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Encyclopédie internationale
des histoires de l’anthropologie

“Une figure d’importance”. Vie et œuvre de Siegfried Frederick Nadel

Geoffrey Gray

University of Queensland

2019
Pour citer cet article

Gray, Geoffrey, 2019. «  ‘Une figure d’importance’. Vie et œuvre de Siegfried Frederick Nadel », in Bérose - Encyclopédie internationale des histoires de l'anthropologie, Paris.

URL Bérose : article1682.html

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Publié dans le cadre du thème de recherche « Histoire de l’anthropologie en Australasie (1900-2000) », dirigé par Geoffrey Gray (University of Queensland).

Expliquant sa décision de transcrire les notes de terrain de Nadel et les journaux de ses premiers travaux sur le terrain dans le royaume des Nupe, l’anthropologue Peter Loizos souligne la place de Nadel dans l’anthropologie britannique : « Dans le cas de Nadel, nous avons affaire à une figure d’importance. Bien qu’il n’ait pas bénéficié du même degré d’attention dans les manuels et les histoires de l’anthropologie que Malinowski, Firth, Fortes, Gluckman ou Leach, son nom doit certainement figurer au deuxième rang des savants britanniques de l’époque. Au cours de sa brève vie professionnelle, il a produit cinq livres importants, de nombreux articles et occupé une chaire prestigieuse à la nouvelle Australian National University. Ses collègues se souvenaient de lui comme d’un esprit exceptionnel et bien conscient de sa prééminence [1]. »

Au moment où se crée une chaire d’anthropologie à l’Université nationale australienne de Canberra, alors que le nom de Nadel est proposé, l’anthropologue Raymond Firth, conseiller du Conseil provisoire, fournit « à son sujet quelques informations personnelles – son origine, sa formation, son âge, son caractère, etc. [2] ». Il présente un court portrait de la personnalité générale de Nadel, se concentrant sur ses capacités en tant qu’enseignant et théoricien, soulignant que ses « origines sont viennoises (et d’ascendance partiellement juive) ». Firth fait référence aux expériences de Nadel en tant qu’anthropologue du gouvernement au Soudan et à ses activités pendant la guerre, qui comprenaient l’occupation de postes dans les affaires civiles en Érythrée et en Tripolitaine. Selon lui, cette expérience avait conduit Nadel à devenir « très britannique... Siegfried s’appelle désormais Fred ». Ce dernier est, selon Firth, « plutôt facile à vivre et extrêmement compétent. Parle très librement mais à bon escient. Une très bonne connaissance de la sociologie et de la psychologie (auxquelles il a été formé à Vienne) ainsi que de l’anthropologie sociale et avec le goût d’un homme cultivé pour les arts et une très bonne connaissance de la musique ». Il insiste sur le fait que Nadel « dispose d’une très bonne formation théorique qu’il affine depuis deux ans, et qu’il est maintenant prêt à systématiser – il a entrepris la rédaction, déjà bien avancée, d’un livre. Très stimulant pour les élèves de tous niveaux [3] ». La brève déclaration de Firth ne rend pas justice au chemin que la vie de Nadel lui a fait parcourir [4]. Comme le souligne Loizos :

« (...) [S]i Nadel avait réussi pas mal de choses, il avait aussi dû pour cela faire un long voyage intellectuel et culturel. Il avait mûri dans un contexte viennois tendu en raison des conflits politiques entre socialistes et nationalistes conservateurs. En 1919, alors que Nadel était écolier, les sociaux-démocrates autrichiens avaient surmonté deux tentatives des communistes locaux pour prendre le pouvoir. Les socialistes et les nationalistes conservateurs s’étaient violemment affrontés en 1927, et l’antisémitisme s’affichait de plus en plus ouvertement à mesure que les national-socialistes montaient en puissance en Allemagne [5]. »

Il ne fait aucun doute que lorsque la nouvelle de la guerre civile autrichienne (le soulèvement de février 1934) lui parvient en février 1934 et, qu’en juillet, une tentative de coup d’État nazi entraîne l’assassinat du dictateur autrichien Englebert Dollfuss, son retour à Vienne devient difficilement envisageable et il a plus de raisons de rester à Londres pour y poursuivre une carrière en anthropologie [6].

Siegfried Ferdinand Stephan Nadel naît le 24 avril 1903 à Lemberg, en Galice, sous la monarchie des Habsbourg [7]. Ses deux parents sont nés à Lemberg. Son père, conseiller ferroviaire principal, s’installe avec sa femme et leurs deux enfants à Vienne en 1912 [8]. Jana Salat n’offre aucune explication de ce déménagement [9]. Cependant, l’historienne Marsha Rozenblit soutient que les Juifs qui « émigraient de Galice à Vienne n’étaient pas des Juifs galiciens typiques ». En fait, ils étaient beaucoup plus urbains que les Juifs galiciens dans leur ensemble. Que ce soit à cause d’une plus grande pauvreté, d’une plus grande mobilité ou d’un accès plus aisé aux moyens de transport, les Juifs vivant dans les villes de Galice étaient beaucoup plus susceptibles de déménager à Vienne que tout autre Juif de la province [10] ».

Après avoir fréquenté le Gymnasium (Vienne), de 1913 à 1921, Nadel s’inscrit à l’Académie de musique de l’université de Vienne ; sa première ambition est de devenir chef d’orchestre et compositeur. La musique le conduit à la psychologie de la musique et à la psychologie générale qui, à l’époque, était affiliée à la philosophie. Il soutient sa thèse (en musicologie) en novembre 1925. Cette année-là, il est également chef assistant temporaire à l’Opéra de Düsseldorf. L’année suivante, il épouse Lisbeth Braun (née en 1900), également musicologue. En 1927, il fonde sa propre compagnie d’opéra qui fait des tournées en Tchécoslovaquie. Après un bref séjour en Angleterre dans une école d’été de musique, il retourne à Vienne où il continue à travailler comme musicologue, s’intéressant à la musique africaine, javanaise et caucasienne. Il travaille au Musikkonservatorium, où il trie les archives ethno-musicales de Rudolf Poch puis dresse le catalogue des instruments de musique pour le Wiener Museum für Völkerkunde. Il s’intéresse toujours à la psychologie et se montre un membre actif des colloques de psychologie de Karl Bühler. Durant cette période, il travaille également comme assistant à l’Institut de psychologie [11].

En 1930, il présenté un « traité de probation » (une habilitation) pour être admis comme professeur à la faculté de philosophie de l’université de Vienne. Son sujet s’intitule « Der Duale Sinn der Musik. Versuch einer musikalischen Typologie » (« La double nature de la musique : une typologie musicale ») [12]. Il cherche alors à obtenir l’autorisation d’enseigner (la venia legendi) la théorie musicale comparée, la psychologie de la musique et l’esthétique de la musique. Les notes manuscrites font apparaître un désaccord entre les membres du jury au sujet de la psychologie de la musique. On reproche au travail de Nadel de n’avoir pas fondé son approche sur l’histoire. En conséquence, Nadel est invité à retirer sa candidature [13]. L’historien Sander Gilman écrit qu’« on présumait en général à Vienne qu’un « esprit juif » l’emportait sur la conversion ou l’assimilation et que cet esprit manquait fondamentalement d’originalité [14] ». Ce sentiment a vraisemblablement influencé la décision des examinateurs [15].

Selon Gilman, au moment où Nadel présente sa demande, Vienne est probablement la ville la plus antisémite d’Europe centrale [16]. Une loi est adoptée en 1926 qui restreint la vie des Juifs autrichiens. Après la Première Guerre mondiale, un mouvement continu conduit les Juifs d’Europe de l’Est (par exemple Galice et Hongrie, notamment Budapest),) vers Vienne et de là vers Berlin. Après 1933, et la montée au pouvoir d’Hitler, ceux qui le peuvent partent pour les États-Unis ou l’Angleterre [17]. Bien que la famille de Nadel se soit convertie au catholicisme [18], les restrictions qui lui sont imposées et les difficultés qu’il rencontre pour poursuivre sa vocation musicale, ainsi que l’antisémitisme à Vienne, l’ont très probablement incité à partir avec Lisbeth pour Berlin où il travaille à une biographie du compositeur et pianiste Feruccio Busoni [19] : Feruccio Busoni, 1866-1924. C’est la dernière publication majeure de Nadel sur la musique [20].

À Berlin, « les possibilités d’étudier la musicologie des peuples primitifs étaient encore plus grandes qu’à Vienne », mais l’intérêt de Nadel a changé : il se montre rapidement « de plus en plus intrigué par les problèmes de l’ethnologie [21] ». Les ethnomusicologues Kurt Sachs et Erich von Hornbostel le présentent à Diedrich Westermann, alors professeur de langues africaines à l’université de Berlin, membre éminent de l’Institut international des langues et cultures africaines (plus tard connu sous le nom d’Institut africain international) et rédacteur de la revue Africa [22]. Douze mois plus tard, Nadel, avec le soutien de Westermann, avec lequel il a étudié les langues africaines, reçoit une prestigieuse bourse de la Fondation Rockefeller pour étudier à la London School of Economics (LSE) [23]. Salat écrit qu’il s’est « anglicisé » en un temps étonnamment court. « Il n’avait guère de meilleure connaissance de l’anglais que ce qu’il avait appris à l’école, mais sa capacité à maîtriser une langue en un temps record s’y est avérée utile aussi bien que dans son travail de terrain. Très rapidement [...] les premiers comptes rendus signés par Nadel paraissent en anglais [24].

Nadel s’inscrit comme doctorant au département d’anthropologie de la London School of Economics, sous la direction de Charles Seligman et Bronislaw Malinowski [25]. En 1933, il est nommé chercheur à l’International Africa Institute, et c’est en cette qualité qu’il entreprend deux expéditions en Afrique de l’Ouest (royaume des Nupe au nord du Nigeria) en 1933-1934 et 1935-1936. En 1935, il rédige rapidement, en neuf mois, « une courte thèse de doctorat plutôt théorique [26] ». A Black Byzantium : the Kingdom of the Nupe in Nigeria (Byzance noire : le royaume des Nupe du Nigeria), est issu de ce travail de terrain, publié en 1942 [27]. Michael Young, anthropologue et biographe de Malinowski, m’a fait remarquer que Nadel « était un pionnier de l’ethnographie multi-située, imposée par la taille et la complexité du royaume des Nupe [28] ».

La raison pour laquelle Nadel choisit les Nupe n’est pas claire. Cependant, dans son introduction à Black Byzantium, il explique au lecteur qu’il doit « une gratitude particulière à Sir Gordon Lethem, alors gouverneur des îles Sous-le-Vent et auparavant lieutenant-gouverneur du nord du Nigeria, qui a le premier attiré [s]on attention sur la tribu des Nupe [29] ». Loizos souligne à juste titre qu’un administrateur colonial supérieur qui suggère un site de terrain à un jeune anthropologue prometteur le fait « parce qu’on attend de lui qu’il agisse avec discrétion et, d’autre part, que l’administration apprenne quelque chose de cette rencontre [30] ». En fait, Nadel se félicite de l’occasion de faire « de l’anthropologie appliquée » en produisant la connaissance de la structure sociale de groupes autochtones sur laquelle une administration indigène saine et harmonieuse, telle qu’elle est envisagée dans le cadre de l’Indirect Rule, devrait s’appuyer [31] ». Nadel se révèle un fervent partisan de l’implication de l’anthropologie dans le colonialisme, afin d’améliorer les politiques en faveur des colonisés. En cela, il n’est pas seul [32]. Depuis ses débuts professionnels dans les années 1920, l’anthropologie a directement ou indirectement contribué à la formulation ou à la mise en œuvre d’une politique coloniale qui n’a été sérieusement remise en question que vers la fin des années 1960 [33].

L’Indirect Rule, cependant, n’était pas l’objectif principal de Nadel, malgré son intérêt à long terme pour l’anthropologie appliquée [34]. Loizos et Salat soulignent tous deux que son analyse d’un État africain « est très en avance sur les attendus classiques de l’anthropologie fonctionnaliste ». Il montre une compréhension de l’État comme « l’incarnation du pouvoir de classe et il voit le rituel entourant la monarchie pour ce qu’il est, ni plus ni moins qu’un instrument propre à entretenir une mystique politique [35]. Loizos ajoute dans sa recension du livre de Salat, Reasoning as Enterprise, que « l’idée la plus précieuse dont Nadel a été un précurseur dans l’anthropologie britannique fut la compréhension du rôle crucial de la coercition et de la domination dans les systèmes étatiques [...] [Il] a été parmi les premiers à voir que ce qu’il appelait l’ ’idéologie’ était une force puissante et presque indépendante tant dans des tribus complexes, que dans des royaumes [36] ».

Tout en maintenant son intérêt pour l’anthropologie appliquée, il prend un poste d’anthropologue au sein du gouvernement du Soudan Anglo-égyptien. Il doit mener des recherches sociologiques dans la région peu connue des monts Nouba, pour connaître les tribus de cette région et conseiller le gouvernement sur les questions d’« administration indigène ». Les résultats de ce travail sur le terrain, déclare-t-il dans sa candidature à un poste de maître de conférences à la London School of Economics, ont été « incorporés » dans The Nuba : An Anthropological Study of the Hill Tribes of Kordofan (1947). Il s’enrôle dans l’armée britannique en 1941 et est affecté à l’armée d’occupation en Éthiopie et en Érythrée, puis il est nommé officier supérieur des affaires civiles et secrétaire aux affaires indigènes (avec rang de major) dans l’administration militaire britannique de ce pays. À son retour de congé, il est affecté en Tripolitaine comme « officier d’état-major du QG, [...] avec les fonctions de secrétaire aux Affaires indigènes [37] ».

Un poste de maître de conférences à la LSE lui est offert à la mi-1945, mais il n’est en mesure de le prendre qu’en mai de l’année suivante, lorsqu’il est démobilisé [38]. En octobre 1948, il est nommé lecteur au Kings College, à l’université de Durham, à Newcastle. L’anthropologue Paul Sillitoe, de l’université de Durham, note que les diplômes de premier cycle et les diplômes d’études supérieures, figurant pour la première fois dans le calendrier de l’année universitaire 1949-1950, sont restés longtemps après son départ pour Canberra à peu près tels que Nadel les avait conçus [39].

En 1948, l’Université nationale australienne (ANU) nouvellement créée cherche son tout premier professeur d’anthropologie pour la Research School of Pacific Studies. Pour Raymond Firth, qui conseille l’ANU sur ces nominations, le choix est entre Meyer Fortes et S. F. Nadel. Sa préférence va à Nadel. Dans le document qu’il rédige en sa faveur, Firth met en avant ses qualités de professeur : « Il est extrêmement stimulant pour les étudiants et un très bon professeur. » Il conclut qu’il ne peut imaginer « personne de plus compétent que lui pour occuper une nouvelle chaire dans un domaine aussi important qui exige une grande capacité théorique [40] ». Nadel accepte le poste et arrive à Canberra en février 1950. Firth, conscient que Nadel a une expertise d’africaniste et ne connaît pas la région du Pacifique, se montre certain qu’il y remédiera très rapidement et que son expérience comparative en Afrique serait d’une grande valeur. Jack Goody écrit que, comme Fortes, Nadel ne se considère pas comme un africaniste, ou comme le spécialiste de certaines régions, mais plutôt comme un sociologue comparatif en ce sens que leur compréhension n’était pas, de leur point de vue, limitée à une seule culture [une région], mais s’attachait à la culture humaine elle-même [41].

Quelques semaines après son arrivée en 1951, il élabore un vaste programme de recherche dans lequel il expose « les principaux problèmes de recherche auxquels le Département d’anthropologie, tel qu[‘il] l’envisage, sera confronté [42] ». Il vise à satisfaire des intérêts concurrents, destinés à servir de « base à la planification de recherches coordonnées entre les Écoles de recherche en études du Pacifique et en sciences sociales », mais aussi en fonction des « intérêts et du nombre d’universitaires disponibles ». Il combine recherche universitaire et aspects pratiques [43]. Nadel n’opère pas une distinction nette entre la sociologie et l’anthropologie en ce qui concerne le sujet de la recherche. Les projets se concentrent sur les hautes terres de la Nouvelle-Guinée et couvrent divers sujets : le changement social dans les îles du Pacifique ; le « problème multiforme de l’adaptation d’une population primitive aux valeurs et modes de vie modernes » ; ou encore « une étude du processus d’assimilation des immigrants européens récents en Australie ». Son projet final, « qu’[il] voudrai[t] mener [lui]-même », est l’étude d’une communauté indonésienne. Ces projets de recherche ont constitué la base de la recherche anthropologique à l’ANU dans les années 1950 et 1960.

Nadel meurt inopinément le 14 janvier 1956. W. R. Crocker, diplomate australien de haut rang et premier responsable des relations internationales au sein de l’ANU, déclare à son collègue Marcus Oliphant que Nadel, « un Juif d’Europe centrale (...) est mort subitement (...), ambitieux et entreprenant jusqu’au bout. À la surprise générale, il fut enterré en tant que catholique romain ; bien qu’il n’ait pas été pratiquant, il avait reçu le baptême catholique [44] ».

Au cours de ses six années passées à l’ANU, il avait réussi à « établir une chaire et un département connus dans le monde anthropologique, et à lancer et diriger la coordination d’une vingtaine de programmes de recherche importants sur le terrain qui ont été menés à leur terme [45] ». En effet, il y avait trois qualités pour lesquelles Derek Freeman, qui a rencontré pour la première fois Nadel à la LSE, se souvenait de lui. « L’esprit scientifique qui animait tant toutes ses activités ; « son intégrité absolue et son respect constant des principes éthiques ; et enfin, « un esprit d’une remarquable intelligence [46] ». Fortes, collègue et ami de longue date de Nadel (il fut le tuteur de sa fille), observait : « Ce qui impressionnait tous ceux qui ont rencontré Nadel [...] c’était la fécondité de ses idées [...] son audace dans la présentation de ses idées et sa capacité à répliquer rapidement aux autres points de vue [47] ».




[1Peter Loizos,”Nadel and the Bida journals : a view from a distance”, in Roger Blench (ed.), S. F. Nadel : the field diaries of an anthropologist in Nigeria 1935-1936, manuscrit non publié, 2006. L’anthropologue Adam Kuper présente Nadel comme une figure mineure (Anthropology and Anthropologists, Athlone Press, 1999), tandis que James C. Faris le traite avec mépris bien qu’il le considère comme une figure majeure du soutien à l’entreprise coloniale, et juge sa pensée défaillante (J. C. Faris dans Talal Asad, Anthropology and the Colonial Encounter, Humanity Books, 1973) Pour une bibliographie complète de Nadel voir Jana Salat, Reasoning as Enterprise. The Anthropology of S. F. Nadel, édition Herodot, 1983, p. 161-166. Je dédie cet article à la mémoire de Peter Loizos qui a partagé mon intérêt pour Nadel, et m’a fourni ses notes et ses bandes audio.

[2Keith Hancock à Raymond Firth, 3 mars 1949. FIRTH7/7/7/11.

[3De Firth à Hancock, le 9 mars 1949. FIRTH7/7/7/11. Nadel n’était pas considéré, en général, comme un homme «  facile à vivre  ». Voir Geoffrey Gray, «  The brightest of his generation : Siegfried Frederick Nadel, foundation professor of anthropology  », Australian National University. Document non publié 2018.

[4Les informations biographiques suivantes sont tirées principalement de Derek Freeman, «  Siegfried Frederick Nadel, 1903-1956  », Oceania 27 (1), 1956, p. 1-11  ; J. Salat, Reasoning as enterprise, op. cit.  ; ainsi que les documents des Archives de l’université de Vienne et les dossiers des étudiants et du personnel de Nadel à la LSE.

[5P. Loizos,”Nadel and the Bida journals”, art. cité, 2006, ii.

[6Anson Rabinbach, “The Austrian Civil War : Harvard and Vienna Conferences”. International Labor and Working Class History. Numéro 25, printemps 1984, p. 98-100.

[7Lemberg en allemand, Lwów en polonais, L’viv en Ukraine moderne. Omar Bartov, Erased. Vanishing Traces of Jewish Galicia in Present-day Ukraine. Princeton University Press. 2007  ; Benjamin Lieberman, Terrible Fate : Ethnic Cleansing in the Making of Modern Europe. Ivan R. Dee, éditeur, 2006  ; Christoph Mick, Lemberg, Lwów, L’viv, 1914 - 1947. Violence and Ethnicity in a Contested City. Purdue University Press, 2015.

[8Il avait une sœur, Else (née en 1905). Sa mère était Adele Hirschsprung.

[9Op. cit. (Voir note 1).

[10Marsha L. Rozenblit, The Jews of Vienna, 1867-1914, State University of New York Press, 1983, p. 40.

[11Nadel au Greffier, 29 avril 1945. Candidature au poste de maître de conférences en anthropologie sociale à la LSE. Archives LSE. Dossier du personnel, S. F. Nadel. Voir J. Salat, Reasoning as enterprise, op. cit., 1983, p. 125-133 pour une discussion sur Nadel et l’influence de la psychologie sur sa pratique et son travail théorique comme anthropologue.

[12Archives de l’Université de Vienne.

[13J. Salat, Reasoning..., op. cit., 25. Voir aussi Archives de l’Université de Vienne. Le vote a été de sept voix en faveur du rejet et de deux abstentions. Seul Bühler a soutenu Nadel tout en s’abstenant.

[14Sander L. Gilman, “Smart Jews in Fin-de-siècle Vienna : ’Hybrids’ and the anxiety about Jewish superior intelligence-Hofmannsthal and Wittgenstein”, Modernism/Modernity, vol. 3 (2), 1996, p. 46.

[15Voir le rapport des examinateurs (Nadel). Archives de l’Université de Vienne.

[16S. Gilman, «  Smart Jews  », art. cité, p. 46.

[17Voir Tibor Frank, Double Exile : Migrations of Jewish-Hungarian Professionals through Germany to the United States, 1919-1945, 2009.

[18La conversion était un moyen de cacher sa judéité aux autorités, bien que cela ne fût pas d’une grande utilité, en particulier après l’annexion de l’Autriche en 1938. En effet, «  Le juif est toujours reconnu  » (communication personnelle Konrad Kweit, juillet 1993). Voir Tim Bonyhady, Good Living Street : The Fortunes of My Viennese Family, Allen & Unwin, Sydney, 2011. La mère et la tante de Nadel furent déportées à Minsk en 1941. Les victimes étaient exécutées (par la police et les Waffen-SS) à leur arrivée dans une petite forêt  ; la mère et la tante de Nadel n’ont pas survécu (Sa sœur et son beau-frère ont émigré de Vienne à Tel Aviv selon Salat). Le sort de son père et des autres membres de sa famille n’est pas clair. Nadel et Lisbeth retournèrent à Vienne en 1955, un an après le départ des Soviétiques, peut-être pour retrouver des membres de leur famille, mais aucun dossier ne semble avoir été conservé de cette visite.

[19D. Freeman, «  Siegfried Frederick Nadel, 1903-1956  », art. cité, 1956, p. 3.

[20S. F. Nadel, Feruccio Busoni, 1866-1924. Leipzig, Breitkopf & Härtel, 1931. Nadel a écrit de la musique mais, malheureusement, sa collection de compositions (chansons, quatuors à cordes et concerto pour piano) a été détruite lors du bombardement de Londres en 1940. Voir aussi la demande de Nadel pour un poste de conférencier en 1946 dans lequel il mentionne le bombardement de sa maison et la destruction de ses papiers. S. F. Nadel, dossier personnel, LSE.

[21D. Freeman, «  Siegfried Frederick Nadel, 1903-1956  », art. cité, 1956, p. 3.

[22Holger Stoecker, 2008. Afrikawissenschaften à Berlin de 1919 à 1945. Zur Geschichte und Topographie eines wissenschaftlichen Netzwerrkes. Stuttgart : Franz Steiner Verlag  ;  ; H. Stoecker, “The advancement of African Studies in Berlin by the ’Deutsche Forschungsgemeinschaft’, 1920-1945”, in Helen Tilley avec Robert J. Gordon (dir.), Ordering Africa. Anthropology, European Imperialism and the Politics of Knowledge, Manchester, 2007 : 67-94  ; Benoît de L’Estoile, “Internationalization and ’Scientific Nationalism’ : the International Institute of African Languages and Cultures between the Wars”, in Helen Tilley avec Robert J. Gordon (dir.), Ordering Africa. 2007, p. 95-116. Derek Freeman a écrit que Nadel faisait preuve d’une facilité et d’une détermination remarquables dans l’apprentissage des langues, qui s’étendait à l’anglais. D. Freeman, «  Siegfried Frederick Nadel, 1903-1956  », art. cité, 1956, 3.

[23Voir Andre Gingrich, Alliances and Avoidance : British interactions with German-speaking Anthropologists 1933-1953. Dans Deborah James, Evelyn Plaice et Christina Toren (dir..), Culture Wars. Context, Models and Anthropologists Accounts, Berghahn, 2010  ; voir aussi Peter Kallaway, “Diedrich Westermann and the Ambiguities of Colonial Science in the Inter-War Era”, The Journal of Imperial and Commonwealth History, 45 : 6, 2017, 871-893, DOI : 10.1080/03086534.2017.1379672

[24J. Salat, Reasoning as enterprise, op. cit., 26.

[25Sauf indication contraire, ce qui suit est tiré de la candidature de Nadel à un poste de maître de conférences en anthropologie sociale à la LSE. Nadel au Greffier, 29 avril 1945. Candidature au poste de maître de conférences en anthropologie sociale à la LSE. Archives LSE. Dossier du personnel, S. F. Nadel. Il a donné la version suivante de son nom : Siegfried Ferdinand Nadel.

[26P. Loizos, ”Nadel and the Bida Journals : A View From a Distance”, art. cité, 2006, ii.

[27S.l., Oxford University Press, 1942.

[28Michael Young, communication personnelle (courriel) 2015. Voir aussi J. C. Faris, Anthropology and the Colonial Encounter, op. cit  ;, Paul Sillitoe, “Durham Anthropology : A Provincial History of a Provisional Discipline”, History and Anthropology, 2017, 18-22. http://dx.doi.org/10.1080/02757206.2017.1279158

[29Nadel 1942, p. xii.

[30P. Loizos, ”Nadel and the Bida Journals : A View from a Distance”, art. cité, 2006, p. iii.

[31Cité dans Loizos 2006, iv.

[32En Australie, le professeur d’anthropologie de l’université de Sydney, A. P. Elkin, fait des remarques similaires, à partir de la fin des années 1920, sur la valeur de l’anthropologie en tant que palliatif capable d’atténuer les excès du pouvoir colonial dans une colonie de peuplement qui s’arroge des terres indigènes : «  L’anthropologie sociale peut rendre un service inestimable en établissant les principes de la cohésion sociale et du changement social. Les connaissances ainsi acquises sont ensuite mises à la disposition de l’administrateur consciencieux pour l’aider à contrôler et à apporter des modifications à la vie des autochtones.  » (A. P. Elkin, “Anthropology and the Future of the Australian Aborigines”, Oceania, vol. 5 (1), 1934, 2). En outre, le fait d’embaucher des anthropologues professionnels comme anthropologues gouvernementaux en Papouasie et en Nouvelle-Guinée, qui étaient des possessions coloniales australiennes, mettait en évidence la valeur de l’anthropologie (voir, par exemple, Geoffrey Gray, «  Anthropological Expertise in the League of Nations ’C’ Mandate Territory of New Guinea  », in Philippe Bourmaud, Norig Neceu et Chantal Verdeil (dir.), Experts and Expertise in the League of Nations Mandates, Paris (à paraître). Malgré son affirmation selon laquelle «  l’anthropologue devrait recommander, conseiller, critiquer et prendre position sur les torts et les droits d’une politique  », Nadel est resté silencieux sur ces questions en Australie et dans les nations coloniales du Pacifique lorsqu’il était professeur d’anthropologie à la Australian National University, 1950-1956.

[33Voir «  Social responsibilities symposium ’, Current Anthropology, vol. 9 (5), 1968, p. 391-435  ; Gérard Leclerc, Anthropologie et colonialisme, collection Anthropologie Critique, Fayard, 1972.

[34Lord Lugard, qui a aidé à formuler la politique de l’Indirect Rule, est l’auteur de l’avant-propos à A Black Byzantium. Voir Sol Tax (dir.), An Appraisal of Anthropology Today, Actes de l’International Symposium on Anthropology tenu à New York, 1952. University of Chicago Press, 1953.

[35P. Loizos, ”Nadel and the Bida Journals : A View from a Distance”, art. cité, 2006, p. v  ; J. Salat 1983.

[36P. Loizos, compte-rendu de Reasoning as enterprise : The Anthropology of S. F. Nadel par Jana Salat. Man,, vol. 20, n° 2 (juin 1985), p. 374.

[37Pour une lecture critique de Nadel, voir James C. Faris, «  Pax Britannica and the Sudan : SF Nadel  », dans Talal Asad (dir.), Anthropology and the Colonial Encounter, Humanity Books, 1973, p. 153-170.

[38Il s’est enrôlé comme citoyen autrichien bien qu’on ne sache pas précisémentr s’il a été officiellement dépouillé de sa citoyenneté lorsque l’Autriche a été annexée par le régime nazi  ; le fait est très probable.

[39Paul Sillitoe, “Durham Anthropology : A Provincial History of a Provisional Discipline”, art. cité, 2017.

[40Extrait de R. Firth, 6 juillet 1949. Australian National University Archives 19/19.

[41J. Goody, The Expansive Moment, University of Cambridge Press, 1995, p. 152.

[42S. F. Nadel, “Research Projects in Anthropology’  », février 1951. Copie en possession de l’auteur.

[43Judith Wilson et Michael W. Young.,“Anthropology at the Research School of Pacific and Asian Studies : A Partial History”, Canberra Anthropology, vol.19 (2), 1996, p. 62-91.

[44W. R. Crocker, ’The A.N.U.- Ten Years Later” [dactylographié]. Papiers Crocker, Collections spéciales, Bibliothèque Barr Smith, Université d’Adélaïde. MSS 327 C938p S.R.R.2, série 9, vol. 1.1. Crocker, ostensiblementt antisémite, explique qu’à ceux qui veulent comprendre pourquoi l’antisémitisme surgit, ’Nadel en a montré la raison  ». Sa correspondance avec d’autres personnes au sujet de Nadel est entachée d’une telle opinion.

[45D. Freeman, «  Siegfried Frederick Nadel, 1903-1956  », art. cité, 1956, p. 9.

[46Ibid., p. 10.

[47Meyer Fortes, “Siegfried Frederick Nadel 1903-1956. A Memoir”, dans S. F. Nadel, The Theory of Social Structure, 1957, p. ix.