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Encyclopédie internationale
des histoires de l’anthropologie

Biblioteca de las Tradiciones Populares Españolas. Historique

Mercedes Gómez García‑Plata

CREC – Sorbonne Nouvelle

2015
Pour citer cet article

Gómez García–Plata, Mercedes, 2015. « Biblioteca de las Tradiciones Populares Españolas. Historique », in Bérose - Encyclopédie internationale des histoires de l'anthropologie, Paris.

URL Bérose : article678.html

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Publié dans le cadre du thème de recherche « Réseaux, revues et sociétés savantes en France et en Europe (1870-1920) », dirigé par Claudie Voisenat (Ministère de la Culture, Héritages) et Jean-Christophe Monferran (CNRS, Héritages).

El Folk-Lore Español. Biblioteca de las Tradiciones Populares Españolas, plus connue sous la deuxième partie de son titre et sous l’acronyme BTPE, est la deuxième revue fondée par Antonio Machado y Álvarez. Sa périodicité — censée être trimestrielle — et son titre rappellent la publication du professeur palermitain, Giuseppe Pitrè, Archivio per lo studio delle tradizioni popolari, que le folkloriste andalou avait en très haute estime.

On compte 11 volumes d’environ 300 pages in-4°, publiés entre 1883 et 1886, de Biblioteca de las Tradiciones Populares Españolas. La particularité typographique de la nouvelle revue est d’avoir une couverture aux couleurs du drapeau espagnol, et d’avoir imprimé les Bases del Folk-Lore Español en 2e et 3e de couverture. Chaque numéro est vendu au prix unitaire de 2,50 pesetas.
Si la nouvelle publication folklorique est dirigée par A. Machado y Álvarez, c’est son bras droit, Alejandro Guichot, qui apparaît comme éditeur principal, autrement dit qui finance les frais d’imprimerie à travers sa société, A. Guichot y Cía, laquelle édite également la collection « Biblioteca folklórica », dont le catalogue regroupant les principales publications folkloriques du réseau machadien est inséré à la fin des cinq premiers volumes de Biblioteca de las Tradiciones Populares Españolas.
Le premier numéro est imprimé à Séville par Francisco Álvarez (également imprimeur de El Folk-Lore Andaluz), alors que les dix suivants le sont à Madrid, par R. Fé. Ce changement est dû à des problèmes financiers de l’éditeur A. Guichot y Cía, comme le rapporte A. Machado y Álvarez dans sa correspondance.
Dans le prologue du premier volume, datant de juin-août 1883, le père du folklore espagnol justifie la nouvelle entreprise éditoriale. Il considère que même si la revue El Folk-Lore Bético-Extremeño (fusion des revues El Folk-Lore Andaluz et El Folk-Lore Frexnense) est la légitime représentante des études folkloriques espagnoles dans le concert des nations européennes, son format trop bref ne lui permet de donner priorité qu’aux articles et transcriptions de ses membres et ne peut accueillir les travaux de folklore plus anciens ou ceux d’autres régions d’Espagne, en particulier celles qui n’auraient pas encore constitué de société et qui seraient sans organe de diffusion. Biblioteca de las Tradiciones Populares Españolas a donc vocation à être la publication fédérative et à accueillir les travaux des folkloristes de toutes les régions d’Espagne — d’où la première partie du titre, El Folk-Lore Español, et l’insertion des Bases en 2e et 3e de couverture —, mais aussi de toute la péninsule. Elle représente un projet plus ambitieux que les autres revues des sociétés régionales existantes. En enlevant les rubriques d’informations, de recensions et de bibliographie, qui servaient d’outil de liaison et de revue d’actualité scientifique, pour ne garder que les travaux de folklore (résultats de collecte ou articles théoriques), A. Machado y Álvarez souhaite assigner à la Biblioteca de las Tradiciones Populares Españolas le rôle de véritables « archives scientifiques ».
Le contenu des onze volumes de la Biblioteca de las Tradiciones Populares Españolas est le suivant [1] :

Tomo I (junio-agosto 1883, F. Álvarez, Sevilla)

  • Prólogo de Antonio Machado y Álvarez
  • Costumbres populares andaluzas, por Luis Montoto (suite d’article)
  • Cuentos populares españoles anotados y comparados con los de otras colecciones de Portugal, Italia y Francia, por Antonio Machado y Álvarez (suite d’article)
  • Supersticiones populares recogidas en Andalucía y comparadas con las portuguesas, por Alejandro Guichot y Sierra (suite d’article)

Tomo II (1884, R. Fe, Madrid)

  • El folk-lore de Madrid, por Eugenio de Olavarría y Huarte (article)
  • Juegos infantiles de Extremadura recogidos y anotados por Sergio Hernández de Soto. (suite d’article)
  • De los maleficios y los demonios, libro quinto del "Hormiguero" escrito por el prior fr. Juan Nyder ... y trasladado del idioma latino al castellano con interesantes adiciones, por don José María Montoto (Mosen Oja Timorato) (suite de traduction)

Tomo III (1884, R. Fe, Madrid)

  • Lo maravilloso popular. El basilisco, datos y materiales recogidos y ordenados, para el estudio del mito por Alejandro Guichot y Sierra. (article)
  • Juegos infantiles de Extremadura, recogidos y anotados por Sergio Hernández de Soto (suite d’article)
  • De los maleficios y los demonios, libro quinto del "Hormiguero" escrito por el prior fr. Juan Nyder (suite de traduction)

Tomo IV (1884, R. Fe, Madrid)

  • Folk-lore gallego, discurso de Emilia Pardo Bazán ; miscelánea (transcription en galicien)
  • De los maleficios y los demonios libro quinto del "Hormiguero" escrito por el prior fr. Juan Nyder (suite de traduction)
  • Costumbres populares andaluzas, por Luis Montoto (suite d’article)

Tomo V (1884, R. Fe, Madrid)

  • Estudios sobre literatura popular, por Antonio Machado y Álvarez (recueil d’articles divers)

Tomo VI (1884, R. Fe, Madrid)

  • Prólogo de Antonio Machado y Álvarez
  • Apuntes para un mapa topográfico-tradicional de la villa de Burguillos perteneciente a la provincia de Badajoz, por M. R. Martínez. (article)
  • Apéndices (Antonio Machado y Álvarez)

Tomo VII (1885, R. Fe, Madrid)

  • Prólogo de Theóphilo Braga (en portugais)
  • Cancionero popular gallego y en particular de la provincia de la Coruña, por José Pérez Ballesteros, t. I (suite de transcription, en galicien)
  • Apéndices (Antonio Machado y Álvarez)

Tomo VIII (1886, R. Fe, Madrid)

  • Prólogo de F. Adolpho Coelho (en portugais)
  • « A rosa na vida dos povos », por Cecilia Schmidt Branco. (article en portugais)
  • Contribución al Folk-Lore de Asturias. Folk-lore de Proaza, notas y apuntes recogidos y ordenados, por L. Giner Arivau. (article)

Tomo IX (1886, R. Fe, Madrid)

  • Cancionero popular gallego y en particular de la provincia de la Coruña, por José Pérez Ballesteros. t. II (suite de transcription, en galicien)

Tomo X (1886, R. Fe, Madrid)

  • Cuentos populares de Extremadura, recogidos y anotados por Sergio Hernández de Soto. t. I (suite de transcription)

Tomo XI (1886, R. Fe, Madrid)

  • Cancionero popular gallego y en particular de la provincia de la Coruña, por José Pérez Ballesteros. t. III (suite de transcription, en galicien)

Les contributions par auteurs se répartissent de la façon suivante : A. Machado y Álvarez est, sans surprise, le plus gros contributeur avec six travaux divers incluant des prologues, des appendices, une suite d’article et même un volume entier. Sergio Hernández de Soto, José Pérez Ballesteros et José María Montoto sont les auteurs de trois suites d’article, chacun, suivis par A. Guichot et L. Montoto à qui l’on doit deux contributions (un article et une suite d’article). Quant à M. R. Martínez, E. Pardo Bazán, L. Giner Arivau et E. de Olavarría y Huarte et les Portugais T. Braga, A. Coelho et C. Schmidt Branco, ils sont les auteurs d’une seule contribution.

Les contributions par régions d’Espagne ou par sujets sont réparties comme suit : Le folklore d’Estrémadure et de la Galice est le sujet de quatre travaux, celui d’Andalousie en compte trois et les Asturies et Madrid un chacun. Il y a trois articles généraux sur le folklore et une curiosité folklorique.

Le premier volume réunit le prologue de A. Machado y Álvarez pour présenter la nouvelle publication, ainsi que trois articles d’une longueur conséquente. Le premier intitulé « Costumbres populares andaluzas », de Luis Montoto, consacré au « corral de vecinos » et aux coutumes qui régissent cet habitat particulier à la fois collectif et individuel (les métiers de ses habitants, les jeux de l’enfance, les mariages, la sociabilité populaire) est en fait la réunion de plusieurs travaux que l’auteur avait publiés sous forme de suite d’article dans El Folk-Lore Andaluz, retravaillés, réordonnés avec une introduction.
Le deuxième article « Cuentos populares españoles anotados y comparados con los de otras colecciones de Portugal, Italia y Francia » est une transcription de collection de contes. Dans l’introduction, A. Machado y Álvarez précise que cette suite de transcription fera l’objet de trois parties : d’abord, la transcription des contes proprement dite, puis leur comparaison avec d’autres contes issus d’autres folklores européens, enfin une série d’observations. Il justifie ce découpage en expliquant que la lecture est plus aisée pour un lecteur non averti si les contes sont indépendants de l’analyse. En réalité il n’y a que les transcriptions de contes dit « espagnols », car ils sont en langue espagnole, les cinq premiers ayant été recueillis au Chili (repris d’un folkloriste anglais de la Folk-Lore Society), les autres en Estrémadure et en Andalousie, par A. Machado y Álvarez et ses collaborateurs (A. Guichot et sa propre mère). Il y a, pour chaque conte, indication du nom du collecteur et du lieu de collecte.
Le troisième, intitulé « Supersticiones populares recogidas en Andalucía y comparadas con las portuguesas », de A. Guichot, compare ou plutôt met en regard différentes superstitions andalouses et portugaises. En effet, la superstition est énoncée et suivie, le cas échéant d’une semblable, tirée d’autres collections castillanes et portugaises (les différentes collections sont citées en introduction), les remarques du collecteur-comparateur n’apparaissant que sous forme de notes de bas de page. Ce travail comparatif est cependant incomplet, car il s’agit à nouveau d’une suite d’article.
Dès le premier volume, la Biblioteca de las Tradiciones Populares Españolas marque une évolution par rapport aux autres revues folkloriques espagnoles ayant existé ou existantes. En premier lieu, elle réunit des travaux épars pour contribuer à l’objectif, revendiqué à plusieurs reprises par le père du folklore espagnol et ses plus proches collaborateurs, d’archiver des matériaux. Les articles sont aussi beaucoup plus longs et la limitation de chaque volume à trois matières ou travaux évite l’éparpillement. Cependant, aussi bien dans ce volume que dans les suivants, le format de suite d’articles ou de suite de transcriptions est le plus présent en dépit de la volonté affichée dans le prologue de laisser place à des travaux plus ambitieux et plus longs que ceux que les revues El Folk-Lore Andaluz et El Folk-Lore Bético-Extremeño avaient l’habitude de publier. On note toutefois une certaine ambiguité entre la prétention annoncée, à savoir constituer des archives scientifiques, et la volonté de toucher un public non averti par certains choix éditoriaux, par exemple la publication indépendante des contes par rapport à leur étude théorique ou la préférence accordée aux volumes monographiques, à partir de l’année 1885. Cette poursuite de deux lectorats n’est pas sans poser problème, même si on peut y reconnaître l’idéalisme du directeur de la publication qui souhaite ainsi gagner de nouveaux lecteurs à la cause folklorique pour qu’ils participent à leur tour à ce vaste chantier de collecte. Peut-être s’agit-il aussi tout simplement d’un artifice commercial afin de vendre les volumes au-delà du réseau des folkloristes, car l’argent, le nerf de la guerre, est bien ce qui fait défaut pour mener à bien l’ambition éditoriale. En effet, dès la première année, la périodicité de la publication censée être trimestrielle est loin d’être régulière : si l’année 1883 ne comptait qu’un seul numéro, alors qu’il aurait dû y en avoir trois, l’année 1884 voit paraître cinq volumes sans aucune indication de mois sur les couvertures. Il est vrai que le tome V est une réédition des travaux de A. Machado y Álvarez sur la littérature populaire antérieurs à 1879, publiés dans différentes revues et réunis en un seul volume, faisant état de l’étape historique de la genèse des études folkloriques.
En ce qui concerne l’ambition d’instituer la Biblioteca de las Tradiciones Populares Españolas en tant que revue des folklores d’Espagne et au-delà, celle des folklores de toute la péninsule ibérique, on remarque que les travaux des différentes sociétés régionales nouvellement créées sont valorisés. Par exemple, le volume II met à l’honneur le folklore de Madrid, à la suite de la constitution de El Folk-Lore Castellano, en novembre 1883, dans une étude signée par son secrétaire, E. de Olavarría y Huarte. Il en va de même pour le volume IV, consacré à la Galice, qui édite le discours inaugural de sa présidente, E. Pardo Bazán, ainsi que des miscellanées de transcriptions de folkloristes galiciens. Néanmoins, si le centre folklorique galicien fournit à la revue matière pour plusieurs volumes, la société castillane est nettement moins productive. Le plus gros contributeur régional à la nouvelle revue est d’ailleurs la société folklorique estrémègne, très active dans la mise en œuvre des projets machadiens. Conformément au vœu du fondateur, on retrouve aussi des contributions des folkloristes portugais, que ce soit sous forme de prologues ou d’un article général. Par ailleurs, grâce aux différentes langues des prologues ou des transcriptions, on voit poindre la diversité linguistique que le père du folklore espagnol voulait tant voir reflétée. Celle-ci se réduit aux langues de l’Ouest péninsulaire, tout comme le réseau des sociétés, mais cet aperçu laisse présager des résultats de l’ambition machadienne si elle avait pu être menée à son terme.
Quant au travail de J. M. Montoto, il s’agit d’une traduction d’un texte latin, De los maleficios y demonios, écrit par un prieur du xve siècle, ouvrage similaire au Traité des superstitions, en d’autres termes un traité dû à un homme d’Église et recensant des pratiques et des croyances populaires dans un but de contrôle religieux. Il correspond à ce que A. Machado y Álvarez, dans son prologue, avait qualifié de « folklore ancien ».
Les volumes VIII à XI annoncent peu à peu la fin de l’entreprise éditoriale de la Biblioteca de las Tradiciones Populares Españolas. Bien que la couverture garde toujours les couleurs du drapeau espagnol, les Bases del Folk-Lore Español cessent d’apparaître en 2e et 3e, remplacées par le catalogue de la « Biblioteca folklórica » et par une liste des ouvrages folkloriques européens. D’autre part, la « patte » de A. Machado y Álvarez, soit son investissement intellectuel, y est de moins en moins présente au point que les trois derniers volumes ne comprennent aucun de ses textes. Sans prologue, ils ne comportent que la suite des transcriptions des volumes antérieurs, comme s’il fallait bien publier ce qui avait été annoncé, mais que le cœur n’y était plus.
Les problèmes cumulés au cours de ses trois années de publication ont eu raison de l’ambitieux dessein machadien de constituer des archives qui seraient le reflet du grand chantier du folklore d’Espagne. La cause principale de l’arrêt de la publication semble sans aucun conteste attribuable au désengagement progressif de son fondateur et directeur, de plus en plus découragé par une santé et des finances précaires qui rendent chaque fois plus difficile la concrétisation des différents projets qu’il porte à bout de bras (revues, fédération des sociétés régionales, travaux de collecte, synthèses, musée folklorique, etc.).




[1Sont indiquées entre parenthèses la nature du travail (article, suite d’article, etc. selon la nomenclature utilisée lors du descriptif de la revue El Folk-Lore Andaluz), ainsi que la langue dans laquelle il a été réalisé.

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