Lorsque j’ai commencé, au milieu des années 1990, à publier les résultats d’une enquête ethnographique que je conduisais en Sicile, les processus de patrimonialisation faisaient rarement l’objet d’une anthropologie critique, tant en Italie qu’ailleurs. Cette démarche est, aujourd’hui, devenue commune [1].
Les chercheurs italiens qui s’intéressaient à ce qu’on appelait les « biens démo-ethno-anthropologiques » restaient inscrits dans une tradition d’études muséales qui a pris naissance avec l’Exposition ethnographique de Rome, en 1911, et qui a donné lieu tout au long du XXe siècle à d’importants travaux. [2] Les questions de muséographie donnaient, alors, de nombreux signes de renouvellement en relation avec la reconfiguration critique des sciences sociales à l’échelle internationale [3]. Mais aucune ethnographie n’était disponible pour documenter les dimensions intellectuelles et politiques des logiques de patrimonialisation, les imaginaires institutionnels qui les orientaient, la multiplicité des acteurs et des pratiques sociales qui donnaient consistance au « patrimoine culturel » [4]. Pour trouver des études auxquelles comparer mes résultats, il me fallait donc regarder ailleurs.
L’ethnologie de la France, avec le solide courant d’anthropologie du patrimoine qu’elle a développé à la fin des années 1980, ne pouvait pas ne pas s’imposer comme premier espace de dialogue et de référence [5]. Mais il m’est très vite apparu que les processus sociaux que je rencontrais en Sicile se distinguaient de ceux que mes collègues mettaient en évidence dans leurs travaux et, surtout, qu’ils échappaient aux cadres conceptuels adoptés par ces recherches. Dans l’anthropologie française, la notion même de patrimoine, comme celle, qui lui est liée, de « lieu de mémoire », m’apparaissaient comme des paquets pré-configurés et hyper-disciplinés, des boîtes noires à l’intérieur de ce que Henri-Pierre Jeudy, l’un des protagonistes de cette saison d’études, allait appeler quelques années plus tard, de manière (auto)critique, la machinerie patrimoniale [6]. Cette notion de patrimoine paraissait, y compris dans d’excellentes études relevant de plusieurs approches disciplinaires, comme le résultat d’une adhésion inquestionnée aux grilles classificatoires produites par les institutions de l’État français et à son imaginaire politico-culturel, plutôt que d’une compréhension critique des politiques de fabrication des « choses patrimoniales ».
Sur mon terrain sicilien, je voyais en action un monde social au sein duquel bien peu des repères qui fondaient l’ordre et la cohérence des travaux français pouvaient être tenus pour évidents. L’espace/temps qui s’y trouvait présupposé comme linéaire, mesurable et irréversible, « mes » acteurs le considéraient comme manipulable et susceptible de tous les renversements. L’économie morale – qui sous-tend l’agentivité des êtres humains (Thompson 1971 ; Asad 2003) – que ces travaux tenaient pour isomorphe à celle d’une rationalité moderne idéale, m’apparaissait gouvernée par des « poétiques du soi » et des formes de subjectivation centrées sur les rapports de force, l’agressivité et la manipulation. Les configurations de l’espace public et de la culture, sur mon terrain, contrairement aux cas français qui semblaient contractuelles et fondamentalement « aseptisées », n’apparaissaient pas du tout garanties mais fondées sur la lutte politique et le conflit social.
Au-delà des études de cas que j’ai proposées, ce sont ces questions théoriques que j’ai souhaité mettre en débat en France au début des années 2000 [7], alors même que mon attention se tournait vers l’anthropologie américaine, depuis le commencement de mes enquêtes de terrain, en particulier vers les ethnographies qui, dès le début des années 1980, prenaient pour objet les politiques de la culture et les processus de construction de l’heritage. Les travaux d’Herzfeld sur la Grèce (1982, 1987, 1991), ceux de Holmes sur le Frioul (1989) et sur les néofascismes européens (2000), les études de Handler sur le Québec (1985, 1988), de Handler et Gable sur un musée historique américain (1997), celles de Bruner (1994, 2001) et de Abu-el-Haj (1998, 2001) sur l’archéologie juive en Palestine, pour ne rappeler que quelques-uns des nombreux écrits déjà disponibles, ont constitué l’horizon comparatif et théorique de mon propre parcours d’analyse des processus de patrimonialisation.
En inscrivant mes matériaux de terrain dans un cadre conceptuel analogue à celui de ces recherches, s’est immédiatement imposée la nécessité d’une minutieuse ethnographie des modalités locales de construction de l’espace et du temps, de l’agentivité humaine et de ses dimensions expressives, du « soi » et des économies morales, plus ou moins institutionnalisées, à l’intérieur desquelles opère la mise en patrimoine, des formes de construction de la localité et de ses rapports avec l’État-nation et les agences de gouvernance transnationales. Il m’a d’emblée paru évident qu’aucune approche critique ne pouvait être pertinente hors d’une ethnographie orientée par ces instruments conceptuels. C’est bien parce qu’elle constitue une fenêtre analytique privilégiée pour observer les processus politico-culturels liés à la modernité néolibérale globalisée, dont la saisie exige une reconceptualisation des sciences sociales, que nous assistons à l’explosion de la question du patrimoine ou de l’heritage dans le débat anthropologique contemporain, avec des dizaines d’essais publiés chaque année dans les plus importantes revues internationales [8]. Mais revenons à mon terrain sicilien, en cette moitié des années 1990.
Premiers pas
Mon ethnographie ne portait pas au départ sur des questions patrimoniales : les musées, les collectes et les fiches de classification des « biens démo-ethno-anthropologiques », les biens matériels et immatériels de l’Humanité, les politiques et les procédures de l’Unesco ne faisaient pas partie de mon programme de recherche. Mais en 1997, durant ma seconde année de séjour à Catalfàro, petite ville de la Sicile orientale, alors que mes intérêts se portaient vers les rapports entre pratiques politiques, usages dévotionnels, dispositifs rituels, violence, mémoire et poétiques du soi, j’ai vu naître sous mes yeux un processus de construction patrimoniale. Déclenché par l’effondrement de la coupole de la cathédrale de Noto, il a conduit, en quelques années (1996-2005), à l’insertion de dix centres urbains de la région sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco et, plus généralement, à un recentrement des politiques culturelles, économiques et urbanistiques du « Val di Noto », comme a été désigné cet ensemble territorial, autour de thématiques patrimoniales.
Je travaillais aussi bien sur le terrain que dans les archives autour de la conflictualité rituelle entre groupes sociaux. Je m’intéressais à la façon dont certains monuments (des églises baroques, les restes d’un château médiéval, des tombes sicules ou grecques), des objets d’art (retables d’autel du XVe siècle, statues en bois du XVIIe siècle, sarcophages du gothique tardif), des documents d’archives, et des éléments de l’espace urbain (la conformation de deux places, le tracé de quelques rues), étaient mobilisés dans le « jeu » complexe qui lie, depuis plusieurs siècles, deux partis qui s’opposent à la fois sur les plans religieux et politique [9].
En effet, tous ces objets agissaient comme des outils, matériels et conceptuels, pour manipuler les rapports entre antécédence et succession, priorité et postériorité, prééminence et subordination, le long d’axes chronologiques et dans des scénarios politiques, au sein d’un espace public et d’une culture dominés par les controverses plus que par le contrat, et où les qualités sociales des acteurs l’emportaient sur leur parité formelle.
Avec leur entrée en régime patrimonial, ces objets, dont j’avais jusque-là expérimenté la valeur performative et leur capacité à susciter et à condenser des conflits, entraient dans d’autres logiques sociales dont il s’agissait de comprendre la profonde structuration institutionnelle et les propriétés d’interaction au niveau local. L’Unesco e il campanile, sous forme d’essai (Palumbo 1998) puis de monographie (2003), a exploré ces dimensions. D’une part, il proposait une lecture critique des catégories de l’Unesco, de la logique qui les organise et des procédures qui les rendent actives ; de l’autre, il montrait l’étroite interaction entre le processus de patrimonialisation mis en place par une agence transnationale comme l’Unesco et les dynamiques de construction et de redéfinition d’une localité vécue sur le mode de la conflictualité [10].
Entre mes premiers écrits sur Catalfàro et cette monographie, il m’est clairement apparu que la machinerie de l’Unesco avait aussi pour effet d’ignorer, voire d’effacer de la scène publique imaginée et représentée comme idéalement aseptisée, ces dimensions conflictuelles qui étaient centrales à l’échelle de l’intimité locale. Ce n’était pas que le conflit fût absent des dynamiques déclenchées par l’Unesco. Bien au contraire, l’intervention de cette agence transnationale sur la scène régionale (avec ses procédures bureaucratiques, ses dimensions idéologiques et son imaginaire de type néocolonial) avait intensifié les conflits politiques locaux au lieu de les neutraliser. Alors que la conflictualité et l’agressivité sont des traits décisifs de la gestion locale et régionale, la présence d’une institution qui s’autoproclame universaliste et pacifiquement transnationale produit, à son tour, des luttes et des tensions à de multiples niveaux : au sein des communautés, entre différents centres et leurs élites, entre hommes politiques et techniciens, entre intellectuels, journalistes et chercheurs. Les uns étaient entièrement nouveaux, d’autres surgissaient le long de lignes de fractures anciennes. Des villes, ou plutôt des élites locales, ennemies entre elles depuis trois ou quatre siècles (Noto et Syracuse, par exemple ; ou encore Catane, Syracuse et Caltagirone) trouvaient dans la politique patrimoniale de l’Unesco de nouveaux motifs de rivalité.
D’ailleurs, la conflictualité politique, sous la forme « libéralement correcte » de la compétition réglée pour l’accès aux ressources (matérielles et symboliques) est partie intégrante de l’idéologie officielle de l’agence. Chaque année, les candidatures de différents pays membres rivalisent pour obtenir l’inscription sur l’une de ses listes. Mais à l’intérieur de chaque État national, les conflits et la compétition ne sont admis qu’inscrits dans des procédures bureaucratiques strictement codifiées : sites et localités rivalisent pour acquérir le statut de candidats officiels, tout comme les différentes candidatures qui ont reçu l’imprimatur rivalisent entre elles pour être agréées. Ce que ce système idéologique et diplomatique ne semble pas admettre c’est le type de conflictualité que je constatais dans le sud-est de la Sicile : l’antagonisme élémentaire entre des factions, des institutions, des individus, des groupes et des lieux qui appartiennent à une même aire à l’intérieur d’un État national. »Si vous luttez entre vous – déclarait la présidente nationale des Clubs Unesco au cours d’une conférence organisée à Catalfàro au début de ce processus –, si vous combattez entre vous, vous n’obtiendrez jamais de candidature. » Bien que l’Unesco le produise, et en admette l’existence sous l’étiquette de la compétition, le conflit n’est jamais accepté lorsqu’il opère de manière transversale par rapport aux différents registres de l’imaginaire bureaucratique qui l’anime. Ou encore lorsque, explosant de manière incontrôlée, il met à mal cette structuration sociale de la « communauté », du « groupe » ou de la « localité » que cette machine à produire et classer les espaces sociaux institutionnalise à travers différentes conventions, notamment à travers celle sur le patrimoine immatériel, en le considérant comme une traduction objective et incontestable de la réalité. Alors qu’il peut exister des tensions entre États nationaux ou entre États et communautés (qui sont gérées sur le plan institutionnel), dans l’idéologique de l’Unesco il ne semble pas y avoir place pour des communautés (ou de groupes sociaux de n’importe quelle grandeur) intimement fondées sur la conflictualité.
« Mes » communautés étaient, pourtant, de ce type, tissées au cours des siècles par les passions des factions, leurs âpres conflits et leur manque d’intérêt, semble-t-il, pour les divers moyens qui auraient permis de les objectiver et de les dépasser. Après deux ans de terrain, mon regard sur la patrimonialisation en cours ne pouvait pas ignorer cette propriété et ces manières locales de pratiquer et de représenter la conflictualité politique et rituelle, de mettre en œuvre des idées sur le « soi » et ses capacités d’action. Enfin, mon attention ne pouvait pas, non plus, ignorer leurs poétiques de l’espace/temps, dans la lignée d’une littérature anthropologique nord-américaine (Herzfeld 1987, 1991, 1997 ; Boyarin 1994). D’une part la singularité révélée par l’ethnographie m’immunisait contre le risque – couru par nombre d’études anthropologiques sur le patrimoine [11] – d’accepter de manière acritique une part plus ou moins grande des engagements culturels et des présupposés idéologiques qu’entraînait avec elle la notion occidentale de « patrimoine culturel [12] » comme nouvelle catégorie du politique ; de l’autre, même si je n’en avais pas alors une claire perception, cette perspective me mettait dans la condition privilégiée de ne pas tenir pour acquis la nature du processus en œuvre. J’étais, ainsi, conduit à enquêter sur ce qui, quelques années plus tard, m’apparaîtra comme son caractère intimement gouvernemental, loin de l’image (auto-définie) d’une action de protection, de conservation, de valorisation de supposées qualités humaines (des biens) à la fois différentielles et universelles [13]. Mais, pour ce faire, d’autres cheminements analytiques furent nécessaires.
Les choses se compliquent
En 2003, je pensais encore que la dissimulation de la conflictualité locale était une conséquence directe de la façon dont l’imaginaire de l’Unesco est institutionnellement mis en œuvre. Pour pouvoir prétendre à une valence universaliste, son système de classification doit, en effet, se centrer sur l’État national, pivot de son modèle diplomatique, qui privilégie la légalité institutionnelle. Ce système ne peut, donc, admettre aucun élément qui perturbe ou mette en discussion l’intégrité culturelle et politique d’un État membre. Ces considérations restent valables mais les raisons de la neutralisation de la conflictualité m’apparaissent, aujourd’hui, plus complexes et plus générales. Des indices de cette complexité étaient, de fait, déjà présents dans la mise en patrimoine du Sud-Est sicilien telle que je l’analysais entre 1996 et 2005. Dans cette région, la suppression apparente des conflits opérée par le classement de l’Unesco avait un caractère paradoxal. Le conflit juridictionnel, rituel et politique avait, dans cet ensemble de villes du baroque sicilien, joué un rôle décisif lors de la reconstruction antérieure de centres d’habitation détruits par le tremblement de terre de 1693, dans ce style urbain et architectural « baroque » et cette culture à laquelle l’Unesco attribuait, désormais, une valeur universelle (Dufour 1981). Dès les premières interactions entre les structures administratives locales et la machine intellectuelle et bureaucratique mise en marche par l’intervention de l’agence, le caractère paradoxal de cet effacement suscita ma curiosité. J’en vins même, dans une série de discussions publiques, à imaginer la possibilité d’une patrimonialisation du conflit juridictionnel en tant que tel, avec ses recrudescences contemporaines, ce qui ne manqua pas de susciter une grande irritation chez les protagonistes de la nouvelle patrimonialisation. Face à la proposition de faire reconnaître cette dimension « intime » de la vie sociale qui avait, historiquement, produit les « choses culturelles » baroques (les églises, les palais, les villes, les peintures), auxquelles l’Unesco entendait donner une valeur d’universalité, les réactions furent tranchées. Alors que le jeu local entre les factions, les rivalités de clocher, se multipliaient sous l’effet de cette intervention, l’idée de l’objectiver comme un « bien culturel » était tenue pour le moins bizarre par la plupart des techniciens (les urbanistes, les architectes, les ingénieurs, les historiens de l’art) impliqués dans cette transformation. De fait, elle fut rejetée par ceux (des responsables politiques principalement) qui en pressentaient les implications. Plus intéressant encore, dans ce contexte local, fut le refus qu’opposèrent, à l’idée de transformer en représentations affichées ces pratiques intimes restées pendant des siècles hors scène, ceux qui étaient le plus engagés dans la dynamique des conflits politiques et rituels [14]. Certains épisodes, lors de ma longue fréquentation ethnographique du lieu, ont rendu explicite cette aversion qui, quelques années plus tard, prendrait, selon moi, le caractère d’une véritable résistance implicite à la patrimonialisation.
Le premier cas que j’ai analysé concernait, justement, « la guerre des musées » qui s’est déployée à Catalfàro entre 1997 et 1998, entre la communauté locale et la curie épiscopale de Caltagirone (Palumbo 2000c, 2001b). Dans ce contexte de tensions, de suspicions, d’agressions symboliques et matérielles réciproques, je proposai aux différents protagonistes de constituer un musée communal pour ainsi dire super partes, capable de subsumer formellement les deux musées paroissiaux, opposés l’un à l’autre et tous les deux disqualifiés par la curie diocésaine. L’idée devait favoriser, de mon point de vue, la préservation d’une autonomie totale des musées et des groupes adverses à travers l’objectivation de la querelle entre partis-factions par une instance tierce. Mais cette proposition était localement considérée comme risquée car elle aurait pu, au contraire, inciter n’importe quel administrateur communal (toujours supposé favoriser un parti au détriment de l’autre) à exercer un contrôle de la scène muséale dépourvu d’impartialité.
Deux ans plus tard, je reçus un second signal de la résistance des protagonistes de la scène politique locale à toute forme d’objectivation de la part intime de leur propre quotidienneté. Certains acteurs de premier plan de l’un des deux partis protagonistes du jeu des factions me demandèrent d’organiser, à l’intérieur de leur fête, une exposition qui parlerait de leur église. Pour des raisons très précises, je n’ai jamais refusé les demandes de collaboration qui m’ont été faites dans le contexte local et, ainsi, j’acceptai tout en connaissant les risques que j’encourais. En effet, d’un côté on me demandait une exposition, scientifiquement fondée, qui puisse cependant représenter les prérogatives et le prestige de leur propre paroisse-parti ; de l’autre, les opposants de la faction adverse étaient prêts à contester, point par point, les revendications de leurs adversaires. Pris entre les deux, comment ne pas être entraîné dans leur jeu ? Je décidai d’affronter la situation en construisant l’exposition comme une représentation de la lutte entre les deux factions. Je pris pour point de départ la reconstruction généalogique de la famille noble liée à l’église de Santa Maria qui avait fournie au moins trois prêtres entre le XVIIIe siècle et les premières années du XXe et dont le palais baroque, désormais dégradé, devait être le lieu de l’exposition. Je décidai de mettre en face l’un de l’autre, panneau après panneau, un document (un objet, un livre, une image sacrée, une gravure, une photographie ou une diapositive de fête) du culte de Santa Maria ou de celui de San Nicola, patron de la faction adverse. Au-delà des exigences tactiques, liées à ma position sur le terrain, mon intention, comme dans le cas de la guerre des musées, était de construire un espace d’objectivation du jeu des factions qui puisse être présenté à un regard extérieur, sans perdre sa cohérence et ses justifications internes.
L’exposition reçut de nombreux visiteurs, presque tous locaux et, fait plutôt rare, des deux partis. Mais la lecture qu’en firent les protagonistes du jeu fut différente de celle que j’attendais, confirmant l’inefficacité de ma stratégie d’exposition. Bien sûr, tous reconnaissaient la plausibilité de ce mode de représentation et admettaient la possibilité de mettre en relief les deux points de vue, mais cette perspective externe, qui se voulait objective et neutre, d’une neutralité à vérifier, n’était pas la leur. Les documents, les narrations et la vision des autres, des « ennemis », restaient toujours les objets d’une faction, intrinsèquement capables de produire un parti et un contre-parti et donc, n’étaient pas acceptables. Pour le reste, l’exposition confirmait ma propre compétence, reconnue désormais par les habitants de la petite ville, à jouer leur jeu sans jamais pouvoir ni vouloir y participer réellement.
Cet événement, et d’autres encore, montrent la difficulté, sinon, l’impossibilité d’imaginer et de projeter des représentations objectivées et neutres des espaces et des passions politiques locales les plus intimes, capables – si nous adoptons le modèle théorique de Herzfeld (1997) – de servir d’aspects formels et publics d’(auto)représentation. En d’autres termes, pour revenir directement aux dynamiques de la patrimonialisation, les inquiétudes politiques et les passions des partisans des différentes factions avec lesquels j’avais vécu pendant presque trois ans, ne réussissaient pas à se construire comme un « patrimoine culturel », aussi bien à l’intérieur des taxinomies institutionnelles de l’Unesco que dans le regard des acteurs concrets de la scène locale. Si dans le cas des procédures de l’Unesco, le respect des règles politiques institutionnelles et des concaténations bureaucratiques qui guident la mise en patrimoine, au niveau global, pouvait être une explication, certes partiale mais plausible, de l’inacceptabilité de la conflictualité, on imagine difficilement que cette même interprétation puisse valoir pour le refus systématique, de la part de ceux qui se trouvent à la base de la société, d’objectiver leur propre univers de pratiques. Ces deux dimensions demandaient, donc, un cadre d’interprétation plus ample, en suivant diverses voies qui ont, me semble-t-il, fini par converger.
Vers un nouveau modèle interprétatif
Un des chemins interprétatifs que j’ai essayé de parcourir est lié à la compréhension du foyer central des passions politiques locales, c’est-à-dire les fêtes, le rôle et le poids des partis rituels, le rapport entre religion et politique. De nombreux aspects de la compétition entre les factions des fidèles de San Nicola et des fidèles de Santa Maria mettaient en évidence la construction de toute l’histoire politique des factions à travers des modes d’objectivation culturelle qui les produisaient et reproduisaient au fil du temps.
Ce sont les subtiles diatribes historiographiques sur des questions juridictionnelles, les écrits produits de façon continue par – et partie intégrante – des disputes entre les factions-paroisses, les faux écrits rédigés par des érudits des XVIIe et XVIIIe siècles, les manipulations auxquelles les documents et les monuments ont été soumis au cours des quatre derniers siècles, les discours quotidiens, populaires et intellectuels, sur des traditions, des innovations forcées et des fêtes, les mises en scène historiographiques à l’intérieur de festivals baroques, enfin l’attribution à la ville que j’étudiais d’une valeur artistique et environnementale élevée.
Il me semblait évident depuis longtemps qu’il y avait une exigence de représentation de la réalité sociale, politique et culturelle, pour des publics et dans des contextes très divers au fil des siècles, et qu’il s’agissait là d’une forme particulière de l’historicité locale. Mais ce n’est qu’après avoir achevé une seconde monographie (Palumbo 2009) directement centrée sur les passions rituelles et politiques qui animaient la vie des factions que j’avais pris conscience des généalogies complexes dans lesquelles s’inscrivent ces différentes formes d’ objectivation culturelle.
En effet, en réfléchissant sur l’objet même de mon enquête pour établir si j’avais étudié des « fêtes » ou des « compétitions religieuses » ou, comme le définissaient quelquefois mes amis, « u jocu » (le jeu) ou encore, à lire certaines sources du XVIIe siècle, « le mépris » entre les deux églises rivales de San Nicola et de Santa Maria, je ne pouvais que penser à l’expression « guerre des saints ». Utilisée surtout dans l’après- Seconde Guerre mondiale par la presse locale, régionale et nationale, par certains intellectuels locaux pour indiquer (et définir) la conflictualité des partis-factions, cette expression est encore en usage dans de petites villes pour signifier à l’extérieur la complexité des pratiques sociales qui donnent corps à cette conflictualité. L’expression est empruntée à l’une des nouvelles que l’écrivain Giovanni Verga a publiée dans Vita dei campi (1880), qui attribue une forme parodique à des pratiques rituelles dont il ne pouvait ignorer la portée politique. Au nombre des effets, pas nécessairement recherchés, que Verga produit en adoptant ce style narratif, on doit noter l’adoption d’une posture ironique pour pouvoir exhiber sur la scène publique – à l’affiche de la culture publique néo-nationale comme dirait Shryock – les dimensions politiques, passionnelles et violentes des compétitions juridictionnelles et dévotionnelles. Ce qui pouvait s’exprimer, encore dans les premières années du XIXe siècle, à l’intérieur de canons différenciés (ecclésiastique, érudit, judiciaire, narratif), se trouve soumis, à partir de la nouvelle de Verga, à un processus de folklorisation qui en conditionne la mise en scène publique et l’objectivation narrative. En écrivant au début de l’histoire unitaire de notre pays et pour un public disposé à se laisser entraîner dans l’exotisme fascinant du Sud, depuis peu reconduit dans le cœur de la nation, Verga peut encore se permettre de regarder avec ironie les « guerres saintes ».
À peine vingt ans plus tard, en pleine polémique anti-méridionale, tout en continuant à les pratiquer au moins en partie en tant qu’acteur de renom de la vie politique palermitaine, Giuseppe Pitrè (1900) renferme définitivement les compétitions religieuses et d’autres formes violentes de dévotion dans le ghetto des conduites pathologiques. À partir de ce moment-là, des passions et des attitudes semblables à celles sur lesquelles j’avais enquêté et que j’imaginais pouvoir prendre place dans la Liste du patrimoine mondial avec les monuments qu’elles avaient produits, ne pouvaient plus être représentées autrement que comme un scandale ou une déviation pathologique par rapport à la normalité publique et moderne, rejetées dans le hors scène, dissimulées dans l’intimité secrète de l’identité locale. La « guerre des saints » devient ainsi cette construction disémique locale (Herzfeld 1987).
Avoir tenté de parcourir le chemin des différentes formes et modalités d’objectivation auxquelles des aspects déterminants de la scène politique et rituelle locale ont été soumis au fil des années, a permis de comprendre comment les attitudes des acteurs sociaux d’aujourd’hui et des protagonistes du processus de patrimonialisation de l’Unesco s’inscrivent dans une généalogie complexe de l’ensemble des représentations que la communauté locale a fourni d’elle-même. Elle a, ainsi, modelé ses propres relations avec une grande variété de partenaires externes : la cour féodale présente en Sicile au début du XVIe siècle ; les curies de Syracuse, puis de Caltagirone ; les tribunaux ecclésiastiques palermitains, napolitains et du Vatican ; les structures administratives, politiques et judiciaires bourboniennes et celles du royaume d’Italie ; les trames politiques et la culture publique de l’Italie républicaine ; enfin, les formes de gouvernance patrimoniale d’institutions globales comme l’Unesco.
La recherche que j’ai poursuivie après 2003 a fait émerger une multiplicité analogue de plans dans la mise en patrimoine du Val di Noto qui s’est poursuivie jusqu’en 2010. Elle m’a permis de renouveler mon cadre analytique pour résoudre des questions émergées au fil des quinze années précédentes de ma recherche. Mon ethnographie s’est focalisée sur le jeu relativement habile de mes interlocuteurs sur le terrain : s’installer dans l’une ou l’autre place que l’histoire rendait disponible pour demander à l’autre (ethnographe ou fonctionnaire de n’importe quelle agence gouvernementale du territoire) de se positionner à son tour. En admettant que je le veuille et que je m’en montre capable, toute mon expérience de terrain pouvait être lue comme la nécessité d’affronter un défi continuel pour traverser des espaces toujours moins officiels d’auto-représentation et, donc, d’objectivation des vicissitudes de la conflictualité entre partisans de San Nicola et ceux de Santa Maria, encore appelés marianesi. Cette forme d’interaction avec un « étranger professionnel » révélait les qualités masculines exigées par le contexte social et les modalités d’action implicitement jugées nécessaires, bien que transgressives par rapport aux formes d’agentivité et aux économies du soi idéologiquement considérées comme adéquates à la modernité. Elle montrait aussi le peu de pertinence des modèles de connaissance, de dérivation sémiologique, comme celui proposé par Michael Herzfeld d’abord pour le contexte grec (1987, 1997), puis étendu à l’Italie (2003), qui est fondé sur une opposition tranchée, et pour ainsi dire biface (disémique), entre officialité publique et intimité culturelle.
Pour autant, les pratiques de mes interlocuteurs n’échappaient pas entièrement à la convergence présupposée entre l’idéalité des formes webériennes de l’État-nation des deux derniers siècles et les modalités d’action que le schéma disémique et la notion d’intimité culturelle permettaient de saisir, même si elles ne s’accordaient guère avec l’idée d’une subjectivité et d’un espace public modernes. J’ai explicité ce nœud théorique en soutenant qu’il ne s’agissait pas tant d’identifier le niveau d’appartenance collective qui, en Italie (ou en Sicile) définissait le seuil de l’intimité (la région, la ville, la localité, plutôt que l’État-nation), comme le suggérait Herzfeld (2003 : 6-7), mais que de montrer comment une multiplicité de plans d’agrégation pouvait à chaque fois, et dans chaque contexte, servir de lieu de représentation formelle ou d’espace intime et quelquefois de voisinage embarrassant (Palumbo 2006). Ce qui permet de comprendre l’habileté des acteurs sociaux à se déplacer entre ces niveaux, sans jamais s’identifier de façon rigide à aucun d’entre eux. Dans le cas de la patrimonialisation du « Val di Noto », chacune des nombreuses « identités », institutionnalisée et objectivée à l’intérieur d’une histoire de longue durée, peut servir de plan formel et officiel ou, au contraire, d’espace performatif intime. U ma paisi (mon village, ma petite ville) peut certainement définir le lieu d’une intimité, quelquefois embarrassante et cachée, en relation avec l’État national. Mais avec ses « traditions millénaires », construites, reconstruites et revendiquées par des intellectuels et des historiens locaux, il devient aussi un plan de représentation officielle vis-à-vis duquel les partis et, parfois, les contre-partis (subdivisions momentanées des partis) jouent sur le versant interne de la représentation. Cette intimité livre, à son tour, des objets susceptibles de nourrir des pratiques formelles : telle cette femme qui exprime de façon passionnée sa « simple » dévotion pour une image sacrée (Palumbo 2009 : 249-250). Si la Sicile, avec son conseil régional et sa capitale Palerme, peut représenter un niveau formel d’appartenance par rapport aux simples villes (ou villages), ces derniers, avec leurs luttes de clocher, peuvent être prises comme des espaces intimes à l’intérieur desquels survivent des pratiques et des manières propres, peu explicitables pour l’extérieur. La même appartenance sicilienne (sous la forme, par exemple, de la rhétorique que l’on nomme « sicilianisme ») peut, d’autre part, assumer les apparences d’un niveau « démoniaque », comme l’a reconnu en son temps Gramsci (1975 : 618-620), et intime qu’il faut défendre contre les ingérences extérieures. En somme, plus qu’une série rigide d’oppositions disémiques entre intérieur et extérieur, intime et formel, secret et public, le monde local et l’État-nation, l’ethnographie sicilienne nous offre l’image d’un polycentrisme institutionnel qui produit un polymorphisme identitaire habilement pratiqué par les acteurs sociaux, à travers la mise en scène contextuelle de zones d’intimité et d’altérité relatives (Palumbo 2006 :44-50).
Mais les questions qui avaient déclenché ce parcours d’analyse restaient ouvertes. Comment s’engagent le processus de patrimonialisation et la construction d’une forme d’« identité de l’Unesco » qui lui est liée, à l’intérieur de cette dialectique complexe entre un polycentrisme institutionnel et un polymorphisme situationnel des appartenances ? Pourquoi la mise en patrimoine façon Unesco ne semble-t-elle pas prendre pied dans un contexte comme celui de Catalfàro, animé par de fortes passions politiques et dévotionnelles ? À l’inverse, pourquoi ces passions n’étaient-elles pas recevables à l’intérieur de sa machine institutionnelle ? J’ai, alors, repris ces questions sous un autre angle.
Au-delà des dynamiques institutionnelles propres au processus lui-même, ses dimensions politiques et économiques se révèlent à travers l’étude du « Plan de gestion », un document de programmation et de planification économique élaboré par des experts extérieurs aux contextes locaux et, en théorie, soumis à l’approbation de l’Unesco avant l’inscription des huit sites du « Val di Noto » sur la Liste du patrimoine mondial. Laissons de côté la complexe logique politique qui a produit un tel document. Soulignons, plutôt, sa transparence absolue par rapport à un aspect du processus de patrimonialisation – la transformation/production des « choses culturelles » en un type particulier de marchandises – que l’analyse des logiques institutionnelles de la classification Unesco m’avait permis de mettre en évidence. Je m’étais efforcé de montrer que les procédures de l’Unesco attribuent aux lieux classés des qualités stéréotypées qui créditent chaque point du monde inséré dans ses listes d’une valeur patrimoniale différentielle et d’une identité universelle. Ou encore, que l’insertion dans l’une ou l’autre liste implique l’assignation d’un label qui, distinguant ce « bien » de n’importe quel autre, en certifie la valeur à l’intérieur d’un marché qui vend des identités patrimoniales essentialisées et stéréo-typiques pour un tourisme global (Palumbo 1998, 2003). Or, la transformation de spécificités culturelles locales en marchandises patrimoniales est présentée de manière tout à fait explicite par Pietro Valentino, économiste expert en planification et auteur de la section économique du Plan de gestion. Dans la tentative de définir des stratégies possibles d’intervention en faveur de l’économie du « Val di Noto », il écrit :
Le pas décisif pour entrer dans une dynamique de croissance économique stable dans le temps, et durable, est celui de structurer un réseau extrêmement intégré et hautement spécialisé d’activités à travers une stratégie de développement qui ne peut être qu’une fusion des ressources endogènes, en d’autres mots de ces ressources que nous pourrions définir comme les « matières premières présentes sur le territoire […]. Dans cette optique, il est nécessaire de programmer et ensuite de gérer des processus d’intégration aussi bien sur le plan des interventions que sur le plan territorial. Il est nécessaire, en d’autres termes, de faire en sorte que soit réalisé et offert un véritable produit territorial qui soit perceptible à l’extérieur comme donnée d’une singularité, même s’il est complexe et multipolaire (Valentino 2003 : 241, mes italiques ).
Entre les lignes du Plan de gestion, comme plus explicitement dans des études économiques ultérieures (Le Blanc 2006, 2010 ; Cuccia 2012), des doutes émergent quant à la possibilité que l’économie du Sud-Est sicilien puisse réellement tirer des avantages durables de son insertion à la Liste du patrimoine mondial et de sa reconnaissance comme « district culturel ». Cependant, alors que les économistes qui élaborent ces plans déclarent la dimension culturelle centrale dans l’économie post-industrielle, des instruments comme le Plan de gestion et la liste de l’Unesco confèrent une réalité à des entités sociales et à des communautés inimaginables dix ans auparavant. Le « Val di Noto » est, désormais, présenté comme une donnée géographique, culturelle, politique et – peut-être – économique, sur laquelle fonder, à travers une panoplie de données statistiques, de tableaux et de diagrammes, les politiques de planification territoriale, alors que cette entité ne renvoyait, encore en 1996, à aucune réalité géographique pour la quasi-totalité de la population des départements de Raguse, de Catane et de Syracuse.
Construits comme des réalités socioculturelles par des agences transnationales comme l’Unesco, nationales comme le ministère des Biens et des Activités culturelles, régionales comme le conseil régional sicilien, les surintendances des biens culturels, les nombreuses administrations départementales et communales engagées dans la mise en patrimoine avec l’action d’intellectuels « organiques », de fonctionnaires ministériels, d’experts, de planificateurs, d’économistes, d’urbanistes, le « Val di Noto », le « district du Sud-Est », et les « territoires du Baroque sicilien » deviennent, à leur tour, une marchandise sur le marché touristique des produits typiques. Parmi les « matières premières présentes sur le territoire », les biens culturels matériels et immatériels, comme le disent aussi bien les économistes que les techniciens de l’Unesco, figurent au premier plan. Mais que doit-on entendre ici par « culture » ?
La réponse n’est pas simple d’un point de vue anthropologique [15] car une césure nette semble séparer ce questionnement des réflexions critiques conduites, ces dix dernières années, sur la notion de culture et des ethnographies centrées sur les processus d’identification culturelle. Une lecture critique de ces travaux serait nécessaire mais il apparaît d’emblée que cette dimension « culturelle » (quand elle n’est pas assimilée, dans une généalogie idéaliste, aux monuments, au patrimoine, aux savoirs ou réduite à une série d’atouts dans des secteurs potentiellement productifs), tout comme la dimension « sociale » (souvent assimilée au capital social ou symbolique à partir d’une référence générique à Pierre Bourdieu) et la dimension « symbolique » – jamais définie – renvoient à des domaines incertains, difficilement maîtrisés par des savoirs institutionnels peu enclins à l’autocritique. Les termes « communauté », « communauté locale », « culture », « valeur symbolique » jouent, dès lors, le rôle de concepts magiques, qui servent avant tout à soutenir des argumentations aux allures de tautologie. Tel est le cas, au moins, de la notion d’« identité » à l’intérieur du Plan de gestion du (dit) Val di Noto :
La création dans la zone d’un « ystème du Baroque »’ peut amorcer des processus cumulatifs pour attirer une nouvelle demande touristique et en même temps pour créer des « économies d’agglomération », encouragées par les manifestations externalisées dues à la naissance de services de « rang »’ supérieur et à la diffusion, à l’intérieur de l’aire, de nouvelles expériences et connaissances. Ce système serait marqué de l’étiquette du Baroque, qui peut jouir aussi de la reconnaissance de l’Unesco. L’intégration devrait arriver aussi bien sur le plan économique que sur le plan social, renforçant l’identité et le sens d’appartenance des collectivités locales. Si elle réussissait à transformer le patrimoine du Baroque en un bien collectif effectif, la croissance d’une identité pourrait avoir aussi d’importantes retombées économiques car, d’un côté, elle rendrait la population co-responsable et participante à des activités de conservation et de valorisation des biens et, de l’autre, elle pourrait encourager le dynamisme des entreprises et le transformer en un processus de programmation par le bas, facteur déterminant pour le succès des opérations. Cela se fera si ce dynamisme est soutenu par l’activité cohérente des organismes territoriaux et par un système de gouvernance fonctionnel (Valentino 2003 : 243-244).
L’idée, plus qu’acceptable par un anthropologue, que le label « Baroque » ne pourra être efficace sans la participation par le bas des « collectivités locales » ne se fonde sur aucune analyse sociologiquement significative, ni ethnographiquement fondée, de ce que sont ces « collectivités locales », des grammaires d’action des acteurs, des économies morales à l’intérieur desquelles leurs dispositions à agir s’actualisent et prennent sens. L’objectivation d’entités comme le « Val di Noto », le « Sud-Est » ou le « territoire du Baroque sicilien » dans la rhétorique de ces études d’économie culturelle renvoie aussi bien à une culture entièrement imaginée qu’à la fixation de « collectivités » et de « communautés » postulées mais jamais étudiées, où le recours magique au concept d’identité court-circuite toute interrogation. Comment et pour quels intérêts construit-on une « culture » déterminée ? Quelles pratiques et quels styles d’agir donnent corps à ces « réalités » sociales, à l’intérieur de quels processus politiques ? Quel est le rôle des techniciens, des intellectuels et des universitaires ? Quelle pertinence pourrait avoir un regard anthropologique ? En tenant ces questions pour inutiles, se référer à l’« identité » sert, avant tout, à asseoir la gouvernance des nouvelles formes de l’économie post-industrielle. Cette cécité analytique m’est apparue comme une stratégie adoptée par des intellectuels techniciens de ces nouvelles modalités de gouvernance par la culture, pour produire un langage commun à la gestion des nouvelles économies et à la privatisation des ressources publiques (Palumbo 2006). Car il serait injuste d’attribuer à de très habiles économistes et concepteurs du développement culturel, insérés dans une multiplicité d’agences de conseil, une conception aussi ingénue de l’action politique.
La disparition du politique, avec ses intérêts, ses tensions et ses formes d’agrégation, l’élimination de la vie sociale, avec ses articulations et ses passions, l’effacement des pratiques concrètes d’acteurs sociaux réels – autant d’aspects propres aux formes institutionnalisées de mise en patrimoine et aux lectures dont elles font l’objet – m’apparaissent aujourd’hui comme des indices évidents d’une tendance plus générale, propre aux systèmes politiques et économiques néolibéraux, à séparer la sphère de la production de celle de la consommation. Une séparation qui contredit les principes idéaux affichés par une économie de type néolibéral ou postindustriel (Harvey 2007). À l’immatérialisation de l’économie (de la culture à la finance) qui s’opère à travers la suspension, toujours plus marquée et toujours moins soutenable, de la matérialité des liens sociaux, des rapports de domination et des formes d’exploitation, correspond une dématérialisation de la vie culturelle. Dans cette optique, les listes de l’Unesco constituent un système de classement transnational qui produit – comme d’autres systèmes de classement de l’imaginaire global, que ce soit le sport, la mode ou l’alimentation – un étiquetage formel dans un marché consensuel de biens imaginés, immatériels et symboliques. Ce système bureaucratique ne fait pas que produire des « choses culturelles » essentialisées, il les transforme en marques d’abstraites identités collectives, à leur tour essentialisées, raréfiées, dématérialisées. Comme les localités qu’analyse Appadurai, ces nouvelles identités « culturelles » sont disjointes des contextes socio-politiques qui les produisent [16]. L’authentique, le typique, l’ancien, le divers, deviennent autant de ressources symboliques pour et à travers lesquelles différents pouvoirs institutionnels rivalisent afin de se hisser dans ce que Herzfeld a défini comme une « hiérarchie globale de valeurs » (2004 : 4). L’Unesco engendre des conflits sociopolitiques liés à cette forme de compétition mais les retire de l’espace de la représentation car il s’agit de produire des symboles raréfiés, détachés des logiques politiques concrètes, pour faire office de marques identitaires dans un marché global de l’imaginaire, et d’instruments d’une nouvelle gouvernance globale de type néolibéral (Palumbo 2010).
Mais comment comprendre le refus ou la résistance manifestée par mes interlocuteurs de Catalfàro ? Une première réponse peut être cherchée dans le statut sémiotique des labels identitaires proposés par l’Unesco. Si nous essayons de les comparer aux symboles de l’appartenance nationale, il s’agit d’objectivations au second degré, de signes privés de tout enracinement dans les espaces de la socialité intime et de la production. L’absence de « racines symboliques communes » (Herzfeld 1992) rend moins facile et moins praticable le jeu de manipulations réciproques des significations qui assure le fonctionnement quotidien, de la base au sommet, de la machine étatique. Moins enracinées dans l’expérience quotidienne des acteurs concrets, les identités des marchandises patrimonialisées semblent moins aptes à produire des affections, des émotions, des attachements que les emblèmes liés au sang, à la parentèle, à la famille, à l’honneur, au culte des morts qui sont le propre des États nationaux. Comme les qualités stéréotypées qui différencient sur la scène globale les pratiques sportives (l’attitude défensive du football italien, l’athlétisme désordonné des Africains, le collectivisme du football hollandais et le caractère dansant du sud-américain [17]), les labels de l’Unesco composent un marché global de produits et d’identités culturelles « chosifiées » qui ont, en effet, comme le perçoivent les économistes, des difficultés à produire des sentiments collectifs d’appartenance.
Cependant, dans l’ensemble de la Sicile sud-orientale, on observe qu’à côté de réponses complètement négatives (Catalfàro, Palazzolo Acreide), existent des formes très nettes d’adhésion (Noto, Syracuse, Caltagirone, Scicli) (Palumbo 2011). Il faut donc rendre compte aussi bien des résistances à la patrimonialisation, que des formes et des conséquences de son acceptation. L’expression « Val di Noto » n’avait, je l’ai dit, aucun sens en 1994 pour la plus grande majorité de la population. Moins de vingt ans plus tard, le gouvernement italien a accordé un million d’euros au « district culturel du Sud-Est », soit l’association des villes mises en patrimoine (voir aussi Cuccia 2012). Le mouvement de protestation populaire contre les forages pétroliers dans cette zone, entre 2005 et 2007, est encore plus intéressant du point de vue anthropologique. De jeunes étudiants universitaires, des opérateurs touristiques, des entrepreneurs agricoles, des hommes politiques, des immigrés néo-ruraux, des intellectuels locaux, régionaux et nationaux sont descendus dans la rue pour défendre des entités socioculturelles et institutionnelles qui, dix ans auparavant, étaient dépourvues de sens dans leur expérience quotidienne. Il faut donc ouvrir une réflexion plus générale sur l’efficacité ou l’inefficacité gouvernementale de la patrimonialisation.
Gouvernementalité patrimoniale
Je me souviens d’une journée de la fin des années 1990 passée à Briga (La Brigue) petit village des Alpes-Maritimes, appartenant au territoire français depuis 1947. Le très beau centre historique médiéval était en pleine restauration. Le long des digues d’un torrent qui traversait le village, je découvre les maisons médiévales alignées avec de magnifiques enseignes de métiers, sculptées au-dessus des montants des portes. Ce qui me touche immédiatement, c’est la ligne de couleur qui, à un certain point, sépare les façades déjà restaurées – des couleurs pastel homogènes, entre le bleu ciel et le rose, avec des châssis eux aussi colorés – de celles qui n’avaient pas été encore touchées par la main restauratrice des architectes du « patrimoine » français – encore noirâtres de la fumée et de la patine du temps. J’ai alors pensé que c’était en ce point précis que passait, en réalité, la ligne de partage entre le vieux Briga italien, qui laissait le temps se sédimenter sur ses murs, ses enseignes et ses châssis, et la nouvelle Brigue, destinée inexorablement à la réinvention philologique opérée en France par la Mission du patrimoine ethnologique et à l’imminente exploitation touristique massive. Aujourd’hui, cette ligne chromatique me paraît, plutôt, un indice de l’action gouvernementale des processus de patrimonialisation : une homogénéisation (et peut-être une stéréotypie) des styles, des couleurs, des formes, des constructions d’un affichage public. J’aurais aimé mener une enquête à Briga pour tenter de comprendre si et comment les personnes âgées qui se promenaient dans le village, vêtues comme des chasseurs, avec des visages d’anciens braconniers, nous regardant avec un air rusé et avec un désintéressement ostentatoire, réagissaient à cette diapositive patrimoniale que l’État français était en train de leur imposer, pour enquêter sur l’existence (ou non) d’un hors-scène, d’espaces intimes de la pratique sociale.
Dans « mon » Catalfàro, l’efficacité systématique, rationnelle de l’action patrimoniale « à la française » est un fantasme qui ne s’est jamais matérialisé et qui est peut-être à exorciser. Dans les années qui ont précédé l’inscription de cette petite ville sur la Liste du patrimoine mondial, suite à des financements de l’État pour la reconstruction après le tremblement de terre de 1990 et d’autres advenus au début du XXIe siècle, de nombreux édifices historiques ont été restaurés et quelques rues du centre ont acquis une présentation de style patrimonial homogène. Cependant, il suffit de se déplacer vers l’intérieur, dans des quartiers baroques et médiévaux, pour (re)trouver ces formes spontanées d’adaptation et de manipulation des espaces architecturaux et urbains qui caractérisent de nombreux centres historiques siciliens et italiens. Ce sont des ajouts maniérés sur les façades des églises, des revêtements en tôle pour couvrir des infiltrations d’humidité, des châssis en aluminium sur des immeubles baroques. Malgré l’arrivée du label Unesco, aucun projet formel ne semble pouvoir discipliner l’habitat local. De même, les deux musées les plus intéressants, le musée paroissial et le musée communal, ouverts au moment de la phase centrale de la patrimonialisation, sont aujourd’hui fermés. Ils sont phagocytés, pour ainsi dire, par les dynamiques politiques des factions locales et par le désintérêt des administrations de la ville ; à l’exception des trois églises qui ont une fonction paroissiale, de nombreuses églises parmi les vingt et une que compte la ville, dont certaines présentent un intérêt historique et artistique, sont elles aussi fermées. De nombreux bâtiments historiques sont désormais presque en ruine, d’autres font l’objet de restaurations interminables.
Au-delà des dimensions architecturales et urbanistiques – peu ou pas touchées ces vingt dernières années par les vicissitudes de l’Unesco – ce qui frappe, c’est l’attitude des gens de Catalfàro par rapport à l’inscription sur la fameuse liste et à un (éventuel) développement économique qui serait centré sur la culture. Après une première phase d’effervescence (1998-2002), suivie par la bataille pour l’inscription sur la liste, un désintérêt général, associé à une ironie diffuse, a recouvert toute l’affaire. Catalfàro a, certes, adhéré, il y a quelques années, au district culturel du Sud-Est, mais la ville est restée en dehors de la mise en patrimoine, des flux touristiques et des reconfigurations institutionnelles et économiques qui ont touché d’autres centres de cette zone. L’existence d’un territoire du Sud-Est ou d’une entité appelée Val di Noto est absente du souci commun, tout comme a été inexistante la participation des habitants au mouvement de défense du territoire, de ses biens naturels et culturels qui s’est développé dans cette partie de la Sicile en 2005-2006. « Unesco » est un label de qualité – certifié par une plaque en marbre posée à l’entrée de la vieille mairie, édifice des premières années du XVIIe siècle, depuis quelques années fermé pour restauration, et par un logo sur une partie des panneaux de signalisation touristique. Mais la réalité sociale et politique à laquelle ce label est appliqué ne semble pas montrer de propension à devenir une marchandise dotée de quelque valeur (symbolique) ajoutée. L’inscription sur la liste, les différents choix politiques qui ont accompagné l’évènement Unesco au cours de ces dix dernières années, les monuments qui ont déterminé l’inclusion de la petite ville parmi les huit communes de la liste, se sont rapidement transformés en éléments du jeu des factions qui anime profondément la vie sociale locale. Ici, dans la continuité du jeu entre partis et contre partis, dans les façons d’agir qui le soutiennent et dans les passions qui l’animent, se définissent les poétiques du soi et les économies morales d’une bonne partie de la communauté locale. La logique patrimoniale – avec ses exigences normalisatrices et centralisatrices – ne semble pas en mesure de discipliner les indociles inquiétudes politiques, les passions dévotionnelles, les attitudes, quelquefois violentes et agressives des personnes que j’ai rencontrées.
Dans des lieux comme Catalfàro, la capacité de la patrimonialisation à faire office de force gouvernementale en mesure de modeler les personnes (Collins 2008a et b ; Bunten 2008 ; Peuthz 2011 ; Dines 2012, 2013), leurs modalités d’action et les formes de leur entente, en les rendant disponibles à l’intérieur de scénarios touristiques globaux semble, pour le moment, quasiment nulle. En revanche, je l’ai dit, d’autres agglomérations présentent une situation différente. À Noto, Syracuse, Raguse, Caltagirone, Modica et Scicli – qui sont toutes engagées dans une même mise en patrimoine selon des voies diversifiées - une partie de la population et un nombre significatif d’administrateurs locaux semblent avoir montré une plus grande réceptivité à l’égard des exigences gouvernementales des politiques patrimoniales ainsi qu’une plus grande disponibilité à repenser des dimensions importantes de leur place dans le monde. Cette différence tient à des raisons structurelles (l’existence d’un tourisme balnéaire lié à la proximité de la mer ; une population plus nombreuse et, donc, une stratification sociale plus marquée liée à la division du travail ; un marché touristique plus ancien et mieux ancré qui suscite une plus grande attention aux dynamiques de la patrimonialisation de la part des classes dirigeantes). Mais il y a aussi des motivations plus contingentes, par exemple le rapprochement politique de telle ou telle administration communale avec un gouvernement régional engagé dans le mouvement de patrimonialisation. Une partie importante de la population de ces centres a, ainsi, commencé à redéfinir des aspects importants de son mode de vie, en entrant dans une économie touristique et patrimoniale de portée transnationale, avec l’aide d’une partie de la classe politique, sans nécessairement adopter le style de culture patrimonialisée et de mise en scène publique de soi. Ces dernières années, en même temps qu’une rénovation des centres historiques d’Ortigia à Syracuse, de Noto, de Raguse Ibla et des territoires ruraux les plus importants (ceux de Noto, Modica, Ragusa), sont apparues de nouvelles catégories d’acteurs sociaux. Néo-ruraux, immigrés de retour, résidents étrangers, entrepreneurs du secteur touristique et agricole, étudiants et universitaires, ont joué un rôle important dans la naissance d’une opinion publique favorable à la construction patrimoniale du territoire et prête à lutter pour la défendre. Chacune de ces villes a mis en avant des spécificités patrimoniales, a objectivé des produits culturels différents. Noto, Ortigia à Syracuse, Modica, Raguse et Caltagirone ont misé sur la présence universitaire ; la culture classique, avec les représentations théâtrales du drame antique, est devenue la spécificité de Syracuse (et, à un moindre degré, de Palazzolo Acreide). La production artisanale de la céramique, activité ancienne fortement subventionnée depuis quelques années par des administrations locales attentives, est la spécificité de Caltagirone. La fabrication de chocolat, présente depuis le début du XXe siècle mais, récemment, inscrite localement dans une généalogie imaginaire qui remonte jusqu’aux Aztèques, caractérise la tentative de Modica de se rattacher à l’espace patrimonial du Sud-Est sicilien. Ibla (l’une des deux parties de Raguse), puis Scicli (avec des morceaux du littoral) se sont spécialisés dans l’offre de paysages « siciliens » pour le marché cinématographique, se transformant ainsi en plateaux de tournage et en destinations pour un tourisme médiatique, lié à des séries télévisuelles à succès (par exemple Le commissaire Montalbano).
Comme on le voit, il s’agit d’espaces restreints – bien que significatifs – de la vie sociale locale qui changent de sens et de signe en entrant dans les dynamiques de production de « choses » patrimoniales. Même en l’absence des ethnographies nécessaires pour documenter les articulations entre le hors-scène et l’affichage des représentations identitaires et des pratiques sociales, nous sommes loin des nouvelles configurations des poétiques du soi et de l’action qui marquent l’histoire d’autres centres siciliens [18], entrés depuis longtemps dans la marchandisation patrimoniale qui transforme de nombreuses dimensions de la vie quotidienne (y compris l’intimité corporelle et sexuelle) en objets de négociation et d’exhibition. Pour autant, les nouvelles politiques et économies du patrimoine sont capables de susciter très rapidement des émotions qui ont, plus d’une fois, conduit des portions significatives de populations locales à manifester pour défendre des productions sociales imaginaires. À Scicli, l’une des huit communes insérées dans la liste, en 2002, la mise en patrimoine semble aussi toucher l’activité dévotionnelle et rituelle des factions qui a échappé, à Catalfàro [19], à l’objectivation culturelle. En mars 2011, à Scicli, cinq fêtes « traditionnelles », dont l’importante représentation de la Madonna delle Milizie et le cycle de la Semaine Sainte ont été inscrites dans le Registre des héritages immatériels (REI), à la demande du conseil régional sicilien. L’histoire de Scicli, qui va de pair avec celle de Catalfàro, de Modica, d’Ibla, de Palazzolo Acreide et de nombreux centres de la Sicile sud-orientale, a été marquée par une vieille opposition juridictionnelle, âpre et profonde, entre deux églises et deux confréries (Santa Maria la Nuova et San Bartolomeo). Nous manquons, là aussi, d’une ethnographie des formes actuelles de cet antagonisme mais, grâce à l’importante recherche de Giuseppe Barone (1998), nous disposons d’une minutieuse reconstruction historiographique de la conflictualité entre les deux partis et des tensions internes à la société locale, du milieu du XVIe siècle au début du XXe siècle dernier. Selon Barone, au début du XIXe siècle, suite à la crise économique et inflationniste des années 1820 :
Les querelles entre les partis municipaux perdirent toute signification […]. L’économie imposa ses lois à la politique, alors que la société changeait sous la poussée des processus de modernisation (Barone 1998 : 314).
La confiance de l’historien sicilien dans la force de la modernisation et de l’économie est-elle vraiment justifiée ? La perte de toute valeur financière et économique d’u jocu (le jeu) entre les marianesi et les adeptes de San Nicola que l’on observe à Catalfàro sous l’Ancien Régime et au XIXe siècle, marque aussi bien l’histoire de Scicli, durant les mêmes années. Mais cela n’a pas signifié la perte de centralité de la conflictualité entre les partis. Si, à Scicli, la proposition que j’avançais il y a dix ans pourrait être acceptée, à Catalfàro l’éventualité de transformer une querelle rituelle en objet de représentation patrimoniale de la ville, pour donner une valeur économique immatérielle, dans un scénario postindustriel, postmoderne et transnational, à des pratiques qui ont perdu leur propre valeur économique « moderne », continue à susciter le sourire ironique et railleur de mes amis, de l’un ou l’autre parti.
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