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International Encyclopaedia
of the Histories of Anthropology

Claude Lévi-Strauss, notre contemporain

Emmanuelle Loyer

Sciences-Po

2019
To cite this article

Loyer, Emmanuelle, 2019. « Claude Lévi-Strauss, notre contemporain », in BEROSE International Encyclopaedia of the Histories of Anthropology, Paris.

URL BEROSE: article1746.html

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Published as part of the research theme « History of French Anthropology and the Ethnology of France (1900-1980) », directed by Christine Laurière (IIAC-LAHIC, CNRS, Paris).

Afin d’entrer dans le vif du sujet, commençons par une photographie : on y voit Claude Lévi-Strauss remontant la Seine de Rouen jusqu’à Paris, en pirogue en compagnie de pagayeurs indiens haïda venus de Colombie-Britannique [1]. Nous sommes à l’automne 1989, à l’occasion de l’exposition « Les Amériques de Claude Lévi-Strauss » qui se tient au Musée de l’Homme. La pirogue de 18 mètres est en cèdre rouge et a été fabriquée par un artiste indien-canadien, Bill Reid, symbole de cet art indigène de la côte nord-ouest du Pacifique millénaire en plein épanouissement et désormais reconnu comme un des plus grands dans les musées et les galeries du monde occidental. Elle remonte la Seine de Rouen à Paris où les rejoint l’anthropologue avant qu’ils soient reçus tous ensemble à la mairie par le maire de l’époque, Jacques Chirac. Il faut imaginer cette scène. La presse en rend compte partiellement [2] : durant six jours, le clapotis régulier des pagaies, les paysages normands puis franciliens défilant devant ces corps indiens ; sur la rive, des petits Français coiffés de plumes multicolores s’écrient « Les Indiens arrivent ! Les Indiens arrivent ! » ; et, enfin, l’arrivée incongrue dans une cité occidentale de la fin du XXe siècle. La puissance politique de cette mise en scène à laquelle se soumet gracieusement Lévi-Strauss, tient à la lente remontée du passé qu’elle figure, inversant symboliquement les termes de la découverte : puisque cette fois, ce sont les Indiens qui viennent à la rencontre des Blancs. La terrible rencontre du XVIe siècle inaugurant pour Lévi-Strauss le cataclysme de la modernité – à savoir la dite « découverte de l’Amérique » – est rejouée en en inversant les termes. Ce qui a été fait peut être défait. Le passé fait retour dans un présent qui, parfois, peut être rédempteur. En tout cas, on peut l’espérer.

Le fracas de l’Histoire, Lévi-Strauss le vit dans une biographie épousant le long XXe siècle et ses épisodes de tourment : l’exil pendant les années de la Seconde guerre mondiale où il est proscrit par les lois antijuives. Face à ces extrêmes, il oppose la science (notamment anthropologique) mais aussi, dans un rapprochement audacieux, la mythologie amérindienne, la « pensée sauvage », comme ordonnancements du monde. Si par goût et par ethos professionnel, il est habité par un ou plutôt des passés (la préhistoire, la Renaissance, le XIXe siècle), il les vit moins comme des âges d’or que comme des étincelles pour faire exploser les certitudes d’aujourd’hui. Faire ressortir l’archaïque dans le présent, c’est être activement contemporain. C’est ce qui ressort des dernières interventions de l’anthropologue dans le domaine des nouvelles parentalités, de l’art, des rapports entre les hommes et la nature. C’est aussi, au-delà des illusions de notre modernité, ce qui dessine l’horizon d’un humanisme véritablement réconcilié.

Claude Lévi-Strauss en cape de cérémonie haida, sur la Seine, 1989.
Collection Monique Lévi-Strauss

Ordonnancement du monde et imprévisibilité de l’Histoire

Si Lévi-Strauss n’essentialise pas la catastrophe du siècle, la « Shoah », l’Holocauste, la destruction des juifs pendant la Seconde guerre mondiale (quel que soit le terme que l’on utilise), il écrit au contraire, de façon très iconoclaste aujourd’hui, que ces catastrophes arrivent régulièrement dans l’histoire de l’Humanité ; en tout cas, lui et les siens la subissent comme tous les Français du siècle nés juifs (sans compter les autres évidemment). Sa biographie est donc chahutée par la Seconde Guerre mondiale et avant cela, par l’affaire Dreyfus dont ses parents lui ont parlé (il est né en 1908) et qui fait partie de la mémoire familiale, par la Première Guerre mondiale bien sûr qu’il vit en enfant patriote à Versailles chez son grand-père maternel, grand rabbin de la synagogue.

L’anthropologue au « regard éloigné » est d’abord un jeune homme bouillant qui prend à bras le corps son présent – les années 1920 puis 1930 – en tentant de l’infléchir par la voie révolutionnaire : c’est un militant socialiste de la SFIO avec des options idéologiques radicales mais qui ne fut jamais tenté par le bolchevisme. À la fin des années 1930, alors que son socialisme a été remplacé, et comme relayé, par la quête ethnologique, il revient du Brésil en 1939 pour entrer dans une drôle de guerre qui le mènera finalement, en raison de son judaïsme, sur les chemins de l’exil aux États-Unis, à New York plus exactement où il arrive en juin 1941.

Notons dans toute cette séquence le rôle du hasard, par exemple, lorsque le consul du Brésil qui s’apprêtait à lui tamponner un visa pour retourner à São Paulo est arrêté dans son geste par un fonctionnaire de Vichy. À deux secondes près, Lévi-Strauss se rendait en Amérique du Sud et non comme il le fit finalement aux États-Unis – ce qui aurait évidemment changé les choses. D’autre part, les mois qui courent entre la Bataille de France, l’installation du régime de Vichy, les décrets anti-juifs et le départ (grosso modo entre juin 1940 et avril 1941), il les traverse en « zombie », sans rien comprendre ni rien anticiper. Il comptait même, une fois démobilisé, retourner à Paris pour assumer la charge du poste de professeur de philosophie au lycée Henri IV qui lui avait été affecté sans saisir que son judaïsme rendait désormais caduque cette décision. Le présent n’est pas transparent à celui qui le vit.

L’exil new yorkais, de 1941 à 1947, est certes un épisode crucial d’ouverture et dont le jeune anthropologue saura tirer profit, enrichissant sa palette et son monde intellectuel et existentiel. C’est aussi, sur le moment, une longue angoisse et une séparation douloureuse, notamment de ses parents auxquels il écrit chaque semaine et dont il ne sait pas grand-chose. Pendant les années de guerre, les Lévi-Strauss vivent une vie difficile et chaotique, comme beaucoup de juifs, une vie clandestine entre les Cévennes et la Drôme sous une fausse identité, grâce à des amis qui les cachent et les hébergent. Ils s’appellent Luce-Saunier. Seules les initiales de leur vrai nom subsistent comme une fragile réminiscence patronymique. Remarquons qu’aux États-Unis, Lévi-Strauss s’appelle Claude L. Strauss (pour ne pas confondre avec les blue jeans !). Ces mutilations du nom leur sont communes même si leur situation n’est pas comparable. Elles attestent pourtant cet épisode de crise intense. L’appartement familial parisien est occupé, leurs biens spoliés. Une quinzaine d’années plus tard, un document atteste des actions de réparation partielle qui ont été mises en route par les associations d’entraide juive après la guerre. Mais l’essentiel de leur monde matériel d’avant-guerre s’est évanoui à jamais.

Le tempérament intellectuel de Claude Lévi-Strauss rejoint l’histoire des sciences, et notamment des jeunes sciences sociales, pour voir dans la science une mise en ordre du monde. Plus généralement, le processus de connaissance que Lévi-Strauss a magnifiquement décrit dans Tristes Tropiques est pour lui une sorte d’épiphanie où le sensible et l’intelligible se rejoignent dans le dévoilement d’une réalité profonde. La géologie est une de ses trois « maîtresses » (avec le marxisme et la psychanalyse). À chaque fois, la connaissance met au jour une rationalité invisible derrière le désordre d’un paysage, les métamorphoses du capital, les délires d’un fou.

« Que le miracle se produise, comme il arrive parfois ; que de part et d’autre de la secrète fêlure surgissent côte à côte deux vertes plantes d’espèces différentes, dont chacune a choisi le sol le plus propice ; et qu’au même moment se devinent dans la roche deux ammonites aux involutions inégalement compliquées, attestant à leur manière un écart de quelques dizaines de millénaires : soudain l’espace et le temps se confondent ; la diversité vivante de l’instant juxtapose et perpétue les âges.  [3]»

Comme un bon roman policier (dont il sera toute sa vie un fervent lecteur), la science donne une cohérence au monde par l’établissement de règles invisibles rendant explicables l’apparition de phénomènes mais aussi les anomalies apparentes, les énigmes, les aberrations grâce à une enquête minutieuse qui a pour objectif de mettre au jour un monde plus réel que celui des apparences, une réalité profonde, cachée (parfois menaçante, comme dans les romans policiers) mais qui est la seule digne d’être qualifiée de vraie. Depuis la fin du XIXe siècle, la tradition sociologique française (avec Durkheim) vise à produire une description du monde social comme une totalité obéissant à des lois qui lui sont propres – et invisibles. Lévi-Strauss partage cette vision et la met en œuvre dans son premier gros travail publié en 1949 : Les structures élémentaires de la parenté. Ce livre monstre (une bibliographie dépouillée de plus de 7 000 ouvrages) entend débrouiller le fouillis des coutumes en matière de mariage et d’alliance, y compris les plus aberrantes, pour y voir clair c’est à dire percevoir des « règles » de parenté que l’anthropologue va tenter de réunifier dans un schéma simple articulé autour de la prohibition de l’inceste et du passage de la Nature à la Culture qui constitue la Règle majuscule. L’immense diversité des réponses données par les sociétés sauvages est donc interprétée comme une variation rationnelle (il s’agit de vaincre la passion endogamique et de vivre en société dans une relative stabilité) sur cette seule règle – qui est donc l’équivalent culturel d’une loi naturelle. On ne prend jamais un conjoint au hasard même si on se l’imagine : c’est au cœur de l’intimité et du choix personnel que Lévi-Strauss pose l’existence de règles sociales inconscientes, comme Freud a tenté de les découvrir au niveau individuel. Dans tout son travail, Lévi-Strauss conçoit la quête scientifique comme une recherche des « Rules of the Game » – le grand jeu du monde social – dont l’ordre caché est défait par l’Histoire.

Cette hybris de mise en ordre du réel s’exprime de façon métonymique dans l’un des instruments célèbres du Laboratoire d’anthropologie sociale fondé par Lévi-Strauss en 1960 lorsqu’il rentre au Collège de France. Il s’agit de ce qu’on appelle communément les « Files », c’est-à-dire un exemplaire des Human Relations Area Files, un fichier publié par l’université de Yale à seulement 25 exemplaires dans le monde [4], composé matériellement d’environ deux millions de fiches (en 1961), rassemblés dans 380 fichiers métalliques doubles d’un poids de 7,5 tonnes et d’un volume de 18 mètres cubes [5]. Ces fiches sont codées ligne par ligne à partir d’items présélectionnés, et permettent ainsi d’extraire très rapidement une documentation de base concernant n’importe quel problème ethnologique répertorié à l’époque. Mise en ordre et mise en fiches du monde !

Ce qui est plus intéressant, c’est que ce désir de mise en ordre du monde, Lévi-Strauss le voit à l’œuvre non seulement dans nos sociétés occidentales ayant conquis la rationalité et le discours scientifique mais aussi bien dans ce qu’il va appeler la « pensée sauvage » dans un livre qui fait date (en 1962) précisément parce qu’il effectue ce rapprochement iconoclaste – et sacrilège pour beaucoup de ses collègues et amis savants.

Le lecteur, en ouverture, fait un tour du monde (Philippines, Californie du Sud, Gabon, Rhodésie du Nord, etc.) des lexiques ethnobotaniques et ethno-zoologiques des populations primitives, en découvrant, émerveillé, la précision des termes, l’attention au détail et le souci des distinctions qui caractérisent un savoir encyclopédique dont la rigueur et la richesse n’ont rien à envier au savoir scientifique occidental. C’est la thèse essentielle et révolutionnaire du livre, distillée, exemples à l’appui, dans un tourbillon de références ethnographiques : les quinze espèces de chauve-souris distinguées par les Negrito des Philippines ; les centaines d’espèces végétales connues par le lexique navaho (Amérique du Nord) ; les connaissances médicales des peuples sibériens utilisant les araignées et les vers blancs contre la stérilité, le cafard écrasé dans les problèmes de hernie, les vers rouges macérés pour les rhumatismes, etc. Cette chatoyante entrée en matière insiste autant sur l’extraordinaire érudition que sur le rigoureux classement révélé par un savoir obéissant à des exigences non pas utilitaires, mais strictement intellectuelles : « Introduire un début d’ordre dans l’univers [6] ».

Au fond, ce qu’il appelle la pensée sauvage, c’est cet appétit de compréhension totale de l’univers par l’étude des plantes, des animaux, des constellations, des roches comme le fait de les regrouper, de les opposer, de les distinguer, et qui composent un exercice de pensée dont le totémisme n’était qu’un cas particulier. La mythologie amérindienne, dans son ensemble, est saisie par l’anthropologue non comme un ensemble de fables sans queue ni tête mais comme des récits ayant vocation à donner une réponse totale à une série de problèmes qui se posaient aux humanités du début : Pourquoi l’alternance du jour et de la nuit ? Comment l’un peut naître de deux (dans la reproduction) ? Pourquoi la mort ? Quelle est la bonne distance entre les hommes et les femmes, entre la terre et le ciel, etc. ?

Dans les quatre volumes qu’il va donner régulièrement durant les années 1960 et qui forment le monument des Mythologiques, ces sociétés amérindiennes se caractérisent même par une sorte de gloutonnerie d’intelligibilité. Les mythes expliquent « pourquoi, différentes au départ, les choses sont devenues comme elles sont, et pourquoi elles ne peuvent pas être autrement. Parce que, précisément, si elles changeaient dans un domaine particulier, en raison de l’homologie des domaines, tout l’ordre du monde se trouverait bouleversé [7] ».

Si tout s’explique chez les Amérindiens, dans nos sociétés, l’Histoire est selon Lévi-Strauss une sorte de résidu d’intelligibilité, la part de l’imprévisible, le « ça a eu lieu » dont on ne peut rendre compte totalement. C’est pourquoi, s’il aime la discipline historique et sera proche de nombreux historiens, il ne supporte pas les philosophies de l’Histoire (généralement implicites) qui sont parfois derrière la production historienne. L’idée qu’il y ait des lois de l’Histoire (au sens scientifique) lui semble fausse d’où une vieille querelle avec les marxistes, avec Sartre également. Il n’y a pas de lois de développement des sociétés. Et il est très difficile de donner sens aux « gros événements » tels que la Révolution française par exemple, qui, selon qu’on lit Michelet, Taine ou Albert Soboul, ne porte pas du tout le même sens. Chez Lévi-Strauss, l’Histoire (enseignée, célébrée) dans nos sociétés fonctionne essentiellement à la manière d’un mythe. Par exemple, le mythe de la Révolution française qui, selon qu’on est marxiste ou réactionnaire, a un sens très différent. Là encore, dans un geste iconoclaste, il rapproche les mondes occidentaux et les sociétés primitives. Tous deux carburent au mythe – si l’on peut dire.

Le « regard éloigné »

Peu à peu, l’anthropologue revendique un « regard éloigné » comme une sorte de déformation professionnelle qui, de retour au pays, en Occident, le fait regarder son monde autrement et de façon critique. Au fur et à mesure qu’il vieillit, et cela arrive très tôt dans sa vie, à partir des années 1950 (et de son retour en Europe après la guerre), il cultive une sorte de « désadhérence » à son présent ; il s’en décolle et est décalé. Par exemple, alors que l’anthropologie structurale commence à séduire le monde étudiant et intellectuel français et qu’elle apparaît comme un nouveau paradigme moderniste, Lévi-Strauss assume une position très en retrait par rapport aux modernités du temps : il dit ne pas aimer le Nouveau Roman, ni la musique sérielle et se désintéresse de l’art qui lui est contemporain. Plus tard, dans un recueil de textes, qu’il nomme Le regard éloigné, il marque la distance avec beaucoup des croyances de son temps sur la « créativité », les droits de l’homme, la liberté. On y reviendra. Il dit ne pas aimer son siècle ni ses arrogances. En revanche, il s’exprime plusieurs fois pour dire qu’il se considère comme un homme du XIXe, siècle auquel il est relié par des objets intimes et une mémoire familiale. Il aurait préféré vivre en ce siècle (à condition d’être « du bon côté de la barrière », précise-t-il toutefois) car l’équilibre était encore maintenu entre la civilisation et la nature, la soif de découvertes et de connaissances et la vastitude préservée des zones intouchées, intouchables. Lévi-Strauss est plein d’imaginaires temporels et d’époques qu’il n’a pas vécues. Si le XIXe occupe une place déterminante, c’est le XVIe siècle de la Renaissance qui nourrit chez lui l’amour des commencements.

Son médiateur privilégié est ici Jean de Léry, un Genevois protestant, parti vers le Brésil en 1556, qui va vivre avec les Indiens tupi de la baie de Guanabara (Rio) pendant plusieurs mois et en rendre compte dans Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil (1578). Ce livre devient le bréviaire de Lévi-Strauss au Brésil à tel point qu’on peut dire qu’il tente de découvrir la réalité indigène avec les yeux d’un homme du XVIe siècle - et pas n’importe lequel. Rien ne lui « gâche l’œil ». Pourquoi ? Parce que contrairement à son frère ennemi André Thevet, auteur des Singularités de la France antarctique, Léry a le talent de s’émanciper d’une vulgate de la découverte déjà en place après seulement une cinquantaine d’années de visite de la côte brésilienne par les Européens. Son XVIe siècle, c’est le siècle des contacts qui ne sont pas encore devenus routiniers où quelque chose de la sidération première demeure ; dans la rencontre inaugurale entre deux mondes, les uns et les autres se mesurent, s’auscultent avec une innocente curiosité et une égale dignité. Cette capacité d’observer l’Autre, d’être bousculé par lui et d’en rendre compte selon un scénario fort différent de la légende dorée de la modernité occidentale abordant les terres de la barbarie, Claude Lévi-Strauss la trouve chez Jean de Léry, mais plus généralement dans le siècle de Montaigne et de Rabelais : « Il y a chez des gens comme Rabelais ou Montaigne une merveilleuse fraîcheur du regard qui va disparaître ensuite [8]. »

Lévi-Strauss nourrit donc un rapport compliqué à son présent. Il aime à faire fonctionner la machine à remonter le temps. D’une façon générale, il est pratique de le classer dans la catégorie des « antimodernes » même si Antoine Compagnon l’a utilisée majoritairement pour les écrivains et non pour les savants – mais Lévi-Strauss brouille cette opposition. Il est un savant moderne au sens où, dans ses interprétations, il fait rupture avec ceux qui le précèdent et conçoit un paradigme structuraliste qui apparaît comme un programme fort et éminemment moderne de la science conquérante de la deuxième moitié du XXe siècle (alliance avec la linguistique, la cybernétique, perspective de dialogue avec les sciences dures, etc.). Par ailleurs, s’il est une chose qu’il sauve de notre modernité historique – ce moment de l’évolution du monde occidental qui court du XVIe au XXe siècle – c’est bien la science et même la croyance dans la science (XIXe siècle) qui lui paraît, à l’égale de la production artistique, comme une chose belle et digne d’exister.

Mais pour tout le reste, il adopte des positions très critiques. À partir de la fin des années 1950, et plus vigoureusement encore au début des années 1980, il tient un discours violent contre la révolution moderniste en art qui commence avec l’impressionnisme et court tout au long du XXe siècle. En refusant la figuration, l’art moderne dissout l’objet et enregistre une inéluctable perte du monde, elle-même préfiguratrice d’une communication de plus en plus limitée avec la société qui n’en comprend plus le sens. Dès lors, l’art moderne est piégé dans l’impasse d’un discours enfermé sur lui-même. D’où l’obsolescence et la futilité croissantes des vogues et des vagues artistiques au XXe siècle, la cascade de ses mouvements, la frénésie du nouveau, la grandiloquence de ses avant-gardes qui se déroulent sous le regard impavide d’un public « immunisé contre le virus de l’art ». Sa critique est, terme à terme, reliée au statut de l’art dans les sociétés sauvages qui détermine au contraire une emprise du monde, un sens partagé, une immutabilité et une technique forgée dans la continuité de gestes immémoriaux comme dans l’art de la vannerie auquel il rend hommage dans un de ses derniers textes.

Ce qui finit par constituer une véritable esthétique a fait scandale dans les années 1980 lorsque Lévi-Strauss a publié « Le métier perdu » dans Le Débat.

Dans l’analyse des sociétés également, Lévi-Strauss privilégie la continuité sur la rupture (déformation professionnelle, dira-t-on) et il met en exergue ce que coûtent les grandes tabula rasa historiques comme celle de la Révolution française : des désirs de forger l’homme nouveau, certes, mais qui, finalement, provoquent la rupture des solidarités traditionnelles qui constituaient un « matelas » pour les hommes appartenant à cette société ; la violence de l’individualisme abstrait révolutionnaire où l’individu se retrouve seul, dénudé, face à un État lointain, etc. Lévi-Strauss préfère l’évolution historique de la Grande-Bretagne qui fait, d’après lui, l’économie de la grande rupture révolutionnaire (ce en quoi il pourrait se tromper car ce pays l’a faite avant la France, au XVIIe siècle) ou celle du Japon où il est fasciné de constater que la grande rupture du Meiji, en 1868 (cette entrée dans le monde industriel qui se traduit par l’ouverture du pays après des siècles de fermeture voulue), se fait non pas sous forme de révolution mais d’une restauration impériale. Pour Lévi-Strauss – peu importe ici que son analyse soit juste ou fausse – le Japon a joué différemment les cartes de la modernité en conservant ses us et coutumes. Et d’après lui, le Japon a eu raison.

Lévi-Strauss est très libre dans sa critique de la modernité historique, artistique et même politique dans ce qu’elle a, en général, de plus satisfaisant pour notre conscience, c’est-à-dire la démocratie politique et les droits de l’homme. Là aussi, Lévi-Strauss dégoupille une grenade au cœur de nos satisfactions car il se fait assez tôt (dans les années 1950) le contempteur de ces presque sacrés « droits de l’homme », apanage d’un humanisme qui a constitué le règne humain en règne séparé, pour promouvoir un humanisme plus général fondé sur les « droits du vivant » où règne humain, règne animal et règne végétal doivent cohabiter comme ils le font dans l’univers des mythes amérindiens. Un chasseur amérindien ne peut se livrer à une razzia et tuer impunément des animaux en dehors de ceux nécessaires à son alimentation car ceux-ci, dotés des mêmes attributs que les hommes, se vengeront. Le chasseur sera d’une manière ou d’une autre châtié. C’est cette harmonie, cet équilibre entre les différentes formes du vivant que la société industrielle a compromis. Cette vérité aujourd’hui évidente fut rarement formulée avec une telle force que par Lévi-Strauss, notamment à la fin des Origines des manières de table, livre publié à contretemps en 1968 :

On nous a habitués dès l’enfance à craindre l’impureté du dehors. Quand ils proclament au contraire que « l’enfer, c’est nous-mêmes », les peuples sauvages donnent une leçon de modestie qu’on voudrait croire que nous sommes encore capables d’entendre. En ce siècle où l’homme s’acharne à détruire d’innombrables formes vivantes, après tant de sociétés dont la richesse et la diversité constituaient de temps immémorial le plus clair de son patrimoine, jamais, sans doute, il n’a été plus nécessaire de dire, comme font les mythes, qu’un humanisme bien ordonné ne commence pas par soi-même, mais place le monde avant la vie, la vie avant l’homme, le respect des autres êtres avant l’amour-propre ; et que même un séjour d’un ou deux millions d’années sur cette terre, puisque de toute façon il connaîtra un terme, ne saurait servir d’excuse à une espèce quelconque, fût-ce la nôtre, pour se l’approprier comme une chose et s’y conduire sans pudeur ni discrétion [9].

Cette sentence formulée en un style Grand siècle résonne fortement, à l’époque, et plus encore aujourd’hui. Parce que la « déférence envers le monde » guide moins que jamais certains usages et certaines pratiques, la mise en garde de Lévi-Strauss est politiquement signifiante, raison pour laquelle l’ethnologue peut apparaître plus décisif que bien des philosophies subversives. Peu à peu, le pathos de la modernité encore présent dans Tristes Tropiques fait place à un rejet libre et assumé du Progrès : « Dans ce que nous nommons progrès, il y a 90 % d’efforts pour remédier aux inconvénients liés aux avantages que procurent les 10 % qui restent [10]. »

Les sociétés sauvages mettent en œuvre un effort démesuré, surprenant pour un esprit moderne, pour résister à la transformation. L’éloignement du regard amène Lévi-Strauss à sortir du régime d’historicité de ses contemporains : contrairement à eux, il ne valorise pas le changement, il redoute la disparition, et il aspire à la conservation. L’accélération des temps et des rythmes sociaux lui semble le grand danger allant de pair avec l’intégration générale d’une humanité une et indivisible, pour son malheur. Cette manière de poser (et de décaler) les problèmes est proprement politique, même si elle (ou plutôt : parce que) elle subvertit les catégories de la politique classique : le « progrès », la « gauche », la « droite », la « réaction », la « réforme », la « révolution »... Lévi-Strauss est un réactionnaire dans la mesure où il prône un « retour à », mais alors c’est un ultra-réactionnaire : loin de vouloir un retour à l’Ancien Régime, il aimerait, si c’était possible, un retour... au néolithique, comme il s’en ouvre dans une lettre personnelle à Raymond Aron, qu’on imagine éberlué : « Le salut de l’homme eût consisté à refuser à temps ce rôle d’objet, ou d’agent [du changement, de la transformation] c’est-à-dire à choisir le néolithique, si vous me permettez cette simplification [11] ». Radical néolithique.

Être contemporain

Cette fatigue du Progrès qu’analyse Lévi-Strauss et que nous vivons aujourd’hui avec une cruelle intensité, il la pointe grâce à sa façon de n’être pas de son temps. C’est une des façons d’être contemporain. Utiliser les strates des passés qui nous hantent non comme refuges (même s’ils peuvent aussi en servir, après tout), non pour cultiver notre mélancolie, mais pour faire exploser nos stéréotypes et nos plus intimes convictions : que changer, c’est bien ; que le progrès technique, c’est bien ; que de s’ouvrir sur les autres et de bouger, c’est bien ; que les enfants ont besoin d’un père et d’une mère, etc.

Pour finir, je voudrais insister sur la fonction proprement politique, chez Lévi-Strauss, de ces passés et de ces ailleurs qui nous rappellent que les sociétés passées et les sociétés sauvages ont fourni des réponses à des problèmes qui sont aussi les nôtres. Et qu’il est bon de les connaître non pour les reprendre à notre compte, mais afin de nous éprouver dans la singularité de notre trajectoire historique.

Il s’agit pour lui, dans la continuité de la métaphore du « regard éloigné », de faire jouer activement le déphasage, l’écart, à la fois professionnel (celui de l’ethnologue) et personnel (celui de Lévi-Strauss) vis-à-vis du monde contemporain pour se situer au cœur de l’aujourd’hui le plus tranchant, le plus brûlant. C’est visible dans les textes d’intervention qui ont été publiés de façon posthume et qui sont branchés sur l’actualité la plus brûlante, par exemple, la procréation artificielle, les nouvelles parentalités et filiations, les maladies épidémiques, les rapports avec les animaux… Le titre du recueil d’articles de La Repubblica, « Nous sommes tous des cannibales » exprime un geste profond de la politique lévi-straussienne : l’enjeu n’est pas un simple rapprochement entre « eux » et « nous » mais une véritable requalification sauvage de notre aujourd’hui, non pour en dénoncer la barbarie – ce que ferait la gauche traditionnelle – mais pour s’inspirer des sociétés anciennes ou exotiques qui ont pu affronter les mêmes problèmes et offrir des solutions « bonnes à penser ». Lévi-Strauss en donne plusieurs exemples dans notre quotidien très contemporain. Il délivre ainsi une leçon de libéralisme et de prudence (notamment pour le législateur qu’il encourage à retenir sa plume), de démystification de nos fétiches modernes (la Science, le Progrès...) et ouvre grands les placards de la modernité (la barbarie de nos boucheries et de notre agro-business). Ce geste d’universalisation du sauvage en nous – plutôt que de l’exclure comme sous-humanité – porte en lui un programme qui rejoint, en partie, celui de Bruno Latour : redevenir les non-modernes que nous n’avons jamais cessé d’être [12]. Chez Lévi-Strauss comme chez Latour, un tel mot d’ordre vise à résorber le double grand Partage qui a fondé la modernité ; entre eux et nous ; entre la nature et la société.

Lorsqu’il pense le traitement de la maladie de Creutzfeldt-Jakob ou l’épidémie dite des vaches folles nourries de farine animale dans le cadre d’un « cannibalisme élargi » (la greffe comme ingestion et les vaches transformées par les hommes en cannibales), ce n’est pas pour nous faire horreur mais au contraire pour démystifier et banaliser le cannibalisme qui est, au fond, toujours, dit-il, une catégorie ethnocentrique.

Le « cannibalisme élargi » permet à Lévi-Strauss de représenter notre pratique carnivore comme une folie barbare lorsqu’il évoque, avec la répulsion d’un grand sensible, l’horreur des étals de boucherie où nous admirons des morceaux de viande sanguinolente :

Car un jour viendra où l’idée que, pour se nourrir, les hommes du passé élevaient et massacraient des êtres vivants et exposaient complaisamment leur chair en lambeaux dans des vitrines inspirera sans doute la même répulsion qu’aux voyageurs du XVIe siècle ou du XVIIe siècle, les repas cannibales des sauvages américains, océaniens ou africains [13].

Alors, Lévi-Strauss nous convie-t-il à devenir tous végétariens ? Il est certain que, pour lui, l’alimentation carnée est un luxe que ni les animaux ni les hommes ne pourront bientôt plus se payer. Pourtant, l’ethnologue, dans son ordinaire, n’abandonne pas son régime de viande. Gourmet, il les aime à toutes les sauces bien que toujours en petite quantité [14]. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, il ne prescrit pas l’abandon de la viande. Adoptant une tournure prophétique, rare sous sa plume, il invoque, au futur, l’avènement d’une humanité pour laquelle manger de la viande sera une pratique raréfiée, coûteuse et presque risquée.

La viande figurera au menu dans des circonstances exceptionnelles. On la consommera avec le même mélange de révérence pieuse et d’anxiété qui, selon les anciens voyageurs, imprégnait les repas cannibales de certains peuples. Dans les deux cas, il s’agit à la fois de communier avec les ancêtres et de s’incorporer à ses risques et périls la substance dangereuse d’êtres vivants qui furent ou sont devenus des ennemis [15].

Manger de la viande d’êtres vivants (humains ou animaux : au fond, peu importe), oui, mais avec les égards qui leur sont dus... Telle est l’ultime leçon de sagesse des vaches folles.

De même, avec les problèmes de procréation artificielle qui font l’actualité de notre aujourd’hui : insémination artificielle, don d’ovule, prêt ou location d’utérus, congélation d’embryon, fécondation in vitro avec spermatozoïdes provenant du mari ou d’un autre homme et un ovule provenant de la femme ou d’une autre femme. Il écrit dès 1986 :

Les enfants nés de telles manipulations pourront donc, selon les cas, avoir un père et une mère comme il est normal, une mère et deux pères, deux mères et un père, deux mères et deux pères, trois mères et un père, et même trois mères et deux pères quand le géniteur n’est pas le même homme que le père, et quand trois femmes interviennent : celle donnant un ovule, celle prêtant son utérus et celle qui sera la mère légale de l’enfant [16]...

Il n’y a pas là matière à dérouter l’ethnologue. Sur tous ces sujets, il a beaucoup à dire car les sociétés qu’il étudie, bien que ne maîtrisant pas les techniques de procréation artificielle, en ont produit des « équivalents métaphoriques [17] » pour régler les mêmes problèmes, de stérilité notamment. D’une certaine façon, les ethnologues sont même les seuls à ne pas être complètement désarmés devant les nouvelles réalités de la procréation artificielle permises par la science biologique. Pourquoi ? Parce que, répond Lévi-Strauss, les peuples étudiés par les ethnologues séparent le plus souvent la paternité biologique de la paternité sociale, ils bricolent leurs propres montages de parenté avec beaucoup d’inventivité ; enfin, l’engendrement et la filiation sont distincts et beaucoup de ces sociétés ne cherchent aucune vérité sur l’engendrement, contrairement à la nôtre qui en est obsédée [18].

Le philosophe Georgio Agamben définit ce que « contemporain » veut dire [19] : une persistante inactualité, un déphasage voulu, une relation difficile avec son présent. Le vrai contemporain ne saurait, nous dit Agamben, adhérer à son époque, pas plus qu’à ses valeurs ou à ses attentes. Mais il y a plus : « Seul peut se dire contemporain celui qui ne se laisse pas aveugler par les lumières du siècle et parvient à saisir en elles la part d’ombre, leur sombre intimité [20]. » Agamben voit dans l’obscurité du présent une lumière qui cherche à nous rejoindre mais sans y parvenir. C’est pourquoi il faut avoir du courage : il s’agit d’être « ponctuel à un rendez-vous qu’on ne peut que manquer ». Enfin, troisième et dernier trait du contemporain : il perçoit dans les « choses les plus modernes et les plus récentes les indices ou la signature de l’archaïsme [21] ». Ne reconnaît-on pas là la facture pessimiste et don quichottesque d’un rapport au temps décalé qui fait de la vie de Claude Lévi-Strauss un livre ouvert sur le XXe siècle et sur bien d’autres choses, notre modernité occidentale, l’immémorial, le préhistorique ou l’aujourd’hui ?

Cette disconvenance existentielle avec son présent s’est traduite dans le structuralisme anthropologique à travers l’espace-temps relativiste, relationnel et transformationnel des mythologies, pas très loin de l’univers en expansion de l’astro-physique ou de la physique quantique. Cette terre est devenue un monde dans la deuxième moitié du XXe siècle, avec son urbanisation généralisée et son interconnexion intensive. Les premières vues excentrées en ont été données par un satellite en 1957. Depuis, les « levers de lune » ou les ’couchers de terre » nous ont appris à la considérer comme un monde fini.

Toute sa vie, Claude Lévi-Strauss aura rêvé d’une machine à remonter le temps et à élargir l’espace, que son incubation proustienne lui a fait trouver dans l’art et dans la science, seules clés de la vraie vie. À quelques années de sa mort, dans un de ses textes ultimes, une « Ouverture au 60e anniversaire de l’Unesco », il nous étonne, une fois encore, en professant un optimisme modéré. Il fait sienne la théorie du philosophe du XVIIIe siècle Giambattista Vico : l’histoire des sociétés humaines répète éternellement les mêmes problèmes, mais chaque période refait le chemin par des voies différentes – ces « corsi » et « ricorsi » que Lévi-Strauss n’hésite pas à généraliser à l’ensemble du vivant. Cette histoire en spirales lui convient car elle réconcilie plusieurs philosophies du temps, occidentales et orientales, elle ménage sa place à une certaine diachronie tout en insistant sur la périodicité. La finitude et l’entropie du monde, son uniformisation prévisible, peuvent aussi parfois desserrer leur étreinte, comme le montre le petit apologue historique servi par Claude Lévi-Strauss avec une certaine gourmandise. Remontons avec lui au dernier quart du XIVe siècle et à la première moitié du suivant : sous l’impact d’échanges croissants et d’un réseau de marchands et de collectionneurs, règne dans toute l’Europe un style gothique international identifié (déformation du corps humain, surabondance de parures, fascination morbide). Cet « état d’indistinction, loin de s’étendre, fut le milieu d’où surgirent et divergèrent, tout en maintenant des contacts, les écoles de peinture flamande d’une part, italienne de l’autre ; soit les formes les plus accusées de la diversité que connut l’art occidental [22] ». Le pire de la mondialisation n’est jamais sûr. De nouvelles différenciations peuvent surgir de l’uniformité. Laissons à Lévi-Strauss le soin de conclure : « On dit : ’De deux choses l’une’. Et c’est toujours la troisième [23] ». L’avenir est imprévisible car il résiste à toutes les philosophies de l’Histoire qui se sont toujours avérées fausses.




[1Conférence prononcée à Columbia University, New York, Maison française, le 18 octobre 2018 et dans quelques autres universités étatsuniennes à l’occasion de la sortie en anglais de mon livre Lévi-Strauss, London/New York, Polity Press, 2018.

[2Le périple est suivi par la Folha do São Paulo, 22 octobre 1989. La presse régionale y est attentive : « Des Indiens en pirogue sur la Seine’, Le Havre libre, 28 septembre 1989 ; « Des Indiens haïda sur la Seine. Un hommage à Lévi-Strauss », Le Courrier de Saône-et-Loire, 3 octobre 1989. Un reportage de Libération y est consacré : Selim Nessib, « Les Haïda entrent en Seine », Libération, 2 octobre 1989.

[3Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, in Id. Œuvres, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2008, p. 46.

[4Ce puissant outil documentaire était produit depuis 1937, à l’instigation de George P. Murdoch par une institution indépendante de New Haven, associée à l’université de Yale. Cf. Isac Chiva, « Une communauté de solitaires : le Laboratoire d’anthropologie sociale », Lévi-Strauss, L’Herne, Cahiers de L’Herne, 2004, p. 66.

[5La VIe Section de l’EPHE et la Maison des sciences de l’homme participent également au financement des « Files ».

[6Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage, in Id. Œuvres, ’Bibliothèque de la Pléiade’, Gallimard, Paris, 2008, p. 568.

[7Claude Lévi-Strauss, De près et de loin, Paris, Odile Jacob, ’Points’, Suivi d’un entretien inédit ’Deux ans après’, 1990, p. 195.

[8« Sur Jean de Léry. Entretien avec Claude Lévi-Strauss ».

[9Claude Lévi-Strauss, Mythologiques 3. L’origine des manières de table, Paris, Plon, 1968, p. 422.

[10« L’Express va plus loin avec Claude Lévi-Strauss », L’Express, 15-21 mars 1971.

[11Lettre de Claude Lévi-Strauss à Raymond Aron, 25 décembre 1955.

[12B. Latour, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie moderne, Paris, La Découverte, 1991.

[13Cl. Lévi-Strauss, « La leçon de sagesse des vaches folles », in Nous sommes tous des cannibales, Paris, Seuil, 2013, p. 221.

[14Monique Lévi-Strauss, Entretien avec l’auteur, 26 octobre 2014.

[15Cl. Lévi-Strauss, « La leçon de sagesse des vaches folles », in Nous sommes tous des cannibales, Paris, Seuil, 2013, p. 229

[16Cl. Lévi-Strauss, « Trois grands problèmes contemporains : la sexualité, le développement économique la pensée mythique », L’Anthropologie face aux problèmes du monde moderne, Paris, Le Seuil, 2011, p. 64.

[17Cl. Lévi-Strauss, « Problèmes de société : excision et procréation assistée », L’Anthropologie face aux problèmes du monde moderne, Paris, Le Seuil, 2011, p.94.

[18Cf. également Françoise Héritier, « La cuisse de Jupiter. Réflexions sur les nouveaux modes de procréation », L’Homme, n° 94, avril-juin 1985, p. 5-22.

[19G. Agamben, Qu’est-ce que le contemporain ?, Paris, Rivages poche, « Petite bibliothèque », 2008.

[20Ibid., p. 21.

[21Ibid., p. 33.

[22Claude Lévi-Strauss, « Pour le 60e anniversaire de l’Unesco », Diogène 3/2006, n° 215, p. 6.

[23Claude Lévi-Strauss, De près de loin, op. cit.,
p. 176.