ciment qui maintient unis les éléments incontrôlables de la société indienne ». Les supprimer reviendrait à supprimer « une force élémentaire comme la gravité » [67].

Comment Maine a-t-il pu avoir un aussi fort retentissement sur ses contemporains ? Ancient Law, publié en 1861, est un succès d’édition. Aussi Maine a-t-il déjà une certaine popularité. Il est d’ailleurs presque immédiatement invité à rejoindre l’administration coloniale. Un autre fait crucial explique que ses idées sont mobilisées par tant d’officiers coloniaux : l’introduction d’un examen compétitif pour entrer dans l’Indian Civil Service, corps administratif britannique en Inde, pour lequel maîtriser Ancient Law devient très vite fondamental [68]. Même si les administrateurs relativisent rapidement l’exactitude de certaines des réflexions de Maine, que ce dernier nuance d’ailleurs très bien lui-même, croire ou non à l’existence d’une forme pure de « communauté de village » n’est pas essentiel. La législation anglo-indienne est marquée, dans les décennies qui suivent la publication d’Ancient Law, par une série de mesures de grande envergure, ayant pour but soit de protéger des formes coutumières de propriété, soit de limiter les effets du libre-échange sur la société indienne. L’œuvre de Maine a par conséquent largement participé au renforcement de la croyance conservatrice, plus ou moins justifiée [69], de la nécessité de protéger les coutumes locales contre la modernité [70]. En voici quelques exemples : en 1900, le Punjab Alienation of Land Act restreint la liberté des paysans de céder leurs terres à des acheteurs extérieurs à leur communauté ; en 1912, le Punjab Panchayat Act de 1912 crée des tribunaux coutumiers pour remplacer certaines cours de justice britanniques ; enfin, en 1904, le gouvernement indien lance l’India Cooperative Movement, qui œuvre explicitement au maintien des communautés de village.

Néanmoins, Maine lui-même, lorsqu’il est conseiller auprès du gouvernement de l’Inde, n’est pas un grand législateur. La quasi-intégralité de son travail se limite à la codification de coutumes locales, œuvre poursuivie par ses successeurs [71]. Il promeut ainsi une forme de réformisme prudent mais animé par la volonté d’accompagner la société indienne sur le chemin du développement socio-économique, afin qu’elle rejoigne les autres sociétés indo-européennes [72]. C’est pourquoi il peut paraître paradoxal que ses idées aient eu autant de succès chez les nationalistes indiens souhaitant préserver les institutions indiennes, les communautés de village en premier lieu [73].

Enfin, Maine a une influence non négligeable sur le développement de l’ethnologie et de l’anthropologie coloniales britanniques. Avant Maine, les études faites en Inde sont très rares, et ce jusqu’en 1850-1860. Après la publication d’Ancient Law, leur nombre explose lors des décennies 1870-1880. Ces études sont souvent le fait d’officiers coloniaux qui les considèrent comme un développement naturel de leur profession principale, puisqu’ils sont régulièrement appelés à produire des monographies de communautés locales dans le cadre de leurs attributions. Si Maine n’est pas un anthropologue au sens strict, et si son œuvre contient essentiellement des travaux historiques ou philologiques de seconde main, il est la figure de proue d’un mouvement d’expansion des recherches anthropologiques dans l’Empire britannique [74].

Quelle postérité pour Henry Sumner Maine ?

Pour ce qui est de l’anthropologie, y compris juridique, la postérité de l’œuvre de Maine est très limitée. Souvent, Maine est connu par les anthropologues et les juristes comme celui qui aurait théorisé le passage des sociétés du statut au contrat, ainsi que l’évolution des formes de souveraineté. Cette dichotomie se perd toutefois dans l’ombre des grandes théories du tournant du XXe siècle. Elle est notamment éclipsée par les œuvres majeures de Tönnies ou Durkheim pour ne citer qu’eux. Les sciences sociales naissantes portent pourtant la marque de Maine : Durkheim l’a lu et le cite, Marx et Engels aussi, ainsi que Ferdinand Tönnies [75]. Il ne fait aucun doute que la diffusion de son œuvre a été suffisamment large pour marquer certains des plus grands esprits de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Cette grande popularité s’est toutefois rapidement éteinte, pour des raisons parfois très contextuelles : comme nous l’avons déjà remarqué, Maine s’éloigne rapidement de ses contemporains, à mesure que ceux-ci ont tendance à le considérer comme un conservateur, un démophobe et un contempteur de la Common law. Cela n’empêche pas son œuvre de connaître un succès certain, notamment de l’autre côté de la Manche, auprès des historiens du droit français comme Émile Jobbé-Duval [76], ou encore chez un économiste comme Émile de Laveleye. On notera à ce propos les échanges intellectuels qui ont lieu entre John Stuart Mill, de Laveleye et Maine [77]. Maine exerce sans conteste une influence déterminante ou est un partenaire de discussion privilégié pour tous les critiques d’une conception absolutiste de la propriété individuelle, qu’ils soient libéraux ou non.

De façon peut-être plus pérenne, pour les juristes ainsi que pour les historiens, philosophes et théoriciens du droit, Maine demeure le premier fer de lance de la critique, toujours répétée, que l’on peut adresser à une conception du droit et de la souveraineté semblable à celle de John Austin. L’une des critiques les plus connues d’Austin, celle de H. L. A. Hart [78], s’inscrit directement dans la lignée de Maine, et si l’ampleur de la diffusion de son œuvre parmi les théoriciens et philosophes du droit reste encore à évaluer précisément, il ne fait aucun doute qu’elle est importante. Parmi les noms les plus connus, on trouve le théoricien de « l’esprit » de la Common law, Roscoe Pound, ou encore le chef de file des « réalistes » américains, le juge Wendell Holmes. On ne saurait oublier que la chaire de « jurisprudence » d’Oxford, pour laquelle H. L. A. Hart est connu, a été créée pour attirer Maine [79]. Il ne fait donc aucun doute que Maine, entre la grande diffusion de son œuvre dans le monde anglo-saxon et l’ampleur de son influence à Oxford entre l’époque d’Austin et celle de Hart, a marqué au moins l’inconscient de l’histoire, de la philosophie et de la théorie du droit.

ŒUVRES DE MAINEDITIONS ORIGINALES PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE)

1855. Henry Sumner Maine, « The conception of sovereignty and its importance in international law », in Papers Read Before the Juridical Society, Londres, 1855-1858.

1856. Henry Sumner Maine, Roman Law and Legal Education, « Cambridge Essays », II, p. 1-29, ou in Village-Communities, 3e éd., 1876.

1861. Henry Sumner Maine, Ancient Law: Its Connection With the Early History of Society and Its Relation to Modern Ideas, Londres, Murray.

1871. Henry Sumner Maine, Village-Communities in the East and West. With Other Lectures, Addresses, And Essays, Londres, Murray.

1875a. Henry Sumner Maine, Lectures On the Early History of Institutions, Londres, Murray.

1875b. Henry Sumner Maine, The Effects of Observation of India on Modern European Thought. The Rede Lecture, Londres, Murray.

1876. Henry Sumner Maine, Village-Communities in the East and West. With Other Lectures, Addresses, and Essays, Londres, Murray.
Comprend également :
Address To University of Calcutta, Delivered Before the Senate, 1864.
Address To University of Calcutta, Delivered Before the Senate, 1865.
Address To University of Calcutta, Delivered Before the Senate, 1866.
The Theory of Evidence. 1873.
The Effects of Observation of India on Modern European Thought, 1875.

1881. Henry Sumner Maine, Village-Communities in the East and West, Six Lectures Delivered at Oxford, to which are added other Lectures, Addresses and Essays 4e éd., Londres.

1883. Henry Sumner Maine, Dissertations on Early Law and Custom, Londres, Murray.

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1886. Henry Sumner Maine, The Patriarchal Theory, « Quaterly Review », CLXII, janvier, p. 181-209.

1886. Henry Sumner Maine, Mr. Godkin on Popular Government, « Nineteeth Century », XIX, mars, p. 366-379.

1887. Henry Sumner Maine, India, in The Reign of Queen Victoria. A Survey of Fifty Years of Progress, T.H Ward, Londres, Smith, Elder and Co., I, p. 460-528.

1888. Henry Sumner Maine, International Law. The Whewell Lectures, F. Pollock & F. Harrison, Londres, Murray.

1889. Henry Sumner Maine, Village-Communities in the East and West, Six Lectures Delivered at Oxford, to which are added other Lectures, Addresses and Essays, Londres.

1892. Speeches e Minutes, in M. E. Grant Duff, Sir Henry Maine. A Brief Memoire of His Life, With Some of His Indian Speeches and Minutes, Selected and Edited by Whitley Stokes, Londres, Murray, 1892 (Littleton, Colorado), Rothman, 1979, p. 85-433.

1905. Henry Sumner Maine, International Law: A Series of Lectures Delivered Before the University of Cambridge, 1887, Londres, 1905.

LECTION D’OUVRAGES ET ARTICLES CONSACRÉS À SUMNER MAINE

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[1Nous traduisons. Nous utilisons aussi nos propres traductions des œuvres de Maine.

[2Voir Raymond. C. J. Cocks, Sir Henry Maine: a study in Victorian jurisprudence, Cambridge University Press, Cambridge, 1988, p. 9.

[3Pour une biographie complète de Maine, on consultera le livre de George Feaver, From Status to Contract. A Biography of Sir Henry Maine. 1822-1888, Longmans, Green, and Co., Londres, 1969. Voir aussi le chapitre de George Feaver, « The Victorian values of Sir Henry Maine », in Alan Diamond (éd.), The Victorian Achievement of Sir Henry Maine, A centennial Reappraisal, Cambridge University Press, Cambridge, 1991, p. 31.

[4Comme leur nom l’indique, les « Inns » étaient des auberges, mais pas uniquement : elles étaient à la fois le lieu de formation des futurs avocats, et l’endroit où ces derniers pouvaient loger pendant leur apprentissage. Elles servaient aussi de logement pour les avocats confirmés. Leur fonction était originellement centrale, puisqu’il n’existait pas encore, jusque dans la seconde moitié du XIXe siècle, de formation universitaire au droit, la profession étant entièrement apprise par apprentissage. De nos jours, elles remplissent principalement des fonctions de supervision de la profession juridique.

[5Maine est favorable à une codification de la Common law, qui demeure, encore aujourd’hui, un système jurisprudentiel, par opposition aux systèmes fondés sur des « codes », comme en France. Il s’inscrit ainsi dans un débat qui fait rage en Europe lors de la deuxième moitié du XIXe siècle, après la chute de Napoléon Ier et du Premier Empire. De nombreux juristes européens, comme F. C. von Savigny, s’interrogent sur la pertinence de conserver les codes napoléoniens imposés par l’Empereur comme une entreprise de refondation complète du droit, à l’image du Code civil français, publié en 1804. La Common law est considérée par certaines personnes, dont Maine, comme un système opaque, aux principes variables et incertains, qu’il faudrait entièrement reprendre et traduire en un code juridique.

[6Maine, Popular Government, Londres, J. Murray, 1885, rééd. Indianapolis, Liberty Classics, 1976.

[7Maine, Ancient Law: Its Connections with the Early History of Society and Its Relation to Modern Ideas, John Murray, Londres, 1861, chap. 5, p. 118.

[8Voir John Austin, The Province of Jurisprudence Determined: Being the First Part of a Series of Lectures on Jurisprudence, Or, the Philosophy of Positive Law, Vol. 2, J. Murray, Londres, 1863.

[9Maine, Ancient Law, 1861, p. 3.

[10Ibid., chap. 5, p. 118-119.

[11L’une des références principales de Maine est le travail de Georg Ludwig von Maurer sur les tribus germaniques.

[12Voir T. Roy et Anand V. Swamy, Law and the economy in colonial India, The University of Chicago Press, Londres, 2016.

[13Henry Sumner Maine, Village-Communities in the East and West. With Other Lectures, Addresses, And Essays, Londres, Murray, 1881, p. 266.

[14Voir J. Lyons, « Linguistics and law : the legacy of Sir Henry Maine », in Alan Diamond (dir.), The Victorian Achievement of Sir Henry Maine, A centennial Reappraisal, Cambridge University Press, Cambridge, 1991, p. 294-350.

[15Selon George Feaver, lier directement Maine à la philologie est risqué. Voir G. Feaver, 1969, p. 111. À l’inverse, J. W. Burrow estime que la philologie comparée est « le parallèle ayant le plus d’impact sur sa propre méthode », voir J. W. Burrow, Evolution and Society, A Study in Victorian Social Theory, Cambridge, Cambridge University Press, 1966, p. 149-153. Voir B. S. Jackson, « Law and Language: a metaphor in Maine, a model for his successors? » in A. Diamond, 1991, p. 256-293.

[16Pour une explication détaillée de ce qu’est l’indo-européen, voir https://www.universalis.fr/encyclopedie/indo-européen .

[17Voir Feaver, 1969, p. 40.

[18Voir B. S. Jackson, 1991.

[19R. Cocks, citant J. O. Ellis, « General Linguistics and Comparative Philology », Lingua, vol. 7 (2), in R. Cocks, 1988.

[20Maine estime par exemple que l’on trouve les preuves de cette récurrence dans la Patria Potestas des Romains. Voir Maine, Dissertations on Early Law and Custom, Murray, Londres, 1883, p. 194.

[21Maine parle ainsi de l’ancien droit irlandais, qui présenterait « de fortes similitudes avec un autre ensemble d’usages dérivé de l’ensemble aryen, le droit hindou […] », (« some strong analogies to another set of derivative Aryan usages, the Hindoo law »), Lectures on the Early History of Institutions, Londres, Murray, 1875, p. 11-12.

[22Maine, Ancient Law, 1861, p. 11.

[23Village-Communities, 1871, p. 8. C’est pourquoi Jackson peut affirmer, filant la comparaison avec la linguistique, que Maine n’arrive à établir que des « parallèles sémantiques », plutôt que de véritables « connexions étymologiques » et généalogiques entre différentes institutions. B. S. Jackson, 1991, p. 266-267.

[24Ancient Law, 1861, p. 119.

[25Ibid., p. 262.

[26Maine, Lectures on the Early History of Institutions, 1875a, p. 2-3.

[27Voir A. D. J. Macfarlane, « Some contributions of Maine to history and anthropology », in Diamond, 1991, p. 111-142.

[28Notre traduction de « It was not part of my object to determine the absolute origin of human society » (Maine, Dissertations on Early Law and Custom, 1883., p. 192).

[29Ibid., p. 203-204.

[30Voir Maine, Lectures on the Early History of Institutions, 1875a, p. 212, 215 et 238.

[31Selon Raymond Cocks, Maine « n’a jamais donné de réponse à la question : qu’est-ce le droit ? », mais il est cependant crucial de noter que « Maine a plus souvent écrit sur la relation entre les choses que sur les choses elles-mêmes », R. Cocks, 1988, p. 197 et 201.

[32Maine, Ancient Law, 1861, chap. 2, p. 24.

[33Ibid., p. 24.

[34Ibid., p. 21.

[35Ibid., p. 20-22.

[36Ibid., p. 16.

[37Ibid., p. 23.

[38Voir D. A. Nielsen, The sociological theories of Sir Henry Maine: Societal transformation, cultural modernization and civilization in sociocultural perspective, New School for Social Research, 1972, p. 158-159.

[39Maine, Ancient Law, 1861, chap. V, p. 168-170.

[40Ibid., p. 21.

[41Ibid., chap. V, p. 168-170.

[42Ibid., p. 135.

[43Ibid., p. 152.

[44Ibid., p. 153.

[45Ibid., p. 117.

[46Ibid., p. 25-26.

[47Ibid., p. 26-27.

[48Ibid., p. 26.

[49Ibid., p. 77.

[50Ibid., p. 30.

[51Voir John Austin, The Province of Jurisprudence Determined, 1863, lecture I.

[52Maine, Lectures on the Early History of Institutions, 1875a, p. 395-398.

[53Ibid., p. 356-357.

[54Maine, Village-Communities, 1871, p. 67.

[55Ibid.

[56Ibid., p. 68.

[57Lectures on the Early History of Institutions, 1875a, p. 27.

[58Ibid., p. 368.

[59Ibid., p. 373-375.

[60Henry Sumner Maine, Maine, « The Conception of sovereignty, and its importance in international law », Papers of the Juridical Society, 1855, p. 31.

[61Ibid., p. 32.

[62Ibid.

[63Maine, Lectures on the Early History of Institutions, 1875a, p. 380-381.

[64Karuna Mantena, Alibis of Empire, Princeton University Press, 2010.

[65Sir Charles Lewis Tupper, « India and Sir Henry Maine », Journal of the Society of Arts, 46, p. 390 et p. 396. Nous traduisons.

[66Voir Eric Stokes, The English Utilitarians and India, Clarendon Press, Londres, 1959, chap. 1 ; Ravinder Kumar, Western India in the Nineteenth Century, Routlege and Kegan Paul Limited, Londres, 1968 ; Thomas R. Metcalf, The Aftermath of Revolt, Princeton University Press, Princeton, N. J., 1965 ; Clive Dewey, « The Influence of Maine on Agrarian Policy in India », in Diamond, 1990, p. 353-375.

[67Sir Denzil Ibbetson, Officiating Director of Public Instruction, s’adressant au Junior Secretary to the Financial Commissioner, Punjab, le 12 août 1885, cité par Dewey, 1990, p. 367. Nous traduisons.

[68Ibid., p. 360.

[69C. A. Bayly cite à ce sujet trois études : Frank Perlin « State formation reconsidered, II », Modern Asian Studies, 19 (3), p. 415-480 ; David Ludden, Peasant History in South Asia, Princeton University Press, Princeton, 1985 ; Sanjay Subrahmanyam (dir.), Merchants, Market and the State in Early Modern India, Oxford University Press, Oxford, 1990. Voir Bayly, « Maine and Change in Nineteenth-Century India », in Diamond, 1990, p. 389-397.

[70Ibid., p. 391-392.

[71Ibid., p. 372 et 356.

[72Ibid., p. 385.

[73Ibid., p. 393.

[74Ibid., p. 363-365.

[75Edward Shils, « Henry Sumner Maine in the tradition of the analysis of society », in Diamond, 1990, p. 143-178.

[76On consultera à ce sujet, avec grand profit, deux articles écrits par Laetitia Guerlain. On s’intéressera notamment aux parallèles frappants entre la pensée de Jobbé-Laval et celle de Maine sur la propriété. Voir Laetitia Guerlain, « Culture et usages des savoirs anthropologiques chez les juristes. De quelques apports de l’étude des recensions bibliographiques (xixe-xxe siècles) », Revue d’histoire des facultés de droit, de la culture juridique, du monde des juristes et du livre juridique, n° 35, 2015, p. 233-277 et « Entre science juridique et savoirs anthropologiques : évolutionnisme et histoire comparée du droit chez Émile Jobbé-Duval (1851-1931) », Clio@Themis, 15, 2019.

[77Dans De la propriété, Laveleye mentionne Maine régulièrement, qualifiant par exemple Ancient Law d’« essai magistral d’histoire philosophique du droit », et ajoute que « dans son dernier ouvrage : Lectures on the Early History of Institutions, Sir H. Maine admet que la démonstration que j’ai tentée est complète », et ce juste avant de citer Maine et Mill au sein d’un même paragraphe, les unissant apparemment dans une communauté de pensée. Voir Émile de Laveleye, De la propriété et de ses formes primitives, Germer Baillière, Paris, 1874, p. 2 et 3.

[78Voir H. L. A. Hart, The Concept of Law, Oxford, Oxford University Press, 1912.