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International Encyclopaedia
of the Histories of Anthropology

De la poésie au folkore du Nivernais. Biographie d’Achille Millien (1838-1927)

Pierre Marcotte

École des Chartes, Paris

2012
To cite this article

Marcotte, Pierre, 2012. « De la poésie au folkore du Nivernais. Biographie d’Achille Millien (1838-1927) », in BEROSE International Encyclopaedia of the Histories of Anthropology, Paris.

URL BEROSE: article533.html

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Published as part of the research theme “Networks, Journals and Learned Societies in France and Europe (1870-1920)”, directed by Claudie Voisenat (Ministère de la Culture, Héritages) and Jean-Christophe Monferran (CNRS, Héritages)

Achille Millien naît à Beaumont-la-Ferrière (Nièvre) le 4 septembre 1838. Ce n’est que quatre ans plus tard qu’il est reconnu par son père, quand ce dernier épouse Jeanne Bouteau, sa domestique et la mère du jeune Achille. Son enfance se passe toute entière dans son village natal, jusqu’à ce que la poursuite de sa scolarité réclame qu’il entre au pensionnat du collège de Nevers. Dans ce lieu, Achille Millien cultive une affinité certaine pour les lettres née à Beaumont-la-Ferrière au contact des livres.

De cette passion, il se fait une vocation. Il se lance en effet pleinement dans la carrière poétique à la mort de son père, en 1858, et peut-être avant déjà. Il publie en 1860 son premier recueil, La Moisson, préfacé par Thalès Bernard. Ce dernier est le mentor de Millien, tant par ses remarques stylistiques que par ses conseils pratiques, confinant parfois au cynisme, pour percer sur la scène littéraire parisienne. Cependant, il ne s’installe pas durablement dans la capitale et, après ses débuts en poésie, on ne le voit plus quitter Beaumont qu’exceptionnellement.
Il est très difficile d’avoir une idée précise de la notoriété qu’acquiert Millien par ses écrits. Il doit sans doute connaître un certain succès d’estime dans les milieux autorisés, succès qui lui vaut plusieurs distinctions de l’Académie française ou encore, en 1875 et 1877, une édition de luxe refondue en deux tomes de ses six recueils alors parus. Passée cette date, son activité de poète se ralentit, sans pour autant s’interrompre totalement.
À partir du milieu des années 1870, Millien forme le projet d’un recueil de chansons populaires. Ce projet prend un tour plus concret dès 1876, mais les balbutiements de sa collecte sont mal connus. En revanche, 1877 est une année décisive, puisqu’elle voit le violoniste et compositeur Jean-Grégoire Pénavaire, ami de Millien depuis les années 1860, s’agréger à l’entreprise en commençant la notation des mélodies de chansons. En effet, le poète a pu en relever les paroles mais non la musique, faute de savoir-faire en la matière.
Parallèlement à cette entreprise, Millien entre en contact avec d’autres collecteurs et folkloristes qu’il connaît déjà par son activité littéraire ou qui s’organisent autour de la revue Mélusine. Ses premières relations doivent surtout lui permettre de constituer une bibliothèque de travail pour aider à la préparation de sa propre publication. Ses relations avec Eugène Rolland mais surtout avec Paul Sébillot débouchent dans les années 1880 sur des collaborations plus suivies : Millien est un contributeur régulier des premiers tomes de la Revue des traditions populaires, de même qu’il renseigne Rolland ou Sébillot à plusieurs reprises sur les chansons, contes ou coutumes du Nivernais.
Parmi les antagonismes qui traversent le milieu folkloriste naissant, Millien adopte de fait une position plutôt neutre. Il est principalement sollicité par Paul Sébillot, avec lequel ses rapports sont cordiaux. Mais cela ne l’empêche pas de répondre à des demandes d’Eugène Rolland pour son Recueil de chansons populaires ou de publier des poèmes dans La Tradition, d’Henry Carnoy. Millien ne prend d’ailleurs jamais ouvertement position, depuis Beaumont-la-Ferrière, dans ce qui apparaît essentiellement comme des débats parisiens entre théoriciens du folklore, ce que Millien n’est pas.

Le milieu des années 1890 constitue un tournant important dans la vie du poète nivernais. Le régionalisme qui se fait jour dans une certaine frange de la jeunesse littéraire française se structure autour de revues et de groupes nouveaux. Le Nivernais connaît, dans une certaine mesure, ce mouvement intellectuel. En publiant ses Étrennes nivernaises puis en fondant et en dirigeant la Revue du Nivernais, Achille Millien formalise son rôle de figure tutélaire pour les jeunes artistes locaux.

Cet élan est également pour lui l’occasion de relancer la publication de son grand œuvre : son encyclopédie folklorique du Nivernais, entamée à la fin des années 1870 et dont la publication est constamment repoussée. Depuis la naissance du projet, cet ensemble a gagné en importance : il est question, en 1896, de publier sept volumes, chiffre qui lui-même augmente par la suite. Ce n’est qu’en 1904 que la parution débute en supplément de la Revue du Nivernais. Les trois premiers tomes des Chants et chansons populaires paraissent de cette façon. Mais en 1910, victime d’une attaque cérébrale, Millien perd une grande partie de ses moyens physiques. Sa vue, notamment, devient trop faible pour poursuivre le déchiffrement de toutes ses notes de collecte.

À partir de cette date, Millien cherche à réactiver sa revue et sa collection. Il reçoit en cela l’aide de plusieurs disciples et amis nivernais. C’est ainsi que ces derniers organisent en 1913 une série de manifestations destinées à lever des fonds pour apporter des liquidités aux projets éditoriaux et assurer la subsistance du poète, considérablement appauvri depuis les années 1890. Ce sont ces mêmes amis qui œuvrent pour lui obtenir la Légion d’honneur, chose accomplie en 1921. Dans ce même mouvement paraissent deux anthologies de Millien ; la première, conçue par un comité nivernais, paraît en 1924 tandis que la seconde, fruit du travail de Maurice Mignon, professeur de lettres à l’université, voit le jour en 1925.

Millien n’abandonne pas non plus la publication de son encyclopédie folklorique. Après diverses tentatives, il obtient du conseil général de la Nièvre, en septembre 1922, une subvention destinée à établir une copie lisible de ses notes de collecte. Le travail est coordonné par les Archives départementales mais bien vite abandonné par les quelques personnes de bonne volonté qui avaient proposé leurs services contre rémunération.

Achille Millien s’éteint le 12 janvier 1927, à Beaumont-la-Ferrière.

Ses notes de folklore sont toujours aux Archives départementales de la Nièvre, rejointes depuis 2000 par le reste de ses papiers (lettres, manuscrits).

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    Achille Millien dans son jardin, 1924. Archives départementales de la Nièvre (cote 82 J 371)

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